Leopardi

Leopardi

Giacomo Leopardi

Giacomo Leopardi, né le 29 juin 1798 à Recanati et mort le 14 juin 1837 à Naples, est un moraliste, poète et philosophe italien.

Giacomo Leopardi
Les deux dernières éditions de Giacomo Leopardi parues de son vivant, éditées par Stella à Naples (1835).
Giacomo Leopardi sur son lit de mort en 1837.
Tombe de Giacomo Leopardi, au Parco Virgiliano, à Naples.

Sommaire

Biographie

Fils aîné du comte Monaldo Leopardi et de la marquise Adélaïde Antici, Giacomo Leopardi est issu d'une famille noble de province. Son éducation est rigide et religieuse, sa santé très délicate ; sa vie à Recanati est monotone. Le jeune Leopardi mène une vie solitaire dans la bibliothèque paternelle dont il dévore les ouvrages, tout en souhaitant constamment que la mort le délivre : « Je suis mûr pour la mort. »[1]

Il est perçu dans le monde littéraire comme « poète du pessimisme », comme l'illustre le célèbre vers d'Alfred de Musset : « Sombre amant de la mort, pauvre Leopardi ». Ses ouvrages en prose traduisent également cet état d’âme : Petites Œuvres morales (Operette morali, 1826-1827), Les Cent Onze Pensées (Cento undici pensieri, posthume, 1845) et son énorme journal philosophique, le Zibaldone, paru de façon posthume en 1900.

Leopardi s'adonne à la philologie dès l'âge de quinze ans. À seize ans, il annote La Vie de Plotin par Porphyre de Tyr et écrit un essai sur Les erreurs populaires des anciens.

À vingt ans, il écrit Premier Amour à la suite d'une désillusion amoureuse. Sa disgrâce physique et sa pauvreté affectent sa vie.

Durant cette même période, il fait la connaissance de Pietro Giordani ; mais les espoirs déçus que cette amitié suscite précipitent sa rupture avec la foi religieuse. Giordani, moine émancipé, n'a pas perçu le besoin de Leopardi d'avoir un ami qui le sorte de sa solitude. Sa foi bascule, ses opinions philosophiques changent radicalement, ce qui l'oppose à son père, lui-même écrivain. La maison familiale, qu'il ne parvient pas à quitter, lui devient insupportable (« abborrito e inabitabile Recanati »).

Dans une lettre du 6 mars 1820, Leopardi relate un rêve à Giordani : « Ces luttes de l'esprit et de l'âme, ce moment précis où la crise éclate dans toute son intensité et l'on s'aperçoit tout à coup que l'on vient de franchir la limite cruciale entre la foi et le doute... »

C'est une conception identique de la vie qui émerge, au même moment, chez le poète italien confiné dans sa petite ville et chez le philosophe allemand Schopenhauer. Ces deux hommes ne se sont probablement jamais rencontrés ni écrit, et Leopardi n'a pas lu le livre de Schopenhauer Le monde comme volonté et comme représentation. Leopardi résume sa philosophie du pessimisme dans le concept d'infelicità. Leopardi n'écrit pas pour propager ses idées ; il chante en poète son mal de vivre et en tire une vision de la condition humaine. Il ne veut pas adhérer à l'école des lyriques et des désespérés qui l'ont réclamé pour leur frère. Il ne veut pas du désespoir intellectuel et garde sa liberté de pensée.

Il voyage beaucoup mais ses ressources financières sont faibles. Au mois d'octobre 1822, sur les instances de quelques amis, il quitte Recanati pour Rome. Il rencontre des amis — Barthold Georg Niebuhr, ministre de Prusse à la cour pontificale, Alessandro Manzoni, le baron Christian Cari Josias Bunsen (1791-1860), diplomate, archéologue et historien, successeur de Niebuhr comme ministre de Prusse, Johann Gothard Reinhold (1771-1838), ministre de Hollande, bibliothécaire d'Angelo Mai — et se fait des ennemis — le bibliothécaire Guglielmo Manzi. Il ne trouve pas de situation stable, refuse d'entrer en prélature et ne se résout pas à un emprunt qui aurait amélioré sa condition. Il ne demande rien à son père qui ne lui propose aucune aide financière. Tout juste Leopardi opte-t-il pour du travail d'édition et se voit-il chargé de dresser le catalogue des manuscrits grecs de la bibliothèque Barberine. Les quelques voyages hors de la maison familiale seront brefs, à Bologne, Pise ou Florence.

Son nationalisme apparaît dans ses poèmes À l’Italie, Sur le monument de Dante (1818) ou À Angelo Mai (1822). Il est fasciné par la gloire passée de l'Italie mais, après Dante, Le Tasse et Alfieri, ne lui voit plus aucun avenir et condamne la France pour avoir envoyé à la mort les légions italiennes durant la campagne de Russie. Dante a préféré l'enfer à la Terre, et Leopardi lui-même, dans le poème Paralipomènes de la Batrachomyomachie, décrit de façon sarcastique sa propre descente aux enfers.

Brutus le Jeune (1821) est une illustration du pessimisme de Leopardi ; Brutus était le dernier des anciens sages et il ne reste après lui aucune noble espérance. Leopardi s’oppose aux romantiques dans son Discours sur la poésie romantique (1818) et découvre un an plus tard la philosophie sensualiste du Siècle des Lumières qui influencera considérablement son œuvre. Il chante le néant de l’homme face à la nature avec Le Genêt ou la Fleur du désert, et son désespoir dans La Vie solitaire (1821), L’infini (1819) et À Sylvie.

Biographie poétique

Leopardi, dès son enfance, cherche à atteindre la « gloire des lettres ». Il se réfugie pour cela, dès l'âge de dix ans, dans la grande bibliothèque de son père, où il passe « sette anni di studio matto e disperatissimo » (sept années d’étude, fou, sans espoir) au cours desquelles il apprend seul le latin, le grec, l'hébreu et plusieurs langues modernes dont l'anglais et le français.

Les premières œuvres sont des produits de pure érudition classique et des traductions philologiques que l’on appelle « puerilia ».

C’est en 1816 que Leopardi traverse une première période de transformation poétique, appelée par les critiques « conversion littéraire », c'est-à-dire un passage de l’érudition au sentiment philosophique du beau.

Une deuxième conversion se produit en 1819, celle-ci est la « conversion philosophique », marquée par le passage du beau au « vrai ». Leopardi se rend compte de la nullité des choses humaines ; il écrit dans le Zibaldone « nel nulla io stesso » (« dans le néant moi-même »).

Il est atteint en 1819 par une ophtalmie qui l'empêche de lire et le conduit à une tentative de suicide.

En 1822, Leopardi s’échappe du « natio borgo selvaggio » (« bourg sauvage natif », c'est-à-dire Recanati). Il se rend à Rome mais la ville le déçoit et il parcourt toute l’Italie : Milan, Florence, Pise, Naples.

Cette première période, jusqu’en 1822, est caractérisée par une production littéraire constituée notamment par des chansons patriotiques (All’Italia) et des idylles (du nom des œuvres du grec Moschus, que Leopardi avait traduites en 1815).

Les œuvres successives se divisent en deux groupes :

- Les grandes idylles (comme De Sanctis les appelle), composées entre Pise et Recanati.

- Les Operette Morali (Petites œuvres morales) où il rédige une satire de la société contemporaine qu’il estime être dégradée et trop attachée aux biens terrestres.

Œuvres

  • Canti (Chants)
  • Operette morali (Petites œuvres morales)
  • Zibaldone di pensieri
  • Discorso di un italiano intorno alla poesia romantica
  • Discorso sopra lo stato presente dei costumi degli italiani
  • Pensieri (Pensées)
  • Epistolario (Bollati Boringhieri, Turin, 1998)

Quelques traductions en français

  • Correspondance générale, trad. par Monique Baccelli et introd. par Antonio Prete, Allia, Paris, 2007.
  • Chants/Canti, trad. et prés. par Michel Orcel, Aubier, Paris, 1995; puis GF Flammarion, Paris, 2005.
  • Zibaldone, trad. et prés. par Bertrand Schefer, Allia, Paris, 2003.
  • Keats et Leopardi. Quelques traductions nouvelles, par Yves Bonnefoy, Mercure de France, Paris, 2000.
  • Mémoires de ma vie, trad. présenté et commenté par Joël Gayraud, José Corti, Paris, 1999.
  • Théorie des arts et des lettres, trad., présenté et commenté par Joël Gayraud, Allia, Paris, 1996.
  • Eloge des oiseaux, trad. et présenté par Joël Gayraud, Mille et une nuits, Paris, 1995.
  • Pensées, trad. par Joël Gayraud, éd. commentée par Cesare Galimberti, Allia, Paris, 1994.
  • Journal du premier amour, trad. et prés. par Joël Gayraud, Allia, Paris, 1994.
  • La Théorie du plaisir, trad. par Joël Gayraud, présenté et commenté par Giorgio Panizza, Allia, Paris, 1994.
  • Le Massacre des illusions, trad. par Joël Gayraud, présenté et commenté par Mario-Andrea Rigoni, Allia, Paris, 1993.
  • Petites œuvres morales, trad. par Joël Gayraud, présenté par Giorgio Colli, Allia, Paris, 1992.
  • Dix Petites Pièces philosophiques, trad. et prés. par Michel Orcel, Cognac, 1985.
  • Lettre inédite de Giacomo Leopardi à Charlotte Bonaparte, présentée par Giorgio Panizza (trad. Joël Gayraud), Allia, Paris, 1996.
  • Philosophie pratique, textes choisis présentés par René de Ceccatty, Ed.: Payot-Rivages, ISBN 2-7436-0416-6, 1998,

Biographie

  • Damiani (R.), Vita di Leopardi, Mondadori, Milan, 1992
  • Paolo Abbate, "La Vita Erotica di Léopardi", c.i. Edizioni, luglio 2000.

Critique

  • Baldacci (L.), Il male nell'ordine, Milan, 1997
  • Larbaud (V.), Jaune bleu blanc, Gallimard, Paris, 1927
  • id., Sous l'invocation de saint Jérôme, Gallimard, Paris, 1946
  • Nietzsche (F.), Intorno a Leopardi, Ed. Il melangolo, Gênes, 1992
  • Orcel (M.), "Le son de l'infini" in Langue mortelle, Paris, 1987
  • id., Trois guerriers plus un, Cognac, 1993
  • id., "Leopardi et le jardin du mal" in Italie obscure, Paris, 2001
  • Prete (A.), Il pensiero poetante, Milan, 1980
  • Rigoni (M. A.), Il pensiero di Leopardi, Milan, 1997
  • Sainte-Beuve, Portrait de Leopardi, Allia, Paris, 1994
  • Ungaretti (G.), Innocence et mémoire, trad. par Ph. Jaccottet, Paris, 1969*

Notes

  1. « Je suis mûr pour la mort, et il me paraît trop absurde, alors que je suis mort spirituellement, et que la fable de l’existence est achevée pour moi, de devoir durer encore quarante ou cinquante ans, comme m’en menace la nature. » (Petites œuvres morales)

Liens externes

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