Les Mille et Une Nuits

Les Mille et Une Nuits
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Les Mille et Une Nuits : photo de deux pages d'un manuscrit syrien du XIVe siècle.
Bibliothèque nationale de France.

Les Mille et Une Nuits (arabe : ألف ليلة وليلة Kitāb ʾAlf Laylah wa-Laylah, litt. Le Livre de mille nuits et une nuit) est un recueil anonyme de contes populaires en arabe, d'origine persane et indienne. Il est constitué de nombreux contes enchâssés et de personnages mis en miroir les uns par rapport aux autres.

Sommaire

Les origines du recueil : la tradition orale

L'origine des contes présents dans les Mille et Une Nuits, avant recueil, est difficile à déterminer du fait de leur transmission par oral et de l'absence de sources écrites. Les contes se sont probablement propagés de l'Inde à l'Iran, puis au monde arabe. Figés à l'écrit au XIIIe siècle seulement[1], les contes sont donc le résultat de la fusion de nombreuses versions orales[2]. Un texte arabe de 987 mentionne l'existence d'un livre persan intitulé Les Mille Contes. Si certains indices indiquent une influence persane, d'autres pourraient faire remonter l'origine des Mille et Une Nuits jusqu'à l'Inde du IIIe siècle[3]. Certains contes semblent aussi proprement arabes[4].

Un recueil peu étudié

Contrairement aux fables animalières Kalila et Dimna ou aux Maqâmât d'al-Hariri, le recueil de contes est considéré comme marginal dans la littérature arabe[5] , et relève non pas des belles lettres (adâb) mais d'un registre populaire[2].

Il est possible que l'ouvrage original en persan, le Hazār-afsāna, ait relevé du genre du « miroir des princes », et contenu des récits exemplaires destinés à l'éducation des gouvernants. Mais à côté d'un récit-cadre qui est resté stable (l'histoire de Shéhérazade, qui encadre toutes les autres), le reste des contes aurait alors considérablement changé - comme le titre persan d'ailleurs - et une nouvelle matière y a été introduite. L'absence du recueil persan - les seuls manuscrits en persan connus sont des traductions du XIXe siècle réalisées depuis la traduction de Galland - empêche d'en savoir plus.

Ces contes furent ensuite diffusés en Europe, profitant de la mode de l'orientalisme et du travail d'Antoine Galland.

Les traductions

La traduction d'Antoine Galland

La première traduction française est l'œuvre d'Antoine Galland publiée de 1704 à 1717[6], mais une partie a été rédigée par lui-même, en s'inspirant des récits que lui avait contés son assesseur syrien. Pour faire prendre corps et esprit au personnage de Shéhérazade, cet antiquaire du roi (puis professeur de langue arabe au Collège de France) s'est inspiré de Madame d'Aulnoy et de la marquise d'O, dame du palais de la duchesse de Bourgogne.

Selon Abdelfattah Kilito, cette compilation de récits anonymes ne remplit aucun des critères classiques de la littérature arabe : un style noble, un auteur précis et une forme fixe ; de plus, elle met en avant de nombreux particularismes et dialectes locaux, bien éloignés de l'horizon des lettres, ce qui laisse à penser que si Galland n'avait pas transmis cette mémoire, elle aurait disparu.

Par ailleurs, Antoine Galland aurait intégré aux Mille et une Nuits des textes n'y figurant pas à l'origine. Ainsi les Aventures de Sinbad et d’Aladin ne faisaient pas partie de l'œuvre en elle-même, mais figuraient sur des manuscrits joints.

La traduction de Mardrus

Ayant connu la traduction remaniée et amoindrie en éléments, le docteur Joseph-Charles Mardrus, ami d'André Gide, publia une nouvelle traduction des Mille et Une Nuits. Marcel Proust, par exemple, évoque sa mère qui n'ose le priver de la traduction de Mardrus tout en lui conseillant de s'en tenir à celle de Galland[7]. La version de Mardrus, plus complète que celle de Galland et plus proche des textes arabes, se caractérise par un style fleuri, un goût de l'orientalisme parfois à la limite du cliché et un érotisme débordant.

La traduction de André Miquel et Jamel Eddine Bencheikh

En 1991, pour la Bibliothèque de la Pléiade, André Miquel et Jamel Eddine Bencheikh, érudits et spécialistes du sujet, publient une nouvelle traduction.

La traduction de Richard Francis Burton

Illustration de l'édition de Burton

En anglais, la traduction de Richard Francis Burton est l'une de celles qui aura le plus marqué : il est le premier à réaliser la traduction complète vers l'anglais, avec une rigueur que n'avait pas l'édition de Galland (textes de Bulaq). Elle compte 17 volumes, écrits de 1885 à 1888.

Les récits

Les Mille et Une Nuits sont constituées de contes enchâssés, et de personnages en miroir les uns par rapport aux autres.

Le sultan Shahryar, déçu par l'infidélité de son épouse, la condamne à mort et, afin de ne pas être à nouveau trompé, il décide de faire exécuter chaque matin la femme qu'il aura épousé la veille. Shéhérazade, la fille du grand vizir, est désignée pour épouser le sultan. Aidée de sa sœur, elle raconte chaque nuit au sultan une histoire dont la suite est reportée au lendemain. Le sultan ne peut se résoudre alors à tuer la jeune femme ; il reporte l'exécution de jour en jour afin de connaitre la suite du récit commencé la veille. Peu à peu, Shéhérazade gagne la confiance de son mari et finalement au bout de mille et une nuits, il renonce à la faire exécuter[8].

Au XXIe siècle, les Mille et Une Nuits sont constituées d'un centre commun, une trentaine d'histoires (le récit-cadre ou l'histoire de Shéhérazade, Le Marchand et le Génie, Le Pêcheur et le Génie, Les Dames de Bagdad, Les Trois Calenders, Les Trois Pommes, Le Bossu et les histoires qui y sont incluses) et d'un ensemble de récits extrêmement variés qui relèvent aussi bien de la littérature savante que d'une littérature plus « populaire ». On y rencontre par exemple des djinns, des éfrits et des goules. Mais s'il fallait caractériser les Mille et Une Nuits, il faudrait les associer aux centaines d'autres recueils de contes du même genre qui étaient en circulation dans le domaine arabe (les Mille et Une Nuits ne sont pas un livre isolé).

Voici une liste de quelques contes des Mille et Une Nuits parmi les plus connus (certains ne sont pas issus des plus anciens manuscrits connus, mais ont été ajoutés par la suite. C'est le cas des sept voyages de Sindbad le marin, d'Ali Baba, d'Aladin et la lampe merveilleuse.) :

Le succès

Lorsque parurent les premières traductions d'Antoine Galland, l'audience du livre fut immédiate en Europe, et devint rapidement l'objet d'étude et un succès de la littérature de colportage. Les écrivains du XIXe siècle, enfiévrés d'Orient, en firent leur livre de chevet. Jules Janin, enthousiasmé, disait que sa lecture relevait presque d'un « acte patriotique ».[réf. nécessaire] Plus tard, le livre devint l'un des premiers titres à succès des collections Hachette et de la bibliothèque de gare.

De nombreux illustrateurs se sont appropriés Les Mille et une nuits, comme les Français Gustave Doré, Roger Blachon, Françoise Boudignon, André Dahan, Amato Soro, Albert Robida, Alcide Théophile Robaudi et Marcelino Truong, l'Anglais William Blake, l'Italien Emanuele Luzzati, l'Allemand Morgan, le Belge Carl Norac et le Turc Emre Orhun.

Dans les versions éditées dans les pays arabes, un narrateur masculin se trouve adjoint à Shéhérazade pour rétablir l'équilibre des sexes et amoindrir l'atteinte à l'autorité du sultan, si habilement contournée par la malignité de la jeune femme.

Une version du livre fut interdite en Égypte en 1980. Une seconde, publiée en 2010 par un organisme gouvernemental, fut attaquée par un groupe d'avocats islamistes égyptiens (les "Avocats sans frontières") pour obscénité. L'ouvrage est propre, selon eux, à encourager le « vice » et le « péché ». En s'appuyant sur un article du code pénal égyptien punissant de deux ans de prison les « offenses à la décence publique », ils demandèrent la saisie de l'ouvrage et la poursuite de ses éditeurs[9],[10].

Illustrations

Voici quelques illustrations des Mille et Une Nuits effectuées par le peintre persan Sani ol-Molk (1849-1856).

Adaptations

Au cinéma et à la télévision

Les adaptations au cinéma et à la télévision ont été nombreuses. On peut citer :

  • Le film Dunia (2005) de Jocelyne Saab porte notamment sur l'interdiction des Mille et Une Nuits en Égypte pour « pornographie ».

Au théâtre

Baïbars, adaptation de Marcel Bozonnet à la Faïencerie de Creil, en France en 2010

  • L'Amour impossible d'après les Mille et une nuits, spectacle réalisé par Bruno de La Salle dans le cadre des Rencontres d'Aubrac [13]

En bandes dessinées

Bibliographie

Traductions

Les différents textes publiés peuvent présenter d'importantes différences. Ils sont issus de quelque 70 manuscrits originaux, qui appartiennent généralement à deux grandes lignées : d'une part les textes dit de la branche égyptienne (éditions Bûlâq / Calcutta), généralement les plus complets, et d'autre part les manuscrits issus de la branche syrienne (dont le texte de Galland). Les traductions proposées sont parfois issues de recompositions de plusieurs manuscrits.

De nombreuses traductions ont été ensuite proposées en différentes langues.

Analyses

  • Aboubakr Chraïbi (dir.), Les Mille et une nuits en partage, Actes Sud-Sinbad, 528 p.
  • N. Elisseef, Thèmes et motifs des Mille et une nuits, essai de classification, Institut français de Damas.
  • Édouard Brasey, Les Sept Portes des Mille et une nuits, Le Chêne, 2003.
  • Jamel Eddine Bencheikh et André Miquel, Les Mille et Une Nuits, 2 Tomes, Gallimard, 1991.
  • Malek Chebel, La féminisation du monde, Essai sur les Mille et Une Nuits, Payot, 1996. ISBN 2228890510
  • Pascal Bancourt, Les Mille et Une Nuits et leur trésor de sagesse, Dangles, 2007.
  • Jean-François Perrin, Les transformations du conte-cadre des Mille et Une Nuits dans le conte orientalisant français du XVIIIè siècle, RHLF, 2004.
  • Revue scientifique Féeries, n° 2/2004-2005. Publication collective sous la direction de JF Perrin. L’invention d’un genre littéraire au XVIIIe siècle : le conte oriental.
  • Vidéoconférence du Collège de France, intitulée Les mille et une nuits, donnée par André Miquel, professeur honoraire au Collège de France (2006/06/05)
  • Aboubakr Chraïbi "En dire plus ou en dire moins : traduire les Mille et une nuits" vidéo de sa conférence dans le cadre des Rencontres Littéraires d'Aubrac, disponible sur le site des Archives Audiovisuelles de la Recherche http://www.archivesaudiovisuelles.fr/FR/_video.asp?format=69&id=1562&ress=4710&video=7567

Notes et références

Notes

  1. a et b Boulaq est le nom d'une ville égyptienne où le texte a été imprimé pour la première fois en 1835.

Références

  1. Le plus ancien manuscrit connu est celui utilisé par Galland, en quatre volumes, qui lui fut envoyé d'Alep. Il est actuellement conservé, à l'exception d'un volume disparu, à la Bibliothèque nationale de France, ms ar. 3609 à 3611
  2. a et b L'étrange et le merveilleux en terres d'Islam [cat. exp. Paris, musée du Louvre, 2001]. Paris : éditions de la réunion des musées nationaux, 2001. p. 18-19
  3. (fr)Présentation de l'oeuvre sur pages.infinit.net. Consulté le 4 décembre 2010.
  4. Le gros plan du site de l'exposition l'art du livre arabe à la BNF
  5. L'Art du livre arabe, [cat. exp. Paris, Bibliothèque nationale de France, 2001-2002], Paris : BNF, 2001. p. 196 : « Le texte, transmis oralement, est à la fois discrédité par son origine étrangère et par l'absence d'un travail sur la langue et le style »
  6. notice BNF
  7. « Comme jadis à Combray quand elle me donnait des livres pour ma fête, c'est en cachette, pour me faire une surprise, que ma mère me fit venir à la fois Les Mille et Une Nuits de Galland et Les Mille et Une Nuits de Mardrus. Mais après avoir jeté un coup d'œil sur les deux traductions, ma mère aurait bien voulu que je m'en tinsse à celle de Galland, tout en craignant de m'influencer à cause du respect qu'elle avait de la liberté intellectuelle, de la peur d'intervenir maladroitement dans la vie de ma pensée, et du sentiment qu'étant une femme, d'une part elle manquait, croyait-elle, de la compétence littéraire qu'il fallait, d'autre part elle ne devait pas juger d'après ce qui la choquait les lectures d'un jeune homme. » À la recherche du temps perdu, Gallimard, Pléiade, t. 3, p. 230
  8. Elle lui a aussi donné trois enfants pendant cette période.
  9. (en)1001 Nights' faces legal ban...again sur www.almasryalyoum.com. Consulté le 4 décembre 2010.
  10. (fr)Egypte: interdiction des 1001 Nuits ? sur www.lefigaro.fr. Consulté le 4 décembre 2010.
  11. XI Biennale du Fort de Bron
  12. Le Progrès, 15 mai 2008.
  13. http://rencontresaubrac.free.fr/ ; la vidéo est disponible sur le site des Archives Audiovisuelles de la Recherche http://www.archivesaudiovisuelles.fr/FR/_video.asp?id=1117&ress=3435&video=92207&format=69

Annexes

Articles connexes

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