Loi de sûreté générale

Loi de sûreté générale

Loi de sûreté générale du second Empire

La loi de sûreté générale du second Empire permet de punir de prison toute tentative d'opposition et autorise, entre autres, l'arrestation et la déportation sans jugement, d'un individu condamné pour délit politique depuis 1848. Ce projet de loi prévoit enfin des peines d'amendes ou de prisons contre ceux qui se seraient concertés en vue d'agir à l'encontre du gouvernement.

Sommaire

Contexte

On a généralement pour habitude de diviser l'histoire du second Empire en deux phases. Certes, ce découpage peut être perçu comme un peu facile, mais il a pour avantage de bien cerner les deux temps de cette période de l'histoire politique française. Une période que l'on peut qualifier de véritable césure entre la IIème République de 1848 à 1852 et la IIIème République de 1870 à 1940. Cet Empire peut donc se diviser en deux temps : le premier temps de 1852 à 1860 est généralement connu sous le terme d'Empire autoritaire ; le second temps de 1861 à 1870 est une période de relative libéralisation de l'Empire. La première phase du règne de Napoléon III, c'est-à-dire l'empire que l'on qualifie d'autoritaire, mérite une nuance. En effet, durant ces années, Louis Napoléon Bonaparte adopta une conception révolutionnaire de la souveraineté du peuple, l'amenant à placer le suffrage universel au cœur de son système politique. Incarnant la souveraineté populaire contre le système de gouvernement représentatif, Napoléon a su bâtir un système qui lui permet, selon un paradoxe qui ne doit rien au hasard, de gouverner despotiquement au nom du peuple. C'est ce que l'on appelle le césarisme démocratique. Mais la création d'un régime autoritaire ne veut pas dire une mise en place d'un régime qui peut se protéger de toute opposition. En cela, l'attentat d'Orsini apparaît comme le point d'orgue d'une série de tentatives de meurtres qui se sont succédé depuis 1854. Néanmoins ces conséquences politiques vont accentuer l'arbitraire du régime. En effet, après cet attentat raté, le gouvernement réagit par un durcissement de sa politique : suppression des journaux, division de la France en cinq départements militaires dont chacun est confié à un maréchal. À cela s'ajoute la nomination d'un personnage célèbre pour sa poigne de fer : le général Espinasse, au ministère de l'Intérieur et de la Sûreté générale. Puis, la constitution dès le 1er février d'un conseil privé par Napoléon qui peut se transformer, si besoin est, en conseil de régence. Enfin, la création d'un projet de loi de sûreté générale appelé aussi "loi des suspects".

Les raisons de la loi de sûreté générale et son contenu formel

Dès sa nomination comme ministre de l'Intérieur et de la Sûreté générale, Espinasse ordonne aux préfets d'arrêter "les hommes les plus dangereux" de leur département. En clair, il leur demande de "mettre hors d'état de nuire" un quota fixé à l’avance de 1000 suspects selon des critères précis. En effet, pour Espinasse, est considérée comme suspecte toute personne ayant déjà été condamnée pour des raisons politiques entre 1848 et 1851, ou bien frappée par les commissions mixtes en 1852. Les républicains sont particulièrement touchés par cette mesure. En tous les cas les préfets s’exécutent et sur ces 1000 personnes arrêtées de façon tout à fait arbitraire, environ 430 ont ensuite été déportées ou exilées en Algérie.

Malgré tout, il était nécessaire pour le régime de légaliser, voire de permettre, la systématisation, si l'on peut dire, de ces arrestations. Le gouvernement adresse dès le 1er février 1857 un projet de loi dit de "sûreté générale". Il permet de punir de prison toute tentative d'opposition et autorise, entre autres, l'arrestation et la déportation sans jugement, d'un individu condamné pour délit politique depuis 1848. Ce projet de loi prévoit enfin des peines d'amendes ou de prisons contre ceux qui se seraient concertés en vue d'agir à l'encontre du gouvernement. "Que ceux qui ne conspirent pas se rassurent" affirme Morny défendant le projet de loi devant le Corps législatif. Pourtant, il n'en reste pas moins vrai que cette loi promulguée le 27 février 1858, suite à l'attentat de Felice Orsini, méconnaît les base les plus élémentaires du droit et révèle l'ampleur des craintes du pouvoir ainsi que sa fragilité.

De la critique à l’abrogation de la loi

Dans un premier temps le Corps législatif a accueilli avec frilosité ce projet de loi, car le budget nécessaire à sa réalisation est accepté difficilement. En effet, la nouvelle chambre mise en place par Napoléon III manifeste encore plus d’exigence que sa devancière. Il y a même une certaine animation dans les débats autour de cette loi : environ vingt quatre députés, par exemple, votent contre celle-ci. Ce sont des monarchistes tel que le comte de Favigny ou le marquis de Mortemart, mais encore des républicains comme Hénon ou Émile Ollivier, lui-même fils d’un proscrit exilé à Cayenne en 1852. Ce dernier estime que cette loi est scandaleuse car elle permet au régime de frapper tous ceux « dont le ton et les allures déplaisent ». Cependant, l'opposition de ces quelques députés est à relativiser face au vote favorable des 237 autres membres du Corps législatif. Ce nombre de membres montera à 292 en 1869.

Pour être complet il faut se pencher sur l'importance, ou non, de l'opposition du Sénat. Celle-ci est relativement limitée puisqu'elle n'est représentée que par le général Mac Mahon. L’important à retenir, c’est qu’une opposition, quoique minoritaire, existe bel et bien au sein même des institutions pour contrer cette loi liberticide dans un régime déjà autoritaire. L’opinion accueille défavorablement cette loi lors de sa promulgation le 27 février. L’addition de ces différents éléments fait prendre conscience à Napoléon III qu’il fait fausse route. Il se voit dans l'obligation d'abandonner cette mesure au moment même où celle-ci est passée de l’état de projet, à celui de loi à part entière.

Cette loi, comme nous l'avons vu précédemment, est assez vite abandonnée. Dès l'année suivante le régime affirme sa volonté d’aller vers plus de libéralisme en promulguant une loi d'amnistie. Cette loi concerne les 1800 condamnés politiques qui n'avaient pas encore bénéficié de cette nouvelle attitude politique du régime . Beaucoup d'exilés acceptèrent cette clémence et rentrèrent en France. D'autres la refusèrent avec hauteur. On compte parmi ces exilés réfractaires Victor Hugo : "s'il n'en reste qu'un, je serai celui-là". Mais encore Louis Blanc, Victor Schoelcher ou Edgar Quinet: "Je ne suis ni un accusé, ni un condamné, je suis un proscrit. J'ai été arraché de mon pays, pour être resté fidèle à la loi, au mandat que je tenais de mes concitoyens. Ceux qui ont besoin d'être amnistiés, ce ne sont pas les défenseurs des lois; ce sont ceux qui les renversent. On n'amnistie pas le droit et la justice". Cette première mesure d'amnistie n'était pas dictée par la seule humanité de Napoléon III, il s'agit aussi d'introduire une faille dans le camp républicain entre ceux qui acceptent et ceux qui refusent l'amnistie. Néanmoins, cette mesure marque bien l'abandon officiel de la loi de sûreté générale, bien qu'elle ne sera officiellement abrogée qu'en 1870. Elle est donc potentiellement utilisable par le régime jusqu'à son effondrement.

Bibliographie

Ouvrages généraux

  • CARON (Jean-Claude), VERNUS (Michel), L'Europe au XIX siècle: Des nations aux nationalismes 1815-1914, 2e tirage, Armand Colin, Paris, 2007, 477 pages.
  • GARRIGUES (Jean), La France de 1848 à 1870, Cursus série Histoire, Armand Colin, Paris, 2002.
  • GARRIGUES (Jean), LACOMBE (Philippe), La France au 19e siècle:1814-1914, Campus Histoire, Armand Colin, 2004.

Ouvrages spécialisés

  • PRADALIÉ (Georges), Le Second Empire, 9e édition, Que sais-je ?, Presses Universitaires de France, Paris, 1996, 127 pages.
  • YON (Jean-Claude), Le Second Empire: Politique, société, culture, collection U-Histoire contemporaine, Armand Colin, Paris, 2004, 255 pages.
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