Louis Francois de Bourbon-Conti

Louis Francois de Bourbon-Conti

Louis François de Bourbon-Conti

Louis François de Bourbon-Conti

Louis François de Bourbon-Conti, comte de La Marche puis (1727) prince de Conti, est né le 13 août 1717 à Paris dans l’hôtel de Conti[1] et mort le 2 août 1776 à Paris .

Le prince de Conti est l'un des personnages clefs de l’opposition princière à Louis XV et un des collectionneurs d’art les plus importants de la seconde moitié du XVIIIe siècle. Il joue un rôle central dans la vie de la cour de Versailles dans les années 1740 et 1750 et un rôle ambigu dans la vie de la ville de Paris dans les années 1760 et 1770.

Le prince de Ligne, dans ses Mémoires, donne un portrait mitigé de ce prince du sang, qu'il présente comme un prince fier et ambitieux, qui a reçu une culture et une éducation conformes à un membre de la famille royale, qui peut être « généreux, éloquent et majestueux », mais dont le caractère noble et ambitieux le conduit, en même temps, à travailler avec le Parlement pour « jouer un rôle » dans la plus pure tradition de la Fronde.

Finalement, sans avoir les capacités d’être roi, il est « propre à tout et capable de rien ».

Sommaire

Biographie

Hôtel de Conti, à Saint-Germain

Fils de Louis Armand de Bourbon, prince de Conti[2] et de Louise Élisabeth de Bourbon-Condé, cousin de Louis XV, Louis François de Bourbon-Conti n'est baptisé que le 23 avril 1721 dans la chapelle du palais des Tuileries. Il a pour parrain Louis XV et pour marraine la princesse palatine, duchesse douairière d'Orléans, mère du régent.

Il est d'abord élève chez les Jésuites au collège Louis-le-Grand avant de continuer ses études sous la direction d'un précepteur, toujours issu de la Compagnie de Jésus.

Il épouse, le 22 janvier 1732, la plus jeune des filles du Régent, Louise Diane d'Orléans (1716-1736), qui donne naissance à un enfant en 1734, Louis-François-Joseph, comte de la Marche et le dernier des princes de Conti.

D'une liaison avec Mme Dailly, née Marie-Claude Gauché, il a par ailleurs deux fils naturels, reconnus par testament l'avant-veille de sa mort :

  • François Claude Fauste de Bourbon-Conti (1771-1833), dit le marquis de Rémoville, mort célibataire et sans postérité ;
  • Marie François Félix de Bourbon-Conti (1772-1840), dit le chevalier d'Hattonville[3].

Une brillante carrière militaire

Le jeune prince Louis-François mène une carrière brillante dans l’armée du roi. Il est fait chevalier de l'ordre du Saint-Esprit le 1er janvier 1733. Sous les ordres du maréchal de Berwick, il participe à la guerre de Succession de Pologne en 1733.

Il revient à Paris à l'hiver, puis participe au siège de Philippsburg au printemps 1734 et est nommé maréchal de camp le 15 juin. Il rentre à Paris par permission spéciale du Roi pour assister à la naissance de son fils le 1er septembre. En 1735, il rejoint l'armée d'Allemagne et est promu lieutenant général.

Cruellement éprouvé par la disparition de sa femme en 1736, il se retire dans son château de L'Isle-Adam où il passe deux ans, cherchant à tromper son chagrin en s'adonnant à sa passion de la chasse.

Au début de la guerre de Succession d’Autriche, il sollicite un commandement mais, faute d'avoir obtenu satisfaction, il part sans autorisation rejoindre l'armée du maréchal de Maillebois. Le Roi, apprenant son insubordination, le fait mettre aux arrêts mais, grâce à l'intercession de sa mère, il est libéré et peut faire la campagne de Bohême comme simple volontaire sans grade. Le 27 mai 1743 à la bataille de Deckendorf, il a son cheval tué sous lui et perd ses équipages. Sa bravoure touche Louis XV, qui lui octroie en récompense une augmentation de 36 000 livres sur son gouvernement du Poitou et le reçoit au château de Fontainebleau le 9 novembre.

Le 1er février 1744, Conti reçoit le commandement d'une armée de 30 000 hommes qui va combattre avec les Espagnols contre le Charles-Emmanuel III de Sardaigne. Il rejoint à Aix-en-Provence, le 14 mars, l'infant d'Espagne, Don Philippe, commandant en chef des deux armées réunies. En avril, Conti occupe le château d'Apremont et Nice. Le 20, il attaque le col de Villefranche et, le 22, prend le fort du Mont Alban sur les hauteurs de Nice ainsi que le Château-Dauphin. Au siège de Demont, il rétorque au général espagnol de la Mina, qui déclare la place imprenable, le mot fameux : « Impossible n'est pas français ! »[réf. nécessaire]. De fait, la forteresse est prise le 17 août.

Lors de la bataille de Coni, le 30 septembre, Conti charge à la tête de ses troupes, culbute une colonne ennemie sur une de ses batteries et retourne ses canons contre elle. Il a deux chevaux tués sous lui et la cuirasse percée en deux endroits. Après cette victoire héroïque, qui lui vaut la réputation d’un héros, le roi fait chanter en son honneur un Te Deum à Notre-Dame. Mais Conti, en désaccord avec le général espagnol, lève le siège et rentre à Versailles le 9 décembre.

Le succès rend le prince plus ambitieux et plus fier encore. Il réclame au roi des charges militaires de plus en plus importantes, mais celui-ci ne les lui accorde pas toujours. Louis XV n’ose pas lui confier les plus hautes fonctions dans l’armée, car par certains côtés, il craint son cousin. Grâce à sa popularité, le jeune prince, à qui tout semble réussir, est devenu un personnage influent parmi les militaires et la cour.

En 1745, Conti reçoit le commandement de l'armée du Bas-Rhin mais se voit intimer l'ordre de rester sur la défensive. Le 1er mai 1746, il est commandant en chef et prend Mons le 12 juillet et Charleroi le 1er août. En récompense, Louis XV lui concède six pièces de canon, qui orneront l'avant-cour du château de L'Isle-Adam. Mais, à la suite d'un différend avec le maréchal de Saxe en Flandre en 1746, Conti démissionne avec éclat, vend ses équipages, rentre en France.

Le 15 août 1746, Conti se présente à Versailles devant le Roi. Les retrouvailles sont cordiales et Louis XV lui confère le brevet de généralissime. Mais, le maréchal de Saxe s'étant plaint de la conduite du prince, Louis XV a avec ce dernier une explication orageuse, à la suite de laquelle Conti, ulcéré, décide de se retirer à L'Isle-Adam. C’est donc par une brouille avec le roi que se termine sa brillante carrière militaire.

Courtisan

Les relations du prince de Conti avec Louis XV restent toujours assez difficiles. Le Roi estime son cousin à la fois pour ses qualités en matière politique, militaire et juridique, mais il redoute ses ambitions. Malgré cela, Louis XV, entouré de conseillers qui ne sont pas toujours sans ambitions personnelles non plus, est fatigué, las des intrigues politiques qui se trament autour de lui et recherche en son cousin le confident qui lui manque.

Protégé par la maîtresse du Roi, Mme de Châteauroux, le prince de Conti gagne de l’influence sur le Roi. C’est ainsi qu'il peut élargir son influence à Versailles jusqu'à la mort de Mme de Châteauroux en 1744. En observant le changement de protection à la cour après la mort de la maîtresse royale, Choiseul remarque :

« [Conti] perdait une protectrice très efficace. Son éloignement l’avait préservé de toutes les tracasseries qui avaient régné depuis huit mois ; il avait une espérance certaine que Mme de Châteauroux, son amie, reprendrait son empire sur le Roi, qui se portait bien. M. le prince de Conti avait de grandes vues de gloires et de commandement, et le manque d’un appui tel que celui de la maîtresse lui faisait entrevoir quelques obstacles à son roman d’ambition ; car non seulement, il perdait beaucoup de temps en perdant la dernière maîtresse, mais il était incertain de son crédit vis-à-vis de la prochaine. »

Ce n’est pas par hasard si Choiseul parle d’un « roman d’ambition » du prince de Conti. Comme en témoigne le duc, bénéficier de la protection d’une maîtresse royale pouvait être décisif à la cour de Versailles. Et Choiseul de se poser la question : Conti pourra-t-il compter sur l’appui de la prochaine maîtresse royale ? Effectivement, Mme de Pompadour, la nouvelle maîtresse en titre, ne protégea pas le prince et n’eut de cesse, au contraire, de diminuer son influence sur le roi. L’arrivée de Mme de Pompadour à la cour sonna donc le glas des ambitions politiques de Conti. Elle était trop ambitieuse pour accepter dans l’entourage du roi un prince du sang investi de missions importantes au service des stratégies européennes de la France. Comme les autres conseillers du roi, la Pompadour craint l’emprise du prince sur le Roi. Elle le dessert donc systématiquement dans l’esprit du Roi, une campagne d’autant plus efficace qu’elle sait le Roi hésitant à accorder son entière confiance au prince.

Ministre et diplomate

À partir de la fin de 1752, Louis XV prend les conseils de son cousin pour sa correspondance secrète avec les ambassadeurs. Il est associé pendant dix ans à la conduite de la diplomatie française. Ministre sans portefeuille, Conti est placé à la tête du secret du Roi, véritable service d’espionnage. Il consistait en un réseau d’agent secrets qui procurait au roi des informations sur toutes les cours d' Europe. Ce réseau parallèle à la voie diplomatique officielle avait été installé par Louis XV pour deux raisons : il se méfiait des ses propres diplomates et projetait de faire élire le prince de Conti, roi de Pologne comme l'avait été brièvement le grand père de ce dernier.

En effet, Louis XV se retrouvait dans une situation comparable à celle de son arrière-grand-père Louis XIV, qui cherchait à éloigner de la cour les princes du sang susceptibles – comme au temps de la Fronde – de se dresser à nouveau contre son pouvoir. À cette fin il avait fait élire le grand-père du prince de Conti, François Louis de Bourbon-Conti, roi de Pologne[4].

Louis XV fait de même : il cherche à satisfaire les ambitions de son cousin avec le trône polonais. En le plaçant à la tête de la monarchie polonaise, il peut tout à la fois conserver un allié important en Europe, bénéficier de son appui et l’éloigner de la cour. Cette stratégie n’est pas partagée par tous les conseillers du roi, qui n’apprécient pas outre mesure les qualités politiques du prince. Le marquis d’Argenson écrit au sujet des négociations entre le prince et les délégués polonais :

« Sitôt après son départ, j’appris que M. le prince de Conti songeait sérieusement à la couronne de Pologne ; je n’avais encore rien vu de si surprenant et de si absurde. Il me vint prôner un soir à Versailles avec beaucoup de mystère un M. Blandowski, gentilhomme polonais. […] Il [Blankowski] trouvait au contraire dans M. le prince de Conti tant de présomption et si peu de fond, tant de paroles et si peu de suite, qu’il ne pouvait s’embarquer sur ses promesses. »

Le cardinal de Bernis, comme beaucoup de gens à la cour, trouve les ambitions du prince « surprenantes et absurdes », une opinion apparemment partagée par les Polonais. En dépit de ses conseillers, Louis XV continue néanmoins de soutenir son cousin en vue du trône polonais pendant les années 1740 et 1750.

Pendant toute cette période, Conti est un véritable « powerbroker » à la cour de Versailles, comme l’analyse John Woodbridge dans son ouvrage sur le prince. La cour de Versailles et surtout les conseillers du roi voient en lui une menace pour leurs propres ambitions. Une opposition interne menée par la marquise de Pompadour contre Conti se crée très vite à la cour. Ainsi, le cardinal de Bernis écrit à propos du prince de Conti :

« C’est un prince qui a beaucoup d’esprit et de connaissances, mais, à moins que le roi admette dans son conseil un prince de son sang, il sera toujours plus sage de l’écarter des grandes affaires. »

Le roi d’ailleurs est le premier à se souvenir de la Fronde princière du XVIIe siècle, il n’ignore pas que son cousin ferait n’importe quoi pour satisfaire ses ambitions personnelles. Comme il a déjà été souligné ci dessus, le roi est indécis et demeure partagé sur l’attitude qu’il convient d'adopter envers son cousin. Le prince de Conti avait montré à plusieurs reprises qu’il n’était pas toujours le plus loyal des princes envers le roi. Quant à ses ambitions, elles ne le portaient pas à se contenter de ne jouer qu’un petit rôle dans le « théâtre de Versailles ».

Grand Prieur de l'ordre souverain de Malte

Sous l’influence de la marquise de Pompadour, le roi cherche une autre fonction pour le prince, autant pour l’éloigner de Versailles que pour lui procurer une charge non seulement prestigieuse, mais également lucrative (un aspect non négligeable pour Conti, qui s’endettait en permanence). Louis XV intervient auprès du pape Benoît XIV et, le 16 avril 1749, Conti est élu grand prieur de l'Ordre de Malte à Paris.

Bien que l’ordre, dans un premier temps, soit assez sceptique à l'arrivée de ce prince du sang, à la réputation d’athée et de libertin, à la tête de leur commanderie, Conti, rapidement, s’acquitte fort bien de ses devoirs de grand prieur et contribue à la prospérité de l’ordre. Il fait construire des nouveaux bâtiments, qui sont loués surtout à des nobles et à des débiteurs dans l’enclos du Temple, échappant à la juridiction du roi. Comme grand prieur de l’ordre, Conti a l’usufruit du palais du Temple et jouit des privilèges attachés à la charge, entre autres la franchise, le droit d’asile et certaines libertés vis-à-vis à la justice royale. Certes, le prieuré de France n’était pas le trône de Pologne, mais le prince disposait d’un véritable petit royaume au cœur de la ville de Paris.

À partir de 1756, Conti s’installe définitivement dans le palais prieural pour y mener la vie d’un prince frondeur, en lutte contre l’absolutisme royal qu’il ressent comme despotique.

Le frondeur anti-absolutiste

En tant que grand prieur, Conti emploie l’avocat janséniste Louis Adrien Le Paige comme bailli du Temple. À côté de ses écrits théologiques, Le Paige est connu pour ses attaques contre le despotisme royal – notamment dans ses Lettres historiques sur les fonctions essentielles du Parlement, sur le droit des Pairs, et sur les lois fondamentales du royaume de 1753 – et contre les Jésuites dans les Nouvelles ecclésiastiques, qui paraissent à partir de 1727. Il collabore avec Conti pour rédiger des projets de loi et des remontrances, que le prince propose avec une « éloquence mâle et persuasive » devant le Parlement.

Le jansénisme, à l’origine un mouvement théologique né au XVIe siècle, a évolué en un mouvement politique au XVIIIe siècle. Le conflit entre le pape Clément XI et les jansénistes – notamment à propos de la bulle Unigenitus de 1713, rédigée à l’initiative de Louis XIV qui envisageait d’excommunier les jansénistes de l’église catholique s’ils ne renonçaient pas à leurs théories – est également lié à celui qui oppose ultramontains et gallicans. Il marque le XVIIIe siècle comme aucun autre conflit religieux. Nombreux sont les parlementaires qui, opposés à l’intervention du pape dans la politique religieuse conduite en France, affichent leur indépendance en s’alliant à la cause janséniste. Le roi, quant à lui, reste fidèle au pape et interdit aux parlementaires de se prononcer à ce sujet. À plusieurs reprises, le parlement est exilé. Le désaccord est tel que le prince de Conti, membre de la chambre des pairs du Parlement de Paris de par sa naissance, sert d’intermédiaire entre les deux partis jusqu’en 1756. Il a beaucoup d’influence et sur le roi et sur le Parlement, et peut ainsi négocier des accords entre ces deux pouvoirs. Ce n’est qu'après sa rupture avec le roi que Conti s’engage sans ambiguïté du côté des parlements contre le roi. Influencé par les jansénistes, il est persuadé que le roi devait être seulement un primus inter pares, accordant au Parlement le droit de juger les nouvelles lois et aux princes du sang une partie du gouvernement dans le royaume. M. Dutens, diplomate franco-britannique à Paris, nous donne plus d’information au sujet du prince opposé au roi :

« M. le prince de Conti ensuite se jeta entièrement dans l’opposition aux mesures de la Cour, et acquit une telle influence dans le parlement de Paris, qu’aucune affaire importante n’y passoit contre son avis. Connaissant très-bien la Constitution françoise, soutenu par une éloquence mâle et vigoureuse, appuyé de la dignité de son rang, il entraînoit tous les suffrages, et persuadoit les autres princes du sang de s’unir à lui. »

Le grand éclat entre le prince et le roi survient en 1756, au début de la guerre de Sept Ans. Auparavant, de grosses difficultés entre le prince et le roi avaient déjà surgi à propos du Renversement des Alliances. La signature d’un traité entre l’ancien allié de la France, la Prusse, et son ancien et futur ennemi, la Grande-Bretagne, donne naissance à une nouvelle réflexion sur le positionnement stratégique de la France en Europe, qui concrètement aboutit à une nouvelle alliance entre la France et l’Autriche et, finalement, à une nouvelle guerre. La marquise de Pompadour se montre favorable au renversement des alliances ; quant à Conti, il est contre un changement de la politique extérieure du royaume. Il s’était exprimé sur ce point dans son « Système de politique générale », dans lequel il plaide pour la stabilité des puissances européennes telle que définie dans le cadre des traités de Westphalie de 1648. Suivant en cela la politique que menaient déjà Richelieu et Mazarin, il voulait maintenir l’alliance avec les Turcs, les Polonais et la Prusse, contre les Autrichiens. Sous l’influence — surestimée dans l’historiographie — de Mme de Pompadour, le roi qui partageait auparavant l’opinion du chef de sa diplomatie secrète, change de politique. Après les traités de Versailles en 1756, la nouvelle alliance avec l’Autriche subit sa première épreuve avec la guerre de Sept Ans – la France est battue par la Prusse et la Grande-Bretagne. Dès le début de la guerre, Conti, hostile à l’alliance avec les Autrichiens contre la Prusse et la Grande-Bretagne, se brouille avec le roi. En 1756 toujours, quand Conti prend position pour le Parlement contre le nouveau vingtième, une énième taxe pour financer la guerre et quand, de surcroît, le roi ne lui accorde aucun commandement dans la conduite de cette guerre, la rupture entre le roi et lui est définitive. Le marquis d’Argenson évoque ce moment dans ses Mémoires :

« L’on dit qu’au lit de justice M. le prince de Conti opina fortement quand M. le chancelier lui demanda son avis, et que le Roi, qui l’entendit, le regarda avec des yeux de colère. Le voilà tout à fait brouillé avec le Roi, et voilà un chef tout prêt pour les mouvements de résistance ou de révolte qui pourrait s’en suivre. »

C’est donc à partir de 1756 que Conti n’est plus admis à la Cour et ne va plus à Versailles. Il se partage entre son château de L'Isle-Adam et le palais du Temple à Paris. Écarté du pouvoir à Versailles, Conti se lance entièrement dans son rôle de prince frondeur, confirmant ainsi les propos du marquis d’Argenson qui craignait un « chef tout prêt pour les mouvements de résistance ».

Conti connaît son plus grand succès d’opposant après le remplacement du Parlement de Paris par un nouveau parlement, plus favorable au roi, dans ce que les historiens ont appelé plus tard le « coup de Maupeou ». C’est une nouvelle occasion pour le prince de Conti de s’engager ouvertement contre le roi. Il parvient à persuader les autres princes du sang d’adresser une note de protestation au roi contre la dissolution du Parlement. En signe de remontrance, ces derniers quittent la cour, à l’exception du comte de la Marche, le fils du prince de Conti, brouillé avec son père depuis longtemps. Les princes du sang retournent à Versailles en 1772, mais le prince de Conti n’y met plus les pieds jusqu'à la mort de Louis XV, en 1774. Comme le rapporte le baron de Besenval dans ses Mémoires, le prince de Conti se voulait et s’érigea défenseur des droits de la patrie contre le despotisme royal :

« M. le prince de Conti qui, dans sa jeunesse, avait étudié pour être roi de Pologne, et qui n’était parvenu, dans sa studieuse retraite, qu’à être tyran de l’Isle-Adam, et par ses lectures qu’à une nomenclature de mots techniques, dont il surchargeait sa conversation, était, depuis longtemps, brouillé avec la cour, où il n’allait pas. Il n’eut garde de ne pas se faire partie de l’opposition : il n’en avait pas d’autre à prendre pour être cité ; et le reste des femmes, qu’il tenait à sa pension, ainsi que celles, à qui il donnait du thé le dimanche, l’appelèrent le défenseur de la patrie. »

Prince éclairé, collectionneur et mécène

Monument funéraire de Louis-François de Bourbon-Conti

Dès 1756, mais surtout après 1770, Conti entre en opposition ouverte avec la politique du roi. Conseillé par sa maîtresse, la Comtesse de Boufflers, il protège les philosophes et tient dans son palais du Temple un salon souvent critique à l’égard de la cour de Versailles. Il protège Jean-Jacques Rousseau qu'il loge dans son château de Trie. Il verse une pension viagère de 2 000 livres à Beaumarchais. Il est lui-même bon écrivain, bon orateur et habile musicien.

Dans le cadre de sa vie de prince opposant, il donne de grandes réceptions au Temple, emploie un des orchestres les plus réputés de Paris. Tous les lundis, il donne des soupers fameux, représentés par le peintre Michel Barthélemy Ollivier. Il donne également de magnifiques fêtes dans son château de L'Isle-Adam.

Il se met à collectionner toutes sortes d'objets d’art et de curiosités et forme une des collections les plus importantes de la seconde moitié du XVIIIe siècle.

Ramené à Paris vers la fin de juin 1776, il se réconcilie avec son fils mais refuse de recevoir les secours de la religion et meurt dans l'impénitence. Son corps, inhumé provisoirement à L'Isle-Adam, est transféré en 1777 dans la chapelle funéraire construite sur ordre de Louis François Joseph de Bourbon-Conti à l'extrémité nord du transept de l'église de L'Isle-Adam.

Précédé par Louis François de Bourbon-Conti Suivi par
Louis Armand II
Blason Condé-Conti.svg
prince de Conti
Louis François Joseph

Au cinéma

En 1994, Michel Piccoli a endossé le rôle du Prince de Conti dans le film d'Edouard Molinaro Beaumarchais, l'insolent aux côtés de Fabrice Luchini dans le rôle-titre.

Bibliographie

  • « Louis-François de Bourbon Conti (1717-1776) : le modèle du prince éclairé ? » in L'Absolutisme éclairé, Centre d'Histoire Judiciaire (CNRS), Actes des journées internationales tenues à Versailles du 1er au 4 juin 2000, Lille, 2002.
  • Les Trésors des princes de Bourbon Conti, catalogue de l'exposition du Musée d'Art et d'Histoire Louis-Senlecq à L'Isle-Adam (28 mai-1er octobre 2000), Paris, Somogy, 2000.
  • Les Collections du prince de Conti par Frédéric Fournis, mémoire de maîtrise d'histoire de l'art, Paris IV-Sorbonne, 1993.
  • Les Résidences du prince de Conti par Frédéric Dassas, mémoire de maîtrise d'histoire de l'art, Paris IV-Sorbonne, 1995.
  • Revolt in Prerevolutionay France: the Prince de Conti's Conspiracy against Louis XV, 1755-1757, par John Woodbridge, Londres, 1995.
  • G Capon & R. Yve-Plessis, Vie privée du Prince de Conty, Louis-François de Bourbon (1717-1776) racontée d'après les Documents des Archives, les Notes de la Police des Moeurs et les Mémoires manuscrits ou imprimés de ses contemporains, Coll. Paris Galant au Dix-huitième siècle, Paris, Jean Schemit Libraire, 1907.

Notes

  1. qui se trouvait à l’emplacement de l’actuel hôtel des Monnaies
  2. À la différence de son père, bossu et déjeté, c'était un fort bel homme, grand et droit, et de nombreux contemporains n'ont pas douté qu'il ait été en réalité le fils de l'amant de sa mère, Philippe Charles de La Fare (1687-1752), futur maréchal de France.
  3. Marie François Félix de Bourbon Conti (1772-1840), dit le chevalier d'Hattonville : né à Paris le 22 décembre 1772, il épousa le 20 avril 1828 Angélique Henriette de La Brousse de Verteillac (1797-1881). Il eut au moins un fils, dit le comte de Beaumont (1835-1915), qui a lui-même eu une descendance multiple. Maréchal de camp, capitaine des chasse du prince de Condé, le chevalier d'Hattonville suivit celui-ci en émigration. Il mourut à Paris le 6 juin 1840. Devenue veuve, sa femme se remaria avec Sosthène de La Rochefoucauld, duc de Doudeauville.
  4. Mais ce dernier, s’il avait été élu par les grandes familles polonaises, n’avait toutefois jamais pu accéder au trône, usurpé par le candidat de la Russie, Auguste le Fort.
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