Louis Passy

Louis Passy
Louis Passy en 1910

Louis-Paulin Passy est un historien et homme politique français, né le 4 décembre 1830 à Paris où il est mort le 31 juillet 1913.

Sommaire

L’héritier, l’érudit (1830-1860)

Louis Passy est le fils d'Antoine Passy, préfet, député mais aussi géologue et botaniste, et d'Henriette Péan de Saint-Gilles. Il est donc le neveu d'Hippolyte Passy et le cousin germain du lauréat du 1er Prix Nobel de la Paix, Frédéric Passy.

Louis Passy étudie d’abord avec plusieurs de ses cousins sous la direction d’un précepteur, M. Pourrat. De la quatrième à la rhétorique, il suit les cours du collège Bourbon (aujourd’hui Lycée Condorcet), où il contracte des amitiés qui le suivront très longtemps, ou qui joueront un grand rôle dans sa vie : Hélion de Luçay, Antonin Lefèvre-Pontalis, Émile Levasseur ou Jules de Goncourt[1].

Il entretient avec ce dernier – le plus jeune des deux frères Goncourt – une correspondance, jusqu'en 1863. Jules de Goncourt n’est pas insensible à Blanche, la jeune sœur de Louis, née en 1833. Elle lui inspire le personnage de Renée Mauperin[2], héroïne du roman du même nom. Jules de Goncourt garde un tendre souvenir des journées de jeunesse passées dans la maison des Passy, à Gisors[3]. Les parcours finissent cependant par diverger et Jules de Goncourt trace un portrait sévère de Louis Passy, dans Renée Mauperin, sous les traits d’Henri Mauperin, frère de Renée[4].

Après son baccalauréat, en novembre 1849, Louis Passy entre à l’École des chartes, certainement sur les conseils d'Auguste Le Prevost, député de l’Eure sous la Monarchie de Juillet, membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres et ami de son père. À l’École, il est notamment le condisciple d’Arthur de La Borderie et de Célestin Port : il en sort classé 3e avec une thèse intitulée De l’organisation du travail public dans les Gaules avant et après la chute de l’Empire romain[5]. Ces recherches ont pourtant déjà pris un autre tour : dès 1851, il avait été le lauréat de l'Académie de Rouen pour ses recherches sur Thomas Corneille. Il approfondit cet intérêt pour la littérature du XVIIe siècle, découvrant une lettre inconnue de Madame de Sévigné[6] et – croit-il – une satire inédite de Boileau[7].

Louis Passy préside en 1875, 1886, 1891, 1898, 1903, 1907 et 1913 la Société libre d'agriculture, sciences, arts et belles-lettres de l'Eure.

Enfin, il s’intéresse également, à la suite de ses oncles et de ses cousins, au droit et à l’économie : il fréquente la Conférence Molé et obtient une licence de droit en 1852. Poursuivant ses études de droit, il soutient le 24 juin 1857 une thèse de doctorat : la partie consacrée au droit romain s'intitule Du contrat de société en droit romain et la thèse de droit français Des origines de la communauté de biens entre époux.

Conjointement à ces études, il continue à écrire, surtout des pièces de théâtre : en 1854, il présente sa production à Eugène Scribe, qui goûte sa production mais le décourage de faire de l’écriture son métier. Il parachève enfin sa formation par un long séjour en Italie en compagnie des frères Goncourt de novembre 1855 à avril 1856. Il visite monuments, musées, fréquente les cercles politiques et est chargé par Léopold Delisle et Auguste Le Prévost de rechercher des manuscrits anciens[8].

L'opposant (1860-1870)

Son ascendance prédisposait Louis Passy à tenter une carrière politique. Fils et neveu de députés de l'Eure, il est présenté dans sa jeunesse aux principaux hommes politiques de la Monarchie de Juillet et de la Seconde République alors que son oncle est ministre des Finances.

Il prépare donc sa candidature au Corps législatif pour les élections de 1863. Mais le système des candidats officiels du Second Empire ne lui est pas favorable. Eugène Janvier de La Motte, préfet de l'Eure, s'oppose au républicain Davy et à Louis Passy afin de favoriser le candidat de l'Empereur : il procède pour cela à une réorganisation des circonscriptions électorales. Louis Passy répond à ces menées en prenant l'opinion à témoin : il fait paraître dans le Journal des économistes une étude démographique démontrant que cette réorganisation administrative n'avait pas lieu d'être[9] afin de dénoncer « une circonscription plutôt tracée dans un intérêt personnel que dans un intérêt public ». Les avantages des candidats officiels sont tels que la défaite était assurée : le duc d'Albufera, maire de Vernon et député sortant l'emporte avec 17 702 voix contre 9 081 pour Passy. Les protestations contre les irrégularités du scrutin n'y font rien[10]. Passy est néanmoins élu au conseil municipal de Gisors la même année et y siège jusqu'en 1896.

Il se représente aux élections législatives de 1869, dans deux circonscriptions de l'Eure, encore redécoupées afin de favoriser les candidats de l'Empereur. Dans la première circonscription, Passy est toujours opposé au duc d'Albufera ; dans la seconde Guillaume Petit, député de Louviers. Il perd dans les deux cas[11].

Durant toutes ces années, Louis Passy se présente comme libéral. Alors qu'il est lui-même partisan d'une monarchie constitutionnelle, il ne cherche pas à renverser l'Empire mais seulement à lui donner un tour plus libéral. C'est pourquoi il vote « oui » au plébiscite de 1870, considérant ce vote comme l'approbation des réformes menées pendant les trois dernières années du règne.

Du reste, l'action politique demeure une activité parmi d'autres. Poussé par son père, il prend une part importante aux travaux de la Société libre d'agriculture de l'Eure : il y trouve à la fois l'occasion de mieux connaître la population du département et celle de renouer avec l'économie politique par des divers mémoires[12]. Il poursuit également ses recherches historiques en faisant paraître pendant l'été 1867 Histoire administrative (1789-1815). Frochot, préfet de la Seine[13]. Passy s'intéresse de près à ce célèbre préfet du Premier Empire car sa propre mère avait été mariée en premières noces avec le fils de Frochot : il avait donc à disposition une masse documentaire de premier ordre dans laquelle il n'avait qu'à plonger.

Enfin, en 1866, Louis Passy se marie avec Françoise Wolowska. C'est Hippolyte Passy qui avait présenté à son neveu Louis Wolowski, père de la jeune fille, économiste polonais réfugié en France, député de Paris en 1848, membre de l'Académie des sciences morales et politiques et fondateur du Crédit foncier. Il s'agit là encore d'un puissant soutien pour une carrière politique qui débute réellement à partir de Sedan.

Le bourgeois (1870-1914)

À l'avènement de la Troisième République, Louis Passy est élu député et il le restera jusqu'à son décès : le Second Empire aura été pour lui une période d'échecs politiques, certes, mais ceux-ci lui auront permis de se faire connaître des électeurs, de fourbir sa stratégie et de se constituer de forts soutiens. Il est sous-secrétaire d'État aux finances dans les gouvernements Dufaure, Buffet et Jules Simon du 2 août 1874 jusqu'à la crise du 16 mai 1877.

En 1898, il publie un ouvrage consacré à son ami, Ernest Poret, marquis de Blosseville (1799-1886), érudit, juriste, qui fut de longues années conseiller général de l'Eure, ainsi que député légitimiste de la seconde circonscription de ce département de 1857 à 1863. Au delà de la personne même de Blosseville, ce gros volume[14] constitue un témoignage essentiel sur la vie politique dans l'Eure sous le Second Empire et durant les premières années de la IIIe République.

Œuvres

Annexes

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Sources

Notes et références

  1. Louis Régnier, Louis Passy, sa vie, son œuvre, Pontoise, 1917, p. 6
  2. Edmond et Jules de Goncourt, Renée Mauperin, Paris : Charpentier, 1864
  3. Journal, éd. J.-L. Cabanès, Paris : H. Champion, 2005, tome 1 (1851-1857)
  4. Edmond et Jules de Goncourt, Renée Mauperin, Paris : Fayard (coll. Modern-bibliothèque), s.d., p. 40-41 : « Il avait été de cette génération d’enfants que rien n’étonne, que rien n’amuse, qui vont sans fièvre au spectacle où on les mène et en reviennent sans éblouissement. Tout jeune, il était déjà sage et réfléchi. Au collège, il ne lui arriva pas en classe de rêver, la tête dans les mains, les coudes sur un dictionnaire, les vœux dans l’avenir. Il n’eut point ces tentations de l’inconnu et ces premières visions de la vie qui remplissent de trouble et de délices les imaginations de seize ans, entre les quatre murs d’une cour aux fenêtres grillées contre lesquelles rebondissent les balles et que franchissent les pensées. Il y avait dans sa classe deux ou trois fils d’illustrations politiques : il se lia avec eux. En rhétorique, il pensa aux cercles où il se ferait recevoir. Sorti du collège, Henri demeura sage et cacha ses vingt ans. Sa vie de garçon ne fit pas de bruit. On ne le rencontra ni où l’on joue, ni où l’on se compromet mais dans des salons graves, attentif et empressé auprès des femmes déjà mûres. Ce qui l’aurait desservi ailleurs le servit là. Sa froideur fut agrée comme un charme ; son sérieux eut presque l’effet d’une séduction. […] Le pédant n’effrayait pas, même vieux ; jeune, il devait plaire et le bruit courut qu’Henri Mauperin plaisait beaucoup. C’était un esprit pratique. Il professait le culte de l’utile, des vérités mathématiques, des religions positives et des sciences exactes. Il avait de la compassion pour l’art et soutenait qu’on n’avait jamais mieux fait que maintenant les meubles de Boule. L’économie politique, cette science qui mène à tout, lui était apparue en entrant dans le monde comme une vocation et comme une carrière, il s’était fait résolument économiste. Il avait appliqué à cette étude sèche une intelligence étroite mais patiente, appliquée, et tous les quinze jours, il lançait dans de grandes Revues quelque gros article, bourré de chiffres que les femmes passaient et que les hommes disaient avoir lu. Par l’intérêt qu’elle porte aux classes pauvres, par la préoccupation qu’elle a de leur bien-être, par le compte algébrique qu’elle tient de leur misère, l’économie politique avait naturellement donné à Henri Mauperin une couleur de libéralisme. Ce n’est pas qu’il fût d’une opposition bien tranchée : ses opinions marchaient seulement en avant des principes gouvernementaux […]. Un trait, une allusion voilée dont il envoyait par ses amis le sens et la clef dans les salons, il bornait à cela sa guerre contre le pouvoir. Au fond, il était plutôt en coquetterie qu’en hostilité avec le régime actuel. […] Il s’était « mis très bien » avec son préfet, espérant par lui se pousser au Conseil général et de là à la Chambre. Il excellait à ces doubles jeux, à ces compromis, à ces arrangements qui le faisaient tenir à tout, sans se brouiller avec rien. Libéral et économiste, il avait trouvé moyen de désarmer les défiances et les hostilités des catholiques contre sa personne et contre sa doctrine […]. Henri Mauperin avait pris son appartement de la rue Taitbout pour donner des soirées sérieuses autour d’une table ressemblant à un bureau, où les invités causaient du droit naturel, de l’assistance publique, des forces productives, de la multiplicabilité de l’espèce humaine. Henri essayait de tourner ces soirées en espèces de conférences. Il y triait les hommes et y cherchait les éléments du grand salon qu’il voulait avoir à Paris, aussitôt qu’il serait marié […]. Il avait pris pied dans les associations de tout genre. Il était entré à la conférence d’Aguesseau et s’était glissé parmi tous ces jeunes gens s’essayant à parler, faisant leur éducation de tribune, leur apprentissage d’orateur, leur stage d’homme d’État […]. Partout, dans tous les centres qui donnent à l’individu un rayonnement et le font bénéficier de l’influence collective d’un groupe, il s’était montré, multiplié, amassant les connaissances, nouant les relations, cultivant les amitiés, les sympathies qui pouvaient le mener à quelque chose, jetant les jalons de ses ambitions, marchant de bureaux de société en bureaux de société, à une importance, à une notoriété souterraine, à un de ces noms que la politique fait éclater un beau jour. Du reste, pour ce rôle, rien ne lui manquait. Verbeux et remuant, il faisait tout le bruit qui mène au succès dans notre siècle : il était médiocre avec éclat. »
  5. Bibliothèque de l’École des chartes, 1853, n°4, p. 198
  6. Il la donne à Monmerqué, qui la publie dans Tablettes de voyage par Mme de Monmerqué, suivies de lettres de Madame de Sévigné, de sa famille et de ses amis qui n’ont pas été réunies à sa correspondance, Paris, 1851, p. 77-79 (2e éd.). On trouve toujours cette lettre dans les œuvres de la marquise : Madame de Sévigné, Correspondance, éd. R. Duchêne, Paris, vol. 1, 1972, p. 40-42, lettre 42, à S.A.R. Mademoiselle, Aux Rochers, le 30 octobre 1656.
  7. Bibliothèque de l'École des chartes, 1852, n°3, p. 172-181
  8. Le carnet des frères Goncourt a été publié par Edmond en 1894 : Edmond et Jules de Goncourt, L'Italie d'hier. Notes de voyage (1855-1856), entremêlées de croquis de Jules de Goncourt jetés sur le carnet de voyage, Paris, 1894. Louis Passy semble avoir rédigé lui aussi un carnet, qui reste inédit.
  9. Louis Passy, « Du mouvement de la population dans le département de l'Eure » dans Journal des économistes, 2e série, 9e année, vol.XXXVI, p. 421-427
  10. A. Germain, Protestation contre l'élection de M. le duc d'Albuféra, Paris : impr. de Jouaust et fils, 1863, 16 p.
  11. Première circonscription : d'Albufera a 14 403 voix et Passy 5 872. Deuxième circonscription : Guillaume Petit a 13 055 voix et Passy 7 219
  12. Par exemple : Louis Passy, « Rapport sur les progrès de l'agriculture et de l'industrie dans l'arrondissement des Andelys » dans Recueil des travaux de la Société libre d'agriculture de l'Eure, 3e série, vol. VII, Évreux, 1863, p. 201-292. Ce mémoire lui vaut une médaille d'or de la Société impériale d'agriculture.
  13. Louis Passy, Histoire administrative (1789-1815). Frochot, préfet de la Seine, Paris, 1867, VIII-732 p.
  14. Louis Passy, Le marquis de Blosseville, Évreux, Charles Hérissey, 1898, 460 p.

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