Manuel Diagnostic et Statistique des troubles mentaux

Manuel Diagnostic et Statistique des troubles mentaux

Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux

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Le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (en anglais : Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders ou DSM), quatrième édition, (DSM-IV) est un manuel de référence très utilisé internationalement particulièrement pour les recherches statistiques et dans une moindre mesure pour diagnostiquer les troubles psychiatriques. Sa valeur clinique est l'objet de critiques de plus en plus pressantes de la part des psychiatres et psychologues soucieux d'une psychopathologie raisonnée.

Ce manuel est édité par l'Association américaine de psychiatrie (American Psychiatric Association, APA).

Les diagnostics de pathologie psychiatrique portés à l'aide du DSM-IV reposent sur l'identification clinique de syndromes et sur les données paracliniques fournies par les examens complémentaires (examens biologiques, imagerie médicale...) Ces diagnostics sont catégoriels et identifient un nombre minimum de critères afin qu'une personne soit considérée comme présentant une pathologie psychiatrique ou neuropsychiatrique.

La CIM-10 de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) est l'alternative la plus couramment utilisée.

Sommaire

Histoire

Il est important de garder à l'esprit que le DSM est d'un certain point de vue un document historique, évoluant régulièrement. En effet, l'approche scientifique en médecine nécessite la création de catégories, de taxinomies, et de diagnostics reposant sur des modèles statistiquement validés. Cette validation repose sur le consensus de la communauté scientifique, la méthode retenue étant un vote des membres de l'Association américaine de psychiatrie (APA).

La première édition (DSM-I) est publiée en 1952, et diagnostique 60 pathologies différentes. La deuxième édition (DSM-II) est publiée en 1968, et diagnostique 145 pathologies différentes.

Ces deux premières éditions du manuel étaient très fortement influencées par le modèle psychanalytique des pathologies psychiatriques (psychanalyse). Dans ce cadre théorique, la classification des troubles était structurée par la distinction entre deux formes majeures de pathologies psychiatriques, les psychoses et les névroses. Les pathologies psychiatriques étaient systématiquement considérées comme un continuum allant de la normalité à la pathologie sévère. En conséquence, il n'y avait pas de distinctions claires entre ce qui était considéré comme normal et comme pathologique. Une part très importante de la population générale était alors susceptible d'être diagnostiquée comme porteuse d'une pathologie psychiatrique, les classifications n'étant pas discriminantes. On insistait alors sur l'intensité du trouble qui est depuis lors (et encore actuellement) jugée sur les difficultés de fonctionnement personnelles et interpersonnelles des sujets. Le DSM-II fut l'objet de nombreuses controverses . Un des exemples les plus célèbres est la controverse autour de la nature pathologique de l'homosexualité. Celle-ci a été retirée du manuel diagnostique au cours d'un vote parmi les membres de l'APA en 1973 faisant suite à trois années de manifestations par les associations représentant les homosexuels.

La troisième édition (DSM-III) a été publiée en 1980 et reconnaît 230 pathologies psychiatriques différentes. Cette édition marque un changement majeur dans la classification des pathologies psychiatriques puisqu'elle se traduit par l'abandon du modèle psychanalytique au profit d'un modèle biomédical. Ainsi, le DSM devient athéorique puisqu'il ne reconnaît plus d'étiologie de référence aux troubles psychiatriques. Par contre l'un des arguments majeurs de sa création était de faciliter une approche randomisée des essais thérapeutiques afin de valider les nombreuses molécules nouvelles que les laboratoires ont mis sur le marché depuis le début des années 1970. Il retient également une approche catégorielle de la pathologie psychiatrique délimitant des populations porteuses de pathologies, clairement définies sur la base de critères cliniques. Cette troisième édition a été publiée sous une version révisée (TR, « text revised ») en 1987, dans laquelle de nombreux critères et syndromes ont été affinés.

La quatrième édition (DSM-IV) est publiée en 1994 et reconnaît 410 troubles psychiatriques. La version actuellement utilisée est une révision mineure de ce texte, le DSM-IV-TR, publiée en 2000. Cette édition prolonge et approfondit le travail entamé avec le DSM-III.

Une cinquième édition est en développement et est prévue pour 2011[1]. En cours depuis 1999, des groupes de travail devraient être formés vers 2007.

Approche multiaxiale

Le DSM-IV, afin de permettre une approche globale et intégrative des patients, rend systématique l'approche axiale des patients porteur de pathologies psychiatriques. Il retient pour cela cinq axes d'analyse :

  1. pathologies psychiatriques caractérisées, troubles développementaux et de l'apprentissage, addictions et intoxications
  2. troubles de la personnalité et retard mental
  3. pathologies autres que psychiatriques ou neuropsychiatriques. On parle aussi d'affections médicales générales
  4. problèmes psychosociaux et environnementaux altérant le fonctionnement ou secondaires aux symptômes
  5. échelle de fonctionnement global

Intérêts et limites

Intérêts

  • Outil qui appelle à la discipline et à la rigueur, résiste à l’objectivation
  • Permet la constitution d’un langage commun chez les cliniciens
  • Permet de faire des recherches pour comprendre si ce trouble est fréquent et son étiologie, permet de prendre des mesures de santé publique.

Limites

Le DSM-IV se prétend athéorique et purement descriptif. Il est un "catalogue" des pathologies mentales. Le DSM se veut être international, ainsi il ne comprend que les termes les plus extrêmes (par exemple le transsexualisme se traduit uniquement par un changement de sexe). Limites :

  • Étiquetage : on ne définit la personne qu’à partir d’une attribution qu’on lui fait. Ce processus d’attribution est méconnu.
  • Catégorisation : si on fait un diagnostic, il faut savoir quelle portée il va avoir, il ne faut pas emmurer les gens, définir ce qui fait que ceci ou cela est un trouble psychique.
  • Évaluation restreinte : quand quelqu'un se présente et que l'on n'a que le DSM, on a toutes les chances de lui trouver quelque chose. Il faut d’autres moyens d’évaluer (ne pas oublier de regarder les ressources du patient, regarder ce qui va bien, évaluer le vécu subjectif du trouble, ce qui lui est difficile ou non). Il faut évaluer la personne autant que la maladie. Tenir compte du fait que l'évaluation se fait dans un contexte spécifique et que dans un autre contexte, on n’aurait pas vu les mêmes choses.
  • Risque de céder à une médicalisation excessive de l’état de souffrance : vision de l’homme biomédicale, on compartimentalise l’homme. Le DSM se veut athéorique, il ne fait que décrire les maladies.

Critiques du mouvement psychanalytique

Le DSM-IV se prétend athéorique[2] et dégagé de tout ce qu'il considère comme des points de vue non-fondés scientifiquement. Les psychanalystes pour qui le symptôme est l'expression déplacée et/ou "symbolique" d'un trouble et d'une angoisse en partie inconscientes réfutent le point de vue exclusivement descriptif des DSM. Ils considèrent qu'établir des statistiques fiables sur des troubles dont on ne prend en compte que le côté visible sont pour le moins sujettes à caution et que c'est promouvoir sciemment la méconnaissance de l'origine des troubles en cause. Les psychiatres de tradition française organo-dynamique initiée par Henri Ey [3] ou d'approche tirée de la phénoménologie sont eux aussi opposés à la vision réductrice du Manuel qui tend à esquiver toute réflexion tirée d'une clinique et d'une psychopathologie élaborée. Les Manuels avaient pour ambition de fédérer les points de vue, parfois si opposés et contradictoires en matière de troubles mentaux, ils n'y sont parvenus que pour un nombre très faible de maladies qui, pour la plupart, faisaient déjà l'objet de consensus.

Accusations de « conflits d’intérêts financiers »

Une expertise publiée au mois d'avril 2006 [4] dénonce des liens d'intérêts financiers entre le comité d'experts du DSM-IV et l'industrie pharmaceutique. D'après cette étude, cela concerne un tiers des experts ayant exercé leur activité d'experts au profit de firmes pharmaceutiques.

Depuis une dizaine d'années, la prise de conscience croissante de l’importance de la transparence dans les publications biomédicales se reflète par le nombre croissant de revues médicales qui ont adopté des politiques éditoriales de divulgation de conflit d'intérêt financier et par le soutien recueilli par ces politiques au sein des associations professionnelles. Or, si des conflits d’intérêts financiers peuvent biaiser les résultats d’une étude, il y a tout lieu de croire qu’ils peuvent aussi biaiser les recommandations d’un comité d’experts.

Il est un fait avéré que les compagnies pharmaceutiques subventionnent largement les congrès, revues et recherches liés au contenu du DSM, car ce qui y est considéré comme susceptible d’être diagnostiqué a un impact direct sur les ventes des médicaments.

L'expertise a identifié plusieurs catégories d’« intérêts financiers » : avoir perçu des honoraires ou détenir des actions dans une compagnie pharmaceutique, être directeur d’une startup, membres du comité scientifique ou du conseil d’administration d’une entreprise pharmaceutique, être expert pour un litige mettant en cause une compagnie pharmaceutique, détenir un brevet ou un droit d'auteur, avoir reçu des cadeaux d’une compagnie pharmaceutique incluant des voyages, des subventions, des contrats et du matériel de recherche.

Les résultats montrent que parmi les 170 membres des panels du DSM, 95 (56 %) présentaient au moins un des onze types de liens financiers possibles avec une compagnie de l’industrie pharmaceutique. Dans 6 commissions sur 18, des liens avec l’industrie pharmaceutique ont été trouvés chez plus de 80 % des membres. Ces liens concernent 100 % des membres du groupe de travail « Troubles de l’humeur » (n = 8) et du groupe « Schizophrénie et désordres psychotiques » (n = 7), ainsi que 81 % du groupe « Troubles anxieux » (n = 16), 83 % du groupe « Troubles de l’alimentation » (n = 6), 88 % du groupe « Troubles kinesthésiques liés à la prise de médicaments » (n = 8) et 83 % du groupe « Troubles dysphoriques prémenstruels » (n = 6).

Parmi les membres répondant aux critères « liens financiers » (n = 95), 76 % avaient bénéficié de subventions de recherche, 40 % de revenus comme consultants, 29 % travaillaient dans la communication, et 25 % recevaient des honoraires d’un autre type. Plus de la moitié des membres ayant un lien financier présentaient plus d’un type de relation financière l’engageant auprès d’une compagnie. Onze membres avaient 5 types de liens.

Étant donné que les catégories de maladies mentales désignées par « Troubles de l’humeur » et « Schizophrénie et autres troubles psychotiques » sont les deux principales catégories pour lesquelles un traitement psychotrope est habituellement proposé, le lien entre le recours au DSM et la consommation des produits des firmes pharmaceutiques est une évidence. Les compagnies pharmaceutiques ont un intérêt direct sur la détermination des troubles mentaux intégrés dans le DSM. La transparence en ce domaine devient cruciale lorsque les liens financiers entre chercheurs et industrie pharmaceutique sont stables et multiples.

Les groupes de travail du DSM présentant les liens avec les industries pharmaceutiques sont ceux qui travaillent dans les champs diagnostiques (e.g. troubles de l’humeur et désordres psychotiques) où l’approche psychopharmacologique constitue le traitement habituel. Le marché des psychotropes étant très rentable, il y a lieu de s'inquiéter, et au minimum d'énoncer une sévère critique à l'égard de certains aspects fonciers de ce manuel de diagnostic. C'est d'autant plus patent comme conclusion que, par exemple, les antidépresseurs et les neuroleptiques totalisent respectivement des ventes annuelles d'environ 20,3 et 14,1 milliards dollars. Autre exemple, le marché porteur des neuroleptiques se décline en termes de vente avoisinant 8,5 milliards dollars (18,7 milliards prévus pour 2007). [5]

Voir aussi

Liens externes

Bibliographie

  • Stuart Kirk, Herb Kutchins : "Aimez-vous le DSM ? Le triomphe de la psychiatrie américaine", Ed.: Empêcheurs de penser en rond, 1988, (ISBN 2843240468)
  • Christopher Lane, Comment la psychiatrie et l'industrie pharmaceutique ont médicalisés nos émotions, Flammarion, 2009, (ISBN 2081212331)

Sources

  1. (en) DSM-V Prelude Project : Research and Outreach
  2. à ce propos, cf. Le DSM est-il "athéorique" ? Cet article propose en effet l'idée selon laquelle la revendication athéorique est une position idéologique et théoriquement déterminée.
  3. Henri Ey: On ne peut pas tenir ces énumérations (qui gagneraient à s'en tenir à un ordre alphabétique) pour le moindre essai sérieux de classification. Il s'agit d'un "pot-pourri" inextricable de "items" en nombres presque infini, destiné, nous dit-on, à mettre de l'ordre dans les statistiques; elles constituent un labyrinthe bien plus propre à fausser les problèmes qu'à les résoudre. On ne saurait "classer" sans idée directrice du genre et des espèces in Manuel de psychiatrie, partie 3 in limine
  4. (en) Lisa Cosgrovea, Sheldon Krimsky, Manisha Vijayaraghavana, Lisa Schneidera, Financial Ties between DSM-IV Panel Members and the Pharmaceutical Industry, University of Massachusetts, Boston, Mass., and Tufts University, Medford, Mass. Psychotherapy and Psychosomatics, 2006 ; 75 : 154-160 (vol. 3, avril 2006)
  5. Un article critique
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