Marcel Conche

Marcel Conche
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Marcel Conche
Philosophe occidental
Epoque contemporaine
Marcel Conche, dessiné par Jean Leyssenne

Naissance 27 mars 1922 à Altillac
Nationalité Flag of France.svg Française
Principaux intérêts Histoire de la philosophie, métaphysique, morale et éthique
Influencé par Présocratiques (Héraclite, Parménide, Anaximandre), Pyrrhon d'Élis, Montaigne
A influencé André Comte-Sponville

Marcel Conche, né le 27 mars 1922 à Altillac, est un philosophe français, professeur émérite de philosophie à la Sorbonne.

Sommaire

Biographie

Origines et études

Marcel Conche est le fils de Romain Conche, un modeste cultivateur corrézien, et de Marie-Louise Farge.

Il débute sa scolarité au cours complémentaire de Beaulieu-sur-Dordogne et la poursuit à l'Ecole normale primaire de Tulle. Il étudie un temps au lycée Edmond-Perrier.

De 1940 à 1944, il est élève-maître à l'école normale primaire de Tulle puis instituteur. Il étudie ensuite au Centre de formation professionnelle de Limoges puis à la Faculté des lettres de Paris.

Il obtient successivement la licence de philosophie (1946), le diplôme d'études supérieures de philosophie (1947) et enfin l'agrégation (1950), toujours dans cette discipline.

L'enseignant

La Sorbonne.

Marcel Conche enseigne successivement aux lycées de Cherbourg (1950-1952), d'Évreux (1952-1958) et de Versailles (1958-1963). Conche occupe ensuite les postes d'assistant puis maître-assistant de philosophie à la faculté des lettres de Lille et de maître-assistant à l'université Paris I (1969 à 1978).

De 1977 à 1980, il est directeur de l'UER de philosophie de l'université de Paris I.

Il est nommé en 1978 professeur de philosophie à l'université de Paris I, fonction qu'il occupera une décennie, avant de prendre sa retraite le 30 septembre 1988 à Treffort (Ain). En 2008, il quitte le continent et s'installe en Corse, à Aléria, où il termine le 5e tome de son journal, Corsica, publié en 2010.

Œuvre

Métaphysique

Agrégé de philosophie, docteur ès lettres, Marcel Conche a produit une œuvre colossale et variée qui traite de nombreuses questions de la métaphysique. Dès ses premiers ouvrages, il a développé une métaphysique générale et vaste, avec des études sur la mort (La Mort et la pensée, 1975), le temps et le destin (Temps et destin, 1980), Dieu, la religion (Nietzsche et le bouddhisme) et les croyances, la nature, L'Aléatoire (1989) et le hasard, la liberté enfin.

Dès son plus jeune âge, la notion de Dieu perdit toute espèce de consistance aux yeux de Marcel Conche : « L'expérience initiale à partir de laquelle s'est formée ma philosophie fut liée à la prise de conscience de la souffrance de l'enfant à Auschwitz ou à Hiroshima comme mal absolu, c'est-à-dire comme ne pouvant être justifié en aucun point de vue[1]. »

Bien qu'élevé dans le christianisme, Marcel Conche a très tôt rejeté l'explication théologique du monde. La philosophie de Conche ne conçoit pas l'existence de Dieu ; en cela, il est un philosophe athée. Néanmoins, si la philosophie se coupe par essence de la théologie, elle ne doit pas se constituer en science ni prétendre vouloir le faire.

Conche soutient (en prenant pour base son expérience personnelle) que le questionnement philosophique naît « par l'essor spontané de la raison »: « La philosophie, c'est l'œuvre de la raison humaine et elle ne peut pas rencontrer Dieu »[1]. C'est pourquoi il s'est toujours senti proche de la philosophie grecque qui commence avec Anaximandre « le premier écrivain philosophe ».

Statue de Michel de Montaigne, esplanade des Quinconces à Bordeaux. Conche s'est beaucoup intéressé à l'œuvre de l'humaniste.

Selon Conche, les grands penseurs modernes (Descartes, Kant, Hegel) ne sont pas des philosophes authentiques car ils ont voulu utiliser « la raison pour retrouver une foi pré-donnée ». Ils n'ont pas compris ce qu'est la philosophie comme métaphysique mais ont tenté d'en faire une science, ce qui apparaît à Conche comme une erreur fondamentale : « La philosophie comme métaphysique, c'est-à-dire comme tentative de trouver la vérité au sujet du tout de la réalité, ne peut pas être de la même nature qu'une science. Elle est de la nature d'un essai, non d'une possession : il y a plusieurs métaphysiques possibles, parce qu'on ne peut trancher quant à ce qui est la vérité au sujet de la façon de concevoir la totalité du réel. La métaphysique n'est donc pas affaire de démonstration, mais de méditation[1]. »

Le vrai philosophe de l'époque moderne serait Montaigne (Montaigne et la philosophie), car il a réussi, de l'avis de Conche, à écrire son œuvre indépendamment des croyances collectives de son époque.

Philosophie de la nature

Dans son naturalisme, Conche soutient la phusis grecque, la nature au sens le plus englobant du terme : « L'absolu pour moi, c'est la nature. La notion de matière me paraît insuffisante. Elle a d'ailleurs été élaborée par les idéalistes et c'est hors de l'idéalisme que je trouve ma voie. Il est très difficile de penser la créativité de la matière.[...] La nature est à comprendre non comme enchaînement ou concaténation de causes, mais comme improvisation; elle est poète[1]. »

Il retrouve sur ce point la pensée des présocratiques, avec lesquels il ne cesse de dialoguer sur le Tout de la réalité (en particulier dans la Présence de la Nature, 2001) : « L'homme est une production de la nature et la nature se dépasse elle-même dans l'homme. En donnant des aperçus sur la nature qui se complètent, les présocratiques sont tout à fait différents des philosophes de l'époque moderne qui, eux, construisent des systèmes qui s'annulent. Parménide nous révèle l'être éternel, Héraclite, le devenir éternel, Empédocle, les cycles éternels. Il y a une complémentarité entre eux. De la même façon, les poètes se complètent. La physis grecque ne s'oppose pas à autre chose qu'elle-même, alors qu'au sens moderne la nature s'oppose à l'histoire, à l'esprit, à la culture, à la liberté. La physis est omni-englobante[1]. »

Soucieux du devenir de la planète, il se revendique « en faveur de ce que l'on appelle la décroissance[2] ».

Être et temps

La pensée de Conche sur ce sujet a évolué au fil de sa vie et de ses lectures de philosophes grecs tels que Pyrrhon, Héraclite et Parménide.

Longtemps, Conche a été sensible au « caractère transitoire de toute chose, au caractère évanouissant des êtres finis », donnant une interprétation neuve du pyrrhonisme: le scepticisme de Pyrrhon consiste à affirmer qu'on ne peut connaître le fond des choses (l'être); on ne peut être certain que de la façon dont elles nous apparaissent.

Héraclite d'Ephèse

Conche a montré que cette distinction fondamentale entre être et apparence est dépassée chez Pyrrhon: en définitive, il n'y a plus d'être; tout apparaît en un éclair puis s'évanouit, intuition que l'on retrouve chez Montaigne : « Car pourquoy prenons-nous titre d'estre, de cet instant qui n'est qu'une eloise [un éclair] dans le cours infini d'une nuict eternelle? »[3]. Cette métaphysique de l'être débouchait sur ce que Conche appelle un « nihilisme ontologique ».

Cette première conception a évolué avec la prise de conscience d'une distinction entre « temps immense et temps rétréci », soit le temps de la nature et le temps dans lequel nous pensons. Le « Tout s'écoule » d' Héraclite apparait alors intemporel : « Mais en définitive, il m'est apparu que le « tout s'écoule » est éternel, que le devenir est éternel. Donc la nature est éternelle: c'est ce qu'avait dit Parménide[1]. »

Histoire de la philosophie

Ses travaux en histoire de la philosophie font autorité, par exemple ses éditions de Lucrèce ou d’Épicure. Il a consacré de nombreux commentaires, traductions, et études sur les auteurs de l’Antiquité, notamment Pyrrhon et surtout les présocratiques, à savoir Héraclite, Anaximandre et Parménide, ainsi que des auteurs asiatiques tels que Lao-Tseu (auteur du Tao Te King). Conche a également effectué des études critiques sur Hegel, Bergson, Heidegger.

Morale et éthique

Ses réflexions sur la morale s'articulent autour des thèmes suivants : fondement de la morale et distinction essentielle entre la morale et l'éthique. La morale traverse toute son œuvre, depuis Orientation philosophique (1974), et ses réflexions atteignent une densité particulièrement forte dans son Fondement de la morale (1982).

Conche a résumé sa position sur la morale ainsi : elle se fondera « sur le simple fait que vous et moi pouvons dialoguer, et nous reconnaissons par là même comme également capables de vérité et ayant la même dignité d’êtres raisonnables et libres. Et une telle morale, impliquée dans tout dialogue, différente aussi bien des morales collectives que des éthiques particulières, a bien un caractère universel, puisque le dialogue avec n’importe quel homme est toujours possible, en droit ».

Marcel Conche se revendique également pacifiste (il a dénoncé le conflit engagé en 2003 par les États-Unis en Irak) : « Personnellement, je reste pacifiste. Ma position ­universalisable, mais ne pouvant être universalisée, reste abstraite, contradictoire. Fondamentalement, pour moi, le rôle de l'homme politique consiste à établir la paix, ce que de Gaulle a très bien compris. Vouloir réaliser la démocratie en l'exportant par la guerre, c'est criminel[1]. »

Titres et distinctions

Marcel Conche est professeur émérite de philosophie à la Sorbonne (université Paris-I), et membre correspondant de l'Académie à Athènes. Il a été couronné lauréat de l'Académie française pour son édition d'Héraclite en 1987 et pour l'ensemble de son œuvre en 1996 avec le prix Moron (prix annuel créé en 1987 au sein de l'Académie française). Il a reçu la médaille d'honneur de la Sorbonne en 1980.

Publications

Conche a tenté d'établir les rapports que l'œuvre de Nietzsche entretient avec la religion bouddhiste dans Nietzsche et le bouddhisme.
  • La Mort et la pensée, 2007 (2e éd.; la 1re éd. date de 1972), éd. Cécile Defaut
  • Nietzsche et le bouddhisme, 2007, Michalon (éditée aussi en 1997 chez encre marine ; ce texte est la transcription de la conférence du même nom prononcée au Collège International de Philosophie le 29 avril 1987)
  • Avec des si, Journal étrange, T.1, 2006, éd. puf
  • Oisivetés, Journal étrange, T.2, 2007, éd. puf
  • Noms, Journal étrange, T.3, 2008, éd. puf
  • Diversités, Journal étrange, T.4, 2009, éd. puf
  • Corsica, Journal étrange, T.5, 2010, éd. puf
  • Philosopher à l'infini, 2005, éd. puf
  • Épicure (Lettres et Maximes), 2005 (7e édition, 2e tirage), puf
  • Lao Tseu - Tao Te King, traduction et commentaires, Paris, 2003 (3e tirage août 2005), puf
  • Héraclite - Fragments, traduction et commentaires, puf, Paris, 1986 (4e ed. 1998; 2e tirage mars 2005), ISBN 2-13-044003-7
  • Analyse de l'amour et autres sujets, 2005 (4e éd.), puf
  • Parménide (Le poème: fragments), 2004 ( 2e édition et 2e tirage), puf
  • Heidegger par gros temps, Les Cahiers de l'Égaré, 2004, ISBN 2-908387-76-X
  • Confession d'un philosophe - Réponses à André Comte-Sponville, 2003, éd. Albin Michel
  • Le sens de la philosophie, 2003 (édition revue et augmentée), éd. Encre Marine
  • Quelle philosophie pour demain ?, 2003, éd. PUF. Compte rendu dans la Revue philosophique de la France et de l'étranger, tome 129 2004/1, [lire en ligne] [PDF]
  • Lucrèce et l'Expérience, Fides, 2003
  • Ma vie antérieure & le destin de solitude, 2003, encre marine
  • De l'amour, pensées trouvées dans un vieux cahier de dessin, Les Cahiers de l'Égaré, 2003, ISBN 2-908387-69-7
  • Le fondement de la morale, 2003 (3e éd.), puf
  • Essai sur Homère, 1999 et 2002 pour Quadrige, Puf
  • Montaigne ou la conscience heureuse, puf, Paris, 2002
  • Temps et destin, 1999 (2e éd.), puf
  • Présence de la nature, 2001, puf
  • L'aléatoire, 1999, éd. puf
  • Montaigne et la philosophie, 1999 (3e éd.), puf
  • Vivre et philosopher, 1998 (3e éd.), puf
  • Orientation philosophique, préfacé par André Comte-Sponville, 1996 (2e éd.), puf
  • Pyrrhon ou l'apparence, 1994, puf
  • Anaximandre. Fragments et Témoignages, texte grec, traduction, introduction et commentaire, puf, Paris, 1991.
  • La Voie certaine vers "Dieu" ou L'Esprit de la religion, Les Cahiers de l'Égaré, juillet 2008, ISBN 978-2-35502-007-0

Notes et références

  1. a, b, c, d, e, f et g Entretien avec Marcel Conche paru dans PHILOSOPHIE MAG N°1
  2. Le Soir, 4 décembre 2006.
  3. Montaigne: Essais - Livre deuxième

Voir aussi

Bibliographie

  • Actualité d'une sagesse tragique (la pensée de Marcel Conche) de Pilar Sanchez Orozco (préfacé par André Comte-Sponville, 2005, éd. Les Cahiers de l'Égaré.
  • Marcel Conche (revue philosophique n°1), 2004, puf.
  • Yannick Beaubatie, "Marcel Conche : l'infini est au bout du chemin", in Balade en Limousin. Sur les pas des écrivains (Editions Alexandrines, 2009), sous la direction de Georges Châtain, p.193-197.
  • "Marcel Conche et le fondement de la morale", par André Comte-Sponville, dans Une éducation philosophique, PUF,1989, p. 185 à 188 ; voir aussi, du même auteur, l'article sur "Héraclite retrouvé", ibid., p. 185 à 188.
  • "La philosophie française en questions. Entretiens avec Compte-Sponville, Conche, Ferry, Lipovetsky, Onfray et Rosset" de Sébastien Charles, 2004, Le livre de poche.

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