Marcel Mauss

Marcel Mauss
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Marcel Mauss, né à Épinal le 10 mai 1872 et décédé à Paris le 1er février 1950, est généralement considéré comme le « père de l'anthropologie française[1] ».

Sommaire

Biographie

Marcel Mauss naît en 1872 dans la ville d’Épinal. Son père Gerson, originaire du Bas-Rhin, a épousé quelques années auparavant Rosine Durkheim, la sœur aînée d’Émile Durkheim, qu’il a rejoint dans la ville lorraine pour y reprendre l’atelier textile de sa mère qui devient sous la houlette du jeune couple la Fabrique de Broderie à Main, Mauss-Durkheim[2]. Outre Marcel, ils ont une fille, Camille, née en 1876[3]. Son oncle, Émile Durkheim, de quatorze ans son aîné, joue un rôle majeur dans la vocation puis la carrière de Mauss.

En 1895, ce dernier obtient l’agrégation de philosophie qu’il a préparée à Bordeaux, où il a rejoint Durkheim en 1890 (sans être passé par la voie royale que constitue alors l’École normale supérieure). À l’issue du concours, il ne prend pas de poste dans l’enseignement secondaire et à l’automne 1895, il s’installe à Paris pour suivre les cours de l'École pratique des hautes études. Il étudie les langues (et notamment le sanskrit) à la 4e section (section des sciences historiques et philologiques) et les sciences religieuses (5e section) avec l’objectif de réunir le matériau nécessaire à une thèse de doctorat sur la prière[4]. Ses professeurs se nomment Léon Marillier, Antoine Meillet, Louis Finot ou Sylvain Levi[5]. Il rencontre également à l’EPHE quelques-uns des futurs membres du cercle durkheimien avec lesquels il nouera de véritables liens d’amitié (Henri Hubert, Robert Hertz…). Il devient en 1901 titulaire de la chaire d’« histoire des religions des peuples non civilisés » à la 5e section de l’EPHE.

En 1901, il rejoint l'équipe de L'Année Sociologique, revue biennale créée par Émile Durkheim. Celui-ci décédera en 1917 et Mauss se verra échoir du travail de publication posthume de son oncle. Enfin en 1925, il fonde, avec Lucien Lévy-Bruhl et Paul Rivet l'Institut d'ethnologie de Paris. Il participe en 1928 au premier cours universitaire de Davos, avec de nombreux autres intellectuels français et allemands. En 1931, il obtient une chaire au Collège de France ; créée pour l’occasion en remplacement de la chaire de « Philosophie sociale » de Jean Izoulet, cette chaire de « Sociologie » marque l’entrée de cette discipline dans la prestigieuse institution[6].

Pendant tout ce temps, Mauss fut un militant socialiste toujours fidèle à ses convictions. Il prend notamment passionnément position en faveur du capitaine dans l'Affaire Dreyfus, se rapprochant à cette occasion de Jean Jaurès avec lequel il fonde le journal L'Humanité.

Travaux

Envoi autographe de Marcel Mauss à Georges Dumas conservé à la Bibliothèque de sciences humaines et sociales Paris Descartes-CNRS

Considéré comme l'un des pères de l'anthropologie, Mauss n’a jamais publié d’ouvrage de synthèse de sa pensée mais un grand nombre d'articles dans différentes revues, en particulier dans L'Année Sociologique, d'esquisses, de comptes-rendus et d'essais. Sa thèse sur la prière reste inachevée. De ses rares monographies, on retient surtout L’Essai sur le don.

Il est surtout connu pour un certain nombre de grandes théories, notamment celle du don et du contre-don, et a abordé une grande variété de sujets comme en témoignent ses études sur les techniques du corps, la religion ou la magie.

Mauss a le souci de saisir les réalités dans leur totalité : il élabore en ce sens le concept novateur de « fait social total » qui connaîtra un vif succès d'intérêt et d'usage dans l'univers des sciences sociales. Mauss considère qu'un fait social est intrinsèquement pluridimensionnel. Il comporte toujours à ses yeux des dimensions économiques, culturelles, religieuses, symboliques ou encore juridiques et ne peut jamais être réduit à un seul de ces aspects. Mauss choisit également d'appréhender l'être humain dans sa réalité concrète, sous le triple point de vue physiologique, psychologique et sociologique. Il esquissera ainsi un concept connexe : celui « d'homme total », qui nourrira notamment Pierre Bourdieu dans ses analyses en termes « d'habitus ».

Il s'intéresse à la signification sociale du don dans les sociétés tribales, ainsi qu'au phénomène religieux : la magie est considérée comme un phénomène social qui peut notamment s'expliquer par la notion de mana. Tout en créant du lien social, le don est agoniste (il « oblige » celui qui reçoit, qui ne peut se libérer que par un « contre-don »). Pour Mauss, le don est essentiel dans la société humaine et comporte trois phases : l'obligation de donner, l'obligation de recevoir et l'obligation de rendre[N 1]. S'il prend les sociétés « primitives » comme terrain d'étude, c'est moins parce que le primitif serait toujours aussi le simple et l'originel, que parce qu'il est difficile de rencontrer ailleurs une pratique du don et du contre-don « plus nette, plus complète, plus consciente » c'est-à-dire comme un « fait social total »[1].

Sur le plan de la méthode, il reste partisan d’une division du travail entre celui qui collecte les faits — tâche qu’il assigne à l’ethnographe — et celui qui en opère l'interprétation et les rend intelligibles. « Il faut des sociologues et des ethnographes. Les uns expliquent et les autres renseignent »[7].

Mauss a très peu pratiqué les études de terrain, à une période où cette méthode qui s’impose progressivement dans le monde anglo-saxon, notamment sous l’influence de Malinowski, restait marginale, en particulier en France. Les quelques observations directes qu’il mobilise par exemple dans ses travaux sur « les techniques du corps » sont issues de son expérience dans l'armée ou de son enfance en Touraine. Cependant, signe d’une évolution de la discipline, il a incité ses élèves à se rendre sur place pour les observations et a rédigé un Manuel d’ethnographie qui répertorie l’ensemble des dispositions à prendre lors d’une étude de terrain[8].

Bibliographie

Recueils présentés et rééditions

  • Sociologie et anthropologie, recueil de textes, préface de Claude Lévi-Strauss, Presses universitaires de France, 1950. Recueil d'articles comprenant l' Essai sur le don.
  • Œuvres, présentation par Victor Karady, comprenant trois volumes :
    • I. - La fonction sociale du sacré, 1968, Paris, Minuit, 633 p.
    • II. - Représentations collectives et diversité des civilisations, 739 p.
    • III. - Cohésion sociale et division de la sociologie, 734 p. 1968, 1969, Paris, Minuit, collection Sens commun, dirigée par Pierre Bourdieu.
  • Écrits politiques, Fayard, textes réunis et présentés par Marcel Fournier. Paris : Fayard, Éditeur, 1997, 814 pages. (lire en ligne)
  • Essai sur le don. Forme et raison de l'échange dans les sociétés archaïques(1925), Introduction de Florence Weber, Quadrige/Presses universitaires de France, 2007.

Études sur Marcel Mauss

Autres

  • Revue du MAUSS. Cette revue n'est pas à proprement parler consacrée à Marcel Mauss, mais s'inspire notamment de ses œuvres, en particulier de l'Essai sur le don.

Liens internes

Liens externes

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Notes et références

Notes

  1. « le caractère, pour ainsi dire, apparemment libre et gratuit, et cependant contraint et intéressé de ces prestations »

Références

  1. a et b Sociologie-Ethnologie. Auteurs et textes fondateurs. (ss dir) d'Alain Gras. Publications de la Sorbonne, 2003
  2. Marcel Fournier, Marcel Mauss : a biography, Princeton University Press, 2006, p. 10.
  3. Marcel Fournier (2006), p. 9.
  4. Marcel Fournier (2006), p. 43
  5. Marcel Fournier (2006), p. 43-44
  6. Marcel Fournier (2006), p. 273.
  7. Mauss, « Le manuel d’anthropologie de Kroeber », in Œuvres, Éditions de Minuit, Paris, vol. 3, p. 389. Cité dans Victor Karady, « Durkheim et les débuts de l'ethnologie universitaire ». In Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 74, septembre 1988. Recherches sur la recherche, p. 30
  8. Robert Deliège, Une histoire de l’anthropologie. Écoles, auteurs, théories, Éditions du Seuil, 2006, p. 69.

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