Massacre de Tamines

Massacre de Tamines
Monument érigé à Tamines, rappel du massacre de Tamines.

On connaît sous le nom de Massacre de Tamines les événements ayant eu lieu les 21, 22 et 23 août 1914 à Tamines (Belgique), au cours de la première Guerre mondiale.

Sommaire

Éléments de critique historique

Plusieurs types de sources susceptibles d’apporter des éléments de réponses pertinents sont utilisés, des récits de témoins présents à Tamines en août 1914, des articles de presse traitant du massacre au ouvrages de propagande publiés durant la guerre ou peu de temps après.

À tous ces témoignages, nous devons poser les questions fondamentales de la critique historique. C’est-à-dire dans l’ordre, la critique d’interprétation, de compétence, d’exactitude et de sincérité. Ces règles de critique s’imposent essentiellement pour la partie événementielle de ce mémoire. Tous les écarts à ces règles de la critique historique sont un apport extrêmement riche à l’étude des mentalités et de la mémoire collective.

La critique d’interprétation

La critique d’interprétation ou herméneutique, établit le sens du document, distingue ce que l’auteur a dit et ce qu’il a voulu dire. Nous devons pour cela, essayer de pénétrer la mentalité de chacun des témoins, en écartant nos préjugés[1]. Nous devons cerner les motivations des auteurs à témoigner. Souvent ce sont des victimes ayant survécu au massacre qui témoignent. Pourquoi font-elles cela ? Quelle est leur motivation personnelle ? Certains témoins expliquent leurs motivations à témoigner mais ce n’est pas souvent le cas. Toujours pour interpréter correctement le récit, nous devons connaître la langue employée par l’auteur, en l’occurrence, estimer correctement le poids des mots, les tournures, le style et le vocabulaire employés[2]. Par exemple, l’auteur utilise des qualificatifs injurieux afin de décrire les soldats allemands. À cette occasion, nous devons nous interroger sur le poids des mots à l’époque. Une injure de 1914 n’a sûrement plus la même portée aujourd’hui. Par conséquent, certaines d’entre-elles nous semblent de faible portée alors qu’à l’époque elles étaient lourdes de sens. Enfin, il s’agit d’extraire du texte ce qu’il contient mais rien de plus, et ne pas lui conférer trop vite une portée générale.

L’objectivité du témoignage

Autre élément à bien considérer, l’incidence de la peur et des émotions violentes. Ces deux facteurs peuvent atténuer l’objectivité du témoignage. A cet égard, il faut se méfier des informations statistiques fournies par le témoin. Les chiffres qu’il affirme sont généralement approximatifs ou arrondis spontanément à l’unité supérieure afin d’impressionner. Par ailleurs, nous devons considérer une possible mauvaise compréhension des faits. Les circonstances traumatisantes des événements de Tamines peuvent être à l’origine d’erreur d’observation. Le témoin relate ce qu’il a cru sincèrement voir. La solution de ce problème, réside dans le recoupement possible avec d’autres témoignages en vue de confirmer ou infirmer certaines informations fragiles.

La crédibilité

La compétence vérifiée, nous devons examiner si celui-ci ne ment pas, ne modifie pas les faits afin de servir un intérêt particulier. La haine d’une nation ou d’un peuple peut être, par exemple, à l’origine d’un mensonge. Cette vérification de la sincérité des documents permet d’asseoir ou non la crédibilité du témoignage. Ce problème de sincérité peut se poser, dans nos récits, à propos de la question litigieuse de l’époque : les francs-tireurs. Comme nous le verrons plus loin, la question des francs-tireurs est au centre du débat car ils furent pour les Allemands l’unique motif du massacre. Par conséquent, nous devons étudier attentivement les témoignage qui abordent cette question. Cela afin d’essayer de percevoir, par recoupement, si le témoin a travesti les faits.

Les événements de Liège à la Sambre

Le 4 août 1914 au matin, la cavalerie allemande, fer de lance de l’invasion, pénètre sur le territoire belge. Le plan de campagne des Allemands, établi en 1905 par le général von Schlieffen (Plan Schlieffen) – et modifié par son successeur von Moltke – prévoit la traversée de la Belgique pour attaquer la France par le Nord. Cette traversée doit être rapide. Pour cela, il faut écraser l’armée belge, et surtout les francs-tireurs comme ceux qu’ils ont affrontés en France en 1870[3].

La neutralité de la Belgique, consacrée dès 1831 dans le protocole de la Conférence de Londres, est donc bafouée par l’intrusion de troupes allemandes sur le sol national; l’état de guerre est déclaré. Le Roi Albert prend le commandement de l’armée comme le prévoit la constitution. La Belgique entre en guerre pour la première fois de son histoire.

Les première et deuxième armées allemandes foncent, dès le 3 août, sur la ville de Liège dont elles doivent s’emparer. C’est chose faite le 8 août, date à laquelle la ville tombe officiellement entre les mains des Allemands. L’armée belge oppose cependant une résistance supérieure à ce que les stratèges allemands avaient pensé. La ténacité des nombreux forts avait surpris l’avancée allemande, et la prise de ceux-ci avait entraîné la mort d’environ 5 000 soldats allemands[4]. La ville de Liège tombée, seul barrage important sur la route de l’invasion, la première armée allemande peut se diriger vers Bruxelles. Tandis que le général von Bülow, à la tête de la deuxième armée, poursuit sa route vers la Basse-Sambre, en direction de Namur et Charleroi[5].

Il arrive le 12 août à Huy où une brigade belge s’était repliée sur Andenne après avoir fait sauté les passages sur la Meuse. Le 20 août, sur ordre du général von Bülow, une colonne allemande fusille, à Andenne, plus de deux cents civils[6]. La deuxième armée continue ensuite son chemin vers la Sambre et arrive à proximité de la Sambre et de Tamines, entre Namur et Charleroi, le 20 août[7]. Face à elle, la 19e division d'infanterie du Xe corps d’armée français[8]; ces troupes françaises sont secondées par un détachement, peu important, de gardes civiques de Charleroi. Ces gardes civiques étaient 19 artilleurs de Charleroi commandés par le capitaine Gillieaux[9].

L’arrivée des Allemands à Tamines

Vendredi, vers 6h du matin, une patrouille composée de cinq cavaliers allemands, des uhlans, descend la route de Ligny, venant de Velaine-sur-Sambre. Il atteignent à peine l’hôtel de ville qu’une trentaine de soldats français et quelques artilleurs de la garde civique de Charleroi ouvrent le feu et blessent un des cavaliers. Les quatre uhlans restant foncent chercher du renfort en direction du bois de Velaine. Le soldat blessé est fait prisonnier par la garde civique et soigné par le docteur Scohy[10].

Une heure plus tard, environ trente uhlans accompagnés de cyclistes se présentent à l’entrée du village, par la route de Ligny. Ils subissent, au même endroit, les coups de feu des soldats postés près de l’hôtel de ville. Mais entre-temps, des détachements entiers d’Allemands avaient investi le quartier de la Praile, situé à l’entrée du village. Les soldats établissent, chez M. Mouffe, conseiller communal, un poste de la Croix-Rouge et y rassemblent une cinquantaine de civils, en majorité des hommes, qu’ils ont arrêtés sur leur chemin[11]. La tension est déjà vive puisque des soldats menacent de fusiller les prisonniers, qu’ils accusent d’avoir tiré sur leurs compagnons d’armes. Vers 8 heures, un officier ordonne à cinq prisonniers d’aller ramasser le cycliste blessé une heure avant. Ces civils sont donc contraints de précéder le groupe de soldats qui, tout le long du chemin, tirent sporadiquement sur les maisons et dans la rue. Sur le chemin du retour, alors que le blessé est transporté par les civils, les soldats français visent l’escorte allemande qui immédiatement riposte. C’est alors que, lors du retour vers le poste de la Croix-Rouge, des soldats allemands tuent, sans raison, à l’intersection du Baty Sainte-Barbe et de la rue de Velaine, une fillette de huit ans, Céline Huybrecht, et blessent un homme et une jeune fille[12]. Ces mêmes hommes incendient et saccagent également quelques maisons du quartier de la Praile.

De retour à la Croix-Rouge, où les Allemands détenaient toujours cinquante hommes, le commandant allemand ordonne à une femme d’aller chercher le bourgmestre de Tamines ainsi qu’un médecin. Or M. Guiot, le bourgmestre faisant fonction, était parti depuis le matin. Elle se rend alors au domicile d’Emile Duculot, conseiller communal au moment des faits, afin de le mettre au courant des événements. Ce dernier raconte: « Entre-temps, car il y avait urgence, j’entre chez Lalieu, médecin libéral et en même temps échevin et le mets au courant de la situation. Lalieu répond qu’il est trop vieux et demande qu’on aille chez le docteur Scohy. Celui-ci refuse également, c’est alors que le docteur Defossé et M. Férange, chef de la Croix-Rouge locale accompagnés de cinq brancardiers arrivent à la rencontre d’Emile Duculot. Une fois les nouveaux venus mis au fait, ils se rendent chez Mouffe où l’officier allemand les attend au milieu du chemin. Le docteur Defossé entre immédiatement soigner le blessé tandis que M. Duculot est rappelé par l’officier. M. Duculot lui expose alors la fuite du bourgmestre faisant fonction et se propose de le remplacer officieusement pour le moment[13]. Après avoir accepté, l’officier lui dit :
- On a tiré sur nous !(…) J’ai déjà trois revolvers !
- Monsieur, ce n’est pas possible ! On ne peut absolument pas avoir tiré ici ! La preuve en est qu’on a soigneusement repris toutes les armes ; il est strictement interdit de tirer. Personne n’y a d’ailleurs songé. »

L’officier change alors de sujet de conversation et demande au témoin jusqu’où ses hommes et lui peuvent avancer, sans danger dans le village. Emile Duculot dit à son interlocuteur qu’il lui est impossible de répondre à cette question. L’officier lui intime alors l’ordre de se rendre avec d’autres civils, placés en tête des troupes, jusqu’à l’église des Alloux, afin d’y ôter le drapeau national fixé au clocher[14]. Il accompagne son ordre de la menace de détruire le clocher au canon puis relâche tous les otages. Émile Duculot, avant de regagner son domicile, signale, aux troupes françaises, le nombre et la position des troupes allemandes.

La bataille

Alors que le nouveau bourgmestre de Tamines rentre chez lui, vers 13 heures, la bataille fait rage au départ de Velaines, d’Auvelais, d’Arsimont. À ce moment, l’essentiel du combat entre Français et Allemands, consiste en un duel d’artillerie. Les canons allemands sont disposés du côté de Velaine et de l’église des Alloux, tandis que les canons français sont, eux, situés de l’autre côté de la Sambre, entre Tamines et Arsimont[11]. L’armée française, sachant qu’elle était confrontée à une armée qui lui était supérieure en nombre, avait opté pour une stratégie de ralentissement de la progression allemande. Elle avait donc laissé des troupes, peu nombreuses, à Tamines, Auvelais et Farciennes, c'est-à-dire sur les ponts de la Sambre, ravitaillées depuis la gare de Tamines et renforcée par un détachement d’artilleurs de la garde civique de Charleroi.[36] Dès le jeudi matin, un maximum de soldats français se repliaient, laissant un nombre suffisant de soldats pour garder le pont et donc entraver la marche des Allemands tout en sacrifiant le moins de vies possible. Vers 13 heures, alors que le combat augmente en intensité, un groupe de cavaliers allemands descend vers l’église des Alloux. Trois soldats français embusqués derrière un mur en abattent deux, provoquant la fuite des autres. Peu de temps après, des fantassins allemands, descendus de Moignelée, attaquent les soldats français, au pont de chemin de fer, à l’écluse et les obligent à se replier complètement de l’autre côté de la Sambre.

Les troupes allemandes investissent le centre du village, et arrivent par la rue de la Station, fusil baissé. C’est l’attaque du pont[15]. Il est environ 16 heures, les soldats poussent devant eux des civils qu’ils obligent à dégager le pont obstrué par des véhicules, des sacs, etc.

Le pont dégagé, les fantassins allemands peuvent alors s’élancer en direction des positions françaises. Un témoin décrit la scène : « Lorsque les Allemands se trouvèrent en face des Français, ceux-ci les accueillirent par une grêle de balles, lancées par des fusils et des mitrailleuses, tant des maisons de la rue de Falisolles (rue située face au pont) que de la Tienne d’Amion. Ils furent littéralement fauchés. Il y eut là un affreux carnage de soldats allemands[11]. » Le combat d’une extrême violence cesse en début de soirée, avec le repli des troupes allemandes vers l’intérieur de Tamines. Pendant ce temps, de nouvelles troupes ne cessent d’affluer à l’intérieur du village et investissent la grande majorité des maisons et en incendient un grand nombre.

Mais, vers 2 heures du matin, les troupes allemandes s’élancent à nouveau en direction de l’armée française, de l’autre côté du pont. Le combat fait rage à nouveau, le son des canons français et allemands se fait à nouveau entendre. Cette bataille, faite d’avancées et de reculs, va se poursuivre toute la journée du samedi jusqu’aux alentour de quatorze heures. Un Frère des Écoles chrétiennes qui fut obligé, en pleine nuit, de ramasser les blessés allemands sur le pont avec d’autres ambulanciers décrit la scène : « Je dus en pleine bataille traverser le pont non achevé. Les balles pleuvaient : on les aurait ramassées avec une pelle, sur ce pont ».

La plupart des habitants du quartier avoisinant le lieu des combats quittent leur maison et remontent vers l’école des Frères ou à l’église des Alloux. Le combat dure donc jusque 14 heures, moment où les Français, incapables de continuer à faire face aux vagues d’assaut allemandes, se voient contraints de se replier vers le Sud. Les pertes en vies humaines furent très lourdes dans les deux camps. Un officier allemand cita, devant le bourgmestre Duculot, le chiffre de 600 hommes mis hors de combat[10].

La population durant la bataille

Les soldats, dès leur arrivée, incendient plusieurs maisons du quartier de la Praile, au nord de Tamines, puis, au fur et à mesure de leur progression, d’autres foyers sont allumés ici et là[16].

Durant cette nuit de vendredi à samedi eut lieu la fusillade au café Hennion, situé sur la place Saint Martin. En effet, les soldats avaient investi le café vers 17 heures, y réquisitionnant tous les combustibles possibles pour incendier les maisons voisines[17]. Tandis que M. Hennion, le tenancier, se rend vers 21 heures accompagné de soldats au domicile du bourgmestre en fuite, les soldats retiennent 20 personnes en otages : cinq femmes, cinq enfants et dix hommes. Alors que le combat n’a pas encore repris, les soldats ordonnent aux dix hommes de sortir du bâtiment. À peine ont-ils franchi le seuil de la porte que neuf d’entre eux sont abattus par les soldats qui incendient ensuite le café. Quant à M. Hennion, nul ne connaît précisément les circonstances de sa mort : son corps fut retrouvé sans vie dans le cimetière, les poignets liés[18].

Par ailleurs, 12 personnes réfugiées dans la cave d’un magasin, le « bazar Mombeek », rue de la Station, y furent retenues prisonnières par des soldats alors que l’immeuble brûlait, asphyxiant ainsi cinq d’entre elles. Les autres furent sauvées grâce à l’intervention d’un soldat allemand. D’autres scènes du même genre se déroulèrent dans le centre de Tamines. Les soldats arrêtent systématiquement les habitants qui leur tombent sous la main et les concentrent en divers endroits.

Les habitants de la section dite du Cailloux, quartier Ouest de Tamines, sont parmi les plus chanceux. Un groupe d’environ cinq cents civils, arrêtés dans ce quartier, est escorté par des soldats et conduits en dehors de Tamines[19]. Un témoins rapportera: « Comme les 500 personnes qui fermaient le groupe, nous partions, nous ne savons où, guidés par des soldats qui faisaient le coup de feu, sur les personnes qui voulaient s’écarter de la route désignée. Et cependant ils nous conduisaient « hors de danger ».(…) Ce fut seulement à Baulet que les soldats nous abandonnèrent pour se joindre à des troupes en marche. »

Les arrestations du samedi

Tandis que la bataille continue de l’autre côté du pont de la Sambre entre les troupes françaises et allemandes, les Taminois, pour la plupart, se terrent dans les caves ou tout ce qui peut servir de refuge pour échapper aux obus. La matinée, les soldats arrêtent systématiquement tous les habitants pour constituer deux groupes de prisonniers composés chacun d’hommes, de femmes et d’enfants. Une partie des habitants, formant le premier groupe, arrêtés par les soldats, est conduite, après avoir été dévalisée, dans un champ de betteraves situé en bordure de Tamines vers Velaine[20]. Ce groupe de civil est placé au centre des troupes et se voit contraint de se coucher dans le champ, à une centaine de mètres de leurs canons.

Des soldats imitent un peloton d’exécution et font semblant de les fusiller[21]. Les deux prêtres présents dans le groupe, l’abbé Donnet et l’abbé Hottlet récitent à haute voix l’acte de contrition. Ils restent au même endroit pendant environ une demi-heure, puis, sont emmenés un peu plus loin. Le groupe grossit sans cesse, il arrive en masse de nouveaux prisonniers.

Aux alentours de 17 heures, sur ordre des Allemands, ces centaines de civils, pour la plupart traumatisés, descendent, escortés de soldats, vers l’église Notre-Dame des Alloux. Il y a du monde sur tous les autels, plein les confessionnaux, les gens se demandent s’ils seront fusillés ou s’ils seront brûlés dans l’église.

Pendant ce temps là, les Allemands constituent à un autre endroit, un second groupe de prisonniers gardé à l’école des Frères, abritant un local de la Croix Rouge. Un témoin s’y rend vers 10 heures en compagnie de son frère et y trouve hommes, femmes, enfants et vieillards, soit environ cent cinquante personnes. Remarquons qu’à ce moment précis, les soldats ne les retiennent pas encore, l’école n’ayant pas encore été investie par la troupe. Au cours de la journée, la masse de personnes ne cessera d’augmenter. Parmi tous ces gens, apparaît le nouveau bourgmestre de Tamines, Emile Duculot, ainsi que l’abbé Smal et le curé de Brye cachés jusque là dans le presbytère[22].

Vers 16 heures, les premiers soldats investissent les bâtiments scolaires où se sont réfugiés tous ces habitants. Ces soldats, sous les ordres d’un médecin, accompagnent l’ambulance allemande qui s’y installe avec les blessés du combat. A peine arrivés, les Allemands ordonnent la séparation des hommes et des femmes, enfants et vieillards. Ces derniers sont enfermés dans les caves de l’établissement. Les hommes cantonnés dans le réfectoire vont également passer la nuit à cet endroit.

De l’église à la place Saint Martin

Après avoir déplacé une partie des femmes et des enfants dans un bâtiment voisin, et avoir distribué un peu de nourriture, un chef allemand se présente à l’entrée de l’édifice. Il est environ 19 heures, cet officier interpelle l’abbé Hottlet, second prêtre de la paroisse, relativement âgé. L’officier s’énerve alors contre le vieil homme – ne comprenant pas les injonctions qui lui étaient adressées en allemand – et annonce, selon un autre témoin comprenant l’allemand, qu’ils vont être fusillés[23]. Très peu de temps après, on donne le mot d’ordre : tous les hommes doivent sortir !

Ils sont, aux dires des divers témoins, plus ou moins 600 hommes poussés hors de l’église par les soldats allemands. Selon les témoins présents, la scène se passe peu après 19 heures. Afin de percevoir au mieux la situation, il ne faut pas oublier qu’à ce moment précis la moitié des maisons de Tamines sont en flammes, et que les débris incandescents jonchent rues et trottoirs. Ces 600 sont donc debout, au milieu des incendies dans l’ignorance totale de ce qui va leur arriver.

Les soldats donnent l’ordre aux hommes de se mettre en rangs par quatre et distribuent des coups aux retardataires. Le cortège, encadré de tous côtés par des soldats à pieds ou à cheval, commence à descendre la rue de Velaine en direction de la place Saint Martin. Avant d’arriver sur la place, des soldats voyant des jeunes garçons mêlés au cortège leur donnent l’ordre d’en sortir et de retourner à l’église. Les trois prêtres du groupe reçoivent de nombreux coups de crosse et sont injuriés par les soldats formant l’escorte ou par les artilleurs et les cavaliers cantonnés le long du chemin.

Les premiers hommes arrivent sur la place Saint-Martin pleine de troupes allemandes. Ces hommes venant tous de l’église des Alloux reçoivent l’ordre d’aller se ranger au fond de la place, le long de la Sambre. Les soldats divisent le groupe en deux parties séparées l’une de l’autre de quelques mètres seulement et somment les hommes de s’aligner correctement[24].

La fusillade

Il s'agit apparemment d'un très long peloton d’exécution avec cinq étages de fusils superposés. Le premier rang de soldats est fortement accroupi et les fusils rasent le sol. Soudain, un officier allemand quitte les rangs et s’avance vers les civils. Il les accuse d’avoir tiré sur les soldats et ajoute qu’en conséquence ils seraient fusillés[25]. Il somme certains Taminois de crier « Vive l’Allemagne ! » et « Vive l’empereur ! », ordre auquel certains hommes obtempèrent, poussés par le désespoir et la peur.

Un coup de sifflet retentit, signal de la première fusillade, il est environ 8 heures du soir. Le peloton fait feu sur la masse compacte formée par les hommes. A peine le coup de sifflet que tous se jètent par terre. La première fusillade semble en effet, n’avoir fait que très peu de victimes. Les Allemands crient alors aux hommes de se relever immédiatement. Personne ne bouge. Un groupe de soldat s’avance alors vers les hommes couchés à terre qui, effrayés, se relèvent rapidement.

A peine sont-ils debout qu’une seconde salve, plus violente que la première, retentit sur la place. Les soldats sont, aux dires de témoins, secondés par une mitrailleuse placée à l’entrée du pont, fauchant une des extrémités du groupe[26]. A ce moment de la fusillade, de nombreuses personnes sont déjà mortellement blessées, d’autres sont tombés sur le sol et sont recouverts de cadavres. Les soldats tirent de manière irrégulière sur les hommes encore debout.

De longues minutes s’écoulent durant lesquelles certains, indemnes ou presque, sautent dans la Sambre, puis le peloton se disloque pour laisser la place à un groupe de soldats, portant des brassards de la Croix Rouge, venant de l’église. Accompagnés de soldats, ils se dirigèrent vers le tas de cadavres et de blessés, munis de leurs fusils avec baïonnette, de gourdins, de haches ou autres armes de fortune. Ils venaient achever les blessés disséminés sur tous le tas. De nombreux blessés, apercevant leur brassard appellent à l’aide. Parmi les premières victimes, le pharmacien Jules Delsauvenière, grièvement blessé est d’abord traité de franc-tireur avant d’être blessé à mort.

Témoignages d'horreur

De nombreuses personnes, indemnes ou blessées par la fusillade vont alors mourir dans d’atroces conditions. L’abbé Donnet témoigne : « Il y eut dans l’opération, deux parties bien distinctes. Ils se mirent tout d’abord à tuer à tort et à travers, dans le tas. Ils longeaient le monceau, l’escaladaient, passaient sur les morts, sur les blessés, sur les mourants, et s’acharnaient sur tout ce qui paraissait âme vivante. (…) Pour leur terrible besogne, les ambulanciers et les soldats se servaient de toutes sortes d’instruments. d’abord et surtout de la baïonnette : ils l’enfonçaient partout, dans le monceau de chair humaine ; certains ont été transpercés qui étaient en dessous de plusieurs cadavres ;(…) Ils frappaient aussi de la crosse des fusils ; certains avaient de grosses bûches de bois, des barres de fer : j’en ai revu et retrouvé le lendemain à côté du carnage, toutes couvertes de chair, de cervelle et de sang. Enfin, j’ai entendu aussi donner sur les blessés des coups de cravache. (…) Nous arrivons ici, si je puis dire au clou de la cruauté. Les soldats opéraient à deux ; ils saisissaient les victimes une par une, examinaient si elles étaient en vie, puis les achevaient à coups violents et répétés de baïonnettes. …Après,…, ils les jetaient dans la Sambre[27]. »

Citons encore le récit d’Emile Leroy, blessé par ces soldats chargés d’achever les blessés : « Du premier coup il me transperce la bras gauche de part en part ; le second plus furieux est porté en dessous du sein gauche – et c’est grâce à un calepin que j’ai en poche, et qui est transpercé d’outre en outre, que le cœur n’est pas atteint. Je reçois un troisième coup dans le flanc droit, après quoi, craignant que les coups ne m’atteignent à la figure ou dans le ventre, d’un effort surhumain, je me retourne. Exaspéré sans doute, mon bourreau me lance un terrible coup de son arme celle-ci pénètre dans le côté gauche du cou en dessous de l’artère carotide pour traverser une partie de la gorge et ressortir en dessous du menton – j’ai très bien senti le fer remuer dans la plaie, je l’ai même touché de ma main. Ayant retiré son arme de la blessure la brute m’offre le « coup de grâce » et me donne un coup formidable de crosse de fusil dans la nuque ; puis il m’abandonne croyant sans doute m’avoir tué. Il se trompe, je vis encore et j’ai toujours ma présence d’esprit. Cependant je perds mon sang ; craignant d’attirer à nouveau l’attention je n’ose faire aucun mouvement. Par un effort suprême de volonté je réussis cependant en usant de précautions – à nouer mon mouchoir de poche autour du cou pour essayer d’arrêter l’écoulement du sang car je me rends parfaitement compte que cette blessure est la plus grave de celles que j’ai reçues. Je viens à peine d’achever que j’entends tout à coup cette bande de sauvages qui revient à la charge ; la nuit est venue et pourtant je vois très bien qu’ils sont armés de pièces de bois ; à tour de bras ils frappent à nouveau dans le tas…, j’entends les coups qui martèlent les crânes. Au moyen de petits lampes électriques, ils inspectent leurs victimes, et celles qui se plaignent et elles sont nombreuses – sont prises à bras le corps et jetés à la Sambre.(…) C’est alors que soudain je sens la botte d’un de ces bandits qui touche ma figure, il est là debout près de moi… Quelques minutes d’attente qui me paraissent un siècle, et il s’en va…[28] »

Estimant leur tâche accomplie, les soldats se retirèrent vers l’église. Maintenant, quant à savoir combien de temps a duré le massacre, l’ensemble des survivants s’accordent à dire qu’une grosse heure s’écoula entre le début de la fusillade et la fin de l’achèvement des blessés. Commença alors pour les survivants une très longue nuit. Les Allemands placèrent très peu de sentinelles autour de l’amas de corps formé par les vivants et les morts. L’abbé Donnet, traîné hors de la masse, par deux soldats venus l’achever fut laissé pour mort à l’écart, avec, debout à ses côtés, deux sentinelles. Saisissant l’opportunité, plusieurs hommes encore valides vont se laisser glisser dans la Sambre, et, s’enfuir, à la nage, en direction des fermes voisines de Tamines[29].

La nuit, alors que certains hommes étaient évanouis ou assoupis, les plus grièvement blessés demandent aux plus valides d’aller leur chercher de l’eau : Ernest Labarre se leva et alla puiser de l’eau à la Sambre, pour l’apporter aux mourants. Il n’avait qu’une ou deux côtes froissées. A l’aide de bouteilles il donna à boire à un de ses voisins. Ces derniers s’emploient également, dans la limite de leur possibilités, à dégager les vivants bloqués sous les cadavres. L’abbé Donnet réveillé par les cris décrit assez bien la situation : « On était en pleine nuit. Mais les incendies projetaient sur la place une sinistre lueur, qui suffisait à distinguer le tableau. Les cadavres étaient, pour les trois quarts, affalés à genoux et repliés sur la tête. J’ai passé la nuit couché sur un cadavre qui était dans cette position et que je m’imaginais vivre toujours. De cet horrible monceau, s’élevaient encore des cris, certains agonisaient, d’autres se plaignaient, gémissaient. Au début surtout, c’était terrible ; Grâce ! Pitié ! Grâce pour ma femme ! pitié pour mes enfants ! J’ai soif[21] ! »

Dimanche matin et les survivants

Au lever du jour, la garde allemande fut renforcée afin qu’aucun survivant ne puisse s’échapper de la place. Cédant aux supplications de plusieurs mourants, M. Seron se mit à la recherche d’un prêtre. Après avoir découvert les corps sans vie de l’abbé Docq et de M. le curé Hottlet, il tombe sur l’abbé Donnet, blessé, mais capable de marcher un peu. C’est ainsi que les deux hommes, sous l’œil d’abord inquiet puis désintéressé des sentinelles, vont se rendre auprès de plusieurs agonisants. Vers 6 heures du matin, M. Seron décide de demander l’autorisation aux sentinelles d’aller chercher de l’eau et de la nourriture pour les blessés. Les sentinelles le repoussent vers le tas de cadavres.

Une heure plus tard, un officier allemand arrive devant les hommes et accuse à nouveau les survivants d’avoir tiré sur les soldats. Ce dernier refuse bien sûr la demande d’eau et de nourriture formulée par les survivants. Ce n’est qu’un peu plus tard, qu’un autre officier, médecin, autorise enfin deux ou trois hommes à aller puiser de l’eau. M. Seron profite de l’occasion pour questionner cet officier afin d’obtenir des éclaircissement sur le sort qu’ils réservent aux survivants. L’officier leur répond que leur sort est entre les mains de l’Etat-Major allemand. Deux possibilités sont envisagées : soit les survivants sont fusillés, soit ils sont tous conduits à Fleurus, agglomération située à quelques kilomètres de Tamines.

Pendant ce temps, plusieurs soldats parcourent l’endroit où gisent tous les corps. L’attitude de plusieurs d’entre eux a retenu l’attention de beaucoup de témoins. Par exemple, l’abbé Donnet a remarqué qu’un ou deux médecins allemands étaient émus du spectacle qui s’offrait à leurs regards et versaient des larmes[21].

Un autre témoin explique : « Je demandai des cigarettes pour fumer. Il alla chercher des cigares. Il alla ensuite à sa gibecière, prit une galette et la donna à un blessé qui se trouvait à proximité : J.-B. Demoulin (qui n’a pas survécu, il est mort sur la place même). Je lui demandai aussi s’il n’avait pas dans sa gourde de l’eau de vie ; il me la présenta et j’en donnai à boire à J.-B. Demoulin. Cet acte humanitaire lui valut une scène de reproches et de colère de la part du corps de garde de l’église. »

Les civils détenus chez les Frères

Le reste de la population taminoise détenue à l’école des Frères et à l’église des Alloux reçoivent l’ordre, peu après neuf heures et demie, de sortir dans la cour de l’établissement et de s’y ranger à quatre de front. Deux nouveaux cortèges s’organisent ainsi, le premier composé uniquement d’hommes et le second formé des femmes et enfants. Les hommes quittent les premiers la cour en direction de la place Saint Martin. Aucun d’entre-eux ne se doute de ce qu’ils vont découvrir une fois arrivés sur la place. Le groupe des femmes et des enfants les suivent peu de temps après.

Les premiers hommes qui débouchent sur la place découvrent, avec stupeur, les survivants de la fusillade, debouts au milieu des morts et des blessés. Beaucoup de cadavres étaient horribles à voir, tellement les blessures et les plaies étaient affreuses. Les soldats étaient allés aussi chercher dans le village des cadavres d’hommes et de femmes qui avaient été carbonisés dans leur caves, de leur nombre, les cadavres des nombreuses personnes qui avaient été tuées chez Hennion, puis jetés dans la maison en feu : ces cadavres étaient gonflés démesurément.

Face à eux, les survivants de la fusillade, debout parmi les morts et les blessés supportent difficilement leur condition. En effet, les cadavres commencèrent à répandre une odeur insupportable. La chaleur de ces journées était en effet excessive; les baïonnettes avaient fait des plaies affreuses: des ventres ouverts, des têtes sectionnées, des boîtes crâniennes vides, dont toute la cervelle était emportée; il y avait des têtes qui étaient aplaties, comme si on avait fait peser sur elles un poids énorme, des crânes vidés, des gorges coupées, des mâchoires brisées. Il se dégageait déjà une odeur insupportable.

Arrive le groupe des femmes et des enfants, conduit sous escorte en face de l’église Saint Martin. A ce moment, la place se remplit de soldats disposés un peu partout. Fréquemment, certains soldats vont menacer des hommes ou des femmes de l’un des deux groupes : entre le pont et nous, au milieu de la place, des soldats qui évoluent au signal donné par des coups de sifflets, d’autres qui circulent, s’approchent de nous menacent de la pointe de la baïonnette. Quelques soldats seulement étaient bons, disant qu'ils ne seraient pas fusillés.

Ils restent à cet endroit jusqu’au environs de midi, quand arrivent les supérieurs militaires en auto et à cheval. On leur dresse une table sur la place, presque en face du lieu de la fusillade, et sous les yeux de la population, le militaires commencent à manger et à boire[30]. Peu de temps avant l’heure de midi arrivèrent les chefs, en auto et à cheval. Ils regardèrent orgueilleusement et avec complaisance le spectacle lamentable qui s’étalait devant eux. A peu de distance de nous on dressa une table et ils prirent leur déjeuner. Après eux, le reste des soldats prirent le relais et jetèrent les flacons vides sur les survivants. Ils étaient ivres et il semble qu’ils s’animaient au carnage en se saoulant.

L’enterrement des victimes

Après le repas des officiers et des soldats, quatre cavaliers arrivent au milieu d’eux : ce sont apparemment des officiers porteurs d’un message de l’État Major. Il semble, au regard des événements, que le contenu de celui-ci épargnait le reste de la population taminoise et ordonnait l’enterrement des fusillés. Nous sommes à présent en début d’après-midi. Un officier demande un groupe de volontaires pour creuser une fosse dans un jardin attenant à la place. Une quarantaine de civils sortent des rangs, tous reçoivent un outil et se mettent à la tâche. Ils creusent une fosse d’un dizaine de mètres de long et large de cinq ou six mètres[31].

Une fois la fosse achevée, les soldats apportent des brouettes, des portes et des volets arrachés aux fenêtres des maisons incendiées sur la place. Une nouvelle équipe d’hommes est alors chargée de transporter les corps des fusillés, de la place à la fosse. Des hommes descendirent et rangeaient les corps au fur et à mesure qu’on les apportait. Sur la largeur de la fosse, les cadavres étaient alignés à l’aise dans leur longueur. Bientôt, ils marchèrent sur les corps, foulant aux pieds ceux des rangées inférieures. Afin d’accélérer le mouvement, des soldats réquisitionnent des survivants de la fusillade pour aider au transport des cadavres. Beaucoup de cadavres étaient horribles à voir, tellement les blessures et les plaies étaient affreuses. Parfois, certains corps présentant des signes de vie sont mis à l’écart par les hommes malgré les ordres des soldats chargés de la surveillance de l’opération. Une fois l’enterrement des corps terminé, le chanoine Crousse est désigné par les Allemands pour bénir la fosse avant qu’elle ne soit recouverte de terre[32].

Le départ de la population vers Velaine

Il est à présent 17 heures, un coup de sifflet retentit sur la place. Les hommes doivent se mettre en rang par cinq, entre deux haies de soldats, tandis que l’autorisation est accordée au groupe des femmes de les rejoindre. Les blessés légers de la fusillade doivent s’incorporer au groupe, les autres seront soignés sur place par le Dr Defossé. Le groupe de civils se met en marche, par la rue de la Station, vers le nord de Tamines en direction de Velaine. Le long du chemin, ils croisent de nombreuses troupes : Les uns éclatent de rire en les voyant si nombreux ; d’autres les maudissent et les menacent du poing ; d’autres ont les larmes aux yeux, surtout ceux qui, par leur tenue, et leur visage distingués semblaient plus compatissants. L’un d’eux demanda au soldat de garde : « Qu’est tout ce monde là ?
- Un monde que nous chassons et conduisons en exil. »
Le cavalier s’essuyant les yeux de dire: « C’est honteux, c’est dégoûtant de traiter ainsi les gens. »

Dans les bois, des soldats tirèrent plusieurs coups de feu en l’air pour effrayer les marcheurs. C’est à ce moment que les soldats modifièrent la destination, refusant d’aller plus loin que Velaine. Ils traversent une partie du village jusqu’à l’école St Joseph et là l’officier demanda de lever les bras et de crier « Vive l’Allemagne ! ». Le soldat continue : « Maintenant, vous êtes libres, vous pouvez vous disperser (…). Mais vous ne pouvez plus rentrer à Tamines avant la fin de la guerre »[11].

Le pillage

A Tamines, les blessés les plus gravement atteints étaient pris en charge par les médecins et les religieuses du couvent des sœurs de la Providence et de l’Immaculée Conception. Les balles ont percé les bras, les jambes, les têtes; les poitrines sont perforées. Le sang qui a coulé à flots s’est caillé dans les vêtements qui adhèrent à la peau. L’abbé Donnet, incapable de se rendre à Velaine, est transféré à l’intérieur de l’église.

Vidé de la quasi totalité de sa population, la localité est livrée au pillage systématique par les troupes allemandes. Tout ce qui ne convenait pas avait été éparpillé sur place et couvert de leurs saletés et de leurs ordures. Il est impossible de se faire une idée de l’état de turpitude dans lequel ils ont laissé les habitations, après y avoir tout enlevé[11].

Conclusion

Tels sont donc les faits qui se sont déroulés à Tamines au cours des journées des 21, 22 et 23 août 1914. Le bilan officiel, dressé après la guerre fait état de 613 victimes dont 384 tués, au total[33]. Parmi les décédés, on distingue 315 fusillés sur la place, 40 noyés, 22 tués hors de la fusillade, 9 tués au café Hennion, 13 carbonisés et 24 personnes décédées des suites des événements. L’examen minutieux de la liste détaillée des victimes du massacre révèle la présence de nombreux jeunes tués par les soldats. On dénombre pas moins de 40 victimes presque toutes masculines, de moins de 21 ans. Enfin, les destructions, dues aux combats et aux incendies volontaires allumés par les soldats, approchent du chiffre de 300 maisons incendiées.

Notes et références

  1. GENICOT, L., Critique historique, Louvain-la-Neuve, 1987, p.41-42
  2. SALMON, P., Histoire et critique, Bruxelles, 1987, p. 123
  3. WINTER, J. et BAGGETT, B., 14-18 Le grand bouleversement, Presses de la Cité, 1997, p. 64
  4. ROUQUEROL, J., Charleroi. Août 1914, Paris, 1932, p. 67
  5. TASNIER, M. et VAN OVERSTRAETEN, R., L’armée belge dans la guerre mondiale, Bruxelles, 1923, p. 22-25, carte détaillée, Schmitz & Nieuwland, vol 3, p.12
  6. PIRENNE, H., Histoire de Belgique des origines à nos jours., t. V, [s.l], 1975, p. 219
  7. TASNIER, M. et VAN OVERSTRAETEN, R., op. cit., p. 90-92
  8. Ibid., p.113
  9. Archives de l’évêché de Namur. Fonds Schmitz et Nieuland. L’invasion allemande t.3 : Tamines et la bataille de la Sambre. Récits des événements de Tamines. Témoignage n°4 du Bourgmestre Duculot du 29/11/1915
  10. a et b Ibidem, Témoignage n°4 du Bourgmestre Duculot du 29/11/1915
  11. a, b, c, d et e Ibidem, Témoignage du chanoine Crousse du 25/02/1915
  12. Ibidem, Témoignage anonyme n°4. [s.d.] & Témoignage de M. Seron du 1/11/1915
  13. Ibidem, Témoignage anonyme n°4. [s.d.] & du chanoine Crousse du 25/02/1915 & Témoignage du Bourgmestre Duculot n°2 et 3 [s.d.] et n°4 du 29/11/1915
  14. Archives de l’évêché de Namur. Fonds Schmitz et Nieuland. L’invasion allemande t.3 : Tamines et la bataille de la Sambre. Récits des événements de Tamines. Témoignage anonyme n°4. [s.d.] & du Vicaire Gilon du 22/04/1915 & Témoignage du Bourgmestre Duculot n°2 et 3 [s.d.] et n°4 du 29/11/1915
  15. Archives de l’évêché de Namur. Fonds Schmitz et Nieuland. L’invasion allemande t.3 : Tamines et la bataille de la Sambre. Récits des événements de Tamines. Témoignage du Frère Guillaume Plum [s.d.] & du chanoine Crousse du 25/02/1915
  16. Après l’examen de l’ensemble des témoignages il semble bien que tous ces incendies allumés par les troupes allemandes dans la commune relèvent de plutôt de l’acte gratuit que de la stratégie.
  17. Ibidem, Témoignage de M. Seron du 1/11/1915. Signalons au lecteur que l’épisode du café Hennion apparaît presque dans tous les récits de témoins. Cependant, le témoignage de M. Adolphe Seron reste le plus précis à ce sujet.
  18. LEMAIRE, A., La tragédie de Tamines, 5e éd., Tamines, 1957, p. 20-21
  19. Ibidem, Témoignage de M. Latteur [s.d.]
  20. Ibidem, Témoignage d’un Frère des Ecoles chrétiennes de Tamines ambulancier au moment des faits, du 29 novembre 1914 & de l’abbé Donnet de novembre 1915 & de Lise Hottlet, 1915
  21. a, b et c Ibidem, Témoignage de l’abbé Donnet de novembre 1915
  22. Ibidem, Témoignage n°4 du Bourgmestre Duculot du 29/11/1915. L’abbé Smal, était né en 1857 et ordonné prêtre en 1881. Il était donc âgé de 57 ans lors des événements. Dans Directorium ad rite divinum officium recitandum missaque celebrandos ad usum cleri dioecesis namurcensis, 1911, Namur, 1911, p.138
  23. Ibidem, Témoignage de l’abbé Donnet de novembre 1915 & de M. Seron du 1er novembre 1915
  24. Archives de l’évêché de Namur. Fonds Schmitz et Nieuland. L’invasion allemande t.3 : Tamines et la bataille de la Sambre. Récits des événements de Tamines. Témoignage de l’abbé Donnet de novembre 1915 & Témoignage de M. Seron du 1er novembre 1915 & de M. Lardinois [s.d] & de M. Moussiaux [s.d] & de M. Heuckelom [s.d] & de M. Minon [s.d] & de Anonyme n°2 [s.d] & M. Leroy [s.d] & de Anonyme n°4 [s.d] & Anonyme n°3 [s.d]
  25. Ibidem, Témoignage d’anonyme n°4 [s.d]& de M. Seron du 1er novembre 1915
  26. Ibidem, Témoignage de M. Seron du 1er novembre 1915 & de M. Minon [s.d] & de M. Vanderwaeren [s.d] - La question de la mitrailleuse a fait couler beaucoup d’encre dans les années qui suivirent les événements.
  27. Archives de l’évêché de Namur. Fonds Schmitz et Nieuland. L’invasion allemande t.3 : Tamines et la bataille de la Sambre. Récits des événements de Tamines. Témoignage de l’abbé Donnet de novembre 1915
  28. Ibidem, Témoignage de M. Leroy [s.d]
  29. Ibidem, Témoignage M. Minon [s.d]
  30. Archives de l’évêché de Namur. Fonds Schmitz et Nieuland. L’invasion allemande t.3 : Tamines et la bataille de la Sambre. Récits des événements de Tamines. Témoignage du chanoine Crousse du 25/02/1915 & témoignage n°3 [s.d ] & Témoignage n°4 du Bourgmestre Duculot du 29/11/1915 & Témoignage de M. Seron du 1er novembre 1915 & de l’abbé Donnet de novembre 1915 & de M. Leroy [s.d ] & de l’abbé Smal du 30 septembre 1914
  31. Archives de l’évêché de Namur. Fonds Schmitz et Nieuland. L’invasion allemande t.3 : Tamines et la bataille de la Sambre. Récits des événements de Tamines. Témoignage du chanoine Crousse du 25/02/1915 & témoignage n°3 [s.d ] & Témoignage n°4 du Bourgmestre Duculot du 29/11/1915 & Témoignage de M. Seron du 1er novembre 1915 & de l’abbé Donnet de novembre 1915 & de M. Leroy [s.d]
  32. Archives de l’évêché de Namur. Fonds Schmitz et Nieuland. L’invasion allemande t.3 : Tamines et la bataille de la Sambre. Récits des événements de Tamines. Témoignage du chanoine Crousse du 25/02/1915 & de l’abbé Smal du 30 septembre 1914
  33. LEMAIRE, A., La tragédie de Tamines, p.188. Alfred Lemaire cite les chiffres repris dans la liste dressé par l’abbé Paul Gilon, vicaire de Saint-Martin. Le chanoine Schmitz qui a également dressé une liste des victimes, peu de temps après les événements, atteint, quant à lui, le chiffre de 372 tués. (dans Nécrologue de la paroisse de Tamines. Archives de l’évêché de Namur. Fonds Schmitz et Nieuland. L’invasion allemande t.3 : Tamines et la bataille de la Sambre. Farde n°3 Nécrologie de la paroisse de Tamines.) Le bilan tel qu’il a été officiellement consacré sur le monument aux fusillés est de 384 morts

Voir aussi

Liens externes

Bibliographie

La bibliographie complète est disponible sur www.tamines1914.be dans la rubrique "sources".

On lira en particulier :

  • Simon Alexandre, Mémoire d’une « Cité martyre ». Le massacre de Tamines du 22 août 1914, Mémoire de maîtrise de l’ULB, Bruxelles, 2000.
  • [PDF] Aurore François et Frédéric Vesentini, « Essai sur l'origine des massacres du mois d'août 1914 à Tamines et à Dinant », dans Cahiers d'Histoire du Temps Présent/Bijdragen tot de Eigentijdse Geschiedenis (CHTP/BEG), Bruxelles, no 7, 2000, p. 51-82 [texte intégral (page consultée le 28 août 2011)] 



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