Massacre de Wounded Knee

Massacre de Wounded Knee
Fosse commune avec des Lakota morts après le massacre de Wounded Knee.

Le massacre de Wounded Knee est une opération militaire qui s'est déroulée aux États-Unis d'Amérique, dans le Dakota du Sud, le 29 décembre 1890. Entre 300 et 350 Amérindiens de la tribu Lakota Miniconjou (dont plusieurs dizaines de femmes et des enfants) ont été exécutés par l'armée des États-Unis.

Cinq cents soldats du 7e régiment de cavalerie des États-Unis, appuyés par quatre mitrailleuses Hotchkiss, ont encerclé un campement d'Indiens Lakota avec l'ordre de les convoyer en train vers Omaha dans le Nebraska. Le commandant du 7e avait reçu l'ordre de procéder à un désarmement préalable.

Il existe différentes versions du massacre mais les historiens s’accordent sur le fait que les tirs ont commencé pendant le désarmement des Indiens. Un coup de fusil a retenti et les Indiens, désarmés et encerclés, ont été mitraillés. Au total 26 soldats de la cavalerie ainsi que 153 Indiens Sioux ont été tués, dont 62 femmes et enfants. Les cadavres indiens furent enterrés dans une fosse commune sur le lieu du massacre. D'autres Sioux sont morts de leurs blessures ultérieurement ainsi qu'un lieutenant de la cavalerie.

Sommaire

Les évènements

Préludes

En février 1890, le gouvernement des États-Unis rompt un traité passé avec les Lakota en divisant la Grande réserve indienne Sioux de l'État du Dakota du Sud (qui englobait la plus grande partie de l'État) en cinq réserves dont la totalité est plus petite. Cela est réalisé pour satisfaire les intérêts des propriétaires de l'Est, conformément à la politique clairement affichée du gouvernement « de rompre les relations tribales » et d’obliger « les Indiens à se conformer au mode de vie de l'homme blanc, pacifiquement si possible ou sinon par la force ».

Une fois les réserves « ajustées », les tribus sont séparées en unités familiales sur des parcelles de terrain de 320 acres.
En raison de la sécheresse, les récoltes de 1890 sont insuffisantes pour assurer l’alimentation des Sioux. Malheureusement pour les Indiens, le gouvernement a aussi réduit les rations de moitié, les Indiens étant jugés « paresseux ». Comme le bison a, de plus, été pratiquement exterminé de la plaine quelques années plus tôt, les Sioux se retrouvent en situation de famine.

La Danse des esprits (Ghost Dance)

En 1890, Jack Wilson, un chef religieux amérindien connu sous le nom de Wovoka déclare que, pendant l'éclipse totale du soleil du 1er janvier 1889, il a reçu la révélation qu'il est le Messie de son peuple. Le mouvement spirituel qu'il crée devient connu sous le nom de « Danse des esprits » (Ghost Dance), mélange syncrétique de spiritualisme Paiute et de christianisme Shaker. Bien que Wilson a prédit la disparition des hommes blancs, il enseigne également que, jusqu'au jour du Jugement dernier, les amérindiens doivent vivre en paix et ne pas refuser de travailler pour les blancs.

Chez les Sioux, les deux premiers convertis à cette nouvelle religion sont Kicking Bear et Short Bull, de la réserve de Pine Ridge. Tous deux reconnaissent que Wilson a fait de la lévitation devant eux mais ils interprètent différemment ses paroles. Ils rejettent la prétention de Wilson d'être le Messie et croient que le Messie n'arrivera pas avant 1891. Ils refusent aussi le pacifisme de Wilson et estiment que des vêtements spéciaux, les « chemises des esprits » (ghost shirts) les protégeront des balles.

La Danse des Esprits se propage rapidement chez les Sioux, démoralisés et affamés. Effrayés, les agents indiens demandent l'aide de l'armée. Bien que probablement une majorité des Indiens de la réserve de Pine Ridge a été convertie, le chef Sitting Bull n'en fait pas partie. Cependant, il garantit la liberté religieuse ; mais les fonctionnaires fédéraux interprètent cette tolérance comme un appui total, et le général Nelson Miles ordonne son arrestation. Quarante-trois policiers indiens essayent de l'arrêter le 15 décembre 1890 à l'agence de Standing Rock. Pour des raisons peu claires, une fusillade se déclenche et Sitting Bull est parmi les douze tués.

400 Hunkpapa Lakota fuient à la réserve indienne de Cheyenne River des Lakota Miniconjou. 38 Hunkpapa Lakota du village de Sitting Bull trouvent refuge dans le campement des Miniconjou de Big Foot dans la réserve de Cheyenne River. Miles ordonne aussitôt l'arrestation de Big Foot mais l'armée temporise, espérant que la réputation de pacifiste de ce dernier préviendra les hostilités. Quand les Hunkpapa arrivent, apeurés par la venue de nombreux soldats dans la réserve, les 300 Miniconjou décident d’abandonner leur village et de rejoindre le chef Red Cloud (qui ne fait pas partie du mouvement de la Danse des Esprits) à l’agence de Pine Ridge.

Ignorant les intentions des Indiens, et craignant que la destination de Big Foot ne soit le bastion des danseurs des Esprits dans les Bad Lands, le général Miles déploie les 6e et 9e régiments de cavalerie pour bloquer les Minniconjou.

Canon Hotchkiss à Wounded Knee.

Le clan de Big Foot est intercepté par le major Samuel Whitside et environ 200 hommes du 7e de cavalerie (massacré à Little Big Horn par les Sioux 14 ans auparavant). Whitside transfère Big Foot qui souffre d'une sévère pneumonie vers une ambulance de campagne et escorte les Lakota à leur camp pour la nuit à Wounded Knee Creek. L'armée fournit aux Lakota des tentes et des rations. Les Indiens sont comptés : il y a dans le village 120 hommes et 230 femmes et enfants.

Le matin suivant, les Lakota trouvent face à eux le reste du régiment, avec son commandant, le colonel James W. Forsyth, arrivé pendant la nuit, ainsi qu'une batterie de canons Hotchkiss du 1er régiment d'artillerie. Les armes sont disposées sur une petite colline surplombant le campement. Forsyth informe Whitside que les Lakota doivent être transférés dans un camp militaire à Omaha dans le Nebraska.

Le massacre

Le chef Miniconjou Big Foot, abattu par un soldat, gît dans la neige.

La 7e de cavalerie a reçu l'ordre du commandant du département de la Platte, le général John Brooke, de désarmer le clan de Big Foot avant le transfert vers le Nebraska. La veille au soir, après avoir été escortés au camp et avoir été encerclés de toute part, les Lakota sont considérés comme des prisonniers virtuels. Forsyth choisit de ne pas essayer de les désarmer dans la soirée.

Au matin, les hommes Lakota sont rassemblés et informés qu'ils doivent remettre toutes leurs armes à feu. Les soldats, craignant que des armes restent cachées, commencent à fouiller les tentes, provoquant la colère des Lakota qui, selon l'armée, sont sous l'influence d'un chaman Miniconjou, Yellow Bird.

Lorsque les soldats tentent de désarmer un Lakota nommé Black Coyote, un coup de feu part. Une fusillade générale s’ensuit. La plupart des hommes Lakota, encerclés par les soldats, sont abattus. Les survivants se dégagent. C’est alors que les canons bombardent le village des femmes et des enfants.

On a longtemps prétendu que 146 Lakota avaient été tués ainsi que 25 soldats de la cavalerie des États-Unis qui comptait également 35 blessés, Big Foot figurant parmi les morts.
En fait, l'armée américaine reconnaît aujourd'hui que c'est 300 à 350 Amérindiens qui périrent lors de ce « massacre »[1], terme utilisé par le général Nelson A. Miles dans une lettre du 13 mars 1917 au commissaire aux affaires indiennes. Les soldats tirant de tous les côtés, on pense que certains d'entre eux ont été tués par leur propre régiment mais aucune enquête n'a permis de connaître la vérité.
Le lieutenant James D. Mann, un des principaux responsables du tir, meurt de ses blessures dix-sept jours plus tard, le 15 janvier 1891, à Fort Riley dans le Kansas.

Conséquences

Lorsque la tempête de neige qui s'est abattue entre temps se calme, les militaires embauchent des civils pour enterrer dans une fosse commune les 146 victimes Lakota : 84 hommes et garçons, 44 femmes et 18 enfants. De plus, 7 Lakota meurent à l'hôpital de Pine Ridge des suites de leurs blessures.

Le colonel Forsyth, désavoué par le général Nelson Miles, est immédiatement relevé de son commandement. Une enquête militaire approfondie menée par Miles critique les dispositions tactiques prises par Forsyth tout en l'exonérant de sa responsabilité. Le secrétaire à la guerre rétablit alors Forsyth dans son commandement du 7e régiment de cavalerie. La cour juge que, pour la plupart, les soldats de la cavalerie ont essayé d'éviter les atteintes aux non-combattants.
Néanmoins Miles continue à critiquer Forsyth qui, selon lui, a délibérément désobéi aux ordres. C’est du général Miles que vient l'opinion selon laquelle Wounded Knee est un massacre délibéré plutôt qu'un drame provoqué par des décisions malheureuses (l’opinion publique américaine étant alors généralement favorable à Forsyth).

Vingt « médailles d'honneur » sont attribuées à des soldats du 7e de cavalerie pour leur conduite durant le massacre. Aujourd'hui encore, les Amérindiens réclament instamment qu'elles soient requalifiées en « médailles du déshonneur ».

Beaucoup de non-Lakota vivant près des réserves interprètent la bataille comme la défaite d'un culte meurtrier, la Danse des Esprits, faisant l’amalgame entre les adeptes de ce culte et les Amérindiens en général.

Peu après le massacre, un jeune journaliste, L. Frank Baum (qui deviendra plus tard célèbre en tant qu'auteur du Magicien d'Oz) écrit dans l'Aberdeen Saturday Pioneer du samedi 3 janvier 1891 :

« L'Aberdeen Saturday Pioneer a par le passé déclaré que notre sûreté dépendait de l'extermination des Indiens. Après leur avoir fait du tort pendant des siècles, nous devrions, afin de protéger notre civilisation, insister encore et débarrasser la terre de ces créatures indomptées et indomptables. De cela dépend la sécurité des colons et des soldats commandés par des incompétents. Autrement, nous pouvons nous attendre à ce que les années futures nous apportent autant de déboires avec les Peaux Rouges que les années passées. »

Vers la fin du XXe siècle, les critiques se font plus vives. Beaucoup considèrent l’évènement comme une des plus grandes atrocités de l'histoire des États-Unis.
Il est ainsi commémoré par la chanson engagée Bury My Heart at Wounded Knee (« Enterre mon cœur à Wounded Knee »), écrite par Buffy Sainte-Marie.
Il est aussi le sujet d'un livre à succès de l'historien Dee Brown publié en 1971 (New York ; Holt, Rinehart & Winston) : Enterre mon cœur à Wounded Knee : la longue marche des Indiens vers la mort (Bury my Heart at Wounded Knee, an Indian History of the American West).

Les suites historiques

Dernier conflit armé avec les Amérindiens ?

Wounded Knee est généralement considéré comme l'évènement qui met fin à 400 ans de guerres indiennes. À strictement parler pourtant, le massacre n'est pas le dernier conflit entre les Amérindiens et l'armée des États-Unis.
Une escarmouche a lieu à la Mission Drexel le lendemain du massacre de Wounded Knee, qui entraîne la mort d'un soldat de la cavalerie et en blesse six autres appartenant au 7e de cavalerie. Cet évènement à la Mission Drexel fut presque totalement éclipsé par le drame de la veille. Les danseurs Lakota qui ont été persuadés de se rendre préfèrent fuir en apprenant ce qui s'est passé à Wounded Knee. Ils brûlent plusieurs bâtiments de la mission puis attirent un escadron du 7e de cavalerie dans un guet-apens et le harcèlent jusqu'à l'arrivée des renforts du modifier] Février 1973 : le renouveau de la cause indienne

Pour plus d'informations, se reporter à l'article en anglais Wounded Knee incident

Plus de quatre-vingts ans après le massacre, le 27 février 1973, Wounded Knee est le théâtre d'un affrontement entre les autorités fédérales et les militants de l'American Indian Movement. Ce jour là, près de 300 Sioux Oglala ainsi que des sympathisants de la cause indienne se rendent au village de Wounded Knee et l'occupent pour exiger qu'on reconnaisse leurs droits et leur terre. Les membres d'une nouvelle organisation indienne, l'AIM s'étaient auparavant exprimés au centre communal de Calico (Dakota du Sud) pour dénoncer les pratiques du président tribal (en)Dicky Wilson[2], accusé d'être un "homme du pouvoir blanc" dans sa gestion de la (en) réserve.

Cet évènement est raconté dans un livre publié par les Akwesasne Notes en 1973 : Voices from Wounded Knee. Il a été mis en film dans Lakota Woman, siège à Wounded Knee, à travers la participation à l'évènement de Mary Crow Dog.

Impacts de balle criblant la voiture (modèle AMC Ambassador) de l'agent du FBI Ronald Williams après la fusillade.

En quelques heures, plus de 2 000 agents du FBI, des policiers fédéraux et des représentants du Bureau des affaires indiennes cernent la ville et organisent un blocus avec des véhicules blindés, des mitrailleuses, etc. Le siège dure 71 jours et fait deux morts dont Franck Clearwater, un Indien qui se reposait dans une église. Une paix est signée et les deux camps acceptent de désarmer.

Les Indiens ont instauré une communauté remarquable, avec des cantines communautaires, un service de santé et un hôpital, au sein du territoire assiégé.

Un Indien Navajo, vétéran de la guerre du Vietnam déclara à l'époque :

« Le calme des gens était réellement stupéfiant étant donné qu'on nous tirait dessus sans arrêt. Mais ils restaient parce qu'ils avaient une cause à défendre. C'est pour çà qu'on a perdu au Vietnam, parce que la cause était mauvaise. On a fait une guerre de riches pour les riches... À Wounded Knee on a fait du bon boulot et le moral était bon. On continuait à rigoler malgré tout. »

Bibliographie

  • Dee Brown, Enterre mon coeur à Wounded Knee : une histoire américaine, traduit en français par Nathalie Cunnington, éd. Albin Michel, 2009, 476 pp.
  • Black Elk, Raymond J. DeMallie, Le Sixième Grand Père, Black Elk et la Grande Vision, Éditions du Rocher, Monaco, 1999 (témoignages de première main d’Indiens Lakota sur le massacre)
  • David Cornut, Little Big Horn, autopsie d'une bataille légendaire, Parçay-sur-Vienne, Anovi, 2006 (un chapitre entier sur le massacre du point de vue indien et américain)
  • George E. Hyde, Histoire des Sioux. Tome 2. Conflits sur les Réserves, Éditions du Rocher, Monaco, 1996, ISBN 2-268-02239-0
  • Jean Pictet, L'Épopée des Peaux-Rouges, Éditions du Rocher, Monaco, 1994, ISBN 2-268-01722-2
  • Gregory F. Michno, Encyclopedia of Indian Wars, Western battles and skirmishes, 1850-1890, Mountain Press Publishing Company, 2005, ISBN 0 87842 468 7

Voir aussi

Notes et références

  1. Joelle Rostkowski, lors de l'émission La fabrique de l'histoire sur France culture, le 14 septembre 2011 (http://www.franceculture.fr/emission-la-fabrique-de-l-histoire-histoire-des-indiens-34-2011-09-14.html)
  2. circonstances du 27 février 1973 : source, p.199 .

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