Maurice Audin

Maurice Audin
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Place Maurice-Audin, à Alger.

Maurice Audin, né le 14 février 1932 à Béja (Tunisie) et décédé le 21 juin 1957, est un assistant de mathématiques français à l’université d’Alger, membre du Parti communiste algérien (PCA) et militant de la cause anticolonialiste. Il fut torturé et tué par les services français[1], car il était militant de la cause de l'indépendance algérienne.

Il est le père de la mathématicienne Michèle Audin.

Sommaire

L'affaire Audin

Membre de la cellule Langevin des Étudiants communistes, Maurice Audin fréquentait aussi l'association des étudiants musulmans, l'AEMAN (devenue en 1955 l'UGEMA)[2]. Le PCA est interdit le 13 septembre 1955[2]. Père de trois enfants, il organise, avec sa sœur et son beau-frère, l'exfiltration clandestine à l'étranger de Larbi Bouhali, premier secrétaire du PCA, en septembre 1956[2].

Près de deux ans plus tard, lors de la « bataille d'Alger », Maurice Audin est arrêté à son domicile, le 11 juin 1957, par le capitaine Devis, le lieutenant Philippe Erulin et plusieurs militaires du 1er régiment étranger de parachutistes, pour être transféré vers une destination où il est assigné à résidence. Une souricière étant installée dans l'appartement de la famille Audin, Henri Alleg, ancien directeur du journal Alger républicain et auteur de La Question, y est arrêté le lendemain. À l'exception des militaires, il est le dernier à l'avoir vu vivant[3]. La trace de Maurice Audin est dès lors perdue pour son épouse Josette et leurs trois enfants.

Selon l'armée française, Maurice Audin se serait évadé en sautant de la jeep qui le transférait de son lieu de détention. Mais selon les membres de sa famille politique et une enquête de l'historien Pierre Vidal-Naquet qui écrit, en mai 1958, dans la première édition de L'affaire Audin, que l'évasion était impossible, Maurice Audin est mort au cours d'une séance de torture, assassiné le 21 juin 1957 par le lieutenant Charbonnier, officier de renseignement servant sous les ordres du général Massu.

Dès juillet 1957, certains journaux commencent à évoquer « l'affaire Audin ». Le 2 décembre 1957, la soutenance in absentia de la thèse de doctorat d'État de mathématiques de Maurice Audin, « sur les équations linéaires dans un espace vectoriel », provoque l'indignation de certains universitaires contre la situation en Algérie. Le jury est composé de Jean Favard, président, Laurent Schwartz, rapporteur et Jacques Dixmier, troisième membre du jury. C'est René de Possel qui expose au tableau les résultats d’Audin[4]. Des « comités Audin » sont créés pour faire la lumière sur l'affaire et sensibiliser l'opinion sur la pratique de la torture en Algérie. Une enquête judiciaire est menée suite à la plainte contre X pour homicide déposée par sa femme le 4 juillet 1957.

Par ailleurs, celle-ci milite contre les disparitions avec d'autres familles de victimes, dont Djamila Briki[2].

À la demande des avocats de madame Audin, l'instruction est transférée à Rennes en avril 1959 et se prolonge jusqu'en 1962. Un non-lieu est prononcé, en avril de la même année, pour insuffisance de charges. De plus, le décret du 22 mars 1962[5] amnistie « les faits commis dans le cadre des opérations de maintien de l'ordre dirigées contre l'insurrection algérienne ». Les avocats font appel puis saisissent la Cour de cassation[6],[7].

En 1966, la Cour de cassation dit n'y avoir lieu à statuer sur le pourvoi, les faits allégués par la partie civile étant amnistiés par une loi[8] du 17 juin de cette année[6]. Le corps de Maurice Audin n'ayant pas été retrouvé, un acte de décès est établi par le tribunal d’Alger, le 1er juin 1963, le jugement devenant exécutoire en France le 27 mai 1966. Un nouveau non-lieu est prononcé en juillet 2002 suite à une nouvelle plainte de son épouse pour séquestration et crime contre l'humanité déposée le 16 mai 2001, après que le général Aussaresses a avoué avoir ordonné au lieutenant Charbonnier d'interroger Maurice Audin[9].

En juin 2007, sa veuve, Josette Audin, écrit au président de la République récemment élu pour lui demander que soit éclairci le mystère de la disparition de son mari et pour que la France assume sa responsabilité dans cette affaire. Le 1er janvier 2009, sa fille, Michèle Audin, refuse le grade de chevalier de la Légion d'honneur au motif que le président n'avait pas donné suite à la demande de sa mère ni même répondu à sa lettre[10].

Hommages

Notes, sources et références

  1. Monique Lafon, Le Parti communiste français dans la lutte contre le colonialisme, Éditions sociales, 1962, p. 140.
  2. a, b, c et d Sadek Hadjerès, « Maurice Audin, la torture et les deux rives », L'Humanité, 27 mai 2004.
  3. a et b « Maurice Audin, cinquante ans de silence », Le Monde diplomatique, 20 juin 2007.
  4. [PDF] Laurent Schwartz, Commémoration de la thèse de Maurice Audin. Assassiné pendant la guerre d’Algérie.
  5. « Décret no  62-328 du 22 mars 1962 portant amnistie des faits commis dans le cadre des opérations de maintien de l'ordre dirigées contre l'insurrection algérienne », Journal officiel de la République française, no 3144 du 23 mars 1962, sur le site egifrance.gouv.fr, consulté le 24 avril 2010.
  6. a et b Cour de cassation, chambre criminelle « Audience publique du jeudi 22 décembre 1966 », pourvoi no 66-93052.
  7. Le pourvoi était en partie motivé ainsi :

    « Alors que d'une part, les opérations de police judiciaire ne peuvent être considérées comme des opérations de maintien de l'ordre ou accomplies dans le cadre d'opérations de cette nature, lesquelles ne peuvent s'entendre que des opérations de police administrative, que l'opération destinée a enquêter sur une infraction déterminée et a appréhender son auteur constitue une opération de police judiciaire, que tel est le cas de l'opération au cours de laquelle y... a disparu, et que, en s'abstenant de rechercher si les actes incriminés avaient été accomplis au cours d'une opération de police judiciaire, ainsi que la demanderesse l'y invitait dans ses conclusions, l'arrêt attaqué, n'a pas légalement justifié sa décision, et alors que d'autre part, le fait d'avoir torturé jusqu'à ce que mort s'ensuive un suspect au cours de l'enquête officieuse ne saurait en aucun cas être considéré comme une infraction commise dans le cadre d'une opération de maintien de l'ordre, un tel acte ne pouvant ni ne devant avoir aucun rapport avec le maintien de l'ordre [...] »

  8. « Loi no 66-396 du 17 juin 1966 portant amnistie d'infractions contre la sûreté de l'État ou commises en relation avec les événements d'Algérie – Article 3 » : « Sont amnistiées de plein droit les infractions commises entre le 1er novembre 1954 et le 3 juillet 1962 dans le cadre d'opérations de police administrative ou judiciaire, du rétablissement de l'ordre ou de la lutte contre les entreprises tendant à empêcher l'exercice de l'autorité de l'État ou à substituer à cette autorité une autorité illégale. », sur le site legifrance.gouv.fr, consulté le 24 avril 2010.
  9. « Maurice Audin. Le fantôme de la torture », Le Monde 2, no 279, samedi 20 juin 2009, p. 59.
  10. Edwy Plenel, « La lettre de Michèle Audin à Nicolas Sarkozy », Mediapart, 2 janvier 2009.
  11. « La place Maurice Audin inaugurée à Paris », sur le site afrik.com, 26 mai 2004, consulté le 20 avril 2010.
  • Tracts sur l'Affaire Audin : BNF, cote 4 Lb60 836. Sur cette source, lire l'article de Pierre Vidal-Naquet, « L'affaire Audin par les tracts », Revue de la Bibliothèque nationale de France, no 10, 2002, p. 37-41.

Annexes

Bibliographie



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