Anti-héros

Anti-héros

Antihéros

L'antihéros (ou anti-héros) est le personnage central d’une œuvre de fiction lorsqu’il ne présente pas les caractéristiques du héros conventionnel, lesquelles, dans l'Antiquité, étaient : la renommée, la gloire — kléos — ; la force, la rage de vaincre — biè — (Ajax, Héraklès) ; le courage (tous) ; la sagesse — pinutè — ; l'intelligence (Ulysse) ; la grandeur, la magnanimité — megethos — ; une habileté exceptionnelle dans une activité noble, comme la guerre (héros de l'Iliade) ou l'art (Orphée) ; l'accomplissement d'exploits (Héraklès, Jason, Ulysse) ; la descente aux Enfers, ou nekuia (Énée, Héraklès, Orphée, Ulysse...) ; l'apothéose (tous), c'est-à-dire la divinisation.

Il peut s’agir d’un personnage mauvais, qui n’effectue pas de noble quête, ou n’est pas animé de sentiments altruistes, etc. Bien que le mot soit récent, bien des personnages de la religion grecque antique commettent des actions franchement anti-héroïques (ainsi Ajax qui, aveuglé par Athéna, massacre le bétail de l'armée achéenne en croyant s'en prendre à ses guerriers, parce que les Achéens lui ont refusé d'hériter des armes d'Achille, et les ont données à Ulysse).

Il peut aussi s’agir d’un « bon » héros, mais dont les caractéristiques physiques l'éloignent apparemment de son rôle (par exemple : le poids, la taille, l’apparence, une certaine condition physique, psychologique ou un handicap quelconque). Le personnage peut aussi devenir « héros malgré lui », en accomplissant des exploits sans pour autant chercher la gloire ou la justice.

L’antihéros est cependant aussi, assez souvent, un héros, en ce sens que, « héros malgré lui » ou « personnage sans quête », il peut au cours des péripéties auxquelles il est confronté, réaliser des exploits héroïques, ne serait-ce qu'à son corps défendant.

Dans les représentations du monde moderne, où la figure héroïque a disparu (voir désenchantement du monde), l’antihéros peut être identifié au has-been ou au maladroit attachant (Shlemiel, Nasreddine Hodja...).

Typologie

On peut considérer quatre types principaux d’antihéros:

  • le personnage « sans qualités », l’être ordinaire vivant une vie ordinaire dans un cadre ordinaire ;
  • le héros négatif, porteur de valeurs anti-héroïques et en général antisociales, mais sans qualités « héroïques » (en ce sens, Fantomas par exemple est un héros négatif mais non un antihéros car il est porteur de qualités héroïques, mais au service du mal) ;
  • le héros déceptif, un personnage ayant potentiellement des qualités héroïques mais qui n’en fait pas usage ou les utilise mal ou à mauvais escient, ou qui tend à perdre ces qualités, ou enfin qui se trouve dans un cadre où ces qualités ne sont plus appréciées ou admises ;
  • le héros « décalé », un personnage ordinaire, sans qualités, qui par les circonstances se trouve plongé dans une situation extraordinaire.

Le premier cas concerne surtout les personnages principaux d’œuvres comiques de la littérature (les héros de Trois hommes dans un bateau de Jerome K. Jerome par exemple), de la bande dessinée (Gaston Lagaffe, Jean-Claude Tergal), du cinéma (beaucoup des personnages incarnés par Woody Allen), mais on peut aussi les trouver dans des œuvres sérieuses, quoi que non dénuées d’humour, comme pour le Narrateur et personnage principal de la Recherche du temps perdu de Proust et bien sûr celui de l'Homme sans qualités de Musil, deux paradigmes du « non héros » dans le roman moderne. Beaucoup de personnages principaux des films de Clint Eastwood en tant que réalisateur, tels ceux de Honkytonk Man et de Bronco Billy, sont aussi de cette veine du héros « sans qualités ».

Le deuxième cas domine dans la littérature et le cinéma « noirs » centrés sur la figure du gangster. Dans le roman ou le film, les « héros », qui obéissent à des principes dépréciés ou dénigrés par la société, sont le plus souvent sans envergure et, par souci moral (le code Hays aux États-Unis, par exemple) ou par la trajectoire de vie même de ces personnages, tendent à un destin tragique (mort ou emprisonnement). On en trouvera des exemples dans la plupart des romans de David Goodis et dans des films noirs comme les Tueurs de Robert Siodmak, ou dans la trilogie le Dragon rouge, Le Silence des agneaux et Hannibal dont un des principaux protagonistes, Hannibal Lecter, est porteur de « normes » particulièrement déviantes et antisociales.

Le héros déceptif est un antihéros de bien plus ancienne origine et figure dans nombre de contes populaires ; c’est dans ce cas le héros qui, par sa propre faute ou du fait des circonstances, ne parvient pas à accomplir sa quête. Il figure parmi les archétypes définis par les formalistes russes, puis par A.J. Greimas dans ses travaux de sémiotique narrative. On retrouve abondamment cette figure de héros déceptif dans le cinéma, et principalement dans le genre western à partir du début des années 1950, les premiers réalisateurs allant clairement vers cette voie étant Nicholas Ray (avec Johnny Guitare et Les Indomptables) et Elia Kazan (avec Viva Zapata!), deux films de 1952. Cependant, il existe d’autres films de ce genre qui, sans avoir la radicalité de ces deux-là, ont introduit une image de héros déceptif, comme Le Fils du désert (1948) de John Ford, où les « héros », des hors-la-loi, vont au bout de leur aventure mourir ou finir en prison, malgré leurs actes héroïques, ou Le Trésor de la Sierra Madre de John Huston où l’on assiste à une succession de quêtes trompeuses, les « héros » échouant l’un après l’autre à les réaliser. Ce dernier film est bien sûr à rapprocher de la veine du film noir, de laquelle son réalisateur fut partie prenante.

Le héros décalé se trouve dans tous les arts, mais particulièrement dans la bande dessinée, du fait que cette technique allie l’immédiateté visuelle du cinéma et la facilité de réalisation de la littérature, ce qui lui permet de jouer avec les genres sans que ces décalages induisent la mobilisation de moyens du cinéma, et avec l’avantage par rapport à la littérature que les lecteurs de bande dessinée admettent assez facilement ce jeu. De nombreuses bandes dessinées de science fiction, et assez de nouvelles et de romans de ce genre, jouent de ce décalage où le héros (souvent éponyme) est un personnage ordinaire se retrouvant dans une situation extraordinaire. Dans la littérature, plusieurs auteurs ont souvent utilisé ce procédé, Fredric Brown, R. A. Lafferty et James Tiptree, Jr. sur le mode comique, humoristique ou décalé, Serge Brussolo, Philip K. Dick et Thomas M. Disch dans des genres plus sérieux quoi que souvent non dénués d’ironie.

Exemples

  • Personnage positif sans qualités héroïques :
  • Héros négatif sans qualités héroïques :
    • Riddick, personnage de science fiction qui n'agit souvent que pour sa personne et qui n' est pas gêné à l'idée d'abandonner ses amis pour son propre égoîsme.
    • Alex, personnage principal d'Orange mécanique, roman d'Anthony Burgess et film de Stanley Kubrick, joué par Malcolm McDowell. Alex est un boot-boy délinquant errant la nuit avec ses amis dans les rues en commettant des passages à tabac gratuits, des bagarres et même un viol. Bien que charismatique et attachant, il n'en demeure pas moins pervers, immoral mais néanmoins intelligent et raffiné dans ses goûts, ce qui ne le rend que plus effrayant. Il est décrit comme étant " l'archange du Mal à l'état pur".
    • Le Punisher est également un anti-héros, car bien qu'il lutte contre le crime, c'est au travers de moyens expéditifs et illégaux qu'il lutte (il tue les criminels, il emploie des bombes, ...).
    • Roberto Zucco, personnage principal de la pièce de théâtre homonyme, est « le meurtrier de son père, de sa mère, d’un agent de police et d’un enfant ».
    • Duke Nukem, héros de la série homonyme. Très stéréotypé (muscles proéminents, cheveux blonds coupés en brosse, lunettes noires), violent, stupide, vulgaire, arrogant, égoïste, pervers, macho et cruel.
    • Ferdinand Bardamu, dans Voyage au bout de la nuit de Céline. Outre sa lâcheté, il faut noter le caractère cynique de cet antihéros.
    • L’acteur Clint Eastwood a interprété de nombreux antihéros, parmi lesquels Blondin, hors-la-loi ténébreux et cynique, ironiquement appelé « le Bon », dans le Bon, la Brute et le Truand, William Muny tueur professionnel et vengeur de prostituées, dans Impitoyable ou Harry Callahan, policier aux méthodes aussi efficaces que moralement contestables, dans l'Inspecteur Harry.
    • Al Bundy de la série TV Mariés, deux enfants, vendeur de chaussures cynique, désabusé, inculte, goujat, sexiste, misogyne, radin, malchanceux, vénal, cultivant un incivisme de tous les instants. Tous les personnages de la série, plus particulièrement la famille Bundy, sont des antihéros dont les défauts sont mis en avant et les rares qualités ridiculisées.
    • Iznogoud, personnage principal de la BD du même nom, grand vizir tyrannique, cruel, égoïste, hargneux et malchanceux qui n'est motivé que par le désir d'« être Calife à la place du Calife », ce qui fait de lui un antihéros comique.
    • L'agent 47 dans le jeux vidéo Hitman, tueur à gages à l'efficacité légendaire. Lorsqu'il tente de "raccrocher" son passé le rattrape et son seul ami, le père Vittorio, est enlevé par la mafia.
    • Linebeck dans The Legend of Zelda : Phantom Hourglass, marin poltron, vantard, égoïste et cupide, qui se place du côté de Link, dans la seule intention de trouver un trésor.
    • Eric Cartman, un des héros principaux de la série South Park, intolérant, sadique, vulgaire, fanatique extrémiste et cynique.
    • Brian Kinney de la série Queer as folk, don juan homosexuel et bourreau des cœurs, cynique, individualiste, amoral et narcissique. Il est aussi d'une franchise sans borne qui le rend parfois blessant, même envers ses meilleurs amis. Son éthique personnelle et son refus d'exprimer tout regret le font parfois passer (à tort ou à raison) pour un être froid et égoïste.
    • Jack Sparrow, pirate malhonnête, magouilleur sans scrupule ; il parvient à se sortir de toutes les situations, même les plus périlleuses, grâce à son habileté peu commune plus proche de la folie furieuse que du vrai courage.
    • Artemis Fowl, issu d’une grande famille de voleurs.
    • Wario, personnage à la force sur-humaine de la série Super Mario. Celui-ci n'est motivé que par l'argent, mais son avarice lui permet de surmonter de nombreux obstacles. Wario est voleur, menteur, tricheur et sa force est sa seule qualité. Il n'éprouve aucun sentiment de réelle amitié pour les autres, et est souvent méchant. Dans la série Super Mario Land, il vole le château de Mario pendant que celui-ci était en aventure et prend possession de ses terres. Dans Super Mario 64 DS, il fait semblant d'aider Mario mais ne compte que dérober le trésor de la princesse Peach, montrant son hypocrisie. Il est aussi très vantard. Etant à la fois un méchant et un héros, Wario est l'exemple parfait d'un antihéros.
  • Héros déceptif :
    • Adrian Monk, dans la série télévisée américaine Monk : enquêteur victime de troubles obsessionnels compulsifs.
    • John Constantine, du comics Hellblazer, victime de sa propre force, ayant involontairement entraîné la mort de nombreuses personnes, la plupart étant même ses amis, voire sa famille.
    • Elric de Melniboné : contemporain littéraire du Conan de Howard, il est chétif, aristocrate « fin de race » cultivant une nostalgie maladive. Ses caractéristiques le situent donc à l’opposé du personnage du héros à la positivité musculaire. Ses arcanes de magie l’amènent à faire appel aux forces démoniaques, ce qui renforce son côté ambivalent.
    • Mendoza, navigateur et aventurier, un des personnages principaux du dessin animé Les Mystérieuses Cités d'or. Rompant avec la dichotomie gentil/méchant, habituelle dans les séries destinées à la jeunesse, Mendoza apparaît au contraire comme un être fort ambigu ne cachant guère sa vénalité et dont on ne sait si la protection qu’il offre aux enfants est mue uniquement par sa cupidité ou par une réelle affection envers eux.
    • Anakin Skywalker, personnage central de la saga Star Wars, chevalier Jedi tiraillé entre le Bien et le Mal.
    • Max Payne, héros du jeu vidéo du même nom. Personnage dépressif, alcoolique et violent.
    • Gregory House dans la série TV Dr House il est un génie anticonformiste de la médecine, Son personnage est décrit comme étant misanthrope, cynique et irascible. À chaque épisode il développe des diagnostics aux approches peu orthodoxes, ainsi que des explications thérapeutiques, souvent radicales, mais toujours solidement rationnelles, qui lui valent de nombreux conflits avec ses collègues. Le docteur Gregory House est aussi souvent décrit comme manquant d'empathie et de sympathie pour ses patients, une technique qui lui permet de gagner du temps afin de résoudre les énigmes de chaque pathologie. Le personnage est partiellement inspiré de celui de Sherlock Holmes.
    • Topaze dans la pièce homonyme de Marcel Pagnol. Enseignant scrupuleux jusqu'à l'excès il est congédié par son employeur. Il finit par devenir un homme d'affaires cynique et corrompu.
    • Valérie Gray dans le dessin animé Danny Fantôme, chasseuse de fantômes. Bien qu'animée de bonnes intentions, elle agit par vengeance personnelle (sa vie a été ruinée accidentellement par des fantômes), agresse tous les fantômes sans distinction (y compris le héros), emploie par moment des méthodes condamnables (dans Opération Sauvetage, elle n'hésite pas à torturer et manipuler des fantômes) et tend à se montrer entêtée sans raisons apparentes.
    • le pícaro, avec par exemple Gil Blas de Santillane, personnage créé par A. R. Lesage.
    • John Difool : grand fuyard dans l'Incal, bande dessinée de Moebius.
    • Sasuke Uchiwa, personnage de Naruto, ne pensant qu'à la puissance pour tuer son frère ennemi
    • Le juge Clamence, personnage principal de la Chute de Camus.
  • Héros décalé :
    • Herbert de Vaucanson dans la bande dessinée Donjon, personnage maladroit, baratineur, plutôt lâche et doté d'une épée magique dont il ne peut même pas se servir.
    • The Mask/Grosse Tête dans la série de comic The Mask de Dark Horse Comics. Dans la version du comic, le personnage est présenté comme ultraviolent, même lorsqu'il cherche à faire le bien. Dans la série animée, il n'est plus aussi violent, mais agit de manière souvent irresponsable, préférant aller se baigner plutôt que de combattre le crime, bien qu'il finisse en général par faire le second.
    • Wladimir et Estragon, les deux « clochards métaphysiques » de la pièce de Beckett, En attendant Godot.
    • Antoine Roquentin, personnage principal de la Nausée de Sartre, jeune homme ordinaire s’interrogeant sur le sens de son existence.
    • Les personnages d'Ulysse de James Joyce.

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