Antisémitisme de Staline

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Bien que le communisme, dans sa forme doctrinale, rejette toute forme de discrimination nationale, y compris l'antisémitisme, et que de nombreux Bolcheviks de la première heure étaient ethniquement des Juifs, les Soviétiques ont dès le début essayé de déraciner le judaïsme, le Bund, et le sionisme en établissant la Yevsektsiya (« Section juive » du parti communiste soviétique) pour atteindre ce but.

A partir du début des années 1930, et surtout après la Seconde Guerre mondiale, Staline tente de récupérer au profit de son régime les sentiments antisémites traditionnels d’une partie importante des populations de l'URSS ainsi que du bloc de l'Est, et sur la fin de son règne, renoue de plus en plus avec les théories du « complot juif. » Parallèlement, et paradoxalement, la diplomatie soviétique a joué un rôle décisif dans la naissance de l'Etat d'Israël (1948) - avant de se retourner contre lui, et de jouer pleinement la carte de l'antisionisme.

Sommaire

Les années 1930

En 1930, Staline a 51 ans et est progressivement devenu maître de l'Union soviétique depuis qu'il a été nommé en 1922 secrétaire général du Parti communiste de l'Union soviétique. Il va éliminer physiquement tous les dirigeants du parti qui auraient pu le contester, y compris les dirigeants juifs, nombreux lors de la Révolution.

Parmi les plus célèbres, Trotsky (de son vrai nom Lev Davidovitch Bronstein) est exilé et sera assassiné à Mexico sur ordre de Staline en 1940. Lev Kamenev et Grigori Zinoviev seront exécutés à Moscou en 1936 après un simulacre de procès à grand spectacle.

Gédéon Haganov rapporte cette boutade racontée à voix basse à Moscou : « Quelle différence entre Moïse et Staline ? - Moïse a sorti les Hébreux d’Égypte, tandis que Staline les a sortis du Comité Central »[1].

Une lettre de Staline en réponse à une demande d'informations de la Jewish News Agency aux États-Unis, datée du 12 janvier 1931, indique la position officielle de l'Union Soviétique sur l'antisémitisme : (extrait)

«  En réponse à votre demande de renseignements : le chauvinisme national et racial est un vestige des habitudes misanthropiques, caractéristiques de la période de cannibalisme. L'antisémitisme, en tant que forme extrême de chauvinisme racial, est le vestige le plus dangereux du cannibalisme.

L'antisémitisme offre un avantage aux exploiteurs comme un conducteur lumineux qui dévie les coups destinés au capitalisme par le peuple laborieux. L'antisémitisme est dangereux pour le peuple laborieux car c'est une voie qui le détourne du bon chemin et le conduit dans la jungle. C'est pourquoi les communistes, en tant qu'internationalistes cohérents, ne peuvent être que des ennemis jurés et implacables de l'antisémitisme.

En Union soviétique, l'antisémitisme est punissable avec la plus extrême sévérité par la loi, comme un phénomène profondément hostile au système soviétique. Selon les lois de l'Union soviétique, les antisémites sont passibles de la peine de mort[2]. »

En 1928 Staline crée la république autonome juive. Un territoire, appelé Birobidjan, situé en Sibérie près de la frontière chinoise. La langue yiddish, plutôt que l'hébreu, en sera la langue nationale.

Malgré une propagande massive aussi bien domestique qu'internationale, la population juive n'y a jamais dépassé les 30% (en 2003, il ne restait plus que 1,2% de Juifs dans la région). L'expérience se termine au milieu des années 1930, lors de la première vague de purges de Staline. Les dirigeants juifs sont arrêtés et exécutés, et les écoles yiddish sont fermées.

Vers la fin des années 1930, la direction communiste de l'Union soviétique a liquidé presque toutes les organisations juives, y compris la Yevsektsiya. En dépit de la position officielle de l'Union soviétique contre l'antisémitisme, le régime de Staline est de plus en plus critiqué par les Occidentaux comme antisémite, mettant en évidence le Pacte germano-soviétique signé avec l'Allemagne nazie, le pourcentage relativement élevé des Juifs victimes des Grandes Purges, et l'hostilité soviétique envers les institutions religieuses et culturelles juives.

Après la Seconde Guerre mondiale

De nombreuses campagnes et purges antisémites sont organisées principalement après la Seconde Guerre mondiale. Ce sujet a été particulièrement étudié par Edvard Radzinsky dans sa biographie de Staline. Staline commence les purges en réprimant ses alliés du temps de guerre, membres du Comité juif antifasciste. En janvier 1948, son président, Solomon Mikhoels, est tué dans un accident de voiture suspect à Minsk. Selon des documents découverts par l'historien Gennady Kostyrchenko, les organisateurs de l'assassinat sont L.M. Tsanava et S. Ogoltsov, et les meurtriers « directs » Lebedev, Kruglov et Shubnikov[3]. En novembre 1948, les autorités soviétiques lancent une campagne pour liquider ce qui reste de la culture juive. Les membres du "Comité Juif antifasciste" sont arrêtés et accusés de trahison, de nationalisme bourgeois et de planifier l'installation d'une république juive en Crimée pour servir les intérêts américains.

Lors de la session du 1er décembre 1952 du Politburo, Staline annonce:

« Chaque nationaliste juif est un agent potentiel des renseignements américains. Les nationalistes juifs pensent que leur nation a été sauvée par les U.S.A[4] »

Dans la nuit du 12 au 13 août 1952, appelée plus tard la "Nuit des poètes assassinés" (Ночь казнённых поэтов), treize des écrivains yiddish les plus importants d'Union soviétique sont exécutés sur l'ordre de Staline. Parmi ces victimes, Peretz Markish, David Bergelson et Itzik Fefer.

La campagne antisémite de 1948-1953 contre les prétendus « cosmopolites sans racine, » la destruction du Comité juif antifasciste, la fabrication du complot des blouses blanches, la montée de la « sionologie » (doctrine comparant le sionisme au nazisme) sont officiellement menés sous la bannière de l'antisionisme, mais l'utilisation de ce terme ne peut pas cacher le contenu fortement antisémite de ces campagnes, et vers le milieu des années 1950, la persécution étatique des Juifs soviétiques apparaît comme une violation importante des droits humains aussi bien à l'Ouest qu'en Union soviétique elle-même.

1953

Le 13 janvier 1953, l'agence Tass annonce « le démasquage d'un groupe terroriste de docteurs-empoisonneurs ». Le magazine satirique Krokodil publie un feuilleton et des caricatures antisémites, la Pravda publie des informations sur les "espions" arrêtés, qui sont presque tous des Juifs. Comme la presse occidentale accuse l'Union soviétique d'antisémitisme, le Comité Central du Parti communiste décide de mettre en place un artifice de propagande, une lettre collective écrite et signée par le "peuple juif" condamnant avec ferveur "les meurtriers en blouse blanche" et les agents de l'impérialisme et du sionisme, et certifiant qu'il n'y a pas d'antisémitisme en Union soviétique. Cette lettre est signée par des scientifiques et des personnalités des arts de renom, qui, on le sait maintenant, furent forcés de la signer par le NKVD[5].

Cependant, la lettre initialement prévue pour être publiée en février 1953, resta inédite. D'après l'écrivain et critique A. M. Borshchagovsky, Staline aurait refusé que les Juifs soient divisés en bons et en mauvais. Il ne voulait pas que les Juifs soient quitte en offrant seulement un « groupe de nationalistes bourgeois ». A la place de la lettre, la Pravda publie un feuilleton véhément "Le simple d’esprit et les escrocs", présentant de nombreux personnages avec des noms juifs, tous escrocs, vauriens ou saboteurs, qui abusent du naïf peuple russe qui a malencontreusement relâché sa vigilance. Il s’en suivit une nouvelle vague d’hystérie antisémite et de rumeurs, que tous les Juifs allaient être envoyés en Sibérie. Seule la mort de Staline la même année leva cette crainte[5].

Des purges similaires ont été organisées dans plusieurs pays du Bloc de l'Est. Parmi les plus célèbres, les purges organisées à Prague par Gottwald.

Hypothèse d’Edvard Radzinsky

Les raisons des campagnes antisémites de 1953 restent peu claires; certains les attribuent à la paranoïa supposée de Staline, tandis que le biographe de Staline, Edvard Radzinski, prétend que Staline était en train de préparer un nouveau conflit militaire et qu’il ne faisait que répéter les purges de 1937, pour provoquer un climat de terreur et de soumission absolue. Radzinski aussi voit dans la persécution des Juifs par Staline un moyen de provoquer les américains.

S’étant équipé de la bombe atomique en 1951, le développement de la bombe à hydrogène était sur le point de réussir. Staline avait ordonné à Beria d’accélérer la construction du système de défense anti-fusée de Moscou. Au début de 1953, Staline se vantait que bientôt, Moscou pourrait contempler l’Ouest de derrière une haie anti-fusée.

L’historien tchèque Karel Kaplan a publié un extrait d’un exposé de Staline, trouvé dans les archives secrètes du Parti communiste de Tchécoslovaquie. Cet exposé a été fait en 1951, lors d’une conférence des partis communistes. Staline affirmait que l'on se trouvait à un moment propice pour commencer un assaut contre l’Europe capitaliste, et que la guerre de Corée montrait la faiblesse de l’armée américaine. Ainsi, le Bloc de l'Est possédait une supériorité temporaire, qui demandait une mobilisation de toute la puissance politique et militaire, afin de donner un coup décisif contre le capitalisme et pour établir le socialisme sur tout le continent[5].

Selon Haganov, le but de Staline est d’« exacerber le nationalisme russe à l’extrême »[6].

Voir aussi

Références

  1. Gédéon Haganov, Le Stalinisme et les juifs, Spartacus, 1951, p. 6.
  2. (en) Joseph Stalin. Works, Vol. 13, Juillet 1930-Janvier 1934, Moscou: Foreign Languages Publishing House, 1955, p. 30
  3. (ru): Как убивали Mихоэлса (Comment a été tué Mikhoels). Moskovskiy Komsomolets 6 septembre 2005
  4. Enregistré par le vice-président du Sovmin Vyacheslav Malyshev. Source: journal Nezavisimaya Gazeta, 29 septembre 1999
  5. a , b  et c (ru): Edvard Radzinsky. Сталин, Moscow, Vagrius, 1997, ISBN 5-264-00574-5
    • disponible en ligne
    • Traduction en anglais: "Stalin", 1996, ISBN 0-385-47397-4 (relié), 1997, ISBN 0-385-47954-9 (poche) Ch. 24
  6. Gédéon Haganov, Le Stalinisme et les juifs, Spartacus, 1951, p.24.


  • (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu d’une traduction de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Stalin's antisemitism ».
  • "Staline et les Juifs" de Arkady Vaksberg; broché; 320 pages; éditeur: Laffont (20 février 2003), ISBN 2-221-09373-9
  • (en): Louis Rapoport, "Stalin's War Against the Jews", 1990, ISBN 0-02-925821-9

Liens externes

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