Mohamed Suharto

Mohamed Suharto

Soeharto

Soeharto

Soeharto[1](le plus souvent orthographié Suharto dans des textes en alphabet latin autre qu'en langue indonésienne ou en néerlandais, la prononciation étant « Souharto »), né le 8 juin 1921 et mort le 27 janvier 2008 à Jakarta[2], fut le président de l’Indonésie de 1967 à 1998.

Sommaire

Les débuts

L'enfance

Soeharto naît le 8 juin 1921 dans le hameau de Kemusu Argamulja, qui relevait du village de Godean, à une quinzaine de kilomètres à l'ouest de Yogyakarta, dans le centre de l'île de Java, en Indonésie, à l'époque possession coloniale néerlandaise.

L'enfance et la jeunesse de Soeharto sont mal connues. Les récits standardisés et apocryphes de ses premières années ont le plus souvent une connotation politique. Les parents de Soeharto, sa mère Sukirah et son père Kertosudiro étaient des paysans javanais vivant dans une région dépourvue d'électricité ou d'eau courante. Le nom même de Kertosudiro suggère une appartenance à la catégorie des priyayi, terme que le chercheur français Romain Bertrand traduit par "noblesse de robe" javanaise. Le père de Soeharto était ulu-ulu, responsable, dans son village, de la régulation et de l'entretien de l'irrigation des rizières. Le fait que Soeharto ait reçu très tôt une éducation de bon niveau s'explique par cette origine sociale de "petit" priyayi, de priyayi desa ("de village").

La jeunesse de Soeharto a connu une certaine instabilité familiale. Son père, qui avait déjà deux enfants d'un précédent mariage, a épousé Sukirah en secondes noces. Le mariage de Kertosudiro avec Sukirah est supposé s'être également terminé par un divorce alors que Soeharto était encore jeune même si la date exacte du divorce n'est pas connue. Le récit rapporté par la biographie de Roeder [3] affirme que le divorce est survenu quelques années après sa naissance. D'après un autre biographie, Pirakan, ce même divorce aurait eu lieu à peine quelques semaines après sa naissance.

L'absence de documents officiels et le manque de cohérence de certains aspects de la petite enfance de Soeharto avec les caractéristiques de la vie de paysan javanais, ont mené à plusieurs rumeurs prétendant que Soeharto était le fils illégitime d'un riche et généreux donateur, ce qui en ferait le fils d'un aristocrate de Yogyakarta ou d'un riche marchand sino-indonésien. Nous avons vu que l'appartenance au milieu des priyayi desa est une explication largement satisfaisante. Pourtant, il est des gens, comme le biographe R. E. Elson, qui soutiennent que de telles rumeurs ne peuvent être entièrement écartées compte tenu de ce que la plupart des informations que Soeharto a donné sur ses origines étaient conditionnées par une signification politique.

Ses parents ont divorcé et se sont remariés à de nouveaux partenaires. Soeharto a été séparé de manière alternative d'un ou de ses deux parents au cours de périodes de temps plus ou moins longues, en changeant plusieurs fois de foyer au cours de ses jeunes années. Le mariage de sa tante paternelle avec un petit fonctionnaire javanais du nom de Prawirowiharjo (donc également un priyayi), qui se chargea de l'éducation de Soeharto, aurait, selon Elson [4] fourni à la fois une figure paternelle et un modèle à Soeharto, de même qu'un foyer stable à Wuryantoro, où il a suivi l'essentiel de sa formation primaire.

Comme l'a souligné Elson et d'autres, la jeunesse de Soeharto contraste avec celle d'autres leaders nationalistes indonésiens comme Soekarno dans la mesure où il n'a montré que peu d'intérêt pour l'anticolonialisme[réf. nécessaire] ou les sujets politiques au-delà de son environnement immédiat.

Contrairement à Soekarno et aux personnes qui l'entouraient, Soeharto n'avait aucune notion de néerlandais ni d'aucune langue européenne. Il a toutefois entrepris d'apprendre le néerlandais après avoir rejoint l'armée hollandaise en 1940.

Carrière dans l'armée

Membre de la KNIL (Koninglijke Nederlandsch Indië Leger ou « armée royale des Indes Néerlandaises », troupes coloniales hollandaises), durant la Seconde Guerre mondiale, il commandera un peloton puis une compagnie au sein de la Peta, Pembela Tanah Air ou "défenseurs de la patrie", un des corps constitués par les troupes d'occupation japonaises en Indonésie, pour s'opposer à un débarquement des Alliés. Il participe à l'attaque générale du 1er mars 1949 à Yogyakarta et l'année suivante il est versé dans la Division Diponegoro. En 1956, les résultats d'une enquête interne révélèrent que durant son affectation en tant que Commandant du Kodam IV/Diponegoro, Soeharto avait mis en place des fondations destinées à aider les habitants locaux. Cependant, ces fondations étaient financées par des prélèvements ( au lieu de dons ) auprès des industries de production et de services. Soeharto était aussi impliqué dans du troc illégal. Il avait notamment troqué du sucre contre du riz avec la Thaïlande.

Le chef d'état-major de l'armée de terre à l'époque, Abdul Haris Nasution souhaitait prendre des mesures contre Soeharto et a effectivement envisagé son expulsion de l'armée. Cependant, Gatot Subroto, le chef d'état major adjoint de l'Armée intervint[5]. Nasution suivit finalement le conseil de Gatot se contentant de le relever de son commandement et de le punir en l'envoyant à l'école d'état-major de l'armée de terre (Sekolah Staf Komando Angkatan Darat ou SESKOAD), formation qu'il terminera en novembre 1960.

En 1961 il obtient le grade de brigadier général et dirige le Komando Mandala chargé d'intervenir en Papouasie Occidentale.En mars 1961, la "réserve générale de l'armée de terre" (Cadangan Umum Angkatan Darat ou CADUAD) fut créée, et Soeharto nommé à sa tête[6].

L'éviction de Soekarno

Article détaillé : Massacres de 1965 en Indonésie.
Cérémonie d'investiture de Soeharto comme président en mars 1968 (photo : Ministère de l'information de la République d'Indonésie)

Au moment du « mouvement du 30 septembre 1965 », Soeharto était commandant du Kostrad, les réserves stratégiques de l'armée de terre indonésienne. Il organise la répression du mouvement et décrète la dissolution du Parti communiste indonésien (PKI), que l'armée accuse d'être l'instigateur du mouvement.

Suivent des massacres qui font entre 500 000 et un million de victimes.

Le 11 mars 1966, Soeharto contraint Soekarno, encore officiellement président, à signer la « Supersemar » (acronyme de Surat Perintah Sebelas Maret, « ordre du 11 mars »). Cet « ordre » sera considéré par Soeharto comme un transfert de pouvoir.

Soeharto est élu président de la République le 21 mars 1968 par le Majelis Permusyawaratan Rakyat Sementara (assemblée délibérative du peuple provisoire) que Soekarno avait nommée en 1959.

Au pouvoir (1967 - 1998)

Soeharto et le secrétaire d'État américain à la Défense William Cohen, le 14 janvier 1998.

Le nouveau régime renoue avec le camp occidental. L'Indonésie réintègre l'ONU, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, que Soekarno lui avait fait quitter. Une loi sur l'investissement étranger est promulguée en 1967. Les compagnies pétrolières occidentales signent des contrats d'exploration, attirées par le potentiel du pays. D'importantes découvertes d'hydrocarbures sont faites.

En janvier 1974, des émeutes éclatent à Jakarta, à la suite de manifestations d'étudiants qui profitaient de la visite du premier ministre japonais Kakuei Tanaka pour protester contre la mainmise du capital étranger, notamment japonais, sur l'économie indonésienne. Ce sera la dernière manifestation contre le régime pour 24 ans.

En décembre 1975, l'armée indonésienne envahit et annexa le Timor oriental, ancienne possession coloniale portugaise, « avec la complicité diplomatique des États-Unis et aussi avec leurs armes » selon l'Américain Noam Chomsky, mais aussi du Royaume-Uni et de la France. Cette invasion fit 200 000 morts[7].

Soeharto réprima dans la violence les mouvements communistes et islamistes : le nombre total de victimes varie de 300 000 à 3 millions[8],[9],[10]. Il était alors considéré comme l'un des chefs d'État les plus corrompus et on estime qu'il a amassé, avec sa famille, une fortune de 40 milliards de dollars[8].

Entre 1967 et 1998, le pays connut une forte croissance économique et se développa. Les revenus du pétrole, qui représenteront 80% des exportations indonésiennes en 1980, permettent de financer le développement des infrastructures, de la santé de base, de l'éducation primaire, ainsi que d'industries d'État. En même temps, le régime favorise l'essor de grandes entreprises privées nationales appartenant à des hommes d'affaires d'origine chinoise.

Le revenu moyen par habitant progressa de 70 $ à 1300 $ et le nombre d'Indonésiens pauvres passa de 56 % à 12 %[8]. Le taux d'analphabétisme fut réduit, l'espérance de vie augmenta. L'inflation tomba de 600 % à 6,5 %[8].

La chute du prix du brut en 1986 permet à la Banque mondiale et au FMI de contraindre l'Indonésie de commencer à déréglementer et libéraliser son économie et à privatiser ses entreprises d'État. Cette privatisation se traduit dans les faits par un transfert d'actifs aux hommes d'affaires proches de Soeharto et bientôt, à ses enfants qui ont atteint l'âge adulte.

Pendant les 33 ans de son règne, Soeharto et sa famille se sont enrichis considérablement à la faveur de la forte croissance que connaissait le pays.

La chute

La crise financière asiatique de 1997 plonge l'Indonésie dans une grave crise économique. Les étudiants se mobilisent pour dénoncer le régime. La rumeur publique joue sur les mots et traduit « Supersemar » ; qui faisait jusqu'alors référence à un ordre du premier Président d'Indonésie, Soekarno datant du 11 mars 1966 d'où son nom, supersemar étant l'acronyme de Surat Perintah Sebelas Maret ("ordre du 11 mars") et par lequel ce dernier "ordonne" au général Soeharto de "prendre les mesures nécessaires pour garantir la sécurité et le calme, la stabilité du gouvernement et la bonne marche de la Révolution", cet "ordre" sera considéré par Soeharto comme un transfert de pouvoir; par « SUruh PERgi SEperti MARcos », « qu'on lui dise de partir comme Marcos », allusion à l'ex-président philippin Ferdinand Marcos qui avait dû partir en exil en 1986 à la suite d'un immense mouvement de protestation populaire.

À la suite des émeutes de Jakarta de mai 1998, Soeharto démissionne le 21 mai 1998.

Les tentatives de procédures judiciaires

Il a échappé aux poursuites judiciaires en mai 2006 du fait de son grand âge et de son état de santé. En ce qui concerne les accusations de graves violations des droits de l'homme, notamment la déportation sur l'île de Buru, à la suite du « Mouvement du 30 Septembre » de dizaines de milliers de prisonniers politiques, la Commission Nationale des droits humains fondamentaux indonésienne, Komnas HAM avait formé un groupe pour examiner les faits, mais finalement la méthodologie d'enquête proposée a été rejetée par le Conseil représentatif du peuple, Dewan Perwakilan Rakyat ou DPR, l'assemblée nationale indonésienne, au cours de l'année 2004.

Toutefois selon M.M. Bilah, membre de la commission à l'époque, il aurait suffit que 7 des 20 membres de la Komnas HAM l'approuve pour qu'une révision ait lieu, sans garantie toutefois que l'enquête puisse se poursuivre car l'accord de la DPR était de nouveau nécessaire[11].

Le 27 février 2008, la Komnas HAM décide de former deux équipes chargées d'enquêter, respectivement, sur les événements de 1965-1966 et sur les « assassinats mystérieux », pendant une durée de 3 mois prolongeable si nécessaire[12].

Décès

Entré à l'hôpital Pertamina de Jakarta le 4 janvier 2008, il y est mort le 27 janvier suivant, « à 13h10 locales d'une défaillance multiviscérale » selon l'agence de presse Xinhua, à l'âge de 86 ans. Il est inhumé avec les honneurs militaires à Karanganyar près de Surakarta, (Java)[13].

Notes et références

  1. Après son premier pèlerinage à la Mecque en 1990, on a ajouté au nom de Soeharto, devenu haji, le nom de Mahomet. En Indonésie, ce « prénom » n'est jamais utilisé comme appellatif et est purement symbolique[réf. nécessaire].
  2. (fr) « L'ancien président indonésien Soeharto est décédé », sur Wikinews, le 27 janvier 2008.
  3. The Smiling General: President Soeharto of Indonesia, O. G. Roeder, Gunung Agung Ltd., 1969
  4. Suharto: A Political Biography, Cambridge, United Kingdom: Cambridge University Press, 2001 (ISBN 0-521-77326-1)
  5. (en) (en) Robert Elson, Suharto: A Political Biography, The Press Syndicate of the University of Cambridge, 2001 (ISBN ISBN 0-521-77326-1), p. 73 
  6. (en) (en) Robert Elson, Suharto: A Political Biography, The Press Syndicate of the University of Cambridge, 2001 (ISBN 0-521-77326-1), p. 79 
  7. Noam Chomsky, « L'hypocrisie de l'Occident. Timor-Oriental, l’horreur et l’amnésie », Le Monde diplomatique, octobre 1999.
  8. a , b , c  et d (en) Richard C. Paddock, Paul Watson, « Indonesia's Suharto dies », 27 janvier 2008, The Los Angeles Times. Mis en ligne le 27 janvier 2008, consulté le 5 février 2008
  9. The Los Angeles Times, cite le chiffre de 2 millions de tués pendant toute l'ère Soeharto
  10. (id) « Tragedi 1965, menggantung pertanyaan », dans Tempo, Edisi khusus Soeharto, 4-10 février 2008, p. 74-75 (ISSN 0126-4273)
    Tempo cite le chiffre de 3 millions de disparus suite aux seules conséquences de la répression du mouvement du 30 Septembre.
     
  11. (id) « Tragedi 1965, menggantung pertanyaan », dans Tempo, Edisi khusus Soeharto, 4-10 février 2008, p. 74-75 (ISSN 0126-4273) 
  12. (id) JOS, « Tim "Ad Hoc" Kasus 1965-1966 Dibentuk » sur kompas.com, KOMPAS. Mis en ligne le 28 février 2008, consulté le 1er mars 2008
  13. Décès de l'ancien président indonésien Suharto

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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