Mouvement national contre le racisme

Mouvement national contre le racisme

Le Mouvement national contre le racisme ou MNCR est une ancienne association française de la Résistance intérieure française dont le but était d'aider des enfants risquant la déportation.

Créé en septembre 1942 à l'initiative des résistants membres des Francs-tireurs et partisans - Main-d'œuvre immigrée (FTP-MOI), le Mouvement national contre le racisme a pour vocation de réunir des résistants juifs et non-juifs pour des actions à caractère humanitaire : cacher des enfants qui risquent la déportation, organiser des évasions et le passage des frontières, fabriquer des faux-papiers.

Le MNCR agit alors avec l'Union des juifs pour la résistance et l'entraide (UJRE). Il imprime deux journaux clandestins : J'accuse en zone Nord, et Fraternité en zone Sud. Dès octobre 1942, J'accuse publie des témoignage sur l'extermination massive des juifs déportés en Europe de l’Est.

Le 22 mai 1949, d'anciens membres du MNCR et diverses personnalités telles que le peintre Chagall créent le Mouvement contre le racisme, l'antisémitisme et pour la paix (MRAP).

Sommaire

1942-1949 : le MNCR (Mouvement national contre le racisme)

La clandestinité

Depuis le XIXe siècle, la France a fait appel aux migrants européens (Espagnols, Italiens, Belges, Allemands, Polonais) qui travaillent dans l'industrie minière, le bâtiment, l'agriculture et l'artisanat. Durant le XIXe siècle et le début du XXe, la France connait des manifestations de xénophobie. Par exemple, à Aigues Mortes en août 1893, une dizaine d'ouvriers italiens employés dans des salines sont lynchés par des ouvriers français qui leur reprochent de leur voler leur travail[réf. nécessaire].

Depuis le XXe siècle arrivent régulièrement des femmes et des hommes qui fuient les persécutions : des Arméniens après le génocide de 1915, des juifs d'Europe de l'Est victimes de massacres en Pologne, en Roumanie, en Russie dans les années 1920 et 30, des Espagnols en 1939 à la suite de la victoire franquiste sur les Républicains espagnols.

Très tôt sont prises des mesures pour contrôler les étrangers : la loi du 10 août 1932 établit des quotats d'étrangers dans les entreprises et les départements; elle permet de refuser les séjours d'étrangers sur des critères arbitraires. Dès lors, les contrôles, les refoulements, et les expulsions se multiplient.[réf. nécessaire]

Parmi les immigrés fuyant les persécutions de leur pays d'origine, les juifs d'Europe de l'Est sont estimés à environ 200.000 en 1936. Faibles numériquement, ils font pourtant l'objet de violentes attaques antisémites. « Avec l'afflux des réfugiés fuyant les dictatures environnantes, ceux que les experts de l'immigration "choisie" présentaient comme des "indésirables" deviennent alors la "racaille" et les "métèques" contre lesquels s'acharnent la droite et l'extrême droite. »[1]

Le bref épisode du Front populaire influe peu sur la politique vis-à-vis des étrangers. À la veille de la Seconde Guerre mondiale, la xénophobie et l'antisémitisme en France sont virulents. L'invasion de la France par l'armée allemande en mai 1940 permet à Philippe Pétain de se faire accorder tous les pouvoirs.

Les mesures à l'encontre des juifs sont parmi les premières prises par le gouvernement de Vichy. Elles inaugurent une politique de persécutions systématiques : de juin à décembre 1940, 46 décrets, lois et ordonnances sont promulgués contre les juifs, qui sont exclus de la fonction publique, qui n'ont plus le droit d'exercer des professions libérales, et qui sont dépossédés de leurs entreprises ; des numeraus clausus sont institués dans les universités. Ce dispositif s'accompagne d'une propagande antisémite relayée par les médias et les discours politiques[2].

Créé en septembre 1942 à l'initiative des résistants membres des Francs-tireurs et partisans - Main-d'œuvre immigrée (FTP-MOI), le Mouvement national contre le racisme (MNCR) est un mouvement dont la vocation est de réunir des résistants juifs et non-juifs pour des actions à caractère humanitaire : cacher des enfants qui risquent la déportation, organiser des évasions et le passage des frontières, fabriquer des faux-papiers[3].

Le MNCR agit avec l'Union des juifs pour la résistance et l'entraide, l'UJRE, dont l'organe Droit et Liberté sera donné au MRAP à sa création.

Le MNCR imprime deux journaux clandestins : J'accuse en zone Nord, et Fraternité en zone Sud. Dès octobre 1942, J'accuse publie des témoignage sur l'extermination massive des juifs déportés en Europe de l'Est.

L'après-guerre

Les années 1945 et 1946 voient le retour des déportés. Nombreux sont ceux qui rentrent pour constater que leur famille a été exterminée, qu'ils ont été dépossédés de tout, qu'ils vont devoir recommencer à zéro.

Une des premières activités du MNCR et d'autres associations, notamment de l'UJRE, est de soutenir les déportés et leurs familles. Une aide matérielle est apportée aux orphelins, et on tente de rendre à leur famille les enfants juifs que les familles d'accueil parfois ne veulent plus rendre[4]. Une aide juridique est apportée aux juifs déportés dont les logements ont été occupés par des « locataires de bonne foi » (il faudra attendre une jurisprudence de 1950 pour que les héritiers des déportés puissent réoccuper les logements habités par leurs parents disparus). « En dépit des persécutions massives dont elle a été victime, écrit Gérard Noiriel, la communauté juive s'illustre par son dynamisme au lendemain de la guerre. Le tissu associatif très dense qui avait été constitué dans les années 1930 reprend vigueur. La Fédération des sociétés juives de France développe de nouveau ses activités à l'écart des partis (120 organisations affiliées en 1946). Dans l'ensemble, ce mouvement associatif est toutefois largement dominé par le PCF. »[5]

« L'Alliance antiraciste » : les premières divergences politiques

En février 1945, les membres du MNCR décident de constituer L'Alliance Antiraciste[6], qui regroupe des militants de tous horizons. Parmi ceux-ci, se trouvent des membres de la LICA (Ligue internationale contre l'antisémitisme), constituée à l'initiative de Bernard Lecache et dissoute sous l'occupation[7]. Des divergences apparaissent très vite.

D'abord des conflits de milieux : les membres de la LICA sont considérés comme des notables alors que ceux du MNCR viennent de milieux ouvriers ou des petits artisans[8].

Ensuite des conflits de générations : les membres de la LICA sont plus âgés que les membres du MNCR. Enfin, des divergences politiques se font jour : des militants communistes et progressistes s'opposent au sein de l'Alliance Antiraciste au courant gaulliste[9]. Une partie des membres issus du MNCR seront exclus de l'Alliance Antiraciste au congrès de juin 1947, et le conflit s'accentuera lors de la Conférence nationale de juillet 1948. Fin 1948, la LICA se reconstitue d'abord sous le titre « Alliance Antiraciste (LICA) ».

Dans un article paru dans Droit et Liberté (la future revue du MRAP), en janvier 1949[10], Charles Feld, secrétaire général évincé, s'alarme de la baisse des effectifs «  depuis l'exclusion de militants antiracistes convaincus venus de tous les horizons de l'opinion démocratique » et déplore « l'absence de toute action réelle, de toutes les grandes causes qui aujourd'hui soulève les hommes libres ». Il dissèque l'opposition qui existe au sein de l'Alliance. Pour lui, le courant dirigeant autour de Bernard Lecache prétend détacher l'action antiraciste des contingences politiques, alors que pour le MNCR existe un lien entre les faits de racisme et les faits politiques: «  Il reste qu'une union pour l'action de tous les hommes de bonne volonté est possible. L'heure du choix est venue pour eux. Il s'agit de stopper les progrès de l'antisémitisme et du racisme, et plus généralement de lutter contre toutes les manifestations du fascisme. Ou bien on est avec les hommes du passé et alors on se prépare des lendemains amers et sanglants. Ou bien on est avec les grandes masses du peuple ardentes et généreuses, et sans lesquelles rien ne peut être fait. »

L'élément qui consommera la rupture aura lieu le 22 mai 1949, au Cirque d'Hiver, lors de la « journée internationale contre le racisme, l'antisémitisme, et pour la paix »[11], qui est le congrès fondateur du MRAP. Les membres du comité des jeunes de la LICA, dont Charles Palant est Président, décident d'assister à cette journée. Parce qu'ils pensent que la création du MRAP se fait contre eux, les dirigeants de la LICA leur demandent de ne pas le faire, interdisent la double allégeance entre ce futur-MRAP et la LICA, et les excluent de la LICA en juin 1949[12]. L'année suivante, Charles Palant succèdera à Maître Maurice Grynspan au poste de secrétaire général du MRAP (il le restera pendant 21 ans).

On voit ici la genèse de la cassure qui existera entre la future-LICRA et le MRAP.

Notes et références

  1. Cf. Gérard Noiriel, Immigration, antisémitisme et racisme en France (XIXe - XXe siècle, Fayard, 2007, p. 375.
  2. Voir notamment Renée Neher-Bernheim, Histoire juive de la Révolution à l'État d'Israël, Seuil, février 2002, 1231 pages. Cet ouvrage contient des documents historiques considérables.
  3. Cf. Gérard Noiriel, Immigration, antisémitisme et racisme en France (XIX-XXe siècle), Fayard, 2007, pp. 489-494.
  4. Voir le cas des enfants Finaly, confiés à une militante catholique, qui les a fait baptiser et qui refuse qu'ils retournent dans leur famille.
  5. Gérard Noiriel, Immigration, antisémitisme et racisme en France (XIX-XXe siècle), Fayard, 2007, p. 490. »
  6. cf: Fraternité du Lundi 26 février 1945 4e année 41e numéro: "Unité antiraciste, le 13 février a eu lieu la première rencontre entre les délégations officielles du MNCR et de la Ligue Internationale contre le racisme et l'antisémitisme en vue de discuter de la fusion de ces deux organismes"
  7. La LICA se reconstituera dans la clandestinité pour venir en aide aux victimes des lois anti-juives, en leur trouvant des caches en Province, en leur fournissant des faux papiers d’identité, en créant des réseaux d’évasion vers la Suisse, l’Espagne et l’Angleterre. Voir article LICA
  8. Même s'il ne faut surtout pas en faire une généralité, beaucoup de cadres actuels de la LICRA sont avocats, contrairement au MRAP qui repose sur des cadres proches du milieu syndical, notamment enseignant. Il reste que le combat de chacune de ces associations est complémentaire en matière de lutte contre le racisme, l'une (LICRA) agissant plutôt sur l'aspect juridique en gagnant des procès, tandis que l'autre (MRAP) agit sur l'aspect social en gagnant des luttes politiques. Ceci n'est toutefois pas une généralité et ne doit pas être vu comme telle, la LICRA menant des luttes sociales (contre le racisme dans le sport par exemple), et le MRAP gagnant des procès historiques (on peut citer le procès de Maurice Schmitt contre la torture en Algérie).
  9. Historiquement, le MRAP sera toujours considéré comme ayant des affinités avec la gauche, et notamment le Parti communiste, alors que la LICRA sera considérée comme proche de la droite. On peut noter par exemple que Mouloud Aounit, actuel Président du MRAP, est élu au Conseil régional d'Ile-de-France sous les couleurs du Parti communiste (sans avoir jamais été membre du Parti Communiste Français), tandis que Patrick Gaubert, l'actuel Président de la LICRA, est élu au Parlement européen sous l'étiquette du Parti populaire européen (Droite). Également, tous les Présidents de SOS Racisme furent des cadres du Parti socialiste français.
  10. Nouvelle série n°19 (87) du 1er janvier 1949
  11. cf: Droit et Liberté nouvelle série n°28 (96) du 15 mai 1949, appel à la journée; Droit et Liberté nouvelle série n°29 (97) du 1er juin 1949: Compte rendu complet de la journée nationale contre le racisme, l'antisémitisme, pour la Paix; manifeste Tous unis contre le racisme et pour la Paix en page 12
  12. cf: Droit et Liberté nouvelle série n°32 (100) du 14 juillet 1949 page 4: La dissolution des jeunes de la L.I.C.A. par Charles Palant

Annexes

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie


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