Mustapha Khaznadar

Mustapha Khaznadar
Mustapha Khaznadar

Mustapha Khaznadar (أبو النخبة مصطفى خزندار), de son vrai nom Giorgios Kalkias Stravelakis, né en 1817 à Kardamila sur l'île de Chios[1] et décédé le 26 juillet 1878 à Tunis[2], est un homme politique tunisien d'origine grecque. Khaznadar signifie « trésorier ».

Sommaire

Biographie

Grec devenu notable tunisien

Capturé avec son frère Yannis en 1821 alors que son père Stephanis Kalkias Stravelakis est massacré, prélude au massacre de Chios de 1822, il est conduit à Izmir puis Constantinople où il est vendu comme esclave à un envoyé du bey de Tunis[3]. Élevé dans la famille beylicale par Mustapha Bey, puis par son fils Ahmed Ier Bey alors que celui-ci est encore prince héritier, il parvient à se hisser aux plus hauts postes de l'État tunisien : il épouse la princesse Lalla Kalthoum en 1839 et se voit promu lieutenant-général de l'armée beylicale en 1840 puis président du Grand Conseil de 1862 à 1878.

Révolte de 1864

Mustapha Khaznadar, devenu ministre des finances d'Ahmed Ier Bey en 1837 puis grand vizir de Mohammed Bey en 1855, instaure une politique financière déplorable pour le pays en imposant une fiscalité extrêmement lourde et en contractant des emprunts en France. De plus, des exactions sont opérées par les gouverneurs des villes et les chefs de tribus. En 1864, sous la conduite d'Ali Ben Ghedhahem, les villes du Sahel ainsi que les tribus du sud-ouest du pays se révoltent aux cris de : « Plus de constitution ! Plus de taxes ! Plus de mamelouks ! ». Le gouvernement se demande alors si les Bédouins ne vont pas assiéger Tunis tellement l'insurrection gagne du terrain. Mais les insurgés manquent d'unité de vue et d'action et Khaznadar en profite pour semer la division parmi eux. Il charge le général Ahmed Zarrouk de réprimer cette insurrection[4]. La répression est impitoyable notamment dans le Sahel. Le bey suspend la constitution de 1861 et le taux de la taxe est réduit de moitié mais Khaznadar et les mamelouks, qui viennent de sauver le régime de l'insurrection, restent au pouvoir car ils sont plus indispensables que jamais pour le souverain.

Succédant à ces événements, une sécheresse persistante s'abat sur le pays. Elle est d'autant plus désastreuse que les réserves vivrières sont épuisées et que les hommes au pouvoir n'ont pris aucune mesure pour enrayer ses conséquences. La misère sévit dans le pays en 1867 et la capitale n'est pas épargné : il meurt de 100 à 150 personnes par jour de famine ou du typhus.

Chute finale

Article détaillé : Affaire Mahmoud Ben Ayad.

Dans ces circonstances difficiles, Mustapha Khaznadar détourne le trésor de l'État à son propre profit[5], à partir de 1868, notamment les recettes municipales. Le budget de la municipalité de Tunis est ainsi réduit à la modeste subvention des habous. C'est en 1873 qu'a finalement lieu la chute de Khaznadar : le général Kheireddine Pacha, alors président de la commission financière internationale institué par le bey en 1869, présente au souverain, dans une audience au palais du Bardo avec la complicité du favori Mustapha Ben Ismaïl, un rapport de la dite commission accusant Khaznadar d'avoir détourné 2 000 obligations représentant deux millions de francs. Les preuves contre Khaznadar sont accablantes et celui-ci doit confesser sa culpabilité. Khaznadar offre alors sa démission et est remplacé par le général Kheireddine. À Tunis, l'opinion publique est très favorablement impressionnée par ces événements qu'on qualifie alors de révolution. La population manifeste sa joie et des cérémonies d'actions de grâce ont lieu dans toutes les mosquées, la médina de Tunis est illuminée pendant trois jours et les artisans et commerçants des souks témoignent leur reconnaissance envers le bey par l'envoi au Bardo de délégations et de présents. On donne également des courses de chevaux et d'autres réjouissances[6]. Isolé et haï de tous, Khaznadar meurt en 1878 mais se voit inhumé au Tourbet El Bey au cœur de la médina de Tunis. Il est resté dans l'imaginaire collectif des Tunisiens comme celui qui a pillé les revenus du pays pendant trente ans, en symbolisant la décadence de la monarchie beylicale.

Durant sa carrière, il a notamment été décoré du Nichan Iftikhar, de la Légion d'honneur en 1846, de l'Ordre de Saint-Olaf le 2 mai 1865 et de l'Ordre de la Couronne de Prusse en 1871.

Notes et références

  1. Jean Carpentier, François Lebrun et Bartolomé Bennassar, Histoire de la Méditerranée, éd. du Seuil, Paris, 1998, p. 342
  2. Jean Ganiage, Les origines du Protectorat français en Tunisie (1861-1881), éd. Presses universitaires de France, Paris, 1959, p. 478
  3. (fr) Mercedes García-Arenal, Conversions islamiques : identités religieuses en islam méditerranéen, éd. Maisonneuve et Larose, Paris, 2001, p. 329
  4. Hédi Slim, Ammar Mahjoubi, Khaled Belkhodja et Abdelmajid Ennabli, Histoire générale de la Tunisie, tome III « Les temps modernes », éd. Maisonneuve et Larose, Paris, 2007, p. 406
  5. (fr) Jacques Taïeb, Sociétés juives du Maghreb moderne (1500-1900), éd. Maisonneuve et Larose, Paris, 2000, p. 49
  6. Charles-André Julien, Les Africains, vol. VIII, éd. Jeune Afrique, Paris, 1977, p. 157


Précédé de :
Chakir Saheb Ettabaâ
Grand vizir de Tunis
1855-1873
Suivi de :
Kheireddine Pacha

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