Mèdes

Mèdes

Royaume médique
Mādai (peo)

VIIe siècle553

Informations générales
Statut Confédération tribale
Capitale Ecbatane
Langue Mède (en) ou vieux-perse ?
Religion de type mazdéen ?
Histoire et évènements
835 Premières mentions des Mèdes
VIIe siècle Organisation de l'État
609 Défaite des Assyriens contre les Mèdes et les Babyloniens
553 Défaite contre Cyrus II
Rois
(1er) 701-665 Déjocès ?
(Der 585-553 Astyage

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Histoire de l'Iran
Persepolis iran.jpg

Les Mèdes sont un peuple de l'Iran ancien, voisin des Perses, avec lesquels ils ont souvent été confondus. Ils occupaient un territoire qui recouvre le nord-ouest de l'actuel Iran, au sud de la mer Caspienne actuel Azerbaïdjan, autour de leur capitale Hangmatana/Ecbatane au Ier millénaire av. J.‑C. Ce peuple est un cas original, puisque même si on lui reconnaît généralement une importance dans l'histoire du Moyen Orient antique, il n'a lui-même laissé aucune source relative à son histoire qui soit certaine, et n'est connu que par des sources extérieures, assyriennes, babyloniennes et grecques, plus quelques sites archéologiques iraniens qui sont supposés avoir été occupés par des Mèdes.

Les récits relatifs aux Mèdes rapportés par Hérodote ont laissé l'image d'un peuple puissant, qui aurait formé un empire au début du VIIe siècle av. J.‑C. qui dura jusqu'en 550 av. J.-C., rivalisant avec les royaumes de Lydie et Babylone. Pourtant, une réévaluation récente des sources contemporaines de la période mède a modifié la perception que les chercheurs ont du « royaume mède ». Cet État demeure imperceptible, ce qui laisse de nombreux doutes à son sujet, certains supposant même qu'il n'y a jamais eu de royaume mède puissant.

Sommaire

Qui étaient les Mèdes ?

Les Mèdes sont un peuple iranien. Ils sont apparentés aux Perses, que les auteurs Grecs ont parfois eu du mal à distinguer d'eux, en témoigne l'expression « guerres médiques ». Force est de constater que ce peuple reste insaisissable par les archéologues et historiens modernes, et en premier lieu sur ses traits culturels.

La langue mède

La langue mède est un point sur lequel on discute beaucoup. Peu de certitudes existent en l'absence de textes retrouvés dans cette langue et avec seulement quelques mots, toponymes, anthroponymes attribués à la langue mède, sa grammaire ne peut être reconstituée. Il est cependant clair qu'il s'agit d'une langue iranienne, proche du vieux-perse, et peut-être ancêtre du kurde[1]. Certains passages d'auteurs grecs présentent des mots attribués au mède : ainsi, comparant les langues mède et perse, Hérodote mentionne également le mot spaka (« chien ») (toujours présent dans les langues iraniennes actuelles telles que le kurde et le talysh), différent du perse[2]. On a aussi voulu identifier certains mots perses comme étant des emprunts au mède, notamment ceux concernant la politique, la guerre ou la religion ; par exemple : xšayaθia « roi », uvaspa- « avec de bons chevaux », zūra « le mal ». Le terme « satrape » a peut-être été repris par les Grecs à partir de sa forme mède (*xšaθra-pā) et non sa forme vieux-perse (xšaça)[3]. Il a été tenté de reconstituer des racines mèdes à partir de mots du vieux-perse supposés empruntés au mède. Les différences entre le vieux-perse et le mède sont de toute manière mal établies : la première est connue par des inscriptions royales qui ont pu utiliser un langage différent de celui parlé par les Perses de l'époque, et elle est peut-être marquée par des emprunts importants au mède.

Les sites archéologiques mèdes

Artefact de poterie trouvé à Jeiran Tepe, 2e millénaire av. J.-C.
Musée national d'Iran.

La culture matérielle des Mèdes est un peu mieux identifiée, même si là aussi des zones d'ombres et surtout beaucoup de doutes demeurent[4]. On a parfois voulu voir dans la « poterie grise » (gray ware) retrouvée dans des sites de la vallée du Gorgan et à Tepe Sialk près de Hamadan pour la fin du IIe millénaire une marque des « proto-iraniens », voire « proto-mèdes » qui seraient arrivé dans la région à cette période (à la suite de Roman Ghirshman notamment). En fait, l'attribution d'un type de céramique à un groupe ethnique reste sujet à caution. On débat toujours pour déterminer les traits matériels de la culture mède des IXe-VIIIe siècles[5], étant donné que l'on n'a jamais la certitude qu'un site fouillé a bien été habité par les Mèdes, sauf à la rigueur pour Ecbatane, mais ses niveaux mèdes n'ont jamais été mis au jour[6]. On en revient généralement à attribuer aux Mèdes des sites fouillés pour la période et la région que l'on sait peuplée par les Mèdes selon les sources assyriennes[7]. Mais les textes ont aussi leurs limites, car localiser les lieux qu'ils mentionnent est souvent loin d'être évident, et il est donc impossible de parler d'un « art mède » avec certitude. On constate de plus une certaine homogénéité artistique et architecturale chez les différents peuple de l'Iran du nord-ouest de cette période, qui rend parfois incertaine l'identification d'un tel type d'objets ou de constructions à un peuple précis.

Au final, les sites couramment considérés comme étant représentatifs des Mèdes sont Godin Tepe, Nush-i Jân et peut-être Baba Jân, tous situés dans la région de Hamadan, l'ancienne Ecbatane, donc dans la région dont les différentes sources s'accordent à faire le centre du peuplement mède. Ils témoignent de pratiques architecturales communes, fortement inspirées par celles d'Anatolie ou d'Urartu, déjà attestées dans le nord-ouest de l'Iran dans le grand site de Hasanlu (attribué généralement pour cette époque aux Mannéens, peuple voisin des Mèdes). Plus d'incertitudes pèsent sur des sites voisins, comme Tepe Ozbaki, ou encore sur le site plus lointain de Kerkenes Dagh, situé en Turquie dans la province de Yozgat, dans lequel certains veulent voir la forteresse de Ptéria évoquée par Hérodote, contrôlée par le royaume mède suite à ses conquêtes dans l'est anatolien[8], opinion loin de faire l'unanimité[9].

Godin Tepe, localisé près de Hamadan, a été habité dès la fin du néolithique, et s'est développé en entretenant des rapports commerciaux avec l'Élam[10]. Après une phase d'abandon entre la fin du IIe et le début du Ier millénaires, il est peuplé à nouveau par les populations iraniennes vers 750. Elles aménagent alors une forteresse en hauteur. Un puissant rempart protégeait la citadelle sur son côté nord. À l'est se trouvait un arsenal. Au centre, une galerie à deux rangées de colonnes avait été construite, conduisant sur les cuisines, et un édifice qui pourrait être un temple du feu. Le côté ouest comprenait la partie principale de la forteresse, le palais. Il s'agissait d'une grande salle hypostyle, où se trouvait le trône du maître des lieux. Plus tard, une deuxième salle à colonnes, plus réduite, fut bâtie à l'ouest. Ce site était probablement la résidence d'un roitelet mède. Il a été abandonné au milieu du VIe siècle.

Tepe Nush-i Jân est situé au nord de Hamadan[11]. Il est bâti en hauteur sur une colline. La forteresse est divisée en quatre zones. Un « fort » était situé à l'ouest. On a retrouvé l'étage inférieur de cet édifice, qui comprenait des entrepôts. Un escalier atteste de la présence d'un étage. À l'autre extrémité, un temple du Feu avait été bâti, avant d'être en partie recouvert par un édifice à colonnes. Entre le hall à colonnes et le fort, un second temple du feu a été bâti (voir plus bas). Au VIIe siècle, les habitants du site recouvrent les édifices de pierres, sans doute dans le but de les préserver pour faire une réfection. Mais le site est alors abandonné.

Baba Jân, situé à proximité de Nurabad (Lorestan), est un très ancien site, qui connaît un nouvel essor dès la fin du IXe siècle, au début de la période III[12]. Il se dote d'une architecture monumentale au niveau suivant de la période III : son bâtiment principal est un « manoir », de 33 x 35 mètres de côté, protégé par des tours d'angles. Au VIIe siècle, le site est incendié, puis restauré peu après (dernières phases de la période III). Il se pourrait que les habitants qui aménagent alors soient des Mèdes, à moins qu'ils ne soient déjà là dès la fin du IXe siècle.

La religion mède

La religion des Mèdes est connue par l'archéologie. Le site de Nush-i Jân comportait le meilleur exemple de temple du feu, donc typique d'une religion de type mazdéen[13]. C'est une tour cruciforme de 14,5 x 16 mètres. Une antichambre ouvre sur une salle voûtée recouvrant un autel et un bassin. De là, on accède à un escalier menant à un étage supérieur, ou à la cella où se trouve l'autel du Feu. Il comportait un autel du feu en son centre. Un autre temple plus ancien avait été bâti à l'autre extrémité du site et un autre se trouvait peut-être à Godin Tepe comme on a pu le voir.

Notre seule source écrite sur la religion mède reste Hérodote, dont on ne sait pas si le témoignage est un indicateur de la réalité. On trouvait parmi les Mèdes une caste sacerdotale, les Mages, qui sont d'après ce même auteur une des six tribus mèdes, et se succèdent de père en fils. Ils agiraient notamment en tant que devins, puisque ce sont eux qui interprètent les songes du roi Astyage relatifs à la future prise de pouvoir de Cyrus II.

Sur la base de ces maigres informations, on s'est posé la question de savoir si les Mèdes étaient oui ou non Zoroastriens, comme le prétendaient les auteurs classiques. S'il semble probable que les habitants de la Médie pratiquaient une religion de type mazdéen dans les deux siècles précéant la période achéménide, la documentation disponible ne permet pas d'affirmer qu'ils suivaient la religion réformée par Zarathoustra, ou même que ce courant se répand à la période du royaume mède[14].

Histoire des Mèdes et de la Médie

Premières attestations

Les ancêtres des Mèdes, arrivent dans le nord-ouest de l'Iran à la fin du IIe millénaire, si l'on veut les identifier aux habitants de sites comme Tepe Sialk V et VI, ou bien plus tard, vers le début du Ier millénaire, si on s'en tient aux sources historiques. Le fait que l'on n'ait pas pu identifier clairement de culture matérielle mède ne nous permet pas d'y voir plus clair.

Les Mèdes apparaissent avec évidence dans les annales du roi assyrien Salmanazar III, qui mène dans sa vingt-quatrième année de règne (835), une campagne dans la région du Zagros occidental. Il soumet alors trente-six « rois » mèdes, qu'ils faut plutôt considérer comme des chefs de tribus. Shamshi-Adad V prend la ville mède de Sagbitu, dont il bat le chef Khanesiruka, en 815. D'autres rois assyriens combattent des groupes mèdes par la suite : Adad-Nerari III, à six reprises, Teglath-Phalasar III, qui déporte 65 000 personnes du Zagros, Sargon II, à quatre reprises, notamment au cours de sa huitième campagne. Celui-ci installe des déportés près de la frontière avec les Mèdes. Son fils Sennacherib affronte le roi d'Ellipi, un royaume non-mède situé aux alentours du Luristan, et affronte alors quelques groupes mèdes. Ces deux souverains assyriens créent trois provinces pour appuyer leur contrôle sur la région du Zagros occidental : Parshuash, Kisheshin, renommé Kār-Ninurta, et Kharkhar, renommé Kār-Sharrukēn. La localisation exacte des lieux d'affrontements entre Assyriens et Mèdes est imprécise, même si on s'accorde à situer le cœur de la région peuplée par les Mèdes autour du mont Alwand, où se trouvent Godin Tepe, Nush-i Jân et Ecbatane. Le mont Bikni est un lieu revenant souvent dans les sources assyriennes concernant le pays mède, et sa localisation est encore débattue : est-ce le mont Alwand, ou bien le Demavend plus à l'est ? D'une manière générale, les informations fournies par les Assyriens sur les Mèdes sont très vagues et peu évidentes à analyser[15]. Les guerriers de ce peuple sont souvent combattus en même temps que d'autres peuples : les Mannéens, évoluant dans la région du lac d'Orumieh, et les Perses, se trouvant au même endroit vers le IXe siècle, avant de migrer au sud-est vers la future Perse. Les « tributs » (qui peuvent aussi parfois être du commerce) que disent prélever les Assyriens dans cette région sont essentiellement du bétail, surtout des chevaux, dans l'élevage desquels les Mèdes sont spécialisés, ainsi que du lapis-lazuli, produit en Afghanistan (région accessible par les voies commerciales passant en pays mède), ou encore du cuivre.

La création de provinces assyriennes en marge du Zagros, avec l'établissement de forteresses, ne montre pas forcément que l'Assyrie perçoit cette région comme une menace potentielle qu'il faut contrôler, mais pourrait indiquer une volonté de se procurer plus de chevaux et de forces militaires et de faire face aux menaces plus certaines représentées par l'Urartu et l'Élam[16]. Quoi qu'il en soit, le VIIe siècle semble voir le pays mède s'organiser en entités politiques plus forts, comme le prouvent les sites archéologiques, qui témoignent de pouvoirs locaux de plus en plus puissants. Assarhaddon mène en 676 une expédition dans le Zagros, qui le mène au royaume du Patusharri, au pied du mont Bikni, où habitent ceux qu'il appelle les « Mèdes lointains ». Deux ans plus tard, trois rois mèdes lui demandent une aide militaire : Uppis de Partakka, Zanasama de Partukka et Ramateia d'Urukazabarra. Son fils Assurbanipal mène aussi une campagne en pays mède. Néanmoins, tout semble indiquer que les Assyriens perdent progressivement le contrôle sur les provinces de Parshuash, Kisheshin et Kharkhar, tandis que leurs offensives ont quand même mis à mal plusieurs entités politiques de la région, notamment les Mannéens et l'Ellipi. Cela pourrait avoir contribué à laisser la place à l'élaboration d'un royaume mède, qui n'est cependant jamais mentionné dans les sources assyriennes, qui ne documentent pas cette région pour les années qui seraient celle de l'affirmation du pouvoir de Cyaxare.

Quel royaume mède ?

Carte de l'« Empire » mède tel qu'on le conçoit habituellement, en réalité très hypothétique.

Les conditions exactes de la fondation du royaume mède nous restent inaccessibles. Selon la tradition rapportée par Hérodote, c'est un personnage nommé Déjocès qui réussit par la ruse à se faire proclamer roi de son peuple, et fonde un grand royaume organisé, avec sa capitale, Ecbatane[17]. Il aurait régné sur les différentes tribus mèdes unies, les Buses, Paretaceniens, Struchates, Arizantiens, Budiens, et les Mages. Rien de tout cela n'est indiqué dans les sources historiques de l'époque, ni par l'archéologie, les niveaux mèdes d'Ecbatane n'ayant pas été fouillés, ce qui ne nous permet pas de reconnaître un processus de construction étatique dans la capitale mède. Un roitelet iranien nommé Daiukku est attesté dans les récits de guerre assyriens du temps de Sargon II, mais il ne s'agit sans doute pas du roi mède mentionné par Hérodote, vu que les faits mentionnés se situent autour du lac d'Orumieh, et non en pays mède. Tout porte à croire que Déjocès soit un personnage légendaire. L'histoire que rapporte Hérodote relève manifestement du mythe, qui vise à présenter une image de roi-modèle[18]. Selon la tradition, le second roi mède est Phraortès, fils de Déjocès, qui aurait notamment soumis les Perses, et serait mort en combattant un roi assyrien, identifié à Assarhaddon. Son existence n'est pas plus certaine que celle de son supposé père[19]. Pour ces périodes, les sources assyriennes relatives aux Mèdes ne mentionnent qu'un groupe aux contours flous, dirigés par plusieurs roitelets comme on l'a vu plus haut, là où il y aurait la constitution d'un royaume puissant. L'histoire du royaume mède telle qu'elle est rapportée par Hérodote paraît donc trop simpliste même si les noms qu'elle donne sont bien mèdes[20].

Le successeur Cyaxare[21] est en revanche un personnage bien attesté dans les sources historiques babyloniennes, notamment la Chronique de la chute de Ninive, relatant la chute de l'Assyrie[22]. Selon ce que rapportent les auteurs grecs, il aurait envisagé de venger son père en levant une grande armée pour battre les Assyriens, mais il aurait été vaincu par les Scythes, qui dominent les Mèdes pendant vingt-six ans. Les sources proche-orientales mentionnent bien une invasion scythe dans cette région du monde pour cette période, ce qui fait de la soumission des Mèdes à ce peuple un évènement possible. Cyaxare aurait néanmoins réussi à chasser les envahisseurs, avant de monter une puissante armée. Les sources mésopotamiennes présentent bien Cyaxare comme le souverain d'un royaume puissant, apparemment bien installé, même si elles ne s'attardent pas sur ses assises territoriales, et que pour les années de sa supposée montée en puissance les Mèdes ne sont quasiment pas documentés par les sources assyriennes[23]. À ce qu'il semble, le royaume mède serait avant tout l'œuvre de ce personnage.

Il vient en aide au roi Nabopolassar de Babylone dans sa lutte contre l'empire assyrien, qui dure déjà depuis une dizaine d'années[24]. Alors que les Assyriens ont été chassés de Babylonie, l'armée babylonienne est encore incapable de les attaquer jusqu'au cœur de leur pays. Les troupes mèdes entrent en scène, et font pencher la balance en défaveur des Assyriens. Elles prennent plusieurs de leurs capitales : Assur en 614, puis Ninive en 612 avec les troupes babyloniennes. En 609 enfin, les deux alliés soumettent les derniers résistants assyriens à Harran. La question de la venue des Mèdes en Assyrie reste débattue : volonté de conquête ou simple visée de pillage[25] ? On ne sait presque rien d'un éventuel partage des dépouilles du royaume vaincu entre les deux vainqueurs.

Selon l'histoire racontée par Hérodote, les Mèdes et les Babyloniens seraient alors devenus de grands alliés, et des sources grecques rapportent le mariage de Nabuchodonosor II, fils de Nabopolassar, avec Amytis, fille de Cyaxare, qui serait entre autres à l'origine de la construction des Jardins suspendus de Babylone. Le contexte pourrait en fait être devenu tendu entre les deux, même si on voit dans des sources babyloniennes de l'époque des marchands de cette région avoir un comptoir à Ecbatane. Mais les Mèdes sont en fin de compte très peu présents dans les sources de la Babylonie contemporaine[26]. Selon Hérodote, Cyaxare aurait poursuivit ses conquêtes, en soumettant l'Anatolie orientale (ce qui implique qu'il ait alors achevé au passage ce qu'il restait du royaume de l'Urartu), avant d'affronter en 585 le roi de Lydie, Alyatte. Cette bataille serait restée indécise, et une éclipse de soleil serait survenue, effrayant les belligérants. Ceux-ci firent la paix, avec pour intermédiaire Nabuchodonosor, et établirent leur frontière sur la rivière Halys, l'actuel Kızılırmak. En fait, l'expansion mède vers l'ouest reste discutée, en l'absence de preuves concrètes[27]. Cyaxare meurt peu après, et son fils Astyage, le dernier roi mède connu, lui succède[28].

L'« Empire » mède est une entité politique qui nous reste insaisissable, ce qui fait que la réalité de son existence est niée par certains spécialistes, et ce de plus en plus[29]. On ne sait rien de son organisation. La vision la plus radicale est que les Mèdes n'aient jamais formé un royaume solide, mais soient restés divisés tout le temps, les incursions en Assyrie ne relevant que de l'expédition de razzia[30]. On a souvent supposé que les structures du royaume mède avaient en grande partie été reprises par leurs successeurs perses, mais cela est très spéculatif, et on considère actuellement que l'héritage élamite est plus déterminant pour la formation de l'empire perse[31]. L'absence d'inscriptions royales mèdes, de même que le fait qu'on n'ait pas trouvé à ce jour de témoignages archéologiques montrant l'existence d'un État important autour de la Médie à cette période, tout cela incite à voir dans le royaume mède une construction politique peu élaborée, s'il a bien existé. Son extension occidentale reste discutée, et on est encore plus dans le flou concernant le nord ou l'est.

Les Mèdes sous la domination achéménide

En 553, le roi perse Cyrus II se lève contre les Mèdes et réussit à vaincre Astyage. Cet événement nous est rapporté par des sources babyloniennes, notamment la Chronique de Nabonide, et des auteurs grecs, comme Hérodote et Ctésias, qui en présentent différentes versions dans leur déroulement, même s'il est souvent mis en avant que la victoire fut difficile, et aidée par la trahison d'une partie de l'armée mède (par Harpage dans les sources grecques). Ce conflit serait une révolte, puisque les auteurs grecs font de Cyrus le vassal d'Astyage. En tout cas, après cette victoire, Cyrus constitue le puissant empire des Achéménides.

La place des Mèdes dans cette nouvelle construction politique n'est pas désavantageuse : ils occupent un rang égal à celui des Perses, plusieurs Mèdes occupent une place importante dans l'administration de l'empire ou l'armée, et certains des usages de la cour mède auraient été repris par celle des Perses. La Médie devient une satrapie, et Ecbatane est la résidence d'été des premiers achéménides. Une révolte mède éclate pourtant après que Darius Ier est monté sur le trône par la force, en 522-521. Un certain Phraortès (II), qui se dit descendant de la lignée de Cyaxare, réunit une armée mède, appuyée notamment par des Hyrcaniens, mais il se fait vaincre par un général perse, est capturé et exécuté à Ecbatane. Une autre grande rébellion mède survient en 409, sous le règne de Darius II, et est matée rapidement.

Le pays mède reste calme durant le reste de l'époque achéménide, et également lors de la chute de l'empire perse.

La Médie de l'époque hellénistique aux débuts de notre ère

À l'époque hellénistique, la Médie tombe sous le contrôle des Grecs, et est incluse après les conflits opposant les Diadoques dans les territoires contrôlés par les Séleucides, après avoir été un temps dominée par Antigone le Borgne. L'ancien général Atropatès qui dirigeait le contingent mède de l'armée perse à la bataille de Gaugamèles, se rallie par la suite à Alexandre le Grand et devient satrape du nord de la Médie, qui devient la Médie Atropatène, futur Azerbaïdjan, qu'il parvient à rendre autonome du pouvoir séleucide. La capitale de ce royaume se trouvait à Gazaca. Après plusieurs décennies d'indépendance, le roi Artabanzanes doit conclure un traité de vassalité avec Antiochos III en 220. Cette région reste peu hellénisée, à la différence du sud de la Médie, centré autour d'Ecbatane. Plusieurs villes nouvelles y sont fondées par les souverains séleucides, et l'ancienne Rhaga est renommée Europa. Un satrape local, Molon, se révolte en 220 contre Antiochos III, qui le défait. Entre 163 et 160, c'est un autre satrape de Médie, Timarque, qui se révolte contre Démétrios Ier Sôter, et réussit à prendre le pouvoir en Babylonie, avant d'être finalement soumis.

Les révoltes qui secouent le royaume séleucide vers 150 profitent au roi parthe Mithridate Ier (Arsace V, 171-135 av. J.-C.) qui prend alors la Médie, ainsi que l'Atropatène. Après plusieurs décennies de luttes, le pouvoir des Arsacides est finalement assuré en Médie, en dépit des attaques des nomades orientaux (Scythes ou Tokhariens). La région est réorganisée administrativement, et la ville de Rhaga/Europa est renommée Arsacia.

En 226 ap. J.-C., le perse Ardashir s'empare du pouvoir en Iran et en Mésopotamie en détrônant le dernier roi parthe, pour instaurer la dynastie des Sassanides. À ce moment, l'ancienne division entre les différents peuples iraniens est atténuée, notamment dans cette région, et la dénomination ethnique « Mèdes » a définitivement perdu son sens.

Notes et références

  1. P. Lecoq, Les inscriptions de la Perse achéménide, Paris, 1997, p 46-49
  2. On retrouve apparemment cette racine dans le terme russe actuel собака (sobaka, prononcé sabaka, « chien »).
  3. (en) R. Schmitt, « Old Persian », dans R. Woodard (dir.), The Ancient Languages of Asia and the Americas, Cambridge, 2008, p. 98-99
  4. Synthèse sur l'archéologie mède dans (en) D. Stronach, «  Archeology ii. Median and Achaemenid », dans E. Yarshater (dir.), Encyclopædia Iranica, 1986
  5. (en) M. C. Root, « Medes and Persians: The State of Things », dans M. C. Root (dir.), Medes and Persians: Reflections on Elusive Empires, Ars Orientalis XXXII, Washington, 2002, p. 4-5
  6. (en) S. C. Brown, « Ecbatana », dans E. Yarshater (dir.), Encyclopædia Iranica, 1997. Description du site sur Livius.org
  7. (en) Synthèse sur l'art mède dans (en) P. Calmeyer, «  Art in Iran ii. Median Art and Architecture  », dans E. Yarshater (dir.), Encyclopædia Iranica, 1986
  8. (en) G. D. Summers, « The Median Empire Reconsidered: A View from Kerkenes Daǧ », dans Anatolian Studies 50, 2000, p. 55-73
  9. (en) R. Rollinger, « Kerkenes Dag and the Median ‘empire’ », dans (en) G. B. Lanfranchi, M. Roaf et R. Rollinger (éds.), Continuity of Empire (?) Assyria, Media, Persia, Padoue, 2003, p. 321-326
  10. (en) T. Cuyler Young Jr., « Godin Tepe », dans E. Yarshater (dir.), Encyclopædia Iranica, 2001. (en) Description du site sur Livius.org
  11. (en) Description du site sur Livius.org
  12. (en) R. C. Henrickson, «  Bābā Jān Tepe », dans E. Yarshater (dir.), Encyclopædia Iranica, 1988
  13. (en) M. Roaf and D. Stronach, « Tepe Nūsh-i Jān, 1970: Second Interim Report », dans Iran 11, 1973, p. 133-138
  14. (en) W. W. Malandra, «  Zoroastrianism i. Historical Review », dans E. Yarshater (dir.), Encyclopædia Iranica, 2005
  15. (en) K. Radner, « An Assyrian View of the Medes », dans (en) G. B. Lanfranchi, M. Roaf et R. Rollinger (éds.), Continuity of Empire (?) Assyria, Media, Persia, Padoue, 2003, p. 37-64
  16. (en) G. B. Lanfranchi, « The Assyrian expansion in the Zagros and the local ruling elites », dans (en) G. B. Lanfranchi, M. Roaf et R. Rollinger (éds.), op. cit., p. 79-118
  17. (en) R. Schmitt, « Deioces », dans E. Yarshater (dir.), Encyclopædia Iranica, 1994
  18. (en) A. Panaino, « Herodotus I, 96-101 : Deioces’ conquest of power and the foundation of sacred royalty », dans (en) G. B. Lanfranchi, M. Roaf et R. Rollinger (éds.), Continuity of Empire (?) Assyria, Media, Persia, Padoue, 2003, p. 327-338
  19. (en) I. Medvedskaya, « Phraortes », dans E. Yarshater (dir.), Encyclopædia Iranica, 2004
  20. (en)R. Rollinger, « Herodotus, ii. The Historiaes as a source for Persia and Persians », dans E. Yarshater (dir.), Encyclopædia Iranica, 2003
  21. (en) I. M. Diakonoff, « Cyaxares », dans E. Yarshater (dir.), Encyclopædia Iranica, 1993
  22. Traduction de la chronique sur Livius.org
  23. (en) K. Radner, « An Assyrian View of the Medes », dans (en) G. B. Lanfranchi, M. Roaf et R. Rollinger (éds.), op. cit., p. 37-64
  24. Les événements menant à la chute de l'Empire assyrien sont l'objet des études suivantes : (en) S. Zawadzki, The fall of Assyria and Median-Babylonian relation in light of the Nabopolassar Chronicle, Poznan, 1988 ; (en) N. Na'aman, « Chronology and history in the late Assyrian empire », dans Zeitschrift für Assyriologie 81, 1991, p. 243-267
  25. (en) J. Reade, « Why did the Medes invade Assyria? », dans (en) G. B. Lanfranchi, M. Roaf et R. Rollinger (éds.), op. cit., p. 149-156
  26. (en) M. Jursa, « Observations on the problem of the Median ‘empire’, on the basis of Babylonian sources », dans (en) G. B. Lanfranchi, M. Roaf et R. Rollinger (éds.), op. cit., p. 169-179
  27. (en) R. Rollinger, « The Western Expansion of the Median “Empire”: A Re-Examination », dans (en) G. B. Lanfranchi, M. Roaf et R. Rollinger (éds.), op. cit., p. 289-320
  28. (en) R. Schmitt, « Astyages », dans E. Yarshater (dir.), Encyclopædia Iranica, 1987
  29. Débat initié par le travail pionnier de (en) H. Sancisi-Weerdenburg, « Was there ever a Median Empire? », dans A. Kurth et H. Sancisi-Weerdenburg (dir.), Achaemenid History III: Method and theory, Leyde, 1988, p. 197-212. Mises au point récentes dans les articles de (en) G. B. Lanfranchi, M. Roaf et R. Rollinger (éds.), Continuity of Empire (?) Assyria, Media, Persia, Padoue, 2003.
  30. Par exemple (en) M. Liverani, « The Rise and Fall of Media », dans G. B. Lanfranchi, M. Roaf et R. Rollinger (éds.), op. cit., p. 1-12.
  31. (en) W. Henkelman, « Persians, Medes and Elamites, Acculturation in the Neo-Elamite Period », dans G. B. Lanfranchi, M. Roaf et R. Rollinger (éds.), op. cit., p. 181-231

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) A. Kuhrt, The Persian Empire, A Corpus of Sources from the Achaemenid Period, vol. 1, Londres et New York, 2007 (ISBN 9780415436281) , p. 19-46 (sources écrites sur les Mèdes)
  • (en) S. Brown, « Medien », dans Reallexicon der Assyriologie 7.-8., 1990, p. 619-623 ;
  • P. Briant :
    • L'Asie centrale et les royaumes moyen-orientaux au premier millénaire av. n. è., Paris, 1984 ;
    • Histoire de l’Empire perse, de Cyrus à Alexandre, Paris, 1996 (ISBN 2-213-59667-0) ;
  • (en) M. C. Root (dir.), Medes and Persians: Reflections on elusive Empires, Ars Orientalis XXXII, Washington, 2002 ;
  • (en) G. B. Lanfranchi, M. Roaf et R. Rollinger (éds.), Continuity of Empire (?) Assyria, Media, Persia, Padoue, 2003 ;
  • (en) M. Dandamayev et I. Medvedskaya, « Media », dans E. Yarshater (dir.), Encyclopædia Iranica, 2006.

Liens externes


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Mèdes de Wikipédia en français (auteurs)

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