Appel (justice)

Appel (justice)

Appel dans la justice française

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L'appel est une voie de recours qui « tend à faire réformer ou annuler » un jugement rendu par une juridiction du premier degré[1].

Le juge d'appel est tenu de rejuger, en fait et en droit, la décision qui lui est dévolue. Il peut infirmer la décision, partiellement ou complètement, ou la confirmer. Il peut aussi en changer les motifs, sans que le dispositif de la décision change nécessairement.

L'arrêt de la juridiction d'appel pourra éventuellement faire l'objet d'un pourvoi en cassation devant le juge de cassation [2] par les parties y ayant intérêt.

Sommaire

Terminologie

L'appelant est la partie qui fait appel[3]. L'intimé est la partie en position de défendeur à l'instance d'appel. L'intimé peut effectuer un appel incident si le jugement de première instance ne lui avait donné qu'une satisfaction partielle.

Dans certains litiges, des parties peuvent être tantôt appelantes, tantôt intimées, suivant les dispositions du jugement dont il est fait appel.

Le rôle de cette voie de recours

L'appel est habituellement une « voie de réformation », c'est-à-dire que le juge d'appel va rejuger le fond de l'affaire, sur les points où il y a eu appel, et va pouvoir changer le jugement rendu en première instance [4].

Ce peut être aussi une « voie d'annulation », qui aboutit à un anéantissement pur et simple du jugement de première instance, dans des cas où la procédure suivie ou le jugement avaient été irréguliers. En ce cas, le juge d’appel rejuge généralement l'ensemble du litige (mais la procédure varie suivant les types de juridictions).

L'appel, du moins en matière de procédure civile, est parfois aussi considéré comme une « voie d'achèvement », où le juge d'appel tient compte de l'évolution éventuelle du litige depuis que le premier jugement est intervenu[5]. Outre que la doctrine est divisée sur cette idée, qui s’oppose au principe d’immutabilité du litige entre les deux instances[6],[7],[8], la jurisprudence récente de la Cour de cassation est assez restrictive[9].

La valeur du droit à un appel

On peut s'interroger sur la valeur du droit à un double degré de juridiction. En effet, il est souvent considéré par le justiciable comme un droit absolu, ne souffrant aucune exception. Cependant, il convient de constater qu'un certain nombre de litiges sont jugés en premier et dernier ressort, et donc sans appel possible. Il s'agit généralement de litiges considérés comme de moindre importance. C'est ainsi le cas devant la juridiction de proximité ou pour des affaires dont le taux de ressort est inférieur à un certain montant. Néanmoins, si l'on peut priver éventuellement certains types d'affaires d'un appel, on ne peut jamais priver le justiciable d'un recours en cassation (principe de l'ouverture du recours en cassation contre toute décision juridictionnelle de dernier ressort) [10].

Sous l'angle constitutionnel

Certains ont pu tenter de trouver au principe du double degré de juridiction un fondement constitutionnel en l'incluant dans le concept plus large de « droits de la défense », en tant que principe fondamental reconnu par les lois de la République [11]. En ce sens, la doctrine processualiste place depuis longtemps l'exercice des voies de recours dans les droits de la défense [12].

Pourtant, selon le Conseil constitutionnel français, le principe du double degré de juridiction n'a pas, en lui-même, valeur constitutionnelle [13].

Il est bien sûr à remarquer qu'il y a toujours eu des juridictions échappant à ce double degré, et qu'il n'aurait guère été opportun de bouleverser de larges parts du système juridictionnel français sur ce point, mais surtout que la possibilité d'appel, si elle est un instrument utile au bon fonctionnement de la justice, n'en est ni une condition nécessaire, ni une condition suffisante. La possibilité du recours en cassation, en revanche, a toujours été considérée comme plus fondamentale et plus essentielle aux justiciables.

Sous l'angle des principes généraux du droit

À un autre niveau, le Conseil d'État a jugé que les procédures civiles ou administratives qui limitent la possibilité d'appel sont légales [14]. Même s'il lui est arrivé parfois de parler d'un principe du double degré de juridiction, il n'en a jamais fait un principe général du droit. Ainsi, en matière de procédure civile ou de procédure administrative, qui relèvent du pouvoir réglementaire, ce dernier a une très large marge d'appréciation pour instituer ou non la possibilité d'appel. Pour la procédure pénale, le législateur est seul compétent selon l'article 34 de la Constitution.

Sous l'angle des conventions internationales

Les stipulations de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme n'imposent pas l'institution d'un deuxième degré de juridiction, y compris en matière pénale, mais si un État établit de tels recours, les juridictions et les procédures de recours doivent respecter les exigences du procès équitable prévues par cette Convention [15].

En revanche, l'article n° 2 du Protocole n° 7 [16] à la Convention européenne des droits de l'homme prévoit le droit à un double degré de juridiction dans toutes les affaires pénales (au sens de la CEDH, qui inclut le contentieux disciplinaire). Le système juridique français n'est cependant pas fautif sur ce point, car, ici, le double degré ne signifie pas nécessairement la mise en place d'une possibilité d'appel (celle du pourvoi en cassation suffit), et certaines exceptions sont prévues par le protocole lui-même [17].

Enfin, si le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe préconise l'instauration de telles voies de recours, cette disposition n'est pas d'application directe [18].

Les juridictions d'appel

Juridictions d'appel de l'ordre judiciaire

Article détaillé : Ordre judiciaire (France).

Les juridictions d’appel de droit commun de l'ordre judiciaire sont les cours d’appel. Mais certains appels sont jugés par d’autres juridictions.

Juridictions statuant au pénal et au civil

Juridictions criminelles statuant en appel

Juridiction civile spécialisée

Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail

Juridictions d'appel de l'ordre administratif

Article détaillé : Ordre administratif (France).

Les juridictions d’appel de droit commun de l'ordre administratif sont les cours administratives d’appel. Mais certains appels sont jugés par d’autres juridictions.

Les conditions d'exercice de l'appel

En matière civile

Décisions susceptibles d'appel

En matière civile, la voie de l'appel est ouverte en toutes matières, même gracieuses, contre les jugements de première instance à moins qu'il n'en soit autrement disposé. Ce n'est que lorsqu'un texte en dispose autrement que le justiciable n'aura alors pas possibilité d'interjeter appel.

Le jugement doit de plus avoir été rendu en premier ressort, à défaut il ne peut faire l'objet que d'un pourvoi en cassation. Certaines juridictions, en effet, peuvent se prononcer en premier et dernier ressort en dessous d'un certain seuil [19].

Les jugements qui tranchent dans leur dispositif une partie du principal et ordonnent une mesure d'instruction ou une mesure provisoire peuvent être immédiatement frappés d'appel comme les jugements qui tranchent tout le principal.

Il en est de même lorsque le jugement qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident met fin à l'instance.

Les autres jugements ne peuvent être frappés d'appel indépendamment des jugements sur le fond, que dans les cas spécifiés par la loi.

Délai d'appel

Le délai d'appel qui est une voie ordinaire de recours est d'un mois en matière contentieuse et de quinze jours en matière gracieuse.

Le délai court à compter de la notification du jugement.

Les parties

L'appelant

Le droit d'appel appartient à toute partie qui y a intérêt, si elle n'y a pas renoncé.

En matière gracieuse, la voie de l'appel est également ouverte aux tiers auxquels le jugement a été notifié. En matière gracieuse, l'appel est recevable même en l'absence d'autres parties.

En matière contentieuse, l'appel ne peut être dirigé que contre ceux qui ont été parties en première instance. Tous ceux qui ont été parties peuvent être intimés.

L'intimé appelant incident

L'appel peut être incidemment relevé par l'intimé tant contre l'appelant que contre les autres intimés. L'appel incident peut également émaner, sur l'appel principal ou incident qui le provoque, de toute personne, même non intimée, ayant été partie en première instance.

L'appel incident ou l'appel provoqué peut être formé en tout état de cause, alors même que celui qui l'interjetterait serait forclos pour agir à titre principal. Dans ce dernier cas, il ne sera toutefois pas reçu si l'appel principal n'est pas lui-même recevable. La cour peut condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de former suffisamment tôt leur appel incident ou provoqué.

L'appel incident ou l'appel provoqué est formé de la même manière que le sont les demandes incidentes, c'est-à-dire par voie de conclusions.

L'intervenant en cause d'appel

Peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.

Ces mêmes personnes peuvent être appelées devant la cour, même aux fins de condamnation, quand l'évolution du litige implique leur mise en cause.

L'appel abusif

En cas d'appel principal dilatoire ou abusif, l'appelant peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 3 000 €, sans préjudice des dommages-intérêts qui lui seraient réclamés.

Cette amende, perçue séparément des droits d'enregistrement de la décision qui l'a prononcée, ne peut être réclamée aux intimés. Ceux-ci peuvent obtenir une expédition de la décision revêtue de la formule exécutoire sans que le non-paiement de l'amende puisse y faire obstacle.

Le juge d'appel peut condamner à des dommages-intérêts celui qui forme un appel principal après s'être abstenu, sans motif légitime, de comparaître en première instance.

En matière pénale

Décisions susceptibles d'appel

Peuvent être attaqués par la voie de l'appel :

  • Les arrêts de condamnation rendus par la cour d'assises en premier ressort ;
  • les jugements rendus par les tribunaux correctionnels ;
  • les jugements rendus par les tribunaux de police lorsque l'amende encourue est celle prévue pour les contraventions de la cinquième classe, lorsque a été prononcée la peine prévue par le 1º de l'article 131-16 du code pénal français, ou lorsque la peine d'amende prononcée est supérieure au maximum de l'amende encourue pour les contraventions de la deuxième classe.

Délai d'appel

En règle générale, le délai d'appel est de dix jours à compter du prononcé du jugement ou de l'arrêt de condamnation [20].

Les parties

  • En matière criminelle, la faculté d'appeler appartient à l'accusé, au ministère public, à la personne civilement responsable (quant à ses intérêts civils), à la partie civile (quant à ses intérêts civils), aux administrations publiques, dans les cas où celles-ci exercent l'action publique. Le procureur général peut également faire appel des arrêts d'acquittement.
  • En matière correctionnelle, la faculté d'appeler appartient au prévenu, à la personne civilement responsable quant aux intérêts civils seulement, à la partie civile quant à ses intérêts civils seulement, au procureur de la République, aux administrations publiques, dans les cas où celles-ci exercent l'action publique, au procureur général près la cour d'appel.
  • En matière contraventionnelle, lorsque l'appel est possible, la faculté d'appeler appartient au prévenu, à la personne civilement responsable, au procureur de la République, au procureur général, à l'officier du ministère public près le tribunal de police et la juridiction de proximité.

En matière administrative

Décisions susceptibles d'appel

Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif peut normalement interjeter appel contre les décisions juridictionnelles rendues dans cette instance.

Cependant les décisions du tribunal administratif sont rendues en premier et dernier ressort dans un certain nombre de litiges considérés comme de plus faible importance (art. R. 811-1 et R. 222-13 du code de justice administrative). Ces décisions ne sont alors susceptibles que d'un pourvoi en cassation.

Ce sont les décisions portant[21] : 1º Sur les litiges relatifs aux déclarations de travaux exemptés de permis de construire ; 2º Sur les litiges relatifs à la situation individuelle des fonctionnaires ou agents de l'État et des autres personnes ou collectivités publiques, ainsi que des agents ou employés de la Banque de France, à l'exception de ceux concernant l'entrée au service, la discipline et la sortie du service, ou de ceux comportant des conclusions tendant au versement ou à la décharge de sommes d'un montant supérieur à 10 000 euros (art. R. 222-14 et R. 222-15 du CJA)  ; 3º Sur les litiges en matière de pensions, d'aide personnalisée au logement, de communication de documents administratifs, de service national, à l'exception de ceux comportant des conclusions tendant au versement ou à la décharge de sommes d'un montant supérieur à 10 000 euros (art. R. 222-14 et R. 222-15 du CJA) ; 4º Sur les litiges relatifs à la redevance audiovisuelle ; 5º Sur les recours relatifs aux taxes syndicales et aux impôts locaux autres que la taxe professionnelle ; 6º Sur la mise en œuvre de la responsabilité de l'État pour refus opposé à une demande de concours de la force publique pour exécuter une décision de justice ; 7º Sur les actions indemnitaires, lorsque le montant des indemnités demandées est inférieur à 10 000 euros (art. R. 222-14 et R. 222-15 du CJA) ; 8º Sur les requêtes contestant les décisions prises en matière fiscale sur des demandes de remise gracieuse ; 9º Sur les litiges relatifs aux bâtiments menaçant ruine ; 10° Sur les litiges relatifs aux permis de conduire.

De même, les décisions de référé rendues en application des articles L. 521-1 (référé suspension), L. 521-3 (référé conservatoire), L. 521-4 et L. 522-3 du code de justice administrative sont rendues en dernier ressort. Ces décisions ne sont également susceptibles que d'un pourvoi en cassation.

Les décisions des juridictions administratives spécialisées sont susceptibles d’appel si un texte le prévoit. Sinon, rendues en dernier ressort, elles ne peuvent faire l’objet que d'un pourvoi en cassation.

Dans les cas où les litiges sont de la compétence directe du Conseil d'État, les décisions de ce dernier sont rendues en premier et dernier ressort, et ne sont susceptibles ni d'appel, ni de cassation.

Délai et conditions d'appel

Le délai d'appel est ordinairement de deux mois à partir de la date de notification du jugement de première instance. Il peut être plus court dans certains cas.

Les parties ne peuvent demander l’annulation ou la réformation du jugement que dans la mesure où les décisions prises (le dispositif du jugement) n’ont pas donné satisfaction à leurs conclusions de première instance.

La requête d’appel doit comporter la copie du jugement attaqué, les moyens dirigés contre lui, les conclusions du requérant. Le ministère d’un avocat est généralement obligatoire.

Les effets de l'appel

En matière civile

L'appel tend à faire réformer ou annuler par la cour d'appel un jugement rendu par une juridiction du premier degré.

  • L'effet dévolutif

L'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit.

L'appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément ou implicitement et de ceux qui en dépendent.

La dévolution s'opère pour le tout lorsque l'appel n'est pas limité à certains chefs, lorsqu'il tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

  • L'effet suspensif

Pendant le délai d'appel et une fois celui-ci interjeté, le jugement en premier ressort ne peut être exécuté sauf à ce qu'il soit revêtu de l'exécution provisoire, de droit, ou ordonnée.

  • Les demandes nouvelles en cause d'appel

Pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves.

Les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

Les parties peuvent aussi expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément.

Les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel.

  • L'évocation

Lorsque la cour d'appel est saisie d'un jugement qui a ordonné une mesure d'instruction, ou d'un jugement qui statuant sur une exception de procédure, a mis fin à l'instance, elle peut évoquer les points non jugés si elle estime de bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive, après avoir ordonné elle-même, le cas échéant, une mesure d'instruction.

En matière pénale

L'appel tend à faire réformer ou annuler par la juridiction d'appel un jugement rendu par une juridiction du premier degré.

  • L'effet dévolutif

L'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit dans les limites de l’appel. La juridiction d'appel ne peut connaître de faits ne figurant pas dans la citation introductive d’instance. [22]

Cet effet est limité par l’étendue de la saisine des premiers juges, par les termes de l’acte d’appel et par la qualité de celui ou ceux qui interjettent appel [23].

Ainsi, lorsque seule une partie civile interjette appel, la juridiction d’appel n’est saisie que des intérêts civils et ne peut revenir sur un acquittement prononcé au pénal.

A l'inverse, en cas d'appel limité aux dispositions pénales par le ministère public ou le prévenu, la juridiction d’appel ne peut augmenter les réparations civiles [24].

Enfin, si un prévenu fait appel, le ministère public le fait généralement aussi. Dans le cas contraire, les peines ne peuvent pas être augmentées.

  • L'effet suspensif

L’appel, et avant lui le délai donné par la loi pour faire appel, produisent un effet suspensif. Il est fait obstacle à ce que le jugement entrepris puisse être mis à exécution, même si le maintien en détention provisoire du prévenu est possible [25].

En matière administrative

L'appel tend également à faire réformer ou annuler par le juge d'appel un jugement rendu en première instance.

  • En cas d’annulation : l'évocation ou le renvoi

Lorsqu’une partie soutient valablement que le jugement de première instance est entaché d’une irrégularité externe (procédure ou instruction irrégulières, violation du principe du contradictoire, composition irrégulière de la juridiction, motivation insuffisante ou contradictoire du jugement, erreur sur la recevabilité de la requête, etc.), le jugement sera annulé en appel. La juridiction d’appel est alors en droit, soit de renvoyer le litige devant une juridiction du premier degré (c’est rare), soit d’évoquer, du moins si au moins une partie a conclu en ce sens (c’est le plus courant) : le litige est alors jugé au fond, avec examen de tous les moyens soulevés depuis la première instance.

  • L'effet dévolutif

Si le jugement de première instance ne souffre d’aucune irrégularité externe, l'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit sur les points critiqués par les parties appelantes. C'est là la situation la plus ordinaire.

Les moyens des parties appelantes doivent montrer en quoi le jugement de première instance est erroné, les moyens des défendeurs en appel cherchent au contraire à justifier ce jugement. Il se peut bien sûr que certaines parties soient appelantes sur un point, et défenderesses sur un autre.

  • Absence d’effet suspensif

L'appel des décisions des juridictions administratives n'a pas d’effet suspensif. Cependant, une partie peut demander que le jugement soit suspendu (Art. R.811-14 à R.811-19 du CJA).

  • Les conclusions

Les conclusions des parties ne peuvent tendre à faire juger un autre litige que celui présenté en première instance, et le débat contentieux est déjà « cristallisé » (il est très tôt fixé dès la première instance). En ce sens, l'appel n'est pas une « voie d'achèvement du procès », comme il peut parfois sembler l'être devant le juge civil.

Bien sûr, les conclusions actualisant les montants d'un préjudice continu, ou les conclusions accessoires (telles celles sur le remboursement des frais d'avocat) sont autorisées.

  • Les moyens

Le requérant initial ne peut présenter de moyens nouveaux que si ceux-ci reposent sur la même cause juridique que des moyens qu'il avait soulevés en première instance (moyens de légalité externe par exemple, ou moyens de légalité interne par exemple lors d'un recours en excès de pouvoir). Toutefois, les moyens d'ordre public (incompétence de l'auteur de l'acte attaqué par exemple) peuvent être soulevés à tout moment.

Notes et références

  1. Cf. ainsi art. 542 du code de procédure civile
  2. A l'exception des arrêts d'appel du Conseil d'Etat, qui ne peuvent faire que l'objet de recours en révision devant lui-même.
  3. On dit « faire appel », « interjeter appel » ou « relever appel ».
  4. Cf. Gérard Cornu, Vocabulaire juridique, PUF, 1987-2007 : « L’effet dévolutif est l’effet produit par certaines voies de recours (appel, opposition) qui, remettant en question une chose jugée, en défèrent la connaissance à la juridiction de recours avec pouvoir et obligation pour elle de statuer à nouveau en fait et en droit sur tous les points qu’elles critiquent dans la décision attaquée (et sur ces points seulement) ».
  5. Cf. art. 563 à 567, et art. 555 du code de procédure civile.
  6. « Si l’on considère que l’appel est aussi voie d’achèvement, on se heurte à une difficulté particulière [...] : la nécessité de concilier deux exigences, de trouver un point d’équilibre entre elles : ces deux exigences sont l’immutabilité du litige garantie de la liberté de la défense et de la règle du contradictoire, le désir de ne pas morceler inutilement un procès en contraignant les parties à recommencer une nouvelle instance du premier degré, s’agissant d’objet litigieux qui n’avaient pas été soumis aux premiers juges. » J. Vincent, « Les effets de l’appel, l’ouverture quant à l’objet du litige », Gaz. Pal., 1974, 1, p. 404 et s.
  7. Cf. aussi les réflexions de Guy Canivet, premier président de la Cour de cassation : « Ne faudra-t-il pas, par exemple, réexaminer la pertinence de la notion d'appel « voie d'achèvement » qui permet en définitive de juger en seconde instance un litige différent de celui qui a été initié devant le premier juge ? Ne serait-il pas plus performant de fixer définitivement, dès l'introduction de l'instance, l'objet du litige, les moyens de fait et de droit allégués et de ne statuer en appel que sur l'appréciation à laquelle s'est livré le premier juge, sans permettre les évolutions et les prétentions nouvelles » (Guy Canivet, « Économie de la justice et procès équitable », JCP 2001, I, n° 361).
  8. « La Mission estime raisonnable de ne pas retenir une conception par trop restrictive de l’appel, dans laquelle ce recours tendrait davantage à faire juger le jugement qu’à faire juger le litige. « Condamner la conception de l’« appel voie d’achèvement », c’est vouloir ne pas tenir compte de ce que la matière a pu évoluer depuis la décision du premier juge, de ce que les parties ont pu changer de conseil, et, par conséquent de stratégie, de ce que, de toute façon, du fait de la décision même qui a été rendue au premier degré, la matière s’est décantée, les vraies difficultés apparaissent plus clairement. « En réalité, tant que les critères de la chose jugée demeurent ce qu’ils sont, rejeter l’appel voie d’achèvement, c’est courir le risque – à trop corseter les parties et le juge dans l’instance d’appel – de voir le demandeur débouté au second degré introduire ultérieurement une nouvelle instance au fond. Il n’en résultera alors aucune économie pour le service public de la justice. « D’où l’idée de la Mission de retenir une position médiane consistant à voir dans l’appel une voie d’achèvement tempérée. Les moyens nouveaux seraient recevables : en cas d’évolution du litige, en cas de survenance de faits nouveaux depuis le jugement, ou encore en cas de découverte de documents ou de rétention d’une pièce par une partie ou par un tiers… » Rapport Magendie (Rapport au ministre de la justice, 15 juin 2004), p. 63.
  9. L’Assemblée plénière de la Cour de cassation française a précisé, le 11 mars 2005, que l’évolution du litige, qui peut impliquer la mise en cause d’un tiers devant la cour d’appel, n’est caractérisée que par la révélation d’une circonstance de fait ou de droit, née du jugement ou postérieure à celui-ci, modifiant les données juridiques du litige. (Cass. plén. n° 525 du 11 mars 2005, n° 03-20484). Cf. aussi le rapport de Mme Betch, Conseiller rapporteur devant l’Assemblée plénière de la Cour de cassation, dans cette affaire, et, plus encore, l'avis de M. Cedras, Avocat général devant l’Assemblée plénière de la Cour de cassation, même affaire.
  10. Pour le recours en cassation, cf. CE, Ass. 7 février 1947, d'Aillières. Cf. aussi, du côté du Conseil constitutionnel, Décision n° 80-113 L du 14 mai 1980 et Décision n° 88-157 L du 10 mai 1988 : il s'agit d'une « garantie fondamentale dont, en vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient seulement à la loi de fixer les règles ».
    Cependant, les décisions du Conseil d'État, lorsqu'il statue en premier et dernier ressort ou comme juge d'appel, ne sont pas susceptibles de faire l'objet d'un recours en cassation, mais seulement d'un recours en révision.
  11. Décision n° 80-127 DC, Loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes, mardi 20 janvier 1981, n°52.
  12. Motulsky, Ecrits, tome 1, « Le droit naturel dans la pratique jurisprudentielle : le respect des droits de la défense en procédure civile », Dalloz 1973, p. 60 s. ; Wiederkehr, « Droits de la défense et procédure civile », D. 1989, chr. p. 36 ; Bolard, « Les principes directeurs du procès civil : le droit positif depuis Motulsky », JCP 1993-I-3693
  13. Décision n° 2004-491 DC, Loi complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française du jeudi 12 février 2004 : « 4. Considérant, en premier lieu, que le principe du double degré de juridiction n'a pas, en lui-même, valeur constitutionnelle »
  14. Cf., par exemple, Conseil d'État, 9 février 2000, Comparois, et CE, 17 décembre 2003, Meyet et autres.
  15. CEDH 17 janvier 1970, Delcourt c/ Belgique, série A n°11, p. 14, § 25-26 [lire en ligne] : « L’article 6 de la Convention n’astreint pas les États contractants à créer des cours d’appel ou de cassation. Néanmoins, un État qui se dote de juridictions de cette nature a l’obligation de veiller à ce que les justiciables jouissent auprès d’elles des garanties fondamentales de l’article 6 ».
  16. Article n° 2 du Protocole n° 7 à la Convention européenne des droits de l'homme : « 1. Toute personne déclarée coupable d'une infraction pénale par un tribunal a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité ou la condamnation. L'exercice de ce droit, y compris les motifs pour lesquels il peut être exercé, sont régis par la loi. 2. Ce droit peut faire l'objet d'exceptions pour des infractions mineures telles qu'elles sont définies par la loi ou lorsque l'intéressé a été jugé en première instance par la plus haute juridiction ou a été déclaré coupable et condamné à la suite d'un recours contre son acquittement. »
  17. Cf. cependant, CEDH, arrêt Krombach c/ France du 13 février 2001. La France a été condamnée suite à l’absence d’ouverture du pourvoi en cassation à un contumax.
  18. Recommandation R (95) du 7 février 1995, Conseil de l'Europe, 1995
  19. Cf., par exemple, Code de l'organisation judiciaire, art. L.321-2-1 pour les tribunaux d'instance et art. R.311-2 pour les tribunaux de grande instance.
  20. Cf. CPP, art. 498 al.1. L'al. 2 du même article apporte quelques limites à ce principe. Cf. Cass.crim., 26 avril 2006, Bull.crim. n° 113 p.421 : « Selon les art. 410 al.2 et 498 al.2 du CPP, le délai d'appel ne court qu'à compter du jour de la signification du jugement lorsque la décision a été prononcée hors la présence du prévenu et que celui-ci n'a pas été informé de la date à laquelle ce jugement serait rendu. »
  21. Le décret n° 2006-1708 du 23 décembre 2006 a modifié le seuil d'appel à compter du 1er janvier 2007. Celui-ci était auparavant de 8 000 euros. Il a par ailleurs ajouté la disposition relative aux permis de conduire.
  22. Cf. Cass.crim. 5 mai 1998, Gaz Pal. 1998 II, Chr.crim. 161 : « Les juges du second degré se trouvent saisis, par l'effet dévolutif de l'appel interjeté par l'intéressé, de toutes les questions de droit et de fait soumises aux premiers juges ». Cf. aussi Cass.crim., 15 juillet 1899, S. 1901 I 383, sommaire : « Commet un excès de pouvoir l'arrêt qui déclare le prévenu coupable d'un délit non relevé dans la citation introductive, délit dont les premiers juges n'ont pas été saisis, et qui n'a fait, en première instance, l'objet d'aucun débat. »
  23. Cf. Cass.crim., 25 mai 2004, Bull.crim. n° 133, p.511 : « Selon l'article 509 du CPP, l'affaire est dévolue à la cour d'appel dans la limite fixée par l'acte d'appel et par la qualité de l'appelant. En cas de contestation sur l'étendue de la saisine, c'est au seul vu des actes d'appel qu'il appartient à la juridiction du second degré, sous le contrôle de la Cour de cassation, de se déterminer. »
  24. Cf. Cass.crim., 6 décembre 2005, Bull.crim. n°314, p.1077 : « Aux termes de l'art. 509 du CPP, l'affaire est dévolue à la cour d'appel dans le limite fixée par l'acte d'appel et par la qualité de l'appelant. Il en résulte qu'en l'absence d'appel de la partie civile d'un jugement ayant omis de statuer sur sa demande, les juges du second degré, saisis des seuls appels du prévenu et du ministère public, limités aux dispositions pénales, ne pouvaient annuler les jugement entrepris et condamner le prévenu à des réparations civiles. »
  25. Cf. CPP, art. 506. Cf. aussi Cass.crim., 25 juin 1984, Bull.crim. n° 240, p.638 : Si « aux termes de l'art. 506 du CPP, l'appel du prévenu ou du ministère public entraîne le sursis à exécution du jugement », il « n'a, en revanche, aucun effet suspensif à l'égard des dispositions du même jugement qui, par application de l'art. 464-1, ordonnent le maintien en détention provisoire du prévenu. »

Bibliographie

  • René Chapus, Droit du contentieux administratif, 12e Ed., Montchrestien, Paris, 2006.
  • Jean-Marie Coulon, Réflexions et propositions sur la procédure civile, La documentation française, Paris, 1997.
  • Francis Donnat, Didier Casas, « Le juge d'appel, l'effet dévolutif et la faculté d'évoquer », AJDA 2003 Jurisprudence p. 1154
  • Eva Fisher-Achoura, « La conformité à la Constitution d'une réforme de l'appel civil », in Cahiers du Conseil constitutionnel n° 16, Paris, 2004.
  • Daniel Giltard, « Réflexions sur le rôle et les méthodes du juge d'appel », AJDA 2003 Chroniques p. 1801
  • Jean-Louis Rey, « Les moyens d'ordre public en appel », AJDA 2003 Chroniques p. 118

Voir aussi

Articles connexes
Juridictions d'appel
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