Nahuel Moreno

Nahuel Moreno

Nahuel Moreno (1924 - 1987) est le pseudonyme de Hugo Bressano, l'un des principaux dirigeants du trotskisme latino-américain, naquit en Argentine et consacra sa vie à participer aux luttes ouvrières et populaires ainsi qu'à impulser la construction de partis révolutionnaires pour le socialisme.

Sommaire

Des années 1940 aux années 1970

Il commença son activité politique au sein du mouvement ouvrier argentin en 1943-44, en fondant le Groupe ouvrier marxiste (GOM), dont l'un des premiers défis fut d’avoir à définir une orientation face à la montée du péronisme et au développement de son influence parmi les travailleurs argentins.

En 1945, son petit groupe adopta une orientation - qui s'avérera déterminante pour l’avenir - lors de la grève des travailleurs du secteur de la viande - industrie primordiale en Argentine – ce qui lui permit de diriger la grève dans une des usines les plus grandes du pays (15 000 ouvriers).

Parallèlement, dès 1948, Bressano s’attacher à participer à l’activité de la IV° Internationale, l'organisation mondiale fondée en 1938 par Léon Trotsky. Ainsi, dès 1948, il vint en Europe afin de participer au II°Congrès mondial de l’internationale.

Mais durant ces années, le mouvement trotskyste entra dans une longue période de crise et de ruptures (provoquées, en grande partie, par la pression politique et les persécutions brutales du stalinisme à l'encontre du mouvement trotskyste, comme l’illustre l'assassinat de Trotsky lui-même en 1940). Moreno fit partie des opposants à l'orientation de la direction de l’Internationale d’alors, (Ernest Mandel, Pierre Frank, Michel Raptis-Pablo…) – relayés par Juan Posadas en Argentine.

La crise va apparaître au grand jour en 1952 avec l’exclusion de la majorité du PCI français (dont Pierre Lambert). Moreno rompt alors avec la direction internationale aux côtés du SWP américain (le Parti socialiste des travailleurs) et de la section britannique. Il participe alors à la construction du SLATO (Secrétariat latino-américain trotskyste orthodoxe), et dirige sa revue, Estrategia.

En 1963, pourtant, Moreno et son courant, tout comme le SWP, participent à la réunification qui aboutit à la constitution du Secrétariat unifié de la IV° Internationale.

Au sein du mouvement trotskiste, Moreno donne progressivement forme à un courant caractérisé par son immersion dans les luttes ouvrières et paysannes du continent. En Argentine le parti qu'il dirigeait eut successivement plusieurs noms (POR, PSRN, PO, PRT ou Partido Revolucionario de los Trabajadores (es), PRT-La Verdad, PST - interdit en 1976 par la dictature - Movimiento al Socialismo (Argentina) (es) et Liga Internacional de los Trabajadores - Cuarta Internacional (es) - fondé en 1982).

Dans les années 60, tout en étant au premier rangs des partisans de la défense de la révolution cubaine, Moreno polémiqua en même temps systématiquement contre les conceptions « guérilléristes ». C'est aussi au cours de ces années, en 1961, qu'il accompagna directement l'expérience de syndicalisation paysanne et le processus d'occupation des terres que mena Hugo Blanco dans les vallées péruviennes de « La Convención » et « Lares ». Son groupe, Palabra Obrera (Parole ouvrière) fusionne en 1965 avec le FRIP de Mario Roberto Santucho (es), créant le PRT (Partido Revolucionario de los Trabajadores (es)), mais Moreno quitte ce dernier en 1968.

La divergence entre Santucho et Moreno concerne l'opportunité de la lutte armée (1968 est l'année du Bogotazo). Bien qu'en 1967, Moreno avait proposé au Secrétariat Unifié de la IVe Internationale de « créer les bras armés de l'OLAS » (l'Organización Latinoamericana de Solidaridad (es), fondée par le Parti communiste cubain), il ne considérait pas que les circonstances soient adaptées pour lancer la lutte armée en Argentine. Fin 1967-début 1968, les deux dirigeants s'opposent, menant à la création de PRT-La Verdad par Moreno, et de PRT-El Combatiente par Santucho.

À partir des années 1970

Dans les années 70, le PRT-La Verdad, puis le PST, se construisirent en défendant des positions léninistes traditionnelles contre le guévarisme du PRT-ERP (orienté par Mario Roberto Santucho (es)), ou celui des Montoneros péronistes. Santucho démarre dès fin 1969 la lutte armée contre la dictature de Juan Carlos Onganía, avant que l'ERP ne constitue un foco dans la province de Tucuman, au nord du pays.

Par ailleurs, Moreno s'oppose de plus en plus fréquemment aux positions d'Ernest Mandel et à la direction du Secrétariat Unifié, alors fervents défenseurs de la « lutte armée ». En effet, il appuie dès 1972, au niveau national, le processus d'« institutionnalisation » enclenché par la junte militaire catholique nationaliste[1] et propose la construction d'un « parti centriste de gauche légal », appelant à « refonder le Parti socialiste ». Avec Juan Carlos Coral (es), dissident du Parti socialiste argentin (PS-Secretaría Coral), il fonde ainsi le PST (Partido Socialista de los Trabajadores (es)). Ce dernier obtient 200 000 voix lors des élections de 1973, qui portent au pouvoir le candidat péroniste de gauche, Héctor José Cámpora.

Après le coup d'Etat de mars 1976, qui porte le général Videla au pouvoir et instaure la dictature la plus meurtrière de l'histoire argentine, Moreno, menacé par la Triple A, est contraint à l'exil, qui lui est conseillé par son parti. Sa position durant la dictature a été contestée par d'autres groupes de gauche: Moreno sous-estimait en effet la dureté des militaires[2], croyant que ceux-ci ne s'opposaient qu'aux guérilleros, ne menaçant ainsi pas ceux qui se cantonnaient à l'action politique (l'envergure et la réalité de la répression, qui a fait plus de 30 000 morts, touchant syndicalistes et familles, a largement démenti Moreno). Affirmant que les guérilleros eux-mêmes se considèrent comme des combattants réclament le respect des Conventions de Genève, il affirme qu'ils sont donc « indéfendables du point de vue politique et que notre parti ne réclame pas leur liberté en tant que tels » (c'est-à-dire en tant qu'ils sont des prisonniers de guerre) [3].

Pourtant, le PST eut plus de 100 militants disparus (desaparecidos) [4]. En 1978, après s'être opposé au boycott de la Coupe du monde du football de 1978, impulsé par des groupes à l'étranger (Moreno disait alors que ces derniers « exagéraient » l'échelle de la répression[5]), le PST finit par qualifier la situation de « contre-révolutionnaire ».

Moreno se détourne alors de l'Argentine, et, depuis son exil à Bogota, il impulse en 1979 la formation de la Brigade Simon Bolivar, qui combattit le dictateur Somoza au Nicaragua aux côtés du Front sandiniste de libération nationale. Cet épisode a été controversé à gauche: si Moreno affirmait que la Brigade avait lutter héroïquement, d'autres considéraient qu'elle était sous-équipée et ne s'était quasiment pas battue, et qu'en outre Moreno demeurait trop dépendant de la ligne du Front sandiniste[6],[7],[8],[9]. Après la victoire des sandinistes, ceux-ci expulsèrent la Brigade du Nicaragua. Dans la mesure où la tendance d'Ernest Mandel réunie dans le Secrétariat Unifié appuyait les sandinistes, cet épisode conduit à une rupture avec les morénistes, mettant fin aux velléités de rapprochement entre les deux tendances au sein de l'Organisation communiste internationaliste.

Après un bref rapprochement avec le courant trotskyste dirigé par Pierre Lambert, Moreno forma en 1982 la LIT-QI (Ligue Internationale des Travailleurs - IV° Internationale), qui devint le courant le plus important du trotskysme latino-américain au cours des années 80. En 1983, alors que la junte passe le pouvoir au civil Raul Alfonsin suite à la défaite lors de la guerre des Malouines, Moreno parle de « révolution démocratique triomphante » et imminente au niveau mondial[10].

Il meurt en 1987, enterré au Cementerio de Chacarita (es), en présence d'un millier de personnes. Son héritage politique se perpétue en Argentine dans le Movimiento Socialista de los Trabajadores (es), et au Brésil dans le Parti socialiste des travailleurs unifié.

Références

  1. Memorandum para la respuesta del Partido Socialista de los Trabajadores (Argentina) al Secretariado Unificado, Nahuel Moreno
  2. La Yesca, Nro. 1, Abril de 1976
  3. ¿Quiénes son los presos políticos?, en Avanzada Socialista Nº 170 del 8-11-1975, tomado de Los ’70 y el debate de estrategias en la izquierda: II. Las corrientes trotskistas, La Verdad Obrera 183
  4. Los ataques a la vanguardia obrera y al PST, Socialismo o Barbarie N° 95, Enero 2007
  5. Nahuel Moreno, una biografía reciente, Prensa Obrera, Nro. 979, Enero 2007
  6. Alternativa Socialista Nº 351
  7. Prensa Obrera, 16/10/1986 y 15/7/1999
  8. En Defensa del Marxismo Nº 16, Marzo 1997
  9. Historia del Trotskismo Argentino, Tomo 2, Osvaldo Coggiola
  10. Argentina: Una revolución democrática triunfante, Nahuel Moreno, 1983

Sources

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Voir aussi


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