Nestor Makhno

Nestor Makhno
Nestor Makhno

Nestor Ivanovitch Makhno (en ukrainien : Нестор Іванович Махно) est un anarchiste ukrainien né à Houliaïpole (oblast de Zaporojie) le 26 octobre 1889 et mort à Paris le 6 juillet 1934, inhumé au cimetière du Père-Lachaise.

Sommaire

De l'enfance aux premiers combats

Fils d'anciens serfs, Nestor Makhno, dont le père meurt alors qu'il n'a que 11 mois, connaît une enfance marquée par une grande misère. Dès 10 ans, il doit quitter l'école pour travailler et aider sa famille dans le besoin. Conscient de l'injustice dont il est victime, il ne comprend réellement la lutte pour la liberté de ses ancêtres, les cosaques de Zaporijia, que le jour où, à 13 ans, ne supportant plus de voir un garçon d'écurie se faire rouer de coups par les jeunes maîtres, il court chercher de l'aide auprès du premier garçon d'écurie, Batko Ivan, qui se rue sur les deux hommes. Tous les employés demandent alors leur compte auprès du vieux propriétaire qui prend peur. Cette première révolte marque profondément le jeune Makhno.

En 1906, période de grande répression tsariste, il fait la connaissance de paysans anarchistes de Goulaï Polié. Ce groupe de paysans communistes libertaires édite et distribue des tracts, répond par l'action directe à la terreur gouvernementale, au travers notamment d'« expropriations ». À l'instar des autres anarchistes de l'Empire russe, ils décrètent la « Terreur noire » contre le tsarisme. Suite aux attentats avortés du groupe de Gouliaï-Polié contre le gouverneur de la province puis contre la filiale locale de l'Okhrana, Nestor Makhno est arrêté avec treize de ses camarades. Il échappe à la peine de mort en raison de son jeune âge et ne sort de prison qu'à la Révolution, neuf ans plus tard. En prison, il découvre le concept d'entraide développé par Pierre Kropotkine et fait la connaissance de Piotr Archinov. Témoin de l'attitude servile des intellectuels envers le pouvoir, il cesse de croire en l'honnêteté révolutionnaire des hommes politiques.

Après sa libération, il retourne à Goulaï Polié, où il se heurte aux anarchistes locaux qui ne connaissent comme moyen d'action que la propagande. Makhno décide donc de créer une union des paysans (29 mars 1917) qui devient la même année un soviet. Comme une traînée de poudre, l'initiative se répand chez les ouvriers et les paysans de toute la région. C'est le retour des expropriations, de la collectivisation des terres, des usines et des ateliers. Cette période voit également la naissance de communes reposant sur le volontarisme, l'égalité, la solidarité et l'autogestion de certaines manufactures. Élu à la présidence du comité communal, Nestor Makhno y investit le plus clair de son temps, partageant les principes d'égalité et de fraternité prônés par le conseil du Soviet.

Le 6 janvier 1918, l'Assemblée constituante russe est dissoute. La situation est si confuse que les armées austro-allemandes en profitent pour pénétrer en Russie et menacer le régime bolchevique. Le 3 mars 1918, par l'accord de Brest-Litovsk, Lénine accepte le démantèlement de l'ex-Empire russe. L'Ukraine, sous protectorat austro-allemand, est de nouveau confrontée aux exactions commises au retour des Allemands et des propriétaires terriens. Des insurgés se soulèvent et un bataillon composé de volontaires de Goulaï Polié se forme pour venir en aide à la ville d'Alexandrovsk et lutter contre l'occupation militaire. Les troupes allemandes en profitent pour occuper Gouliaï Polié. Rendez-vous est donc pris avec Makhno à Taganrog. Certains ont pour mission de rendre compte des difficultés que la Russie révolutionnaire affronte, d'autres de préparer l'organisation clandestine des révolutionnaires. Makhno part pour Moscou où il rencontre des théoriciens anarchistes qu'il trouve particulièrement passifs, et Lénine, avec lequel il discute de la situation en Ukraine. De retour dans sa région natale, il se démène pour réveiller l'esprit de révolte et préparer le soulèvement contre les oppresseurs. Septembre 1918 voit donc la naissance de la « Makhnovchtchina » et de ses drapeaux noirs. En moins de 3 mois, les makhnovistes libèrent une importante partie de l'Ukraine orientale. Les troupes d'occupation vaincues, le nouvel ennemi est le général Anton Ivanovitch Dénikine et ses troupes.

Les blancs, les rouges, la Makhnovchtchina

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Article détaillé : Makhnovchtchina.

En 1917, une armée des Volontaires, constituée essentiellement d'officiers et de cadets, veut se porter garante d'une Assemblée constituante élue par le peuple. Suite à la dissolution de l'Assemblée par Lénine, en janvier 1918, les Volontaires déclarent la guerre aux bolcheviques. Portant un ruban blanc pour se distinguer de leurs ennemis, ils sont dès lors appelés les « blancs ». Les différentes factions blanches se retrouvent bientôt sous le commandement unique du général Dénikine.

Devant la menace que représentent les troupes de Dénikine, Lénine et Trotsky créent une nouvelle armée, l'armée rouge des ouvriers et des paysans. Elle est composée de Polonais, de Chinois, d'anciens prisonniers de guerre hongrois, de Serbes, d'Allemands et d'anciens officiers tsaristes.

Makhno et ses troupes se soulèvent immédiatement contre les blancs mais hésitent à se battre aux côtés des rouges. Cependant, suite à la dispersion du soviet d'Ekatérinoslav (capitale régionale) et à l'arrestation de six bolcheviques par les pétliouriens (armée de Simon Petlioura, président du Directoire ukrainien), Makhno accepte d'intervenir non seulement par solidarité pour la Révolution mais dans l'espoir aussi de s'emparer de l'arsenal de la ville. Le 27 décembre 1918, les makhnovistes attaquent la garnison. Les pétliouriens se retranchent dans la ville où des combats de rue durent plusieurs jours. Les rouges tentent de s'emparer du pouvoir local. Makhno comprend rapidement le but de leurs manœuvres et les chasse. Dès lors, les rouges n'assument plus leur rôle d'alliés. L'expédition est un échec cuisant pour les makhnovistes [réf. nécessaire].

La population, fuyant devant l'armée des blancs qui pillent, violent et fusillent [réf. nécessaire], cherche à rejoindre Gouliaï Polié, centre de l'insurrection. Des centaines de paysans viennent grossir les troupes makhnovistes qui se reforment rapidement. Mais les armées de Dénikine ne cessent de progresser, il faut donc agir au plus vite, aussi le 26 janvier 1919 un accord entre rouges et makhnovistes est signé. En échange d'approvisionnement et d'armes, les makhnovistes acceptent de devenir la « 3e brigade du Dniepr », partie intégrante de l'armée rouge. Malgré cet accord, les bolcheviques, inquiets du nombre croissant d'anarchistes et de socialistes révolutionnaires au sein des troupes de Makhno, ne distribuent des armes aux insurgés makhnovistes qu'au compte-gouttes. Ils abandonnent d'ailleurs bientôt l'Ukraine pour renforcer la défense de Moscou que l'offensive de Dénikine menace dangereusement.


Du 26 octobre au 5 décembre 1919, ses troupes pillent, violent et tuent de nombreux pacifistes mennonites qui accueillaient dans leur village l'armée blanche en Ukraine. Le massacre d'Eichenfeld, par exemple, se solde en deux jours par la mort de 136 vieillards, hommes, femmes et enfants.[réf. nécessaire] Les mennonites vivaient dans les colonies relativement riches et employaient peu de journaliers extérieurs à leur communauté[1]. L'écrivain Fritz Senn, affirme dans sa nouvelle Panta Rhei que les mennonites auraient été des propriétaires terriens suffisamment avides pour bénéficier sans remords des avantages de l'esclavage (sans doute faut-il entendre servage)[réf. nécessaire], alors que celui-ci était déjà interdit à l'époque partout en Russie depuis 1861 et que ni le servage ni l'esclavage n'avaient jamais existé dans les colonies mennonites considérées comme peuplées de paysans libres depuis plus d'un siècle [réf. nécessaire]. Notons que l'historien Alexandre Skirda, seul historien publié en langue française sur le sujet, contredit ces affirmations, qu'il attribue à la propagande soviétique[2], de même que les auteurs anarchistes contemporains, Voline et Ida Mett.

Makhno mène la lutte jusqu'en 1919, contre les forces blanches et les troupes d'occupation allemande et autrichienne. Puis, les makhnovistes, déclarés hors-la-loi par les bolcheviques, prennent les armes contre les rouges sous forme de guérilla. En août 1920, Makhno est blessé lors d'un combat contre l'armée bolchevique. Craignant pour sa vie, le Conseil décide de lui faire quitter l'Ukraine. D'abord en Roumanie, où Tchitcherine tente de le faire extrader et juger pour activité terroriste contre l'Ukraine, puis en Pologne. Il se rend ensuite à Dantzig où, de nouveau, il est détenu. Grâce à un petit groupe d'anarchistes locaux il s'évade pour rejoindre Paris où, à la suite de rencontres intéressantes, il fonde Dielo Trouda. Il y reprend ses activités mais sous un angle théorique (entre autres une critique de la défaite anarchiste russe et la question de l'organisation des anarchistes: Plateforme organisationnelle des Communistes libertaires[3]). Il meurt à Paris le 25 juillet 1934, laissant ses récits d'Ukraine inachevés. Makhno est enterré au cimetière du Père-Lachaise - columbarium, case 6685 - division 87.

Hommage

La chanson Makhnovtchina, adaptée et dont les paroles furent ré-écrites en 1961 par Étienne Roda-Gil, lui rend hommage. Elle fut reprise notamment par René Binamé et par les Béruriers Noirs.

Voir aussi

Bibliographie

Sources

  • Archinoff, Le mouvement makhnoviste, éd. Bélibaste, 1969.
  • Ettore Cinnella,Makhno et la révolution ukrainienne (1917-1921) , suivi de Quarante jours à Gouliaï-Polié, de Galina A. Kouzmenko (compagne de Nestor Makhno), éd. de l'Atelier de Création Libertaire, 2003 (ISBN 2-905691-84-0) [2]
  • Ida Mett, Souvenirs sur Nestor Makhno, éditions Allia, 1983. (ISBN 2-90423-502-7)[4]
  • Pascal Nurnberg, Nestor Makhno et l'armée insurrectionnelle d'Ukraine, Le Monde libertaire n°1616 du 9 décembre 2010, pp.17 à 19.
  • Alexandre Skirda, Nestor Makhno, Le Cosaque libertaire, Les Éditions de Paris, 1999 (ISBN 2-84621-071-3)
  • Alexandre Skirda, Les Anarchistes russes, les soviets et la révolution de 1917, Les Éditions de Paris, 2000 (ISBN 2-84621-002-0)
  • Voline, La Révolution inconnue, éd. Pierre Belfond, 1969.

Adaptation

  • Les neuf vies de Nestor Makhno est une série télévisée ukrainienne en 12 épisodes tournée en 2006 par le réalisateur Nikolaï Kaptan. La série traite des principaux évènements de la vie de Nestor Makhno tout en modifiant certains passages pour donner un caractère romancé au film.

Notes et références

  1. Dyck, H.L. et al., Nestor Makhno and the Eichenfeld Massacre. A civil war tragedy in a Ukrainian Mennonite village, Kitchener 2004
  2. Alexandre Skirda, Nestor Makhno, Le Cosaque libertaire, Les Éditions de Paris, 1999 et Les Anarchistes russes, les soviets et la révolution de 1917, Les Éditions de Paris, 2000
  3. [1]
  4. "La veille de la guerre j'ai mis sur papier mes souvenirs personnels sur Makhno tel que je l'ai connu dans le temps à Paris. Ces souvenirs ont été perdus pendant la guerre. Maintenant, ayant lu ce qu'a écrit Voline dans son livre sur la révolution russe, je me décide d'écrire de nouveau ces brefs souvenirs dans l'intérêt de la vérité historique.", Ida Mett.

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