Nestorius

Nestorius

Nestorius ou Nestorios (en grec Νεστόριος, né à Antioche vers 381, mort en exil en Égypte en 451) fut patriarche de Constantinople du 10 avril 428 au 11 juillet 431. Ses prises de position sont à l'origine du nestorianisme.

Sommaire

Éléments biographiques

D'après une ancienne tradition syriaque, la famille de Nestorius aurait été d'origine perse. Ses grands-parents avaient quitté la région du Beit Garmaï — à l'Est du Tigre — pour venir s'installer à Samosate. Leur fils aîné s'installa à Behedin, où il eut un fils qu'il dota du même nom que lui, Nestorios. Nestorios était roux, et avait un visage agréable, mais n'était pas grand ; c'était un Nouveau David[1]. Il apprit les lettres grecques à Germanicie, puis se rendit à Antioche, où il fut élève de Théodore de Mopsueste. Moine au monastère d'Euprépios, dans la banlieue d'Antioche, il fut ordonné prêtre.

Il fut désigné archevêque de Constantinople par l'Empereur Théodose II. Durant les trois années que dura son épiscopat, il multiplia — par excès de zèle — toutes les maladresses. Moine rigoureux, il s'opposait — comme ses collègues évêques — aux spectacles, ce qui n'était pas du goût de tous les Constantinopolitains ; il excommunia des moines qui passaient leurs journées hors de leurs monastères, interdit aux femmes de se rendre aux offices nocturnes où il y avait des hommes, fit publiquement mémoire de Jean Chrysostome (qui avait été déposé et exilé, à la suite des manœuvres de Théophile d'Alexandrie), fit fermer les lieux de prière des hérétiques (ariens, macédoniens, etc.), et, pour comble, vexa à plusieurs reprises Pulchérie, sœur de l'empereur. Pour couronner le tout, il parut vouloir évoquer à son tribunal le cas des évêques pélagiens chassés d'Italie, ainsi que celui des prêtres en conflit avec Cyrille d'Alexandrie.

Nestorius en appela à l'empereur pour qu'il convoquât un concile qui devrait décider entre lui et Cyrille. Ce fut le concile d'Éphèse.

Durant son exil, il ne fut pas totalement abandonné de ses amis qui lui amenaient les nouvelles de Constantinople. Il écrivit entre autres une lettre aux habitants de Constantinople[2] dans laquelle il affirme son accord total avec la christologie de Flavien de Constantinople et celle de Léon de Rome. Il fut même convoqué pour participer au concile de Chalcédoine, mais décéda avant de pouvoir s'y rendre.

L'enjeu du débat marial

Un débat a lieu à Constantinople sur le titre Theotokos (« mère de Dieu ») donné à Marie que d'autres préféreraient voir nommée Anthropotokos (« mère de l'homme »). Nestorius propose une solution de compromis avec Christotokos (« mère du Christ »). Elle a l'avantage d'être « fondée sur les Écritures ». Nestorius considérait en effet qu'une femme créée ne pouvait être la mère de Dieu, « être par excellence et donc sans cause ». Cependant, sa solution touchait un point sensible de la religiosité populaire.

L'écho de ses prédications arriva jusqu'en ÉgypteCyrille était patriarche d'Alexandrie et ressentait ses prédications comme une concurrence insupportable.

En 429, Cyrille attaque les thèses de Nestorius dans des homélies, puis dans une Lettre aux moines et enfin dans une correspondance avec Nestorius (Deuxième Lettre de Cyrille à Nestorius). En 430, Cyrille fait porter par le diacre Posidonius un dossier christologique traduit en latin avec la mission d'accuser Nestorius d'adoptianiste, c'est-à-dire quelqu'un qui conçoit Jésus-Christ comme un homme que Dieu aurait adopté. Sur la foi de Jean Cassien, moine marseillais, bon connaisseur de l'Orient, un synode régional à Rome condamne Nestorius en août et exige une rétractation dans les dix jours.

Nestorius conseille à l'empereur Théodose II de réunir un concile œcuménique à Éphèse pour la Pentecôte 431. La lettre de convocation date du 19 novembre 430 pour une réunion en juin 431. Durant ce même mois de novembre, Cyrille réunit un synode régional à Alexandrie qui condamne Nestorius et adresse au patriarche de Constantinople une troisième lettre avec douze anathèmes inacceptables pour les Orientaux. Ce texte devint le manifeste du monophysisme.

Le concile d'Éphèse

Article détaillé : Concile d'Éphèse.

La lettre de convocation ne demandait que quelques évêques afin que le service n'en souffrit pas. Rome envoie deux évêques, Carthage un diacre, l'Illyrie, un évêque. Cyrille va lui-même à Éphèse avec quarante évêques. Cette imposante délégation est présente dès le 7 juin, jour de Pentecôte. Les jeux sont faits, car la délégation de Palestine n'arrive que le 12 juin et la délégation conduite par Jean d'Antioche n'arrive que le 26 juin. Les délégués romains arrivent délibérément en juillet car, pour eux, la question est réglée depuis le synode régional romain de 430.

Le concile d'Éphèse ouvre le 22 juin sous la présidence de Cyrille, dont la délégation est la plus nombreuse et en l'absence de Nestorius qui a reçu des menaces de Memnon, évêque d'Éphèse, partisan de Cyrille. Candidien, le représentant de Théodose veut retarder l'ouverture mais il est mis à la porte par les partisans de Cyrille.

À l'arrivée des évêques palestiniens, Théodose tient compte de leur protestation contre le procédé et annule la séance du 22 juin qui condamne Nestorius. Les cyrilliens n'en tiennent pas compte. À l'arrivée des Romains, le concile leur reconnaît des prérogatives, en compensation de quoi, ils entérinent la séance du 22 juin.

Les quatre dernières sessions déposent Jean d'Antioche, Théodoret de Cyr et une trentaine d'autres évêques.

Les conséquences d'Éphèse

Théodose II enferme Memnon d'Ephèse, Cyrille d'Alexandrie et Nestorius de Constantinople en les sommant de se réconcilier, sans obtenir le moindre résultat. On peut donc se demander pourquoi l'empereur n'a pas été plus ferme alors que ses prédécesseurs savaient taper sur la table quand le besoin s'en faisait sentir. C'est que la cour de Constantinople était divisée, car Cyrille, par des cadeaux somptueux s'était acquis le soutien des puissants. La situation évolue en coulisse en faveur de Cyrille, d'une part du fait du consensus obtenu par l'absence des contradicteurs et d'autre part par ses largesses.

En octobre 431, Maximien remplace Nestorius et celui-ci regagne son couvent d'Antioche avant d'être exilé à Pera. Dès qu'il est certain que Nestorius ne sera pas réhabilité, Cyrille lâche sur la doctrine et Théodose obtient le compromis de 433. Officiellement déchu, Cyrille regagne néanmoins Alexandrie triomphalement en octobre 433.

Cependant, le 3 août 435, influencé par sa sœur Pulchérie, Théodose II exile de nouveau Nestorius au désert occidental d'Égypte, dans la grande oasis d'Al-Kharga.

Renouveau des études

Même si les opinions sur les « nestoriens » évoluèrent au fil des siècles, jusqu'à considérer, avec Bar-Hebraeus, évêque jacobite du XIIIe siècle[3] que « nestoriens, jacobites et chalcédoniens ne combattent que pour les désignations de l'union », ou avec Richard Simon, que « le nestorianisme d'aujourd'hui n'est qu'une hérésie imaginaire »[4], le nom de Nestorius resta, durant quatorze siècles, indéfectiblement synonyme d'hérésiarque.

Ce n'est qu'à partir du début du XXe siècle, avec le développement des études orientales et la mise au jour de documents inconnus, que le portrait de Nestorius commença à se nuancer. La découverte, en particulier, du Livre d'Héraclide de Damas (une apologie que Nestorius écrivit alors qu'il était exilé en Égypte) amena le professeur Bethune-Baker[5] à considérer que « Nestorius n'était pas nestorien ».

François Nau, célèbre syriacisant français, qui traduisit le Livre d'Héraclide[6] est un peu moins affirmatif. Nau publia un certain nombre de textes nestoriens dans la collection Patrologia Orientalis.

Notes et références

  1. Le Livre d'Héraclide de Damas, publié par François Nau, p. V.
  2. Traduction par Nau en annexe du Livre d'Héraclide de Damas, p. 370.
  3. Cité dans Le Livre d'Héraclide de Damas, publié par Nau, p. XXIII.
  4. Le Livre d'Héraclide de Damas, publié par Nau, p. XXIII.
  5. Le Livre d'Héraclide de Damas, publié par Nau, p. XII.
  6. Paris, 1910.

Voir aussi

Bibliographie

  • J.-M. Le Mayeur et al., Histoire du Christianisme, tome 2 : Naissance d'une chrétienté, Desclée, 1995, p. 499-550.

Articles connexes

Textes en liens externes


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