Nur ad-Din

Nur ad-Din

Nour ad-Din Mahmûd el Mâlik al Adil[1] (vers 1117/8 - 15 mai 1174) aussi appelé Nur ed-Din, Nur al-Din ou Nûreddîn (Noureddine, "lumière de la religion" [2]) appelé aussi Noradin par les chevaliers francs, est un chef de guerre musulman du XIIe siècle qui lutte contre la présence des croisés en Syrie et en Égypte et prône pour cela l'unification des musulmans. Émir d’Alep en 1146, il unifie la Syrie musulmane sous son autorité en 1154 en faisant la conquête de Damas, puis envoie une expédition pour le contrôle de l’Égypte. Après sa mort, son œuvre et ses objectifs échappent à sa famille, les Zengides, pour revenir à Saladin.

Sommaire

Biographie

La guerre contre les croisés

Nur ad-Din est le deuxième enfant de Imad ad-Din Zengi, célèbre ennemi des croisés. Après la mort de leur père, Nur ad-Din et son aîné Saif ad-Din Ghâzî se partagent son royaume. Ce dernier s’établit à Mossoul tandis que l’autre gouverna Alep. La frontière entre les deux nouveaux royaumes était matérialisée par le fleuve de Nahr Al-Khâbûr[3]. Nur ad-Din commence par contenir l’offensive de Josselin II de Courtenay qui tente en vain de récupérer la ville d’Édesse que lui avait prise naguère Zengi. Nur ad-Din punit les Arméniens d’Édesse pour s'être alliés aux croisés, tandis que les chrétiens syriaques qui habitaient la ville, craignant pour leur vie, quittent le pays[4]. Il effectue ensuite une série d’attaques contre la principauté d'Antioche, se saisit de plusieurs châteaux au Nord de la Syrie et repousse la frontière entre chrétiens et musulmans de l’Euphrate à l’Oronte[5].

En 1147, la deuxième croisade, menée par le roi de France Louis VII et par Conrad III de Hohenstaufen empereur germanique, débarque en Syrie. Au lieu d’attaquer Nur ad-Din, qui représente le vrai danger pour les états francs, les croisés préfèrent faire leur pèlerinage à Jérusalem puis tentent de prendre Damas, alors que son émir est un allié traditionnel des Francs. Cette maladresse renforce le sentiment antichrétien des Damascènes. Mu'in ad-Din Unur, résiste, fait appel à toutes les troupes damascènes et demande l’aide de Nur ad-Din, qui arrive avec son armée. Pour éviter que Damas ne tombe sous le contrôle du Zengide, les croisés doivent lever le siège[6].

En 1149, il lance une offensive contre les territoires dominés par le château de Hârim, situé sur la rive orientale de l’Oronte, après quoi il assiège le château de Inab. Le Prince d’Antioche, Raymond de Poitiers, vole au secours de la citadelle assiégée. L'armée musulmane décime l'armée croisée en 1149, et Raymond de Poitiers perd la vie au cours de la bataille. La ville d’Antioche n’est sauvée que par la défense que fait le patriarche et l’intervention du roi Baudouin III de Jérusalem qui oblige Nur ad-Din à lever le siège de la ville. Son frère Saif ad-Din Ghazi meurt en novembre 1149, mais Nur ad-Din ne peut pas se rendre immédiatement à Mossoul et c’est un autre frère, Qutb ad-Dîn Mawdûd qui devient atabeg de Mossoul[7].

Profitant de la perte de prestige des Francs consécutivement à leurs défaites et à leurs erreurs, un certain nombre d’émirs musulmans se mettent à attaquer les possessions franques. Le sultan seldjoukide de Rum Mas`ûd Ier attaque et occupe le nord de ce qui reste du comté d’Édesse. Nur ad-Din assiège Turbessel, mais l’arrivée de Baudouin III l’oblige à lever le siège. Mais le comte Josselin II est capturé peu après, le 4 mai 1150 en se rendant à Antioche, et Turbessel est de nouveau assiégée, mais défendue avec acharnement par la comtesse Béatrice d’Édesse. Finalement, constatant ses limites à défendre la citadelle et avec l’accord du roi, elle cède ce qui reste du comté aux Byzantins, mais ces derniers se révèlent incapable de défendre la ville et Hanas, un lieutenant de Nur ad-Din, la prend le 12 juillet 1151[8].

L'unification de la Syrie

L’idéal de Nur ad-Din est de continuer le projet de son père qui consiste à rassembler les musulmans entre l’Euphrate et le Nil sous une seule autorité pour faire front commun devant les croisés. Mais Damas constitue un obstacle majeur à cette unification. Muin ad-Din joue l’alliance franque contre Nur ad-Din et son successeur Mujir ad-Din Abaq, émir de Damas, empêche l’émir d’Alep, en 1153, d’intervenir pour secourir la ville d’Ascalon qui est prise par les Francs[9]. Abak accepte ensuite de se placer sous protectorat francs et de faire verser par les habitants un tribut annuel aux croisés. Nur ad-Din envoie Ayyub à Damas qui profite des mouvements de colère des Damascènes pour saper l’autorité de l’émir et retourner ses conseillers et ses lieutenants. Seul un officier, Ata ibn Haffad al Salami se montre irréductible et Nur ad-Din fait savoir à Abak qu’il s’apprête à le trahir. Sans vérifier l’information, Abak le fait mettre à mort, se privant de son dernier fidèle. Nur ad-Din marche alors avec son armée sur Damas le 18 avril 1154, et la milice damascène lui ouvre les portes le 25 avril 1154. Abak se réfugie dans la citadelle, mais capitule rapidement. La Syrie est maintenant unifiée sous l’autorité de Nur ad-Din : d’Édesse au Nord à Hawrân au Sud[10].

A la suite d’une opération de razzia franque, Nur ad-Din décide d’attaquer Panéas. Il prend la ville basse le 18 mai 1157, mais Onfroy de Toron résiste dans la citadelle. L’arrivée de Baudouin III, roi de Jérusalem, l’oblige à lever le siège, mais Baudouin, trop confiant, repart en Galilée et Nur ad-Din assiège de nouveau Panéas et Baudouin doit de nouveau intervenir pour libérer la place en juin 1157[11]. Au mois d’août 1157, un séisme ravage la Syrie. L’émirat de Shaizar est ravagé, la famille régnante anéantie et Baudouin III en profite pour en prendre possession. Profitant d’une grave maladie qui terrasse Nur ad-Din pendant plusieurs mois, les Francs s’emparent également de Harrim le 25 décembre 1157[12].

Nur ad-Din, rétabli à la fin du printemps 1158, tente d’envahir la Galilée, mais est battu et repoussé par Baudouin à Puthala, près de l’embouche du Jourdain sur le lac de Tibériade le 15 juillet 1158[13]. En 1158, une armé byzantine approche de la Syrie, mais il s’agit pour l’empereur Manuel Ier Comnène de châtier le nouveau prince d’Antioche, Renaud de Châtillon, qui s’est rendu coupable de piraterie contre les possessions byzantines, et d’imposer la présence byzantine en Cilicie. Après une entrevue avec le roi Baudouin III, une action concertée franco-byzantine est lancée contre Alep en 1159, mais qui tourne court, car l’empereur conclut une paix séparée avec Nur ad-Din[14].

La guerre pour le contrôle de l’Égypte

Les Francs se trouvent maintenant confrontés à un royaume musulman fort en Syrie et commencent à avoir des vues sur l’Égypte pour s’étendre. La situation y est très trouble depuis 1154 et les guerres civiles pour s’emparer du pouvoir et du poste de vizir. En 1160, Baudouin III avait profité des luttes pour imposer un tribut de cent soixante mille dinars. En 1163, son successeur Amaury Ier prend prétexte du non versement de ce tribut pour assiéger Bilbéis. La crue du Nil et la rupture des digues ordonnées par le vizir l’obligent à lever le siège, mais le roi a pu mesurer par cette campagne la fragilité de l’état égyptien. Il envisage une autre invasion, mais Nur ad-Din attaque la principauté d’Antioche pour faire diversion et obliger Amaury à laisser l’Égypte tranquille. Au début de 1164, le vizir égyptien Shawar est renversé, mais il réussit à se réfugier à Alep et demande à Nur ad-Din de le replacer au pouvoir. D’abord réticent, Nur ad-Din finit par envoyer en avril 1164 une armée commandée par Shirkuh, qui rétablit Shawar sur le vizirat. Mais Shawar refuse de verser à Shirkuh les indemnités et le tribut promis et fait appel à Amaury Ier pour s’en débarrasser. Fort de cette légitimité imprévue il intervient en Égypte et menace Shirkuh. C’est alors que Nur ad-Din lance une nouvelle attaque contre Antioche. Amaury et Shirkuh signent un cesser le feu et évacuent simultanément l’Égypte. Mais Nur ad-Din a pris Hârim (12 août 1164), fait prisonnier le prince Bohémond III d'Antioche et Antioche n’est sauvée que par une intervention byzantine[15].

Pour éviter les troupes byzantines, il attaque plus au sud et prend Panéas le 18 octobre 1164, Amaury Ier, rentré d'Égypte en novembre, met la principauté d'Antioche en état de défense et réussit à négocier la libération de Bohémond III[16]. En 1165, Nur ad-Din prend la forteresse de Shaqîf-Tîrûn, puis celle de Munîtira en 1166[17].

Siège d’Alexandrie.

Shirkuh souhaite prendre sa revanche sur Shawar, Nur ad-Din, qui est sunnite, souhaite combattre le califat fatimide et chiite d'Égypte, aussi envoie-t-il de nouveau Shirkuh en janvier 1167. Shawar fait de nouveau appel aux Francs et Amaury quitte Gaza le 31 janvier 1167 à la tête de son armée. Il conclut un traité d'alliance avec l'Égypte qui met de fait ce pays sous protectorat francs. Amaury et Shawar livrent bataille à Shirkuh à Bâbain-Ashmûnain le 18 mars 1167. Ils sont défaits, mais ne subissent que peu de pertes. Il ne peuvent empêcher Shirkuh de prendre Alexandrie, qui en confie la défense à son neveu Saladin, tandis qu'il combat en Haute-Égypte. Mais les réserves de la ville sont faibles et Saladin ne peut résister longtemps, aussi Amaury et Shirkuh négocient encore une paix et évacuent simultanément le pays en août 1167[18].

En partant, Amaury a laissé au Caire un petit détachement chargé de percevoir le tribut promis de cent mille dinars. Leur présence mécontente la population et Shawar envisage de s'allier à Nur ad-Din pour s'en débarrasser. D'autre part, au cours d'un voyage diplomatique à Byzance, les souverains byzantins et francs envisagent une action commune de conquête de l'Égypte. Mais, avant même que les Byzantins envoient leurs troupes, les Francs passent à l'attaque et envahissent l'Égypte en octobre 1168. Pendant que Shawar temporise et cherche à négocier, le calife Al-Adid demande l'aide de Nur ad-Din, lequel envoie Shirkuh. Quand les Francs arrivent devant le Caire, ils trouvent la ville en proie aux incendies que les Cairotes ont allumés, préférant livrer leur ville aux flammes plutôt qu'aux Francs. Craignant d'être pris à revers par Shirkuh, Amaury et les Francs rentrent en Palestine le 2 janvier 1169. Shirkuh arrive peu après, fait exécuter Shawar le 18 janvier 1169 et s'attribue le vizirat. Il meurt peu après, le 23 mars 1169, et Saladin est nommé vizir par le calife[19].

Décès et succession

Après avoir rallié l’Égypte, Nur ad-Din pense avoir unifié le proche orient musulman; or Saladin qui tient les rênes du pouvoir en Égypte ne souhaite pas le suivre. Pendant les quatre années qui suivent, Saladin montre l’apparence de la soumission et multiplie les déclarations d’allégeance, mais cherche à marquer la plus grande distance avec Nur ad-Din. À la demande de ce dernier, il abolit le califat chiite, mais ne participe pas aux invasions menées par Nur ad-Din contre le royaume de Jérusalem en 1171 et 1173, et espère que le royaume croisé reste en place, agissant comme une zone « tampon » entre l'Égypte et la Syrie. Nur ad-Din réalise alors qu'il a créé sans le vouloir une puissance dangereuse en la personne de Saladin, et les deux chefs rassemblent des armées pour ce qui semblait être une guerre inévitable[20].

Alors que Nur ad-Din Mahmûd s’apprête à se rendre en Égypte en 1174, il est saisi d’une fièvre qui le terrasse à 59 ans. Son fils, le jeune As-Salih Ismail al-Malik devient l'héritier légitime, et Saladin se déclare son vassal, bien qu'il désire unifier la Syrie et l'Égypte sous son propre règne. Saladin occupe Damas dès 1174, repousse les attaques des différents princes zengides, et s’empare d’Alep en 1183[21].

Nur ad-Din comme souverain de Syrie

Nur ad-Din croyait en l’Islam et en sa grandeur. Il pensait que les croisés étaient des étrangers aux territoires arabo-musulmans, venus d’outre-mer s’emparer des terres et profaner les lieux sacrés. Il ne s'en prit néanmoins pas aux chrétiens qui vivaient sous son autorité, à l'exception toutefois des Arméniens d'Édesse.

Le jihâd et l’unification des rangs musulmans ne le détournent pas de la construction d'universités et de mosquées qui se répartissent dans toutes les villes qu’il contrôle. Ces universités s’occupaient principalement de Coran et de Hadith. Nur ad-Din était féru de Hadith et aimait que des spécialistes lui en fissent la lecture. Ses professeurs lui accordèrent même un diplôme de narration du Hadith.

Soucieux des démunis, il fait construire des hôpitaux gratuits dans chacune des villes de son État. Il fait également édifier des caravansérails sur les routes afin que les voyageurs pussent s’y arrêter. Il tenait plusieurs fois par semaine une séance où les gens venaient lui demander rendre justice contre ses généraux, gouverneurs ou employés. Il reste dans le monde musulman une figure légendaire de courage militaire, de piété et de modestie.


Précédé par Nur ad-Din Suivi par
Zengi
Icone-Islam.svg émir d'Alep Transparent.gif
1146-1174
As-Salih Ismail al-Malik
Mujir ad-Din Abaq
émir de Damas
1154-1174
Saif ad-Din Ghazi II
émir de Mossoul
1171-1174
Saif ad-Din Ghazi II

Postérité

Seuls trois enfants lui sont connus :

  • As-Salih Ismail al-Malik (1162 † 1181), émir de Damas et d'Alep
  • une fille, mariée à son cousin Imad ad-Din Zengi, émir de Sinjar et d’Alep
  • une fille que les habitants d’Alep envoient négocier avec Saladin lors du siege de 1175.

Notes et références

  1. arabe : ʾabū al-fāsim nūr ad-dīn al-malik al-ʿādil maḥmūd ben zankī,
    أبو القاسم نور الدين "الملك العادل" محمود بن زنكي.
  2. Maalouf 1983, p. 169.
  3. Grousset 1935, p. 194.
  4. Maalouf 1983, p. 170 et Grousset 1935, p. 198-205.
  5. Grousset 1935, p. 206.
  6. Maalouf 1983, p. 171-5 et Grousset 1935, p. 240-260.
  7. Maalouf 1983, p. 175 et Grousset 1935, p. 265-274.
  8. Grousset 1935, p. 275-296.
  9. Grousset 1935, p. 339-350.
  10. Maalouf 1983, p. 176-9 et Grousset 1935, p. 351-4.
  11. Grousset 1935, p. 355-365.
  12. Maalouf 1983, p. 180-2 et Grousset 1935, p. 366-375.
  13. Grousset 1935, p. 376-380.
  14. Maalouf 1983, p. 183-4 et Grousset 1935, p. 398-411.
  15. Maalouf 1983, p. 186-190 et Grousset 1935, p. 426-447.
  16. Grousset 1935, p. 447-451.
  17. Grousset 1935, p. 455-6.
  18. Maalouf 1983, p. 191-5 et Grousset 1935, p. 456-480.
  19. Maalouf 1983, p. 195-8 et Grousset 1935, p. 487-509.
  20. Maalouf 1983, p. 199-202 et Grousset 1935, p. 509-536.
  21. Maalouf 1983, p. 202-214 et Grousset 1935, p. 561-579.

Annexes

Sources

Voir aussi


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