Olméque

Olméque

Olmèques

Tête colossale n°1 de San Lorenzo Tenochtitlan

Les Olmèques sont un ancien peuple précolombien de la Mésoamérique s'étant épanoui de 1200 av. J.-C. jusqu'à 500 av. J.-C. sur une vaste partie de la Mésoamérique. La civilisation olmèque se situait sur la côte du Golfe, dans le bassin de Mexico, et le long de la côte Pacifique (État du Guerrero, Oaxaca et Chiapas) jusqu’au sud du Costa Rica. Issu du terme nahuatl olmeca, qui signifie « les gens du pays du caoutchouc », ce mot est lié à la découverte de la première tête colossale olmèque en 1862. Le terme « olmèque » a été officialisé en 1942 par les olmécologues.

Sommaire

Historiographie

La culture olmèque demeure inconnue jusqu’à la deuxième moitié du XIXe siècle. Les spécialistes s’accordent pour fixer les débuts de l’olmécologie en 1862 avec la découverte fortuite de la première tête colossale à Hueyapan (Veracruz) par José María Melgar y Serrano.

Origines

Quelques sites olmèques.

Aujourd’hui, selon l’école française promue par Christine Niederberger et reprise notamment par Caterina Magni, la culture olmèque apparaît comme un ensemble multi-ethnique et pluri-linguistique qui s’étend à partir de 1200 avant J.-C. jusqu’à 500 avant J.-C. sur une vaste partie de la Méso-Amérique.

Sa présence est attestée à des niveaux d’occupation anciens sur la Côte du Golfe, dans le bassin de Mexico et le long de la côte Pacifique, dans les États mexicains du Guerrero, Oaxaca et Chiapas. Au-delà des frontières mexicaines, on recense des vestiges olmèques au Guatemala et jusqu’au sud du Costa Rica.

Parmi les sites majeurs, on peut citer : San Lorenzo (Veracruz), La Venta (Tabasco), Chalcatzingo (Morelos), Teopantecuanitlán (Guerrero), et au Guatemala le site d’Abaj Takalik (ou Takalik Abaj).

De nombreux amateurs d’histoire mystérieuse ont cependant voulu attribuer à la civilisation olmèque des origines diverses[1]. Une littérature relativement importante existe à ce sujet, mais, pour les spécialistes des civilisations précolombiennes, l’origine indigène des Olmèques ne fait aucun doute.

Société

Écriture et calendrier

Notons l’existence d’une écriture Magni (2003 : pp. 114-144) (pictogrammes-idéogrammes) qui est en vigueur dès 1200 avant J.C. sur une vaste partie de la Méso-Amérique. Elle s’inscrit en premier lieu sur les terres cuites, puis sur d’autres supports, et en particulier la pierre. Ainsi la mise au jour d'un cylindre-sceau en 2002 remontant à 650 avant J.C. témoignait déjà selon certains scientifiques de l'existence d'un système d'écriture. Puis avec la découverte de la Stèle de Cascajal on peut penser que les spécialistes vont s'accorder à reconnaître que l'écriture est enfin identifiable dans la culture olmèque. Même si certains archéologues, à l'instar de David Grove et Christopher Pool [2] ou Max Schvoerer [3], restent sceptiques sur l'authenticité de la stèle.

Organisation sociopolitique

La société olmèque est encore très mal connue ce qui explique peut-être les divergences d’opinions. Avis qui concordent sur un seul point : l’existence d’une période cruciale située entre 1000 et 900 avant J.C., marquée par des changements importants attribuables à plusieurs facteurs : l’introduction de nouvelles techniques agricoles permettant une meilleure alimentation et conséquemment une croissance démographique, l’intensification des échanges commerciaux, une urbanisation importante accompagnée d’une forte stratification sociale, d’une centralisation des pouvoirs politiques, d’une religion institutionnalisée, et de manière générale d’une spécialisation des activités. Au cours de cette période on enregistre une intensification des travaux d’architecture et de sculpture. Des sculptures monumentales rythment les centres cérémoniels et en accentuent la majesté. Faut-il déjà parler en termes d’État ou plus prudemment, d’évolution avec le passage d’une société segmentaire de type clanique à celle étatique ? Le débat reste ouvert. Au niveau de la nature du pouvoir, on se plaît à qualifier ce système de théocratique.

Iconographie olmèque

Article détaillé : Art olmèque.

La figure humaine constitue le thème principal de l’art olmèque. Le catalogue d’œuvres monumentales de Beatriz de La Fuente (1973) comporte 206 pièces, dont 110 sont des représentations anthropomorphes. Les œuvres animalières ne viennent qu’en troisième position, après les figures hybrides, parmi lesquelles l’homme-jaguar prédomine.

Religion

Résumons l’état des connaissances relatives aux “ divinités ” olmèques. Leur nature et leur nombre font l’objet de controverses. Trois courants principaux peuvent être distingués

Les partisans d’un panthéon

Avec en tête D. Joralemon, qui à la suite d’un travail analytique, identifie dix "divinités" principales au sein de l’univers sacré. Leur nombre est réduit, dans une publication postérieure, à six. Ce panthéon serait régi par une "divinité" transcendante majeure que l’auteur nomme "dragon", composée d’attributs empruntés à d'autres animaux, notamment au caïman, à l’aigle, au jaguar et au serpent.

Le culte du Jaguar

Monument de Las Limas
Hache en jade dite "Kunz" à l'effigie du Were-jaguar (ou bébé-jaguar)
Tête d'un Were-jaguar ; remarquez les sourcils en flammes et les lèvres retroussées.

Un des traits les plus marqués de l'art olmèque est l'omniprésence du jaguar. Il apparaît sous de nombreuses formes, plus ou moins anthropomorphisé ou stylisé, et l'ensemble de ses représentations semble constituer un système iconographique très complexe dont on retrouve de nombreux aspects dans l'iconographie mésoaméricaine des époque ultérieures, jusque chez les Aztèques. Mais ce que l'on sait de ce culte n'en est pas moins très réduit, et l'on ignore s'il s'agit d'un seul culte déployant de nombreuses manifestations et plusieurs niveaux d'interprétation, ou de plusieurs cultes axés sur divers aspects du jaguar. Premièrement, le jaguar est déjà vraisemblablement associé au monde chtonien, trait qui perdurera dans les autres cultures mésoaméricaines : en effet, l'entrée du monde tellurique est symbolisée par les mâchoires du jaguar hors desquelles poussent quatre plantes ; par ailleurs, sur un certain type de représentation du jaguar, ses sourcils sont formés par une sorte de croix de Saint-André, qui est chez les Mayas comme chez les Nahuas le symbole de la Terre et des quatre points cardinaux. Par ailleurs, les Aztèques vénéreront plus tard un dieu jaguar du nom de Tepeyollotl, "Coeur de Montagne". Ce lien avec le monde tellurique le rapproche aussi de l'obscurité et de la nuit, et donc du soleil nocturne, le soleil qui traverse nuitamment le monde souterrain : cette association est également caractéristique du culte du jaguar dans la Mésoamérique de toutes les époques ultérieures. Elle permet aussi une autre association, entre le jaguar et le feu aussi bien cosmique (du fait de son lien avec le soleil) que chtonien (celui des volcans). Ce lien est corroboré par la récurrence dans l'iconographie de la torche, qui lui est souvent associée (à Tlacozotitlan par exemple), et des flammes qui forment parfois ses sourcils. De plus, dans certaines de ses représentations, il présente une curieuse fente en V au sommet du crâne et est souvent accroupi : ces deux caractéristiques tendent à le rapprocher du dieu du feu aztèque, Xiuhtecuhtli, qui porte une coiffe pareillement fendue, est souvent accroupi et possède des crocs de jaguar ; par ailleurs, Xiuhtecuhtli est aussi connu sous le nom de Nappatecutli, "le Seigneur des quatre directions", dont le symbole est la croix de Saint-André citée précédemment, ce qui renforce encore la filiation entre le jaguar, le feu et la Terre. Enfin, sa dimension prédatrice et nocturne le rapproche de la mort. Ainsi, le jaguar, du fait de ses liens avec le monde chtonien, le feu, la nuit, le soleil nocturne et la mort s'inscrit dans le système de la Dualité Terre-Ciel, Feu-Eau, Femme-Homme, Nuit-Jour, Neuf-Treize, Jaguar-Aigle, Mort-Vie, qui est un des principes fondamentaux de la pensée nahua et mésoaméricaine en général : ce principe existerait donc déjà à l'époque olmèque et serait aussi vieux que les civilisations mésoaméricaines même.

Deuxièmement, le jaguar est systématiquement représenté avec des commissures aux lèvres, comme un bébé en pleurs. Or le bébé est également un thème récurrent dans l'iconographie olmèque, et on en compte deux types de représentation : un dit "baby-face", où il est pleinement humain, chauve, dodu et asexué, souvent en position assise, et un autre dit des "bébés-jaguars", des hybrides de bébé et de félin, comme celui que tient le fameux seigneur de Las Limas ; ils ont la lèvre fortement retroussée, une fente en V, et semblent pleurer. Par ailleurs, le jaguar semble aussi lié à la fécondité : certains auteurs, comme Covarrubias, voient en le jaguar olmèque une préfiguration de Tlaloc, le dieu de la pluie déjà vénéré à Teotihuacan. Cependant, ce lien demeure incertain, car la pluie dans le système de la Dualité est plutôt liée au monde céleste et diurne, et Tlaloc est rarement représenté avec les attributs du jaguar. Toutefois, le culte de Tlaloc était le seul chez les Aztèques (et peut-être chez les Nahua en général) à impliquer des sacrifices de bébés, de sexe indifférent et non sevrés, selon Sahagùn ; et le fait que les bébés pleurent était capital dans l'exécution du sacrifice, car les larmes sont liées à la pluie. En rapprochant ces données de ce que montre l'iconographie olmèque, on peut penser que les bébés constituaient un symbole de fertilité et l'offrande par excellence aux dieux de la pluie et de la fertilité, et que les bébés jaguars symbolisaient l'aspect fertile et aquatique du monde chtonien, que l'on retrouve chez les autres cultures mésoaméricaines. Le jaguar serait donc aussi associé à la fertilité. Troisièmement, l'homme félin récurrent dans l'art olmèque est peut-être une manifestation du Nahualli (Way en Maya), c'est-à-dire du double animal que possède tout être humain. A l'époque aztèque, le jaguar était un nahualli du plus haut rang, propre à une classe sociale particulière, celle des Guerriers-Jaguars, qui forme l'élite guerrière avec celle des Guerriers-Aigles, ou encore celle des prêtres de Tezcatlipoca, qui possède lui-même les attributs aztèques du jaguar. Il serait donc dès l'époque olmèque également un symbole du pouvoir. Le jaguar revêt donc de nombreux aspects, tous de grande importance ; certains y ont même vu le dieu central du panthéon olmèque. Il en est en tout cas la principale caractéristique. Si ses représentations sont beaucoup moins nombreuses dans les civilisations ultérieures, il n'en garde pas moins sa place primordiale dans la symbolique nahua, maya et mésoaméricaine en général[4].

Les « fétiches » anthropomorphes

C'est le courant des auteurs qui nient le phénomène de la divinisation. Bien que conscients d’une réalité religieuse, ils ne croient pas à l’existence de divinités formalisées. C’est le cas de Pohorilenko qui voit dans l’art olmèque une composition d’éléments nécessitant une lecture, une sorte de communication visuelle à l’aide de signes spécifiques. Ces représentations composées ne dépeignent pas des divinités, mais plutôt des "fétiches" anthropomorphes qui renferment des esprits, des pouvoirs de la nature. Il s’agirait donc de maîtres invisibles et non pas de dieux.

Notes et références

  1. Trois théories se distinguent :
    1. L’hypothèse Jaredite, défendue par certains membres de l’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours pour qui les Olmèques seraient les descendants des Jaredites, peuple du Livre de Mormon.
    2. L’hypothèse africaine, qui trouve son origine dans l’interprétation de similitudes physiques et religieuses entre les Olmèques, tels que l’archéologie les connaît, et les Mandingues.
    3. L’hypothèse chinoise, qui défend l’idée selon laquelle l’origine des Olmèques remonterait à la Dynastie Shang.
    Ces hypothèses n’ont jamais trouvé d’écho et de crédibilité au sein de la communauté scientifique.
  2. Oldest Writing in New World Discovered, Scientists Say, in National Geographic News, Sept. 14, 2006
  3. Débat autour de la découverte d'une stèle olmèque, dans Le Monde, édition datée du 17 Sept. 2006
  4. Voir Christian Duverger, La Méso-Amérique, Flammarion, 1999

Voir aussi

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Bibliographie

  • L'art olmèque. Source des arts classiques du Mexique, In Catalogue d'exposition, Musée Rodin, Paris, 1972
  • Christine Niederberger, Paléopaysages et archéologie pré-urbaine du Bassin de Mexico, Coll. Études Mésoaméricaines, Tomes I et II, CEMCA, Mexico, 1987
  • Christian Duverger, La Méso-Amérique, Flammarion, 1999, ISBN 2080122533, 478 p.
  • John E. Clark & Mary E. Pye (sous la direction de) (préface de Henry A. Milton), Olmec Art and Archaeology in Mesoamerica, National Gallery of Art, 2000, ISBN 0300085222, 342 p.
  • Christine Niederberger, La Méso-Amérique: genèse et premiers développements, In Histoire de l'Humanité 2, Unesco, Paris, 2001
  • Caterina Magni, Les Olmèques. Des origines au mythe, Seuil, 2003, ISBN 2020549913, 432 p.
  • Richard A. Diehl, The Olmecs: America's First Civilization, Thames & Hudson, 2005, ISBN 0500021198, 208 p.
  • Jean-Philippe Noël, Olmèques. Ils défient plus que jamais les archéologues, Science & Vie, n° 1060, Paris, 2006, pp. 94-99

Liens externes



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