Opération Ajax

Opération Ajax

32° 25′ 40″ N 53° 41′ 17″ E / 32.427908, 53.688046

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L’opération Ajax (officiellement TP-AJAX) était une opération secrète menée par le Royaume-Uni et les États-Unis en 1953, exécutée par la CIA, pour mettre un terme à la politique nationaliste du Premier ministre d'Iran, Mohammad Mossadegh, et consolider le pouvoir du Chah, Mohammed Reza Pahlavi, ceci afin de préserver les intérêts occidentaux dans l'exploitation des gisements pétrolifères iraniens. Durant l’administration du président américain Bill Clinton en 2000, suite à un rapport publié, la secrétaire d’État Madeleine Albright a reconnu officiellement le rôle des États-Unis dans l'organisation et le soutien financier du coup d’État de 1953[1]. Barack Obama est le premier président à reconnaître l'implication de son gouvernement et à s'en excuser dans un discours adressé à la communauté musulmane le 4 juin 2009[2]. "En pleine guerre froide, les États-Unis ont joué un rôle dans le renversement d’un gouvernement iranien démocratiquement élu."

Sommaire

Contexte politique

Le gouvernement nationaliste de Mohammad Mossadegh entreprend une série de nationalisations de compagnies pétrolières de la Anglo-Iranian Oil Company (AIOC), qui deviendra par la suite la BP, The British Petroleum Company.

L’origine du conflit est le refus d’AIOC d’autoriser un audit des comptes pour déterminer si le gouvernement iranien recevait les redevances qui lui étaient dues. L’intransigeance de la compagnie pétrolière a résulté en une escalade de demandes du gouvernement nationaliste, qui exigeait un partage des revenus à parts égales. La crise finale est précipitée quand l’AIOC interrompt ses opérations plutôt que d’accepter les demandes des nationalistes, ce qui conduit à la nationalisation de la compagnie.

Le Royaume-Uni tente sans succès de porter l'affaire devant la Cour internationale de justice, qui se déclare incompétente en juillet 1952 (Anglo-lranian Oil Co. (Royaume-Uni c. Iran)).

Les nouvelles compagnies pétrolières appartenant à l’État constatent une chute dramatique de productivité et conséquemment, des exportations. La crise d’Abadan est le résultat de cette situation qui s’est envenimée avec la fermeture des marchés d’export. Sans réseau de distribution, le gouvernement iranien est rejeté des marchés par un blocus international pour forcer Mossadegh à la privatisation.

Organisation

En planifiant l’opération, la CIA organise une guérilla afin d’empêcher le parti communiste Tudeh de prendre le pouvoir dans le cas d'un échec de l’opération Ajax. Selon des documents autrefois classés « Top Secret » de la National Security Archive, le sous-secrétaire d’État Walter Bedell Smith révèle que la CIA est parvenu à un accord avec des chefs de tribu Qashqai dans le sud de l’Iran, afin d’établir un refuge pour que les agents et guérillas financés par les États-Unis puissent opérer.

Le chef de l’opération Ajax était Kermit « Kim » Roosevelt, Jr., un agent senior de la CIA et petit-fils de l’ancien président des États-Unis Theodore Roosevelt. Alors que la direction officielle lui était attribuée, le projet est conçu et exécuté par Donald Wilber, un agent de la CIA et auteur encensé de livres sur l’Iran, l’Afghanistan et Ceylan (Sri Lanka).

L’opération Ajax a été le premier complot orchestré par la CIA pour renverser un gouvernement démocratiquement élu. Le succès de l‘opération Ajax avec une logistique modique et son coût relativement faible a encouragé la CIA à mettre en œuvre une opération similaire au Guatemala un an plus tard.

Conséquences

En imposant leurs conditions après avoir restauré la Anglo-Iranian Oil Company, les États-Unis ont été capables de dicter la fin de son monopole. Des licences ont été données à cinq entreprises pétrolières américaines, en plus de la Royal Dutch Shell et de la Compagnie française de pétroles.

Dès son rétablissement sur le Trône du Paon, le Chah joue un rôle plus actif et central dans la gestion de l'État, tant d'un point de vue politique qu'économique. Les partis d'opposition sont ainsi décrétés illégaux et la Savak, police politique chargée de surveiller et de réprimer au nom de la sûreté de l'État, est mise en place avec l'aide des services secrets américains et du Mossad. Dans un même temps, un train de réformes sociales, économiques et culturelles influencées par les standards et modèles occidentaux est lancé dans les années 1960 (Révolution blanche).

L’insatisfaction dominant au milieu des années 1970, et ce malgré une croissance économique forte, le régime pro-occidental du Chah a de plus en plus de mal à justifier son autoritarisme (censure, parti unique, abus commis par la Savak et dénoncés par Amnesty International) et ses nombreuses dépenses (festivités de Persépolis, projets pharaoniques, achats d'appareils militaires sophistiqués). Les effets pervers de la crise pétrolière de 1973 n'étant pas encore évalués à leur juste valeur, l'amélioration du niveau de vie n'a pas su s'étendre à l'ensemble des Iraniens : le fossé se creuse entre la classe dirigeante et une part grandissante de la population, aux aspirations diverses et pour certaines diamétralement opposées, exigeant certaines réformes et en rejetant d'autres. La situation se détériorant dès la fin de l'année 1977, elle tournera au chaos, à la confusion et aux affrontements violents durant l'année suivante. C'est la révolution iranienne qui verra l'émergence de l'ayatollah Khomeyni, chef religieux en exil depuis quinze ans en France et soutenu par le gouvernement Giscard dans un contexte de concurrence entre la CEE et les USA, et la chute du régime impérial pro-occidental au profit d'un système théocratique instauré en avril 1979 : la république islamique[3].

Réfutations de l'opération et des interventions étrangères

La réalité de l'Opération Ajax est contestée par certains protagonistes des évènements de 1953, ainsi que par d'anciens hauts dirigeants de la CIA, qui soutiennent que le gouvernement Mossadegh a été renversé sous la pression populaire, après sa destitution par le Shah selon les termes de la constitution de 1906. L'un de leurs arguments est que les documents déclassifiés de l'opération elle-même, d'avant le 19 août 1953, qui auraient pu prouver sans ambiguïté l'intervention des services secrets américains et britanniques, ont été détruits dans leur intégralité, ce qui jette le doute sur leur réelle existence et sur tous les documents publiés par la suite : le rapport secret publié en 2000 par le New York Times, de même que le livre de Kermit Roosevelt, Jr., ne sont en effet que des témoignages individuels a posteriori. Selon Richard Helms, ancien directeur de la CIA, l'Opération Ajax aurait été au départ une rumeur, reprise après coup par la CIA pour son propre compte dans le but de pouvoir présenter un succès après l'échec retentissant du débarquement de la Baie des Cochons à Cuba[4]. Par ailleurs, l'opposition iranienne favorable au Shah estime que si les Etats-Unis n'ont jamais démenti l'Opération Ajax, c'était afin de délégimiter le régime du Shah auprès de l'opinion publique, notamment lorsque celui-ci a annoncé son intention de ne pas reconduire les accords pétroliers internationaux de l'Iran à leur échéance de 1979[5].

Notes et références

  1. (en) U.S. Comes Clean About The Coup In Iran sur cnn.com
  2. Obama admits US involvement in Iran coup in 1953
  3. Selon Alexandre de Marenches, c'est l'administration américaine de Jimmy Carter qui a décidé de renverser le Chah car pas assez démocratique et entamant un programme nucléaire potentiellement militaire.
  4. (en) THE CIA AND IRAN - WHAT REALLY HAPPENED, Ardeshir Zahedi, fils du Général Fazlollah Zahedi et ancien ambassadeur d'Iran aux Etats-Unis, sur Stanford - World Association of International Studies
  5. «Obama-Iran : L’instrumentalisation de Mossadegh est une erreur tactique» et «Iran - 11 février : La révolution de Khomeiny, l’héritage de Mossadegh», sur «Iran Resist»

Annexe

Articles connexes

Bibliographie

  • (fr) Hélène Carrère d'Encausse, « Le conflit anglo-iranien, 1951-1954 », Revue française de science politique, Vol. 15, n°4, 1965, pp. 731-743.
  • (en) Kinzer, Stephen All the Shah's Men: An American Coup and the Roots of Middle East Terror, John Wiley & Sons (août 2004), ISBN 0-471-67878-3

Liens externes


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