Pancreatite aigue

Pancreatite aigue

Pancréatite aiguë

La pancréatite aiguë ou aigüe[1] est une maladie consistant en une inflammation rapide du pancréas. En fonction de sa gravité, elle peut avoir de graves complications et une grande mortalité malgré le traitement. Lorsque les cas modérés se normalisent grâce à des mesures conservatives ou à l’endoscopie, les cas graves nécessitent une chirurgie (souvent plus d’une intervention) pour endiguer l’évolution de la maladie.

Sommaire

Historique

La maladie était connue dès avant le XIXe siècle, mais son mécanisme non élucidé. Claude Bernard, dans son ouvrage Leçon de physiologie expérimentale publié en 1858 suggère le rôle de la circulation biliaire. En 1902, Eugène Opie donne un rôle prédominant à une obstruction des voies biliaires par un calcul[2].

Épidémiologie

Elle est responsable de près de 200 000 admissions annuelles aux États-Unis et son incidence croit avec le temps[3]. En France, selon la conférence de consensus de 2001 la Société nationale française de gastroentérologie, le taux d'incidence est de 22 pour 100 000 (population âgée de plus de 15 ans).

Les quatre cinquièmes sont des formes bénignes. L'incidence des formes graves est stable tant aux États-Unis qu'en Europe[4].

Étiologie

Les deux causes les plus fréquentes de pancréatite aiguë sont l’alcoolisme et la lithiase biliaire qui représentent chacune environ 40 % des cas[3].

Elle peut être d'origine métaboliques : Alcoolisme, hypertriglycéridémie, hypercalcémie...

Elle peut être secondaire à un obstacle mécanique sur la voie d'excrétion bilaire : lithiase biliaire, surtout si ces dernières sont petites, complication d'une opération ou d'un traumatisme ou d'une pancréatographie rétrograde (qui complique environ 5% de ces dernières[5]), secondaire à une tumeur du pancréas.

Elle peut être également un effet indésirable de certains médicaments (moins de 2% des cas[6]).

Il existe des causes infectieuses : parasites, en particulier les helminthes, oreillons, cytomégalovirus...

Il existe des causes plus rares :

Dans près de 20% des cas, il n' y aucune cause retrouvée. On parle alors de pancréatite idiopathique.

Mécanisme de la maladie

Il consiste en une sécrétion importante et inappropriée par le pancréas d'enzymes protéolytiques, particulièrement la trypsine, enzyme de digestion, et qui ne peut être évacuée dans le système canalaire pancréatique vers le duodénum. L'irritation de la graisse péripancréatique par ces sécrétions provoque une « auto-digestion » et une réaction inflammatoire qui va aggraver les lésions.

La cause de la pancréatite alcoolique est moins claire. Elle pourrait être due à un déficit d'inactivation de la trypsine ou d'élimination de cette dernière[3].

Diagnostic

Sémiologie

La douleur est quasi constante. Elle est à prédominance épigastrique, irradiant dans le dos (transfixiante) et soulagée par l’antéflexion (position penchée en avant), d’où la classique position en « chien de fusil ». Elle est le plus souvent à début brutal, pouvant être prolongée plusieurs jours en l’absence de traitement. elle peut être majorée par la palpation.

Les nausées et vomissements sont fréquents pouvant témoigner d'un syndrome occlusif par iléus réflexe.

Rarement, il peut exister des ecchymoses péri-ombilicales (signe de Cullen) ou des flancs (infiltrat sanguin rétro péritonéal, signe de Grey-Turner), qui sont des signes de gravité.

Diagnostic positif

La destruction d'une partie du pancréas entraîne le relargage de deux enzymes, la lipase et l'amylase dont le taux augmenté peut être mesuré dans le sang.

Le diagnostic est porté devant une élévation du taux sanguin de lipases (lipasémie) supérieure à 3 fois son taux normal (soit ≥ 600 UI/l). Le taux reste élevé pendant plusieurs jours, permettant parfois un diagnostic retrospectif[8].

Les taux sanguin et urinaire d’amylase (amylasémie et amylasurie) sont aussi augmentés au bout de quelques heures et pendant plusieurs jours[3] lors des pancréatites aiguës mais sont moins spécifiques et moins sensibles[9] et sont donc moins souvent utilisés.

Les clichés radiographiques standards n'apportent que peu d'informations : niveaux liquides inconstants sur l'abdomen sans préparation, discrets épanchements pleuraux sur la radiographie du thorax. De même, l'échographie abdominal est peu contributive, le pancréas étant une structure profonde, dont l'analyse par les ultrasons est rendue difficile par l'interposition des gaz digestifs. Ce dernier examen est cependant important pour rechercher une cause (calcul biliaire) à la pancréatite.

Diagnostic étiologique

L’origine biliaire de la pancréatite aiguë est à rechercher en priorité en raison de sa fréquence et de l’existence d’un traitement spécifique. Les arguments cliniques en faveur d’une cause lithiasique sont un âge supérieur à 50 ans et un sexe féminin (deux fois plus fréquent). Le meilleur marqueur biologique de pancréatite biliaire est l’élévation des ALAT, qui doivent être dosées précocement (au-delà du seuil de trois fois le taux normal, leur valeur prédictive positive est de 95 %, mais un taux normal n’élimine pas le diagnostic). L’élévation de la bilirubine témoigne plus d’un obstacle au niveau du canal cholédoque persistant que de l’origine biliaire d’une pancréatite.

Une échographie abdominale à la recherche d'une origine biliaire doit être systématiquement effectuée, même en l’absence de critères clinico-biologiques évocateurs, si possible en urgence afin de permettre un traitement précoce d’une éventuelle lithiase de la voie biliaire principale.

L’examen peut être complété par une échoendoscopie (la sonde d’échographie est située en tête d’un endoscope souple qui est positionné dans le duodénum). Ce dernier examen peut être couplé à une sphinctérotomie (élargissement de l’abouchement de la voie biliaire principale dans le duodénum) par voie endoscopique permettant de libérer les voies bilaires en évacuant les calculs.

Un scanner permet également de faire le diagnostic et de rechercher certaines causes (tumeurs).

Pronostic

La pancréatite aiguë « grave » est définie par l’existence d’une défaillance d’organes et/ou par la survenue d’une complication locale (nécrose, abcès ou pseudokyste). C’est le cas d’environ une pancréatite sur 5. Elle est associée à une mortalité de 30 %.

Les éléments d’appréciation de la gravité du pronostic suivant doivent permettre de sélectionner et d’orienter les malades graves vers un service de réanimation :

  • Le terrain : sujet âgé, obésité, insuffisances organiques préexistantes
  • Les éléments d’évaluation de la défaillance d'un ou plusieurs organes : cardiaques, respiratoires, neurologiques, rénaux ou hématologiques
  • Les scores biocliniques spécifiques, en particulier le score de Ranson
  • La C reactive protein (CRP) dont l'augmentation au cours de l’évolution doit faire rechercher une aggravation locale.
  • Le score morphologique de Balthazar, évalué sur le scanner abdominal réalisé sans puis avec injection de produit de contraste, au mieux entre 48 et 72 h du début des douleurs.
  • Le score « SOFA » (sequential organ failure assessment) permet d'évaluer l'atteinte multiviscérale[10].
Score de Ranson
Critère Valeur seuil
Admission Glycémie > 11 mmol/L
Age > 55 ans
Leucocytes > 16.000
LDH > 1.5 N (soit > 350u/L)
ASAT > 6 N (soit > 250u/L)
à 48h Hématocrite baisse > 10%
Urémie augmentation > 1.8mmol/L
Calcémie < 2mmol/L
PaO2 < 60 mmHg
Déficit en bases > 4 mmol/L
Séquestration liquidienne estimée > 6 L
Chaque critère positif vaut 1 point, pancréatite grave si Ranson > 3
Score de Balthazar
Critère Grade
Pancréas normal A
Élargissement focal ou diffus du pancréas B
Densification de la graisse péri-pancréatique C
Coulée de nécrose péri pancréatique unique D
Coulées multiples ou présence de bulles de gaz au sein d’une coulée E

Actuellement, utilisation d'un score de Balthazar modifié de 1 à 10, qui associe les critères précédents cotés de 0 à 4, et un score sur 6 cotant la quantité de nécrose pancréatique (Nécrose : 0-30% = +2, 30-50% = +4, >50% = +6).

Traitement

Une hospitalisation est nécessaire dans la plupart des cas, parfois en réanimation en cas de présence de critères de gravité.

Un traitement classique est le jeûne strict, afin de mettre le pancréas au repos total, la nutrition étant alors apportée par voie intraveineuse (nutrition parentérale). Cette attitude n'est cependant plus tout à fait unanime et la poursuite d'une nutrition classique (en site jéjunal, c'est-à-dire par sonde) permettrait d'éviter certaines complications, notamment infectieuses, sans être délétère en termes d'évolution[11],[12].

Une correction des troubles hydro-électrolytiques est indispensable, le plus souvent par voie intraveineuse (réhydratation). On y associe un traitement antalgique (anti douleur), d'abord par antalgiques de niveau I, avec recours aux morphiniques si nécessaire (malgré le risque théorique de spasme du sphincter d'Oddi : celà n'entraîne pas d'aggravation de la pancréatite aiguë). En cas de complication grave (perforation digestive, hémorragie active), une intervention chirurgicale sera nécessaire, visant à traiter la complication, et à éviter les récidives (cholécystectomie, jéjunostomie d'alimentation).

Il ne faut naturellement pas oublier le traitement d’une cause authentifiée : sevrage en boissons alcoolisées, cholécystectomie (ablation de la vésicule bilaire) ou sphinctérotomie endoscopique (ouverture du canal biliaire au cours d'une endoscopie digestive), traitement d’une hypertriglycéridémie…

Le rôle d'un traitement systématique par antibiotiques afin de prévenir les complications infectieuses reste controversé[3].

Complications

La nécrose du pancréas ou des collections péri-pancréatiques est une complication grave, aboutissant à une surinfection avec parfois survenue d’un état de choc. Le diagnostic est suspecté devant une évolution défavorable à la première semaine. Il est confirmé par le scanner abdominal. Elle est traitée par des antibiotiques adaptés, par drainage radiologique, et par chirurgie (séquestrectomie, drainage large). Elle peut aussi aboutir à une perforation d'organe creux (estomac ou intestin), ou à une hémorragie, qui entraînera un traitement chirurgical.

La pancréatite peut également se compliquer par la formation de pseudo-kystes liquidiens de mécanisme inflammatoire. Ces pseudo-kystes peuvent comprimer des organes adjacents ou s’infecter. Le diagnostic en est fait par échographie ou scanner. Ils peuvent nécessiter une intervention chirurgicale afin de les dériver dans une structure digestive (jéjunum) s'ils persistent plus de 6 semaines ou se compliquent.

Voir aussi

Référence

  1. Orthographe recommandée par le Conseil supérieur de la langue française. Consulté le 18.5.2009
  2. Opie E, The relation of cholelithiasis to disease of the pancreas and to fat necrosis, Johns Hopkins Hosp Bull, 1901;12:19–21
  3. a , b , c , d  et e Frossard JL, Steer ML, Pastor CM, Acute pancreatitis, Lancet, 2008;371:143-152
  4. Yadav D, Lowenfels AB, Trends in the epidemiology of the first attack of acute pancreatitis: a systematic review, Pancreas, 2006;33:323–330.
  5. Freeman ML, Nelson DB, Sherman S et als. Complications of endoscopic biliary sphincterotomy, N Engl J Med, 1996;335:909–918
  6. Lankisch PG, Droge M, Gottesleben F, Drug-induced acute pancreatitis: incidence and severity, Gut, 1995:37;565–567
  7. Le Bodic L, Bignon JD, Raguenes O et alS. The hereditary pancreatitis gene maps to long arm of chromosome 7, Hum Mol Genet, 1996;5:549–554
  8. Sternby B, O'Brien JF, Zinsmeister AR, DiMagno EP, What is the best biochemical test to diagnose acute pancreatitis; A prospective clinical study, Mayo Clin Proc, 1996;71:1138–1144
  9. Clavien PA, Robert J, Meyer P et als. Acute pancreatitis and normoamylasemia. Not an uncommon combination, Ann Surg, 1989:210;614–620
  10. Halonen KI, Pettila V, Leppaniemi AK et als. Multiple organ dysfunction associated with severe acute pancreatitis, Crit Care Med, 2002;30:1274–1279
  11. Windsor AC, Kanwar S, Li AG et als. Compared with parenteral nutrition, enteral feeding attenuates the acute phase response and improves disease severity in acute pancreatitis, Gut, 1998;42:431–435
  12. Marik PE, Zaloga GP, Meta-analysis of parenteral nutrition versus enteral nutrition in patients with acute pancreatitis, BMJ, 2004;328:1407–1412
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