Arme biologique

Arme biologique

Une arme biologique est une arme utilisant des germes pathogènes destinés à affaiblir les armées ou les populations ennemies par la propagation de maladies pouvant être mortelles ou simplement incapacitantes. Leur potentiel de nuisance est tel qu'elles ont été classées dans les armes de destruction massive.

Les armes biologiques comprennent les armes bactériologiques et les armes virologiques.

Sommaire

Historique

La première mention documentée sur l'usage d'une arme biologique date de -1350 au Moyen-Orient : les Hittites laissent volontairement dans leurs villages pillés des béliers contaminés par la bactérie Francisella tularensis de la tularémie[1].

En Chine, l'envoi de cadavres de pestiférés dans les villes assiégées constitua sans doute aussi un des premiers exemples d'arme bactériologique, bien que personne ne sût à l'époque ce qu'était une bactérie.

Homère raconte dans l’Iliade et l’Odyssée que durant la guerre de Troie, l'extrémité des flèches et des lances étaient enduites de poison. Durant la première guerre sacrée, les athéniens empoisonnèrent l'eau de la ville assiégée de Cirrha, près de Delphes, avec l'hellébore.

Le commandant romain Manius Aquilius empoisonna lui aussi les puits d'eau des villes assiégées aux alentours de -130.

Au cours du Moyen Âge, on faisait de même en contaminant les puits par des excréments. Les techniques de poliorcétique pouvaient intégrer le lancement par-dessus les murs d'enceinte des villes assiégées de barils contenant des excréments ou des cadavres en putréfaction dans le but de démoraliser l'ennemi ainsi que d'y propager des maladies.

L'emploi de cette technique est illustrée par le siège de Caffa (l'actuelle Théodosie en Crimée) en 1346. Ce comptoir génois de la mer Noire était en effet assiégé par une armée dite tatare, dirigée par le général Kiptchäk khän Jambeg. Une épidémie grave éclata durant l'été 1346 dans les rangs des assaillants, à la plus grande joie des défenseurs du port qui y virent leur salut. Mais le général tatare retourna cette situation à son avantage en décidant de catapulter derrière les murs de la ville les cadavres pestiférés de ses soldats, provoquant ainsi rapidement la mort de la plupart des assiégés. La célébrité de cet épisode vient du fait que les historiens pensent que ce sont les navires génois de retour de Caffa qui propagèrent une maladie qui décima près de la moitié des Européens à partir de 1347 : la peste noire.

Au XVIIIe siècle en Amérique du Nord britannique, le général Amherst autorisa la distribution de couvertures infestées de variole aux Amérindiens de la tribu des Delaware, dans le but qu'ils soient exterminés par la maladie. Cet événement constitue sans doute la première attaque biologique officielle perpétrée en Amérique.

À la fin du XIXe siècle, alors que la France pleure l'Alsace et la Moselle perdues, l'humoriste Alphonse Allais relance l'idée d'une guerre bactériologique : « au lieu de déclarer la guerre aux Allemands, on leur déclarera la peste ou le choléra ! ». Les premières recherches scientifiques sont initiées par Louis Pasteur qui, après avoir élaboré sa « théorie des germes », expérimenta la destruction des lapins par le microbe du choléra des poules dans la propriété de la veuve Pommery en 1887. S'ensuivent des recherches militaires sur les armes chimiques et biologiques. La Grande Guerre utilise surtout les gaz chimiques, l'arme biologique, pas encore au point, n'étant utilisée que de façon anecdotique : des agents secrets allemands inoculent des maladies aux chevaux de l'armée française sur le front.

Le 17 juin 1925 est signé le protocole de Genève qui prohibe l'emploi à la guerre de gaz asphyxiants, toxiques ou similaires et de moyens bactériologiques. Cependant il n'interdit pas les recherches. Ainsi la France crée une « Commission de bactériologie » en 1921 pour établir une politique de guerre biologique. Le Royaume-Uni se dote d'une unité spéciale sur les armes biologiques, à Porton Down en 1940 : il réalises des tests sur l'île Gruinard, en Écosse, qui est contaminée en 1942 par la maladie du charbon (5 millions de tourteaux comprenant de l'anthrax furent produits) qui y persista les 48 années suivantes. Les États-Unis créent un centre de recherche en 1943 et dès l'année suivante, une installation d'essai sur site était opérationnelle. En Union soviétique, un programme d'armement biologique débute dès 1927. Il fournit toute une série d'agents pathogènes capables de provoquer la tularémie, le typhus ou la fièvre Q mais qui ne seront pas utilisés pendant la Seconde Guerre mondiale. Lors de l'expansion de l'empire japonais pendant la guerre sino-japonaise (1937-1945), Hirohito autorise par mandat impérial la création d'une unité de recherche bactériologique qui pratiqua des expérimentations sur des milliers de cobayes humains. Ces armes furent employées à maintes reprises en Extrême-Orient par l'armée impériale jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale. L'Allemagne crée en 1943 un petit centre de recherche d'armement biologique à Posen, centre qui sera repris par les soviétiques en 1945. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, la faisabilité des armes biologiques est clairement établie.

Durant les premières décennies de la guerre froide, les grandes puissances ont continué leurs recherches dans ce domaine jusqu'à l'arrêt unilatéral des États-Unis en 1968 (Richard Nixon considère que son arsenal nucléaire est suffisant pour se protéger ou attaquer) et la signature de la Convention sur l'interdiction des armes biologiques le 10 avril 1972 (entré en vigueur le 26 mars 1975). Cependant, des programmes d’armes biologiques se poursuivent toujours, comme en témoigne l'usine de production d'armes bactériologiques de Sverdlovsk (actuellement Ekaterinbourg) qui laisse échapper de l'anthrax le 30 mars 1979 ; l'épidémie fait entre 66 et 600 morts selon les sources. Les soviétiques ont en effet lancé dès les années 1970 un immense programme de recherche et d'essai en arme biologique nommé Biopreparat[2] .

Entre 1975 et 1983, des cas d’intoxication causés par ce que l’on a nommé la « pluie jaune » ont aussi été constatés en Asie du sud-est, au Laos et au Cambodge. Le projet d'État « Coast » mené par le docteur la mort en Afrique du Sud dans les années 1980 n'est révélé que 10 ans plus tard. Des inspections internationales en Irak, menées dans le cadre de l’accord de cessez-le-feu ayant mis fin à la seconde guerre du Golfe, ont révélé un programme de guerre biologique d’envergure, à un stade déjà avancé. En 1992, le président russe Boris Eltsine avait admis que l’Union soviétique avait mené un programme d’armes biologiques massives au cours des vingt années précédentes. Des rapports suggèrent que plusieurs pays continuent d’entreprendre recherche et développement dans les armes biologiques offensives[3].

Bibliographie

Voir aussi

Notes et références

  1. (en) Siro Igino Trevisanato, « The ‘Hittite plague’, an epidemic of tularemia and the first record of biological warfare », dans Medical Hypotheses, vol. 69, no 6, 14 mai 2007, p. 1371-1374 [texte intégral (page consultée le 10 août 2010)] 
  2. Guerre chimique et bactériologique sur France culture. Mis en ligne le 1er juillet 2010, consulté le 3 juillet 2010
  3. Dossier de présentation du groupe Australie

Articles connexes

Liens externes

  • Action commune de l'Europe 2008/858/PESC du Conseil du 10 novembre 2008 pour la convention sur l'interdiction des armes biologiques et à toxines (BTWC) dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie de l'Union européenne contre la prolifération des armes de destruction massive.


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