Perceval ou le Conte du Graal

Perceval ou le Conte du Graal
Le Conte du Graal
Auteur Chrétien de Troyes
Genre Roman courtois
Pays d'origine France
Date de parution XIIe siècle
Chronologie
Yvain ou le Chevalier au lion

Perceval ou le Conte du Graal est le cinquième roman de Chrétien de Troyes, resté inachevé. Écrit vers 1181, il est dédié au protecteur de Chrétien, le comte de Flandre Philippe et raconte l'histoire de Perceval, jeune homme devenu depuis peu un chevalier redoutable, ayant pour but la "quête" (recherche) du Graal.

Chrétien affirme avoir travaillé d’après une source fournie par Philippe. Le "conte", "roman" ou "poème" relate les aventures et les épreuves sans cesse croissantes du jeune chevalier Perceval, croisées avec celles de messire Gauvain, et il se termine abruptement après seulement 9000 vers. L'œuvre nous est connue par quinze manuscrits ou fragments[1]. Par la suite, d'autres auteurs en ont rajouté jusqu'à 54 000 (voir ci-dessous, "Continuations"). Perceval est le premier texte où il est fait mention du Saint Graal.

Sommaire

Le poème

Départ de Perceval, Manuscrit de Montpellier

Une femme qui a perdu son mari et deux de ses fils se cache dans une forêt du Pays de Galles avec son dernier enfant, « Percevaus » (Perceval), et essaye, pour le préserver, de l'élever loin de la civilisation, dans l'ignorance complète du monde et de la chevalerie meurtrière. Malgré toutes les précautions de la mère, Perceval rencontre un jour un groupe de chevaliers à la brillante armure. Il en est si enthousiasmé qu'il quitte aussitôt le refuge et sa mère malgré les supplications de celle-ci, qui disait qu'elle ne voulait pas le perdre a son tour.

Il se rend à la cour du Roi Arthur à Carduel où une jeune fille lui prédit un grand avenir, malgré les railleries de « Keu » (Keu) le sénéchal.

Perceval se fait remarquer par la rusticité de ses manières ; cependant, il sort vainqueur de son premier combat et s'empare de l'armure de son adversaire, le Chevalier Vermeil.

« Gurnemanz de Goorz » (Gornemant de Goort), un vieux chevalier plein d’expérience prend Perceval sous sa protection et lui enseigne les façons courtoises. Il lui apprend aussi les vertus chevaleresques : épargner un adversaire vaincu, montrer de la retenue dans le discours, protéger les dames et fréquenter les églises.

Grâce à sa noble origine et à son ardeur, Perceval fait de rapides progrès et il peut bientôt voler de ses propres ailes.

Il s'en va donc à l'aventure et conquiert par sa beauté et son courage « Blancheflor » (Blanchefleur) qui devient son amie. Perceval insiste pour partir parce qu'il veut voir si sa mère est toujours en santé, mais il promet de revenir et d'épouser Blanchefleur après.

Perceval-Chretien.jpg

Après maintes péripéties, un soir qu'il cherchait un gîte, Perceval est reçu par le « Roi Pescheor » (Roi Pêcheur). Des valets l'habillent d'écarlate et l'introduisent dans une vaste salle carrée au milieu de laquelle gît, à demi couché sur un lit, un homme vêtu de zibeline.

Pendant que Perceval s'entretient avec lui, il est témoin d’un spectacle étrange : un valet qui tient une lance resplendissante de blancheur s'avance. « À la pointe du fer de la lance perlait une goutte de sang et jusqu'à la main du valet coulait cette goutte vermeille ». Deux autres valets suivent avec des chandeliers en or. Puis vient une belle jeune fille richement parée. Elle porte un Graal d'or pur orné de pierres précieuses. Chrétien de Troyes souligne : « Il vint alors une si grande clarté que les chandelles perdirent la leur, comme les étoiles quand le soleil ou la lune se lève ». Une autre jeune fille porte un tailloir ou plateau en argent. L'étrange cortège va d'une pièce à l'autre tandis qu'on prépare un splendide souper. À chaque plat, le cortège réapparaît avec le Graal, sans que les assistants semblent y faire attention. Par contre bouleversé et intrigué, Perceval, se demande « À qui s'adresse le service du Graal ». Mais, prisonnier de l'éducation reçue, il n'ose le demander ; car il se souvient des conseils de Gurnemanz qui lui a recommandé de réfléchir avant de parler et de ne pas poser de questions indiscrètes ; alors, il se tait. Après le repas, le châtelain, qu'un mal mystérieux semble ronger, se fait porter dans sa chambre par quatre serviteurs. Perceval s'endort à son tour. À l'aube, en se réveillant, il trouve le château vide. Actionné par des mains invisibles, le pont-levis s'abaisse devant lui. Perceval reprend la route, mais il est bien décidé à élucider le mystère et surtout à retrouver un jour le Graal.

Peu de temps après, une dame d’aspect horrible, telle qu’on en voit dans les légendes celtiques, arrive à la cour et reproche à Perceval de ne pas avoir interrogé son hôte à propos du Graal, car la question aurait eu le pouvoir de guérir le roi blessé et en même temps levé la malédiction qui pesait sur ses terres.

La partie suivante de la poésie parle du meilleur chevalier d'Arthur, « Gauvins » (Gauvain), qui a été défié en duel par un chevalier qui prétend que Gauvain avait tué son seigneur. Gauvain est en même temps un contraste et un complément à la naïveté de Perceval et ses aventures nous présentent un chevalier courtois qui doit agir dans des situations contraires à la courtoisie.

Les aventures de Gauvain le conduisent à un château gouverné par trois femmes : une reine, sa fille et sa petite-fille. Après avoir réussi l'épreuve du Lit Aventureux, Gauvain apprend qu'il s'agit en fait d'Ygerne, la mère d'Arthur, de l'épouse du roi Loth, sa propre mère, et de Clarissant, qui est donc sa sœur.

Par la suite, on ne parle plus de Perceval que brièvement avant la fin de la partie achevée par Chrétien de Troyes : Après cinq années de vaines recherches, il rencontre un ermite, son oncle, qui l'instruit dans les voies de l'esprit et lui révèle que le Graal est un calice (objet sacré contenant une hostie). Apportée chaque jour en procession solennelle au père du roi, cette hostie lui permet depuis quinze ans de se maintenir en vie.

Après que Perceval a reçu les sages conseils de son oncle, le poème revient à Gauvain, mais il se termine bientôt.

Le poète n'est pas arrivé à ramener Perceval au château mystérieux. Il est mort la plume à la main sans pouvoir achever son poème.

Les Continuations

Quatre poètes au talent inégal ont repris l'histoire là où Chrétien l’avait laissée et ont essayé de la conduire jusqu’au bout.

Première Continuation

La première Continuation a ajouté au roman de 9 500 à 19 600 vers (selon les manuscrits). Elle a été autrefois attribuée à Wauchier de Denain et c’est pourquoi on l’appelle parfois encore Pseudo-Wauchier. Il existe une version courte, une moyenne et une longue ; la courte est la plus ancienne et la plus mal reliée au travail de Chrétien. Roger Sherman Loomis croyait que cette version représentait la vraie tradition du Graal, sensiblement différente de celle de Chrétien. Cette première Continuation comprend les aventures antérieures de Gauvain ; sa mère et sa grand-mère sont allées voir Arthur, car la sœur de Gauvain, Clarissant, doit épouser Guiromelant. Gauvain s'oppose d'abord au mariage mais se réconcilie avec Guiromelant, et rejoint Arthur pour assiéger avec lui deux châteaux. Finalement, il visite le château du Graal au cours d’une scène décrite de façon remarquable.

Les versions les plus longues comprennent deux romans apparemment indépendants mais imbriqués dans l'action principale. Le Livre de Caradoc a pour héros Caradoc, un chevalier d'Arthur, il explique comment il a reçu son surnom « au court bras » ; l'autre raconte les mésaventures du frère de Gauvain, « Guerrehet » (Gaheris ou Gareth), sur un bateau tiré par un cygne.

Deuxième Continuation

Peu de temps après que la première Continuation eut été achevée, un autre auteur ajouta 13 000 vers à l’ensemble. Cette section aussi a été attribuée à Wauchier de Denain et pourrait bien, elle, être de lui. Composée surtout d'aventures, cette suite montre Perceval retournant au Château du Graal et réparant l'épée de Trébuchet. Toutefois, une mince fêlure ("osque": le mot a été conservé dans la moitié sud de la France) subsiste dans la lame, signe que l'âme de Perceval n’a pas encore atteint la perfection.

La Continuation de Gerbert

17 000 vers ont été ajoutés par cette continuation. L'auteur, d'habitude identifié comme Gerbert de Montreuil, a composé sa version indépendamment de Manessier mais vers la même époque. Il avait écrit une fin, malheureusement supprimée dans les deux copies subsistantes, qui insèrent ce texte amputé – mais encore de longueur respectable – entre la deuxième Continuation et celle de Manessier. Gerbert essaye de se rattacher aux finales des manuscrits laissées par Chrétien et par les autres auteurs, et l'influence de Robert de Boron y est sensible. Il est remarquable que Gerbert ait inclus dans son récit un épisode complet de Tristan qui n'existe nulle part ailleurs.

La Continuation de Manessier

La Continuation de Manessier (appelée aussi troisième Continuation parce que c’est sa place dans les manuscrits qui n’incluent pas Gerbert, mais cela prête à confusion) a ajouté 10 000 vers et (enfin) un dénouement. Manessier a fondu ensemble un grand nombre de fins imprécises venant des auteurs précédents et il a inclus plusieurs épisodes pris dans d’autres œuvres, en incluant la Joie de la Cour, une aventure d’Erec de Chrétien de Troyes et la mort d’Énide et de Calogrenant telle qu’on la raconte dans la partie consacrée à la Queste del Saint Graal dans le cycle du Graal de Lancelot. Le conte se termine avec la mort du Roi Pêcheur et la montée de Perceval sur son trône. Après sept ans de règne, Perceval s’en va mourir dans les bois, et Manessier suppose qu’il emporte avec lui au ciel le Graal, la Lance et le Plat d’argent.

L’influence de Perceval

Quoique Chrétien ne l’ait pas achevé, son roman exerça une énorme influence sur le monde littéraire du Moyen Âge. Perceval fit connaître le Saint Graal à une Europe enthousiasmée et toutes les versions de l’histoire du Graal remontent à lui directement ou indirectement. La plus célèbres des versions issues de Chrétien de Troyes est le Parzival de Wolfram von Eschenbach, l'une des plus grandes œuvres littéraires de l’Allemagne médiévale. L'œuvre de Wolfram a inspiré deux opéras de Richard Wagner: Parzifal et, de façon moins directe, Lohengrin. Un autre personnage dérivé de Perceval est le Gallois Peredur, fils d’Efrawg, héros d’un des trois romans gallois associés au Mabinogion.

Interprétations

Selon Philippe Jouët, l’épisode central de la présentation du Graal et des questions que Perceval n’a pas posées seraient la trace d’un verbal contest de passage de l’année. Le roi méhaigné représentant un cycle temporel et politique à son déclin et le Graal un récipient nourricier lié à la partie diurne de l’année. La faute de Perceval serait alors de ne pas avoir su assurer le renouvellement du cycle et symboliquement le rétablissement du Roi pêcheur et de sa terre[2].

Annexes

Notes et références

  1. Philippe Walter, Chrétien de Troyes, Presses universitaires de France, collection Que sais-je ?, Paris, 1997, p. 58
  2. Philippe Jouët, L’Aurore celtique dans la mythologie, l'épopée et les traditions, Yoran embanner, Fouesnant, 2007, p.32-33(ISBN 978-2-914855-33-8)

Articles connexes

Liens externes

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Bibliographie

  • Chrétien de Troyes, Le conte du Graal ou le Roman de Perceval. Nombreuses éditions. Voir entre autres celle du Livre de Poche, texte présenté, édité et traduit par Charles Méla, Paris: Librairie générale française, collection "Lettres gothiques" dirigée par Michel Zink (1990); voir aussi la réédition de l'édition d'Alfons Hilka de 1932, avec traduction et présentation par Jean Dufournet, Paris: GF Flammarion (1997); etc. L'édition "classique" la plus récente (texte original, avec introduction, notes, variantes, table des noms propres et glossaire, mais sans traduction), est celle de Félix Lecoy Les romans de Chrétien de Troyes édités d'après la copie de Guiot (Bibl. nat. fr. 794). V. Le Conte du Graal (Perceval), Paris: Librairie Honoré Champion, collection "Les classiques français du moyen âge", 2 volumes (1972 et 1975). Pour une traduction seule, voir Perceval ou le Roman du Graal, suivi d'un choix de continuations, traduction et notes de Jean-Pierre Foucher et André Ortais, préface d'Armand Hoog, Paris: Gallimard, collection "Folio" (1974). Enfin, parmi les adaptations, la plus récente et l'une des meilleures est celle d'Anne-Marie Cadot-Colin Perceval ou le conte du Graal, Paris: Librairie générale française, collection "Le Livre de Poche Jeunesse" (2008).
  • Plusieurs "continuations" du conte du Graal ont été publiées. Voir par exemple la Première Continuation de Perceval (ou "Continuation Gauvain"), éditée par William Roach, (version courte du ms. L) présentée et traduite par Colette-Anne Van Coolput-Storms, Paris: Librairie générale française, Le Livre de Poche, collection "Lettres gothiques" dirigée par Michel Zink (1993); ou encore la Troisième continuation du Conte du Graal, de Manessier, texte édité par William Roach, présenté, traduit et annoté par Marie-Noëlle Toury, Paris: Honoré Champion, collection "Champion Classiques" (2004). Les autres éditions ne donnent que les textes originaux, sans traduction en français moderne; la principale est celle de William Roach The Continuations of the old French Perceval of Chretien de Troyes, Philadelphie: The American Philosophical Society, 5 tomes en 6 volumes (1949-1983). On peut citer en outre la continuation de Gerbert de Montreuil (qui n'est pas reprise par William Roach), éditée par Mary Williams et Marguerite Oswald, Paris: Librairie Honoré Champion, collection "Les classiques français du moyen âge", 3 volumes (1922, rééd. 1961; 1925; 1975).
  • Robert de Boron, Le roman du Graal. Manuscrit de Modène, édité par Bernard Cerquiglini. Paris: Union générale d'éditions, collection 10/18 (1981).
  • Le Haut Livre du Graal ou Perlesvaus. Texte établi, présenté et traduit par Armand Strubel, Paris: Librairie générale française, Le Livre de Poche, collection "Lettres gothiques" dirigée par Michel Zink (2007).
  • Wolfram d'Eschenbach, Parzival. Plusieurs traductions en français moderne, par exemple celle d'Adolphe Grandmont, Genève: éditions anthroposophiques romandes (2004); ou encore celle de Danielle Buschinger et Jean-Marc Pastré, Paris: Champion (2010).

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