Philippe de Commynes

Philippe de Commynes
Buste de Philippe de Commynes. Calcaire polychrome du début du XVIe s. Musée du Louvre, Paris.

Philippe de Commynes ou Philippe de Commines, né en 1447 et mort en 1511, est un homme politique, chroniqueur et mémorialiste français d'origine flamande.

Sommaire

La naissance

Fils de Colard II de la Clyte, seigneur de Renescure bailli de Flandres, Philippe de Commines (ou de Commynes) est né au château de Jean II de Commynes, cousin de son père, à Renescure. Les de La Clyte, d'origine yproise, sont une lignée dont l'anoblissement date de la fin du XIVe siècle. Plusieurs générations de la lignée des Commynes ont servi à divers niveaux de l'administration ducale.

Philippe le Bon, auprès duquel son père a combattu, donne solennellement son prénom à l'enfant.

Armes de La Clyte de Comynes.

La jeunesse

En 1447, Philippe de Commynes perd sa mère, Marguerite d'Armuyden [1]. Six ans plus tard, la mort de son père en 1453 le laisse orphelin et sans ressources à cause de la gestion maladroite des biens de famille. L'éducation du jeune Commynes est confiée à son cousin Jean de Commynes, qui le recueille dans son château de Comines. Son tuteur est souvent absent ; c’est donc sa cousine, Jeanne d’Estouteville, qui avait épousé Jean II de Commynes en 1444, qui l’élève.

Bien qu'il n'ait reçu une éducation très approfondie, Philippe de Commynes révèle très vite un esprit vif et curieux. Il aime à s'entourer de gens érudits et sages. Il ne parle pas le latin mais manie le français à la perfection.

Philippe de Commynes entame sa carrière diplomatique en 1464. À l'automne de cette année là, il est amené à LillePhilippe le Bon l'attache, en qualité d'écuyer, à la personne de son fils, le comte de Charolais, futur Charles le Téméraire, Duc de Bourgogne, d'une dizaine d'années son aîné.

Durant les années passées dans l'intimité du comte, devenu duc de Bourgogne à la mort de son père, il apprend à connaître et à supporter le tempérament violent de son maître. Mais ils entretiennent des rapports de confiance, car ce dernier lui confie plusieurs missions diplomatiques, en Angleterre en particulier, où le jeune Commynes commence à tisser des réseaux et à parfaire sa culture en se procurant des livres et des tableaux. Son goût pour le mécénat est un des aspects les plus intéressants de sa carrière.

Au service de Louis XI

En 1468, la rencontre de Péronne entre le Duc de Bourgogne et Louis XI marque un tournant décisif dans le cours de son existence. Flatté par l'attention que le roi lui accorde, Commynes lui donne de secrets et précieux conseils qui aident Louis à se tirer de la situation fort délicate dans laquelle il s'était mis. Moins de quatre ans plus tard, Commynes passera clairement dans le camp du roi de France, devenant même son conseiller et secrétaire intime. Louis XI le nommera finalement Sénéchal du Poitou.

Dans la nuit du 7 au 8 août 1472, Philippe de Commynes quitte furtivement le camp du duc de Charles le Téméraire, pour rejoindre Louis XI, roi de France. Au-delà des évidents mobiles économiques, des facteurs psychologiques, idéologiques et moraux ont joué dans ce départ. C'est le choix d'un homme, Louis XI, que fait le mémorialiste, et également d'un système de gouvernement. On connaît par Commynes lui-même les frustrations qu'il a éprouvées au service du Téméraire.

La célèbre rencontre de Péronne entre Louis XI et Charles le Téméraire (1468) que Commynes nous raconte longuement dans les Mémoires a été déterminante. On connaît les circonstances de l'événement du roi : son départ soudain pour Péronne, l'« erreur » (le mot est de Commynes) commise par Louis XI qui, au moment même de sa rencontre avec le duc, envoie à Liège des agents chargés d'attiser la révolte des habitants, cependant qu'il néglige d'informer ces mêmes agents de l'initiative qu'il va prendre à Péronne. La perspective d'une fin tragique de Louis XI n'avait rien d'inconcevable. On sait par les lettres de Louis XI que Commynes l'a aidé à se sortir de ce mauvais pas.

Le roi le fit chevalier de l’Ordre de Saint-Michel en 1478[2].

Commynes restera au service de Louis XI jusqu'à la mort du roi en 1483. Il y joue un rôle important. Au compte des réussites figurent les gains financiers et fonciers. Commynes a été un de ceux qui ont le plus profité de l'arbitraire royal, lorsque Louis XI a redistribué les terres confisquées à son avènement ou pendant son règne. Commynes récupère une partie des dépouilles des Nemours, mais ce seront surtout les considérables domaines pris aux La Trémoïlle qui feront la fortune du mémorialiste, en particulier la principauté de Talmont et de vastes domaines sur la côte du Bas-Poitou. Le roi règle également les conditions du mariage de Commynes avec Hélène de Chambes, et c'est le roi qui fournit la somme de 30 000 écus pour transférer aux nouveaux époux, en janvier 1473, l'entière possession du domaine d'Argenton en Poitou.

Le diplomate

Portrait fantaisiste de Philippe de Commynes par Chasselat, gravé par Migneret

Si les considérations financières et économiques ont joué un rôle capital, peut-être trop, dans les choix de Commynes pendant et après la mort de Louis XI, il y a un domaine où ses compétences et son intelligence se sont pleinement manifestées : c'est la diplomatie.

Commynes a passé une quarantaine d'années au service de trois rois, Louis XI, Charles VIII et Louis XII, plus si l'on tient compte de l'expérience bourguignonne. Une quarantaine d'années au cours desquelles le transfuge, le diplomate a vu s'élargir continûment son aire d'activité.

Hormis les grandes missions officielles de Commynes à Florence en 1478 et à Venise en 1494-1495, c'est dans le large champ de la diplomatie souterraine que Commynes agit efficacement. L'Italie est son domaine de prédilection.

Dans un ensemble d'une centaine de lettres aujourd'hui répertoriées (soit un ensemble épistolaire dont on connaît peu d'équivalents en langue française pour une période aussi reculée que le XVe siècle), une bonne vingtaine de destinataires de lettres sont les correspondants habituels de Commynes, parmi lesquels on compte en priorité les membres de l'état-major de la banque Médicis, Laurent de Médicis, le clan Sassetti, Francesco Gaddi...

La disgrâce

Dans son opposition au jeune Charles VIII, à la mort de Louis XI en 1483, les idées libérales de Philippe de Commynes et l'intérêt qu'il porte au parlementarisme anglais le conduisent à rejoindre le Duc d'Orléans (futur Louis XII).

Pour avoir participé à la « guerre folle » contre le roi, Commynes tombe en disgrâce. Il est dépouillé de ses charges et terres octroyées par Louis XI. En 1488, il est emprisonné plusieurs mois à Loches. Amnistié, il rallie le service de Charles VIII et effectue diverses missions en Italie.

Par son mariage en 1473, Philippe de Commynes acquiert la seigneurie d'Argenton. Le seigneur d'Argenton mène grand train, même dans les dix dernières années de sa vie, à un moment où on le dit éloigné des centres de pouvoir. Et ce avec d'autant plus de passion que la situation du transfuge reste précaire. C'est le sens des lettres royaux de Charles VIII qui retirent à Commynes l'ensemble des biens que son ancien maître lui avait généreusement donnés.

Dans l'impossibilité d'assurer ses arrières, Commynes s'est en effet engagé dans des voies imprévues et incertaines. Pendant la Régence d'Anne de Beaujeu, il joue un rôle actif dans la coalition formée autour du duc d'Orléans, le futur Louis XII, pour enlever le jeune Charles VIII à l'automne 1484. Après un court séjour à Montsoreau, il se réfugie auprès du duc Jean de Bourbon, à Moulins, d'où il tente de coaliser les princes, envoyant des missives à des destinataires dont les noms sont codés.

Philippe de Commynes est arrêté au mois de février 1487, enfermé au château de Loches, dans une cage de fer, où il demeure cinq mois, avant d'être transféré à Paris, d'où il voyait de sa fenêtre les bateaux remontant la Seine. Son procès se termine en mars 1489, par une confiscation du quart de ses biens et par une sentence de rélégation pour dix ans.

Il se retire dans sa seigneurie d'Argenton, où il décède en 1511. Les tracasseries judiciaires ne cesseront pas jusqu'à sa mort.

L'homme de plume

Philippe de Commynes a rédigé les mémoires des règnes de Louis XI et de Charles VIII. Il observa et écrivit avec impartialité des récits fidèles, ce qui lui fit gagner la confiance des puissants. Diplomate, il déploya ses talents dans l’arène italienne et joua le coordonnateur entre le roi et la Péninsule italienne.

Le lit de mort de Philippe de Commynes.

Ses mémoires constituent de précieuses sources de l'Histoire de France et de l'Europe. Ils font encore aujourd'hui l'objet de recherches. Grand visionnaire, il constata et regretta l'antagonisme permanent entre les nations européennes et aspira à une Europe soudée et unie par la chrétienté.

Il prôna le libre commerce, la réforme de la monnaie et du système de poids et mesures ainsi que la consultation d'États Généraux afin d'éviter tout despotisme.

Philippe de Commynes est le seul auteur médiéval dont la réception a été continue du Moyen Âge au XXe siècle. Même François Villon n'a pas connu pareille fortune. On ne compte ainsi pas moins de 120 éditions entre 1540 et 1643.

Les Mémoires de Philippe de Commynes ont été rédigés en deux temps :

  • les livres I à VI entre 1489 et 1491,
  • les livres VII et VIII (consacrés à l'expédition italienne) entre 1497 et 1498,

Les Mémoires n'ont pas été écrits d'une seule tenue : on relève des traces de retouches, dans la dernière partie surtout.

Les premières éditions des Mémoires datent de 1524 (livres I-VI) et de 1528 (livres VII-VIII).

Bibliographie

  • Philippe de Commynes, Mémoires, éd. Joël Blanchard, Genève, Droz, 2007, 2 vol.
  • Joël Blanchard, Philippe de Commynes, Paris, Fayard, 2006.
  • Les Mémoires de Philippe de Commynes ont été traduits dans de nombreuses langues, dont la dernière est le russe (1981).

Notes et références

  1. Bréhier, Louis. "Philippe de Commines." The Catholic Encyclopedia. Vol. 4. New York: Robert Appleton Company, 1908. 8 July 2008 http://www.newadvent.org/cathen/04163a.htm
  2. Laurent Granier, « Armoiries de personnages historiques » sur www.laurentgranier.com. Consulté le 25 avril 2011

Sources et références


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