Physiocratie

Physiocratie

La physiocratie (étymologiquement : gouvernement par la nature en ancien grec) est une école de pensée économique et politique née en France vers 1750, qui a connu son apogée au cours de la seconde moitié du XVIIIe siècle, et qui est à l'origine de la conception moderne de l'économie.

Sommaire

Historique

François Quesnay

On s'accorde à penser que le fondateur de cette école est François Quesnay, qui en deviendra le chef de file incontesté après la publication du Tableau économique en 1758, où il représente la circulation des richesses dans l'économie.

Les Physiocrates s'appelaient entre eux « Les Économistes ». Le terme de physiocrate, signifiant littéralement « gouvernement » (du grec « kratein ») par la nature (du grec « phusis ») a été forgé par l'un d'entre eux, Pierre Samuel du Pont de Nemours.

Le « Tableau économique » de Quesnay s'inspire de la théorie des cycles de François Véron Duverger de Forbonnais et du « zig-zag[1] » élaboré sous la direction de Vincent de Gournay et Richard Cantillon. Ces travaux révolutionnaires pour l'époque anticipent ceux d'Adam Smith en s'intéressant à la création de la richesse, mais aussi et surtout à sa répartition via des diagrammes de flux et de stocks représentant de manière très élaborée le fonctionnement de l'économie. Le but de ce groupe de marchands et de grands commis de l'État est de mettre en place les outils qui permettront au Roi de France de mieux mesurer la création de richesse et ainsi pouvoir faire de meilleures lois permettant d'éviter les disettes via une production et une répartition optimisées des richesses. Cependant, en prenant pour hypothèse que le travail est la source de toute création de richesse, cette analyse va heurter de plein front les intérêts de l'aristocratie française, pour laquelle le simple fait de travailler était synonyme de dérogeance; si un Noble travaillait et que cela venait à se savoir, il en perdait sa noblesse, et seule une lettre de réhabilitation du Roi pouvait la lui rendre.

François de Quesnay en habile politique va dans le « Tableau économique » faire reposer la source de la richesse non plus sur le travail, mais sur la capacité « miraculeuse » de la terre à produire de la nourriture à chaque printemps. Il arrivera ainsi à se concilier les bonnes grâces des rentiers terriens tout en proposant un nouveau système prenant en compte autant que se peut les idées nouvelles et permettant de dépasser le mercantilisme (et le colbertisme) sans révolutionner la société. Les physiocrates font émerger des principes foncièrement anti-chrétiens pour leur temps, notamment l'idée selon laquelle les progrès de l'agriculture permettraient à Adam de se laver du péché originel en n'ayant plus à travailler à la sueur de son front pour assumer sa subsistance. Ils expriment ainsi des idées, très souterraines au XVIIIe siècle -et pas uniquement françaises-, selon lesquelles l'homme individuel aurait accès à l'intégralité du bonheur suprême en tant que créature limitée, et qu'il n'aurait donc nul besoin de transcendance.[réf. nécessaire] C'est Turgot, célèbre physiocrate, qui est l'auteur du texte d'une gravure sur bois à l'effigie de Benjamin Franklin : « Eripuit coelo fulmen sceptrumque tyrannis » (il arrache le feu des cieux et le sceptre de la tyrannie), phrase dont certains[Qui ?] ont noté le caractère particulièrement « luciférien» pour l'époque.

Turgot, Catherine II la Grande, le roi Stanislas II font aussi partie de cette école de pensée.

Les principes de l'école physiocratique

La richesse

Tableau économique de Quesnay

En opposition aux idées mercantilistes, les physiocrates considèrent que la richesse d'un pays consiste en la richesse de tous ses habitants et non pas seulement en celle de l'État. Cette richesse est formée de tous les biens qui satisfont un besoin et non de métaux précieux qu'il faudrait thésauriser. La richesse doit être produite par le travail.

Pour les physiocrates, la seule activité réellement productive est l'agriculture. La terre multiplie les biens : une graine semée produit plusieurs graines. Au final, la terre laisse un produit net ou surplus. L'industrie et le commerce sont considérés comme des activités stériles car elles se contentent de transformer les matières premières produites par l'agriculture.

La Physiocratie distingue trois classes d'agents économiques :

  1. La classe des paysans, qui est la seule productive (producteurs terriens),
  2. la deuxième classe est appelée stérile et est composée des marchands et "industriels".
  3. la troisième classe est celle des propriétaires.

Cette vision de l'économie est naturelle à une époque où l'immense majorité de la population est formée d'agriculteurs qui produisent tout juste de quoi assurer leur propre survie. La thèse selon laquelle la terre est la seule source de richesse, qui distingue les Physiocrates de leurs successeurs classiques, est néanmoins secondaire par rapport aux autres apports par lesquels les Physiocrates se distinguent de leurs prédécesseurs, qui ont été repris par les classiques et qui fondent l'économie moderne.

Vincent de Gournay et Turgot, souvent assimilés à l'école physiocratique, pensent au contraire que les manufactures et le commerce sont générateurs de richesses. Ils ne doivent donc pas être comptés parmi les physiocrates même si ces derniers leur ont fait beaucoup d'emprunts.

Laissez faire les hommes, laissez passer les marchandises

Portrait de Vincent de Gournay

Dans la controverse sur le commerce des grains qui marque le milieu du XVIIIe siècle, les Physiocrates prennent parti contre les restrictions gouvernementales au commerce des blés (qui sont à l'époque la base de l'alimentation). Plus généralement, ils affirment que la meilleure façon de maximiser la richesse de tous est de laisser chacun agir à sa guise selon ses moyens et mettent ainsi au premier plan la liberté du commerce comme principe de politique économique[2].

Vincent de Gournay a popularisé la fameuse phrase « Laissez faire les hommes, laissez passer les marchandises », probablement due au Marquis d'Argenson, et qui passera à la postérité. Ce programme résumé en une phrase connaîtra un renouveau particulier avec la mise en avant des idées libérales dans le dernier quart du XXe siècle, les partisans du libre-échange reconnaissant les physiocrates comme des précurseurs du libéralisme économique[3].

Ordre naturel

Selon les physiocrates, il existe un ordre naturel gouverné par des lois qui lui sont propres, et qui repose sur le droit naturel. Par exemple, chaque homme a droit à ce qu'il acquiert librement par le travail et l'échange. Le rôle des économistes est de révéler ces lois de la nature. La liberté et la propriété sont des droits naturels que le souverain doit respecter et protéger en les consacrant dans le droit positif. Le rôle du pouvoir est de garantir l'application du droit naturel.

Les physiocrates ne remettent pas en question la monarchie, mais veulent que le souverain, loin de se comporter en monarque absolu ou en despote arbitraire, se soumette au droit naturel et le fasse respecter. En revanche, pour faire respecter ce droit naturel qui s'impose à tous, il doit user de toute son autorité. C'est le sens de l'expression « despotisme légal » utilisée par Lemercier de la Rivière, qui s'apparente plus au concept libéral d'État minimum qu'à l'acception courante du mot despotisme.

Citations

«  La doctrine des physiocrates est un mélange de libéralisme économique et de despotisme éclairé [...] la pensée des physiocrates s'ordonne autour de quatre grands thèmes : la nature, la liberté, la terre, le « despotisme légal » [...] L'État doit être gouverné par des propriétaires fonciers ; eux seuls ont une patrie ; patrie et patrimoine sont joints. [...] Les physiocrates sont donc hostiles à toute réglementation. Leur formule est « laissez faire, laissez passer » [...] Les physiocrates sont partisans de la monarchie absolue.  » Histoire des idées politiques, Tome2, Du XVIIIe siècle à nos jours, Jean Touchard, PUF, 1958.

Liste (non exhaustive) de physiocrates

Notes et références

  1. Simone Meysonnier, La Balance et l'horloge, La genèse de la pensée libérale en France au XVIII eme siècle, ed. Les éditions de la passion.
  2. Les physiocrates sont les premiers libéraux ; ils considèrent que l'État ne doit pas intervenir dans l'économie et qu'il doit respecter les lois physiques qui la guident. Les intérêts individuels, et surtout ceux des agriculteurs, sont conformes à l'intérêt général. Il faut respecter l'ordre naturel de l'économie et respecter la propriété privée. Marc Montoussé, Théories économiques, Paris, Bréal, 1999, p. 11
  3. Idem

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

  • Anthony Mergey, L'Etat des physiocrates : autorité et décentralisation, Thèse, Droit, Orléans, 2007.
  • Yves Citton, Portrait de l'économiste en physiocrate. Critique littéraire de l'économie politique, Paris, L'Harmattan, 2001, 348 p.  (ISBN 2-7384-9996-1)

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