Phytovirus

Phytovirus
Attaque du virus de la mosaïque jaune du navet sur chou

Un phytovirus est un virus s'attaquant aux organismes végétaux. Ces virus ont la particularité de pénétrer la cellule végétale de leur hôte afin de détourner à leur profit les mécanismes de la cellule et leur permettre de se reproduire.

Cette multiplication virale finit par provoquer une modification métabolique ou la destruction de la cellule. La prolifération des virus à l’intérieur des tissus végétaux peut dans certains cas n’entraîner aucun symptôme visible dans un premier temps (phénomène de masquage), mais très souvent les attaques virales se manifestent par des symptômes tels que des mosaïques, des marbrures ou des fasciations.

Les lignées de virus végétaux ont évolué indépendamment les unes des autres : comme la plupart des endoparasites, les virus se multiplient en vase clos dans leurs hôtes. L’évolution en parallèle des souches virales et des hôtes résistants (co-évolution) est à l’origine d’une grande spécialisation des virus vis-à-vis de leur hôte. Des virus sont ainsi capables de n’attaquer qu’une seule espèce ou une seule famille de végétaux. Le virus de la mosaïque du tabac par exemple, est capable d’attaquer la plupart des plantes appartenant uniquement à la famille des solanacées (tomate, tabac, aubergine, etc.)

Sommaire

Histoire

La découverte des virus phytopathogènes, à l'origine de maladies, est souvent attribuée à Martinus Beijerinck qui démontra, en 1898, que la sève extraite d'une feuille de tabac atteinte de la maladie de la mosaïque restait infectieuse après avoir passé à travers un filtre en porcelaine. Cela excluait que l'agent causal de la maladie soit assimilable à des microorganisme du type bactérie, qui étaient retenus par le filtre. Beijerinck désigna le filtrat infectieux « contagium vivum fluidum », expression à l'origine du terme moderne « virus ».

Après la découverte initial du « concept viral », on ressentit le besoin d'une classification de toute nouvelle maladie virale basée sur le mode de transmission, même si les observations au microscope se sont révélées vaines. En 1939, Holmes publia une première classification comprenant une liste de 129 virus végétaux. Cette classification s'est étendue par la suite et en 1999, il y avait 977 espèces de phytovirus reconnues officiellement, auxquelles s'ajoutaient un certain nombre d'espèces « provisoires ».

La purification (cristallisation) du virus de la mosaïque du tabac (TMV) fut réalisée pour la première fois par Wendell Stanley, qui publia sa découverte en 1935, bien qu'il ne put déterminer que c'est l'ARN qui constituait le matériel infectieux. Il reçut toutefois le prix Nobel de chimie en 1946. Dans les années 1950, une découverte, faite simultanément par deux laboratoires, démontra que l'ARN purifié du TMV était infectieux, ce qui renforça l'argument. C'est l'ARN qui porte l'information génétique permettant de coder la production de nouvelles particules infectieuses.

Plus récemment, la recherche sur les virus s'est focalisée sur la compréhension de la génétique et de la biologie moléculaire du génome des phytovirus, avec un intérêt particulier pour comprendre comment le virus peut se répliquer, se déplacer et infecter les plantes. La compréhension de la génétique des virus et des fonctions des protéines a servi aux sociétés de biotechnologie pour explorer les applications commerciales possibles. En particulier, les séquences dérivées des virus ont permis de découvrir des formes originales de résistance. Les développements technologiques récents permettant à l'homme de manipuler les phytovirus peuvent déboucher sur de nouvelles stratégies pour la production de protéines à valeur ajoutée par les plantes.

Classement des phytovirus

Structure du virus de la mosaïque du tabac (bâtonnets).
1=acide nucléique - 2=capsomère - 3=capside

La structure des phytovirus est bien définie. Elle se présente sous forme de particules virales (ou virions) qui ont des caractéristiques isométriques, de bâtonnets rigides ou filamenteux, ainsi que des formes bacilliformes.

L’organisation des phytovirus en catégories, genre et famille est essentiellement basée sur trois critères :

  • la nature du matériel génétique: ADN ou ARN, mono ou bicaténaire (un brin ou deux) ;
  • le niveau d’homologie (ressemblance issue d’un ancêtre commun) des gènes. Pour se faire, le matériel génétique de chaque virus est séquencé. Les successions des bases azotées des différents virus sont comparées, et les virus dont les séquences sont les plus proches sont regroupés dans un même taxon. Les genres (par exemple les Caulimovirus), puis les familles (par exemple les Caulimoviridea), sont définis par leur degré d'homologie.

Cependant il n'est pas toujours possible de regrouper tous les genres dans des familles; il existe donc des genres isolés, comme le sont les Benyvirus ou les Pomovirus.

  • Dans une moindre mesure, la forme des particules virales est utilisée comme critère, notamment pour le groupe des virus à ARN monocaténaire messager. Cette famille est sous-divisée en virus isométriques, particules hélicoïdales, en bâtonnet ou flexueuses.

Les viroïdes

Les viroïdes se distinguent des virus ; ils ont une structure bien plus simple et le principe de leur multiplication n’est pas tout à fait identique.

Les viroïdes sont constitués exclusivement d’un ARN monocaténaire circulaire qui possède une structure spatiale très compacte et rigide. Il n’y a pas de capside et encore moins d’enveloppe. Les viroïdes ont été classés en deux familles : les Pospoviroidae et les Avsunviroidae.

L’ARN polymérase de la plante assure la synthèse de nouveaux viroïdes qui s’accumulent alors dans le nucléole, le reste du noyau ou de la membrane des thylakoïdes des chloroplastes.

Cette accumulation de viroïdes à l’intérieur de la cellule entraîne un dysfonctionnement métabolique empêchant par exemple la multiplication cellulaire. La multiplication des viroïdes est favorisée par une augmentation de la durée de jour et une augmentation de la température, c’est pour cette raison qu’ils sont impliqués dans des maladies tropicales, méditerranéennes ou de plantes d’ornement élevées sous serre. Une de ces attaques provoque le « cadang cadang » qui aboutit à un dépérissement lent mais létal des cocotiers et qui a déjà décimé des milliers d’arbres.

La transmission virale

Déplacement des virus dans la plante

À courte distance, d’une cellule à l’autre, les virus s’associent à des protéines de mouvement avec lesquelles ils forment un complexe. Ce complexe aboutit parfois à la formation de tubules, assure le passage des virus par les plasmodesmes .

À longue distance, les virus utilisent les tubes de transport de la sève élaborée que sont les cellules du phloème.

La transmission verticale

La transmission verticale désigne la transmission d’une génération de plantes à la suivante. A quelques exceptions près, les virus ne sont transmis, ni par les semences, ni par le pollen. Par contre la multiplication végétative des plantes permet l’infection de toute la descendance. L’élimination des tissus virosés se fait essentiellement par micro-bouturage et la culture de méristèmes.

La transmission horizontale

La transmission horizontale désigne la transmission des virus de plante à plante. La transmission de plante à plante peut avoir lieu par inoculation mécanique lors d’une greffe ou sous l’effet du vent qui fait se frotter deux branches. Les pratiques culturales, taille, labours, peuvent assurer également la transmission horizontale.

Le mode de transmission le plus spécifique aux virus reste la transmission par des organismes vivants, appelés vecteurs : ravageurs, champignons ou cuscute (végétal parasite). Parmi les ravageurs, on trouve tous les ravageurs piqueurs-suceurs : acariens, nématodes, et surtout les insectes comme pucerons, cochenilles, cicadelles, aleurodes et thrips, ainsi que certains coléoptères.

Les phytovirus transmis par des vecteurs peuvent être classés en deux catégories, les virus non circulants et les virus circulants.

Afin de mieux comprendre ces modes de transmissions il faut savoir sur quelles bases ils se définissent:

• Le temps nécessaire à l’acquisition du virus par l’insecte à partir d’une plante infectée. • Le temps d’inoculation qui correspond au temps nécessaire au virus pour transmettre le virus à une plante saine. • La période de latence définissant la période s’écoulant entre le moment où le vecteur à acquis un virus et le moment où il peut transmettre le virus à une plante. • La période de rétention qui correspond au temps pendant lequel un vecteur ayant acquis un virus reste capable de le transmettre à une plante.


Les virus non circulants

Ils sont transportés par les pièces buccales de l’animal (insecte phytophage, par exemple un puceron). Le vecteur perd son infectivité lors d'une mue. On distingue parmi ces types de virus :

  • Les virus non persistants : Constituent une majorité de virus de végétaux causant beaucoup de perte économiques. ces virus ont une durée très brève de rétention dans le vecteur. Le repas d’acquisition est de très courte durée (quelques secondes) et le virus doit être inoculé très rapidement pour pouvoir se propager.

Les pucerons sont les vecteurs les plus importants pour cette voie de transmission. Lors de piqures d’essais, afin de constater l’état favorable ou non de la plante( sondage), les virions, grâce à des interactions protéines – protéines, se fixent sur la couche cuticulaire des pièces buccales (stylet : d’où le nom de la transmission en mode stylet) ou du tractus digestif antérieur par aspiration. Le temps de latence étant nul, on s’organise vers un temps d’acquisition (optimum 15/30 secondes) et d’inoculation (quelques minutes) très court, pour transmettre le virus à une plante saine sensible, car sinon les virus seront perdu par égestion ou salivation. Ce modèle de transmission doit s’avérer efficace. Pour cela (d’après des études sur le CMV virus de la mosaïque du concombre) le virus induit à la plante une augmentation de la concentration en composés volatils, afin d’attirer les pucerons, mais une baisse de la qualité, surtout gustative, pour que la piqure de sondage récupère des virions et repousse le puceron porteur. La transmission peut s’effectuer alors le plus rapidement possible vers une plante saine et sensible.

  • Les virus semi persistants : ces virus ont une durée de rétention plus longue (quelques heures). Pour que le virus se propage, le repas d’acquisition et le repas d’inoculation doivent être plus longs (quelques heures également).

Chez un groupe de nématodes, du genre Xiphinema, la transmission d’un Nepovirus se fait selon le mode non circulant, mais avec une persistance qui peut aller de quelques semaines à quelques mois. Si le nématode vit suffisamment longtemps, il peut assurer la transmission du virus entre deux cultures annuelles.

Les virus circulants

Les virions circulent dans le système digestif, l’hémolymphe, puis dans les glandes salivaires du vecteur, où ils résident mais ne se répliquent pas, pour finir enfin dans le canal salivaire par lequel ils sont introduits dans une nouvelle plante. Ces virus sont aussi qualifiés de persistants. Les repas d’acquisition et d’inoculation sont de plusieurs heures et séparés par une longue période de latence durant laquelle l’insecte ne peut pas transmettre le virus. Le vecteur garde son infectivité lors d'une mue (passage transstadial). Leur transmission semblerait favorisée par les changements induits par le virus chez les plantes attirant les vecteurs en encourageant leur reproduction et leur alimentation soutenu sur les plantes infectées. Les paramètres qui régissent l’expansion d’une maladie virale transmise par des vecteurs dépend des divers facteurs relatifs à la biologie du vecteur lui-même. La connaissance des paramètres permet de mettre en place des systèmes prévisionnels permettant de conduire une lutte efficace : élimination des sources de virus durant l’inter-culture ou l’interférence avec le comportement des vecteurs.

La lutte contre les phytovirus

Il n'existe pas de substance chimique, connue à ce jour, capable d’assurer une lutte curative : seul la lutte préventive peut être envisagée.

La sélection génétique

Les moyens de défense naturels des végétaux (synthèse de protéines de défenses, hypersensibilité) pour lutter contre les virus sont souvent de nature génétique. Cette aptitude définie la notion de résistance variétale. L’expérience prouve que plus une plante est sélectionnée dans un objectif de rendement, et plus on la fragilise[réf. nécessaire]. Les généticiens ont donc été amenés à créer de nouvelles variétés en introduisant des gènes de résistance par le biais de croisements et de sélection, ou par le biais de la méthode de transgénèse.

Par exemple on croise des plants de tomates (Lycopersicon esculentum) avec des espèces sauvages comme Lycopersicon hirsutum ou Lycopersicon peruvianum afin d’améliorer la résistance aux virus de la mosaïque du tabac, de la marbrure du tabac et du virus Y de la pomme de terre.

De même des croisements sont effectués entre l’orge et le triticale afin d’obtenir des variétés résistantes au virus de la mosaïque jaunissante de l'orge.

Élimination des sources de vecteurs

Pour les virus non persistants, la propagation de l’épidémie se fait dans un rayon d’une centaine de mètres autour du plant virosé.

  • La lutte consiste à éliminer les sources de virus comme les plantes pérennes ou bisannuelles adventices pendant l’interculture.
  • On peut notamment protéger la culture par une haie dans les régions ventées. En effet le vent est un facteur de propagation de l’insecte notamment pour les cultures maraîchères basses.
  • On peut aussi utiliser un insecticide qui intercepte le vecteur en vol[réf. nécessaire].
  • On peut pulvériser de l’huile de synthèse sur les plants afin de limiter l’accrochage de virus à l’appareil buccal de l’insecte[réf. nécessaire].

La propagation des virus persistants peut se faire sur des centaines de kilomètres. La maîtrise de la population de phytophage vecteur peut parfois s’imposer. Dans ces cas là, l’utilisation d’un insecticide sur le feuillage ou dans le sol peut être préconisé. Ce type de traitement intervient notamment pour le virus de l'enroulement de la pomme de terre ou bien le virus de la jaunisse nanisante de l’orge.

Cultures de méristèmes

Les méristèmes sont indemnes de virus. Sur le milieu de culture contenant des hormones et des inhibiteurs de réplication, la culture de méristèmes permet la multiplication de clones sains à grande échelle.

La thermothérapie

La thermothérapie consiste à exposer le végétal à une forte température. Elle est capable de détruire les virus à l’image d’une fièvre chez les humains. Pour cela on procède à des bains chauds ou on place dans une ambiance chauffés les végétaux à « traiter ». Cette solution n’est envisagée que pour des petites cultures[réf. nécessaire].

Les fraisiers au chaud

Des plantules de fraisiers infectées par le virus de la marbrure peuvent être assainies par un séjour de trois à quatre semaines à 37/38 °C. En général cette technique de thermothérapie est réservée à la lutte préventive pour produire des greffons ou plants indemnes de virus.

La prémunition

La prémunition consiste à inoculer une souche virale produisant des symptômes atténués afin de protéger les plantes contre l’infection ultérieure de souches sévères du même virus ou viroïde. Cependant, il peut se produire un phénomène de réversion qui fait régresser la souche prémunisante en souche virulente. De plus certaines souches prémunisantes peuvent être virulentes pour d’autres espèces.

Le côté aléatoire de cette technique en fait une méthode transitoire dans l’attente d’autres solutions moins onéreuses et plus pratiques à mettre en œuvre. À l’heure actuelle les virus faisant l’objet d’une prémunition à une échelle commerciale sont le virus de la tristeza des agrumes, le virus de la tache annulaire de la papaye, le virus de la mosaïque jaune de la courgette, le virus de la mosaïque du tabac.

Notes et références

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • (fr) Josette Albouy, Suzanne Astier, Hervé Lecoq, Yves Maury, Principes de virologie végétale: génome, pouvoir pathogène, écologie des virus, Éditions Quae, coll. « Mieux comprendre », 2001, 488 p. (ISBN 2738009379) .

Liens externes


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Phytovirus de Wikipédia en français (auteurs)

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