Pierre-Amand Landry

Pierre-Amand Landry
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Pierre-Amand Landry
Pierre-Amand Landry en 1884 (Source: Bibliothèque et Archives Canada)
Pierre-Amand Landry en 1884 (Source: Bibliothèque et Archives Canada)

Naissance 1er mai 1846
Memramcook, Nouveau-Brunswick
Décès 28 juillet 1916 (à 70 ans)
Dorchester, Nouveau-Brunswick
Nationalité Drapeau du Canada Canada
Profession Enseignant, avocat, député, juge
Autres activités Secrétaire de la Société nationale de l'Acadie
Formation Collège Saint-Joseph
Distinctions Chevalier de l'Ordre de Saint-Michel et Saint-George, Personne d'importance historique nationale, Conseil de la Reine

Sir Pierre-Amand Landry, KCMG, C.R. (né le 1er mai 1846 à Memramcook et mort le 28 juillet 1916 à Dorchester) était un enseignant, un avocat, un juge et un homme politique canadien.

Éduqué en français et en anglais à Memramcook et Fredericton, il est tôt initié la politique, son père étant le premier député acadien du Nouveau-Brunswick. Il enseigne durant quelques années. Diplômé du Collège Saint-Joseph, il devient le premier avocat acadien. En 1870, il succède à son père au poste de député de Westmorland mais son soutien aux catholiques durant la Question des écoles du Nouveau-Brunswick lui coûte son siège à l'élection de 1874. La situation politique dégénère en 1875 durant l'affaire Louis Mailloux mais son implication durant le procès pour meurtre qui s'ensuit assoit sa réputation de défenseur de la cause acadienne. Se ralliant au parti conservateur, il est réélu en 1878 et nommé commissaire des Travaux publics, un poste très convoité. Bien que plusieurs anglophones critiquent la place grandissante que les Acadiens occupent en politique, Pierre-Amand Landry prône l'égalité. Orateur puissant, il est le chef de file de la renaissance acadienne et dirige les trois première conventions nationales. En 1882, suite à la démission de John James Fraser, il est pressenti comme le nouveau premier ministre mais laisse la place à Daniel Lionel Hanington. Dans les faits, c'est Landry qui détient le pouvoir, ce qui fait monter le sentiment anti-acadien et contribue à la chute de son gouvernement un an plus tard. Il devient toutefois député fédéral la même année et s'allie aux conservateurs de John A. Macdonald, qui le nomme à plusieurs comités. On lui propose un poste de sénateur mais il laisse la place à Pascal Poirier. Il devient juge en 1880 et est nommé à la Cour suprême du Nouveau-Brunswick en 1893, avant de devenir juge en chef de la division du Banc du Roi la même année; son intégrité lors d'une commission d'enquête aux conclusion scandaleuses ne fait qu'améliorer sa réputation. Il milite pour l'acadianisation du clergé catholique, ce qui mène à la nomination de Alfred-Édouard Leblanc au poste d'évêque en 1912. Sa santé s'affaiblit et il est atteint du cancer en 1915. L'année suivante, on lui propose le poste de lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick mais il meurt peu après.

Sommaire

Famille

 
Alain Landry
 
Anastasie Dupuis
 
 
Michel Caissie
 
Marie Landry
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Amand Landry
 
 
 
 
 
 
Pélagie Caissie
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Pierre-Amand Landry
Amand Landry, le père de Pierre-Amand. Portrait datant de 1870.

Pierre-Amand Landry naît le 1er mai 1846 à Memramcook, au Nouveau-Brunswick; il est baptisé le lendemain par le curé Élie Desauniers[1]. Il est le quatrième d'une famille de neuf enfants et le fils aîné[1]. Son père est Amand Landry (1805-1877) et sa mère est Pélagie Caissie (1812-1871) ; ils sont des cousins issus de germains[2].

Pierre-Amand est de la quatrième génération des Landry de Memramcook, tous des agriculteurs[3]. La famille Landry descend de René Landry, arrivé avant 1686 à Port-Royal; selon les sources, il est le neveu ou le frère d'un autre René Landry[4]. René Landry est déporté en 1755 mais revient s'établir dans la région de Memramcook vers 1767, où il meurt en 1823[3]. L'ancêtre des Caissie ou Casey est Roger Kessey, né en Irlande vers 1648[5], capturé par les Anglais et évadé en Acadie en 1665, où il épouse une Acadienne à Port-Royal[2]. Roger Kessey est lui aussi déporté. Il passe de la France en Louisiane vers 1780 et quelques un de ses descendants parviennent à Memramcook[2]. Parmi ses ancêtres, Pierre-Amand compte également le gouverneur de l'Acadie Charles de Saint-Étienne de La Tour (1593-1666)[6].

Le père de Pierre-Amand Landry est tout d'abord instituteur avant d'acheter une ferme ; il est l'un des hommes les plus influents du village[7]. L'année de la naissance de son fils Pierre-Amand, il se fait élire député de la circonscription de Westmorland à l'Assemblée législative du Nouveau-Brunswick; il est le premier Acadien de la province à avoir occupé un poste aussi important[7].

Il épouse l'Irlandaise Bridget Annie Aloysius McCarthy, surnommée Annie, à Saint-Jean le 17 septembre 1872[8]. Le couple a onze enfants, dont quatre morts en bas âge[7].

Biographie

Jeunesse et éducation

Peu de choses sont connues sur l'enfance de Pierre-Amand Landry, puisque lui-même en parlait rarement[9]. La famille réside avec le grand-père Alain et la tante Nathalie dans une petite maison de piètre qualité, pièces sur pièces, comptant deux salles. La maison est pourtant l'une des plus grandes et des plus confortables du village[10]. Plus tard, le père construit toutefois une plus grande maison en bois, de style victorien, au centre du village[9].

Le père étant souvent absent, c'est Pélagie qui s'occupe de l'éducation des enfants, même si elle est illettrée; Pierre-Amand en garde le souvenir d'une mère affectueuse[11]. L'éducation qu'ils reçoivent s'apparente probablement à ce qui se fait dans d'autres familles du village[11]. La famille est religieuse mais Pierre-Amand ne le montre pas vraiment en public[11]. Sa mère lui donne des valeurs comme le respect des sentiments des autres, le partage, l'honnêteté et le respect de la nature[11]. Pierre-Amand aime d'ailleurs les promenades et le jardinage[11]. Son père lui parle souvent de politique et il l'influence de plus en plus au fil du temps[9]. Son père est un nationaliste mais il est respecté à la fois des Acadiens et des Anglais pour son intégrité[12]. Il inculque à ses enfants le respect des deux peuples du Nouveau-Brunswick et la valeur du bilinguisme[note 1] comme voie raisonnable pour la survie des Acadiens[13].

Pierre-Amand Landry entre à l'âge de sept ans à l'école élémentaire francophone de Memramcook-Ouest. La qualité de l'éducation varie alors fortement d'une localité à l'autre mais la population locale y démontre un intérêt, ayant des enseignants depuis 1790 et une école depuis 1803[14]. Ses enseignants ont seulement un brevet d'enseignement de troisième classe mais certains sont tout de même très éduqués[15]. Les notes de Pierre-Amand ne sont pas connues et il ne parle jamais de son éducation élémentaire[15].

Il doit toutefois être un bon élève puisque son père l'inscrit à la Grammar School de la Fredericton Collegiate School en 1856[15]. Déjà bilingue, son séjour lui permet de parler l'anglais parfaitement, en plus de l'initier à la culture anglaise[7],[16]. De plus, il se rend régulièrement à l'Assemblée législative lorsque son père participe aux débats et il est donc initié précocement aux joutes politiques[16]. Il est vraisemblablement un très bon élève et il obtient, après quatre ans d'études, un brevet d'enseignant de troisième classe le 11 octobre 1862, à l'âge de seize ans[16].

Premiers emplois et poursuite des études

Albert James Smith.

Pierre-Amand enseigne à Memramcook en 1861, avant même l'obtention de son brevet[17]. Il ne parlera jamais de cette expérience et, de toute façon, n'a d'ailleurs pas l'intention de rester professeur mais cherche plutôt à économiser pour poursuivre ses études[7]. Son brevet obtenu, il part enseigner pour deux semestres à Cap-Pelé en janvier 1863; il considère ces quelques mois comme la période la plus heureuse de sa vie[17]. Il est apprécié de la population locale[18] et il laisse une bonne impression à l'inspecteur scolaire[19].

Le 10 octobre 1864, il est l'un des trente premiers étudiants à s'inscrire au Collège Saint-Joseph, dans son village natal[20]. Le collège est situé dans un bâtiment inconfortable mais Pierre-Amand n'est pas pensionnaire[21]. Le collège donne un cours classique accéléré – quatre ans au lieu de huit – et Pierre-Amand est en fait exempté de la première année grâce à l'éducation reçue à Fredericton[21],[22]. Le collège est bilingue et Pierre-Amand compte des camarades comme Pascal Poirier[22]. L'établissement accorde une place importante à la religion et à l'éloquence[23],[24]. Pierre-Amand obtient plusieurs prix de discours et d'excellence académique puisque qu'il en fera don plus tard au collège[24]. Ses résultats sont toutefois inconnus, les documents ayant été détruits dans un incendie en 1933[24]. Pierre-Amand quitte le collège au printemps 1867[24]. En 1893, il est nommé vice-président d'honneur de la Société Saint-Jean-Baptiste, le cercle de débat puis société littéraire du collège[24]. Il obtient une maîtrise en arts honorifique la même année[24].

En 1867, il fait un stage de clerc dans le cabinet d'avocat d'Edward Barron Chandler et d'Albert James Smith[25]; ce dernier avait été démis de sa charge de Premier Ministre de la province l'année précédente[7].

Reçu procureur de la Couronne en 1869 et admis au Barreau en 1870, il est le premier Acadien à être avocat[7]. Il déménage à Dorchester, le chef-lieu du comté de Westmorland, où il installe son cabinet[7].

Député provincial

Son père, Amand Landry, se retire de la vie politique juste avant l'élection provinciale de 1870[26]. À l'âge de 24 ans, Pierre-Amand décide de prendre la relève de son père et annonce sa candidature le 20 mai[27]. Deux semaines plus tard a lieu une convention à Barachois pour le choix d'un candidat acadien pour le comté et son seul opposant est F.-X. Nortbert Lussier, l'éditeur-rédacteur du journal Le Moniteur acadien[27]. Ce dernier l'accuse d'être trop jeune et inexpérimenté mais Pierre-AMand l'emporte avec une forte majorité, probablement avantagé par la réputation de son père et parce son opposant ne réside dans la région que depuis trois ans[28]. Il félicite par contre sa victoire et dans un discours prononcé le soir même, Pierre-Amand affirme qu'il fera de son possible pour se débarrasser de « ce jeune âge » le plus vite possible qu'il s'opposera fermement à la loi sur les écoles communes[28]. Les Acadiens de la province approuvent généralement son investiture[28].

L'élection se produit en pleine Question des écoles du Nouveau-Brunswick. Le Premier Ministre sortant, George Edwin King, avait proposé de réformer le système scolaire en 1869, en instaurant les commissions scolaires et une taxe scolaire mais, face à l'opposition des journaux catholiques comme Le Moniteur acadien et The Morning Freeman, il retira le projet juste avant l'élection[29]. Le projet fait toutefois des remous durant la campagne, créant des tensions ethniques et religieuses, entre les Acadiens et Irlandais catholiques et les Anglais et Écossais protestants[7]. Cette situation pousse les Acadiens à défendre leurs intérêts publiquement[7]. Landry propose l'instauration de deux réseaux scolaires distincts, l'un laïc et l'autre catholique, financés par le gouvernement[7]. Conscient de son influence, King lui propose un poste de Commissaire des Travaux Publics s'il se joint au parti du Gouvernement[note 2], ce qu'il refuse[7]. Pierre-Amand Landry est tout de même élu le 5 juillet 1870[7].

En avril 1871, le gouvernement King réintroduit le projet de la Loi 87, ou Loi des écoles communes (Common Schools Act). Un article est ajouté, proposant de rendre les écoles laïques[7]. Malgré l'opposition des catholiques, le projet de loi est adopté par la majorité des députés, qui sont protestants[7]. Les catholiques refusent alors de payer la taxe scolaire, malgré les pressions du gouvernement, et demandent l'aide du gouvernement fédéral, sans succès[7].

La réforme scolaire est toujours l'enjeu principal lors de l'élection provinciale de 1874. Sollicitant l'appui de la majorité protestante afin d'empêcher les catholiques d'abroger la loi, le gouvernement obtient une majorité importante ; Landry est l'un des députés perdant son siège[7].

Bref retour à la carrière d'avocat

Pierre-Amand Landry reprend sa carrière d'avocat peu après sa défaite électorale[7]. Son cabinet est prospère. Ses clients sont surtout des Acadiens du comté mais il fait aussi affaire avec des anglophones[30]. La plupart des documents de ses causes ont toutefois été perdus[31]. En plus d'être avocat, il est élu au conseil du comté de Westmorland en 1877, juste après l'adoption de la loi créant cette administration[30]. Il en devient le premier préfet[32].

Affaire Louis Mailloux

Article connexe : Affaire Louis Mailloux.
Caricature de la fusillade de Caraquet.

La Question des écoles du Nouveau-Brunswick dégénère en janvier 1875 lors de l'affaire Louis Mailloux, à Caraquet, où deux personnes sont tuées et neuf Acadiens accusés de meurtre. Il est nommé assistant de l'avocat de la défense, Samuel Robert Thomson[7]. Ce dernier est souvent absent et Pierre-Amand le remplace sans difficulté[33]. Tous deux réussissent à faire libérer les accusés. Un compromis est ensuite trouvé, permettant entre autres l'enseignement religieux après les cours réguliers ; cette victoire assoit la réputation de Landry comme défenseur de la cause acadienne[7]. Ce procès est l'un des plus important de l'histoire de l'Acadie[34].

Mariage et drame familial

Pierre-Amand fréquente souvent la famille de l'Irlandais Thimothy McCarthy dès son adolescence et épouse sa seconde fille, Bridget Annie Aloysius McCarthy, surnommée Annie, à Saint-Jean le 17 septembre 1872. Le mariage est célébré par F.-X. Cormier, le premier curé né à Memramcook et collègue de Pierre-Amand durant ses études collégiales[8]. Le couple n'a pas vraiment de voyage de noces mais emménage dans une grande maison que l'époux a acheté près du centre du village de Dorchester[8]. Le premier enfant, Thimothy-Allain, naît à l'automne 1873[31]. Leur première fille, Marie-Gertrude, naît en 1875 mais meurt âgée de seulement quelques semaines[31]. Anna-Rosalie naît en 1877[31]. L'épidémie de diphtérie de 1879 emporte les deux enfants de la famille[31]. Pierre-Alfred, un enfant en très bonne santé, naît le 31 août 1879[31].

La French Power

Article connexe : Renaissance acadienne.
L'édifice de l'Assemblée législative du Nouveau-Brunswick.

Les tensions ethniques et religieuses s'étant atténuées, Landry se présente comme candidat indépendant lors de l'élection de 1878, pour la circonscription provinciale de Westmorland. Il se range finalement avec les conservateurs et fait la promotion d'une politique de modération et de tolérance, la seule avantageuse pour les Acadiens à son avis, tout en évitant de mentionner la Question des écoles[7]. Ses co-candidats[note 3] sont les anglophones Daniel Lionel Hanington, Joseph Laurence Black et Amasa Emerson Killam, qui se sont associés à Pierre-Amand Landry dans le but de rallier les Acadiens du comté ; ils remportent tous l'élection du 22 juin 1878[7].

Afin de se rallier les catholiques - Acadiens et Irlandais - qui avaient surtout voté pour des candidats indépendants, ainsi qu'en reconnaissance de l'importance des circonscriptions de Westmorland et du Nord-Est de la province, le Premier Ministre John James Fraser nomme pour la première fois des catholiques au Conseil exécutif[7]. Landry est assermenté Commissaire des Travaux Publics[note 4] le 13 juillet 1878 ; ce poste est très convoité car il confère de vastes pouvoirs discrétionnaires[7].

Le prédécesseur de Landry, William Moore Kelly, favorisait le comté de Northumberland, qui recevait plus d'argent pour la réfection des ponts comparativement au comté de Westmorland[7]. Landry continue ce stratagème, en donnant deux fois plus d'argent au comté de Westmorland et en réduisant les subventions au comté de Northumberland[7]. Toutefois, durant son mandat, la majorité anglophone critique ce French Power, ce qui l'empêche de favoriser ses compatriotes, soit par des nominations au poste d'inspecteur, soit en augmentant les subventions[7]. Il souhaite malgré tout l'égalité entre Acadiens et anglophones et pour cette raison crée une section préparatoire francophone à l'école normale de Fredericton en 1878[7]. L'année suivante, il nomme un premier Acadien, Valentin Landry, au poste d'inspecteur des écoles[7]. Il travaille aussi à la promotion de diverses personnalités, comme Ambroise Richard, nommé au Conseil législatif en 1882[7]. L'une des principales réalisations de Pierre-Amand Landry en tant que Commissaire des Travaux publics reste la construction du nouvel édifice de l'Assemblée législative, terminé en 1882[7].

La renaissance acadienne, ce mouvement de prise de conscience collective, avait commencé vers le milieu du XIXe siècle, coïncidant avec une croissance démographique importante. À la fin des années 1870, l'élite acadienne, dont le chef est incontestablement Landry, souhaite doter l'Acadie d'organisations sociales et politiques indépendantes[7]. En 1880, une centaine de délégués, sous la présidence de Landry, sont invités à une conférence de la Société Saint-Jean-Baptiste à Québec, où est décidée la tenue d'une première Convention nationale acadienne à Memramcook pour l'année suivante[7]. Landry préside les trois premières, soit Memramcook en 1881, Miscouche, à l'Île-du-Prince-Édouard, en 1884, et finalement Pointe-de-l'Église, en Nouvelle-Écosse, en 1890[7]. Des questions religieuses, culturelles, politiques et économiques y sont traitées alors que tous les symboles nationaux sont choisis. Landry se montre un orateur puissant, parvenant à proposer de façon simple un programme pour l'avenir des Acadiens dès le discours d'ouverture[7].

Le Premier Ministre Fraser démissionne de 25 mai 1882 et le gouvernement est remanié le jour même[7]. Landry a la possibilité de devenir le nouveau Premier Ministre mais soutient plutôt la candidature de Daniel Lionel Hanington à ce poste, jugeant qu'il est trop tôt pour qu'un Acadien gouverne la province[7]. Il devient tout de même secrétaire provincial, responsable de l'éducation et des finances, faisant de lui l'un des hommes politiques les plus puissants; dans les faits, Hanington n'est qu'une couverture de Landry[7]. La 25e élection générale est déclenchée en juin et Landry remporte à nouveau son siège de Westmorland[7]. Les anglophones remarquent tôt l'influence qu'a réellement Landry et le fait qu'il ait contribué à la défaite d'Albert James Smith à l'élection fédérale de 1882 réveille le sentiment anti-acadien[7]. L'élection dans le comté de Westmorland est annulée peu de temps après car les agents des partis y ont commis plusieurs irrégularités[7]. Landry remporte facilement l'élection partielle du 9 janvier 1883[7]. Le gouvernement Hanington-Landry doit toutefois faire face à la forte opposition du parti libéral d'Andrew George Blair. Ce dernier convainc quelques députés conservateurs à faire secrètement défection[7]. Le gouvernement Hanington-Landry est forcé de démissionner le 2 mars 1883 suite à une motion de censure[7]. Le nouveau gouvernement Blair ne compte aucun ministre acadien[7]. Landry démissionne ensuite de son poste de député en août[35].

Député fédéral

La Chambre des communes du Canada.

Landry souhaitait se lancer en politique fédérale avant même sa démission[7]. Redoutant de se retrouver dans l'Opposition, il convainc le député de Kent, Gilbert Girouard, de présenter sa démission, à condition qu'il obtienne en échange un poste de receveur des douanes à Richibouctou[7]. Landry prononce l'un de ses meilleurs discours patriotiques le 15 août 1883, lors de la Fête nationale de l'Acadie à Bouctouche, dans la circonscription de Kent ; il y dénonce la servilité des Acadiens devant les anglophones[7]. Suite à la démission de Girouard, une majorité d'électeurs acadiens soutiennent Landry, qui gagne l'élection partielle du 22 septembre suivant contre l'anglophone George McInerney[7].

À Ottawa, Landry apporte son soutien aux conservateurs de John Alexander MacDonald[7]. Même s'il est au départ éclipsé par des néo-brunswickois plus expérimentés comme John Costigan et Samuel Leonard Tilley, MacDonald le nomme à plusieurs comités[7]. Tout en défendant un « esprit véritablement canadien » n'accordant pas d'importance aux différences de religion et de langue, Landry défend les intérêts des Acadiens du Nouveau-Brunswick[7]. Il se plaint à plusieurs reprises de la sous-représentation de ces derniers au gouvernement. En effet, sur les 24 sénateurs représentant les Maritimes, aucun n'est acadien[7]. Suite à la mort du sénateur William Muirhead, l'élite s'organise et Landry laisse planer subtilement la menace de la désaffection des Acadiens[7]. Lors de l'annonce de la nomination d'un premier sénateur acadien, Tiley propose Landry à ce poste, qui propose à son tour Pascal Poirier ; la raison est que Landry effectue alors des démarches pour devenir juge à la Cour suprême du Nouveau-Brunswick[7]. Le 9 mars 1885, Poirier devient le premier sénateur acadien[7].

Landry est réélu en 1887 dans la circonscription de Kent, toujours contre George McInerney[7].

Juge

Pierre-Amand Landry entreprend des démarches dès 1880 dans le but de devenir juge à la Cour suprême du Nouveau-Brunswick[note 5],[7]. Le 15 avril 1890, suite à la mort de Bliss Botsford, John Alexander MacDonald lui offre un poste de juge de la cour des comtés de Westmorland et de Kent[7]. Landry accepte, d'autant plus que sa santé précaire et la dépression de son épouse nécessitent un retour au Nouveau-Brunswick; il devient alors le premier juge acadien de l'histoire[7]. Il est nommé à la Cour suprême du Nouveau-Brunswick le 21 septembre 1893[7].

Les évêque des Maritimes, d'origine irlandaise, supportent la formation d'un clergé anglophone, imposant la langue anglaise dans les paroisses acadiennes[7]. Pierre-Amand Landry est secrétaire de la Société nationale L'Assomption[note 6] et, à partir de 1893, milite avec son président, Pascal Poirier, pour qu'un prêtre acadien soit nommé coadjuteur[7]. Deux prêtres irlandais sont toutefois nommés à ce poste en 1899[7]. Landry est très déçu, il affirme même, selon la légende, qu'il ne veut pas assister aux « funérailles du peuple acadien »[7]. À partir de la IVe Convention nationale acadienne d'Arichat en 1900, l'élite acadienne poursuit sa lutte pour l'acadianisation du clergé[7]. Marcel-François Richard se rend deux fois à Rome, en 1907 et 1910, afin de demander au pape la formation d'un troisième diocèse à Moncton, avec à sa tête un évêque acadien[7]. Alfred-Édouard Leblanc ne devient le premier évêque acadien qu'en 1912, et ce à la tête du diocèse de Saint-Jean[7].

Pierre-Amand Landry préside plusieurs procès importants, tels que celui pour libelle et diffamation de Henry Emmerson contre le journal The Daily Gleaner en 1907. Le procès se termine par un ajournement, Landry considérant qu'il est dans l'intérêt du public d'encourager le droit des journaux à publier ce qu'ils croient[25]. Un autre procès notable, l'un des plus connus de l'histoire du comté, est celui pour le meurtre de Mabel Glennie par sa mère Jane Stevens, épouse du propriétaire du journal The Times, Thaddeus Stevens. Jane Stevens est est reconnue non coupable, Thaddeus Stevens traite le juge de French Bastard et ce dernier le menace d'outrage au tribunal[25].

En 1908, le premier ministre John Douglas Hazen le nomme à la tête d'une commission d'enquête sur les transactions financières entre la Central Railway Company et les gouvernements de Lemuel John Tweedie et de William Pugsley[7]. Le rapport déclenche une polémique car il blâme à la fois les gouvernements et la compagnie pour avoir détourné des fonds publics et avoir agi au détriment de l'intérêt public[7]. Malgré la campagne de dénigrement des journaux, Landry en ressort avec une meilleure réputation, de par son intégrité tout au long de l'affaire[7]. En 1913, lors de la réorganisation de la Cour d'appel du Nouveau-Brunswick, il devient juge en chef de la division du Banc du roi[note 7],[7].

Retraite et mort

Pierre-Amand Landry a la santé précaire à partir de 1890 et il est atteint du cancer en 1915. En 1916, le New Freeman lance une campagne pour la nomination d'un lieutenant-gouverneur catholique et il est le premier nom proposé. Il est toutefois très affaibli et meurt le 28 juillet de la même année dans sa maison de Dorchester, à l'âge de 70 ans[7]. De nombreuses personnes lui rendent hommage à travers le pays et il est enterré au cimetière de la paroisse Saint-Thomas, à Memramcook[7].

Pensée

En 1881, il parle de « plaie nationale » pour qualifier l'indifférence des Acadiens face à leurs journaux[36].

En 1885, suite à la pendaison de Louis Riel, Landry rapporte les doléances de ses compatriotes tout en dénonçant l'usage de la violence lors de la Rébellion du Nord-Ouest; il soutient alors que les Acadiens n'auraient jamais pu faire de progrès sur le plan politique en faisant usage de la violence[7].

Distinctions

Hommages

En 1955, la Commission des lieux et monuments historiques du Canada le nomme personne d'importance historique nationale et appose une plaque en sa mémoire au Collège Saint-Joseph[37]. Le pavillon Pierre-A.-Landry de l'Université de Moncton abritait autrefois la faculté de droit; de nos jours, il abrite différents organismes de l'université ainsi que des résidences étudiantes[38]. Le trophée Trophée Pierre-Armand-Landry est décerné chaque année par la faculté de droit de l'Université de Moncton aux étudiants ayant obtenu les meilleurs résultats au tribunal-école P.-A.-Landry[39]. Sa maison de Dorchester, construite vers 1872, devient un lieu historique municipal en 2010[40].

Notes et références

Notes

  1. Amand Landry, et plus tard son fils Pierre-Amand, considèrent que le fait d'utiliser le français dans la vie courante mais d'apprendre aussi l'anglais, et non pas vivre de façon bilingue ou uniquement en anglais, est la meilleure option pour les Acadiens.
  2. Il n'existait pas de partis politiques à l'époque. Toutefois, les députés étaient classés selon leur appui ou leur opposition au gouvernement, ou leur neutralité.
  3. Jusqu'en 1973, les élections provinciales utilisaient un scrutin majoritaire plurinominal. Le comté de Westmorland élisait dans ce cas quatre députés à l'Assemblée législative.
  4. Le Commissaire des Travaux Publics dirigeait le Commissariat des Travaux publics, renommé Ministère des Travaux publics et des Autoroutes du Nouveau Brunswick en 1912. En 1967, ses fonctions furent divisées entre le Ministère de l’Approvisionnement et des Services du Nouveau-Brunswick et le Ministère des Transports du Nouveau-Brunswick.
  5. La Cour suprême du Nouveau-Brunswick porte désormais le nom de Cour d'appel du Nouveau-Brunswick.
  6. La Société nationale L'Assomption prend le nom de Société nationale des Acadiens en 1957 et finalement de Société nationale de l'Acadie en 1992.
  7. La division du Banc du Roi porte désormais le nom de Cour du Banc de la Reine du Nouveau-Brunswick; également, le nom change périodiquement en fonction du sexe du souverain.
  8. Il est le premier et le seul Acadien à avoir reçu ce titre.

Références

  1. a et b Stanley 1977, p. 15
  2. a, b et c Stanley 1977, p. 24
  3. a et b Stanley 1977, p. 18
  4. Stanley 1977, p. 16
  5. http://www.genealogie-acadienne.com/?action=indiDetails&I=3006
  6. W.A. Spray, « Landry, Amand » sur Dictionnaire biographique du Canada en ligne, Université de Toronto, 2000. Consulté le 16 juillet 2010
  7. a, b, c, d, e, f, g, h, i, j, k, l, m, n, o, p, q, r, s, t, u, v, w, x, y, z, aa, ab, ac, ad, ae, af, ag, ah, ai, aj, ak, al, am, an, ao, ap, aq, ar, as, at, au, av, aw, ax, ay, az, ba, bb, bc, bd, be, bf, bg, bh, bi, bj, bk, bl, bm, bn, bo, bp, bq, br, bs, bt, bu, bv, bw, bx, by et bz Jean-Roch Cyr, « Landry, sir Pierre-Amand » sur Dictionnaire biographique du Canada en ligne, Université de Toronto/Université Laval, 2000. Consulté le 16 juillet 2010
  8. a, b et c Stanley 1977, p. 73-74
  9. a, b et c Stanley 1977, p. 26
  10. Stanley 1977, p. 25
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  13. Stanley 1977, p. 31
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  20. Stanley 1977, p. 41
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  24. a, b, c, d, e et f Stanley 1977, p. 45
  25. a, b et c (en) Dan Soucoup, Historic New Brunswick, East Lawrenceton, Pottersfield Press, 1997 (ISBN 1-895900-09-3), p. 185-186 
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  27. a et b Stanley 1977, p. 55
  28. a, b et c Stanley 1977, p. 56
  29. Clarence LeBreton, La Révolte acadienne - 15 janvier 1875, Moncton, Éditions de la Francophonie, 2002 (ISBN 2-923016-03-3), p. 22 
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  31. a, b, c, d, e et f Stanley 1977, p. 75
  32. http://www.landrystuff.com/pierre_amand.htm
  33. Stanley 1977, p. 78
  34. Stanley 1977, p. 77
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  36. Marguerite Maillet, Histoire de la littérature acadienne : De rêves et rêves, Éditions d'Acadie, 1983, p. 62 
  37. Personne historique nationale de Sir Pierre-Amand Landry sur Parcs Canada. Consulté le 5 février 2011
  38. Pavillon Pierre-A.-Landry sur Université de Moncton. Consulté le 6 février 2011
  39. Trophée Pierre-Amand-Landry sur Université de Moncton. Consulté le 6 février 2011
  40. Maison Sir-Pierre-Amand-Landry sur Lieux patrimoniaux du Canada. Consulté le 11 février 2011

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Della Margaret Maude Stanley, Pierre-Amand Landry : au service de deux peuples, Moncton, Éditions d'Acadie, 1977, 260 p. 

Liens et documents externes


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Pierre-Amand Landry de Wikipédia en français (auteurs)

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