Pierre Louis Reich de Pennautier

Pierre Louis Reich de Pennautier

Pierre Louis Reich de Pennautier, né en 1614, mort à Montpellier le 2 août 1711, financier français.

Homme d'affaires protégé par le cardinal de Bonzi, il fut receveur général du clergé de France et trésorier de la bourse de la province de Languedoc[1], poste auquel il a succédé en 1653 à son frère Pierre Reich de Pennautier, lui-même successeur de leur père Bernard Reich de Pennautier[2].

Sommaire

Sollicité par Colbert, qui ne lui fait pas de cadeau

Pierre Louis Reich de Pennautier n'était ni un proche ni un protégé de Colbert comme le montre leur correspondance. Il accepte de s'intéresser à deux projets importants de Colbert dans le Languedoc, région dont il dirige les Etats dès 1653, huit ans avant l'arrivée au pouvoir de Colbert, et où l'avaient précédé son père et son frère ainé.

De plus, dès 1664, Pennautier avait été taxé par la Chambre de justice à une amende de 38,154 livres, en compagnie d'autres grands financiers du temps[3].

Lors de l'affaire des poisons, Colbert ne lui fait pas de cadeau non plus et multiplie les efforts pour ramener en France la Marquise de Brinvilliers, dont les lettres compromettent Pierre Louis Reich de Pennautier et qui finit par parler une fois arrêtée, au printemps 1676.

Libéré en 1677 après treize mois de prison, après les interventions de nombreux responsables religieux, Pierre Louis Reich de Pennautier, n'en tient pas rigueur à Colbert et dit oui lorsque Colbert lui demande de prêter de l'argent à Riquet pour terminer le Canal du Midi, les États du Languedoc apportant par ailleurs 40% des capitaux propres du projet.

Lancés tous deux dès 1666, les deux autres projets de Colbert dans cette région, la manufacture de draps des Saptes et la Compagnie royale des mines et fonderies du Languedoc patinent tous deux en 1669, le premier à cause de la concurrence de la Manufacture des draps de Villeneuvette, également créée par Colbert, et le second parce que les financiers, dont Pennautier, se voient reprochés par Colbert un sous-investissement.

Le début difficile de deux projets industriels dans sa région

En 1666, Penautier est l'un des directeurs de la Compagnie royale des mines et fonderies du Languedoc, qui devait mettre en exploitation les gisements de plomb et de cuivre du Languedoc, du Rouergue et du pays de Foix, pour établir des fonderies. Un ingénieur de Carcassonne, Chénier, part en Allemagne étudier les mines du Harz et de la Saxe, et débute les travaux en juillet 1666, au retour de sa mission, pour une dépense de moins de 50.000 livres, dans une vingtaine d'ateliers[4]. La Compagnie avait sollicité Colbert pour faire venir de Suède des mineurs habitués à la recherche des filons et au traitement du minerai. Le fils de Guillaume de Bèche s'installe alors dans la région. Mais l'entreprise concentra très vite ses efforts sur trois sites avant de jeter l'éponge en 1670, faut d'investissement des financiers[4].

En 1667 il échange des courriers avec Colbert lors de la création de la manufacture de draps des Saptes à Carcassonne[5], dans lesquels il se montre optimiste sur les perspectives commerciales[6], Colbert insistant pour faire venir des ouvriers des Pays-Bas. En 1669, la compagnie ne reçoit que la moitié du prêt de 40.000 livres prévu pour son développement[6]. L'entreprise de draps employait 200 ouvriers en 1689, mais cesse le travail à la mort du directeur, Noël de Varennes[7].

Un acteur central de l'affaire des poisons

Compromis dans l'affaire des poisons, il fut emprisonné le 15 juin 1676 à la Conciergerie[8], après avoir été mis en cause par la Marquise de Brinvilliers, arrêtée deux mois et demie plus tôt et qui déclare aux enquêteurs "s'il dégoutte sur moi, il pleuvra sur Penautier"[8].

Les écrits trouvés par hasard dans la cassette de la marquise de Brinvilliers le 16 juillet 1672, au tout début de l'affaire de l'affaire des poisons, sont la pièce principale du dossier. Dans cette cassette, la police trouve une procuration de Pennautier datée du 17 février 1669, autorisant un marchand de Carcassonne, Cusson, à recevoir par l'entremise de Godin de Sainte-Croix, de la part de la Marquise de Brinvilliers, une somme de 10.000 livres qu'il lui aurait prêtée sous le nom de Paul Sardan[9]. Cusson est alors une relation d'affaire de Pennautier, son associé dans la[5] Manufacture de draps des Saptes.

Pierre Louis Reich de Pennautier ne pourra cependant être emprisonné que quatre ans plus tard car la Marquise de Brinvilliers citée à comparaître devant la justice le 22 août 1672, s'est réfugiée à Londres[10] puis à Liège[11], chez Bruant, l'ancien premier commis de Nicolas Fouquet[11].

L'empoisonnement de son prédécesseur au poste de receveur du clergé

Pierre Louis Reich de Pennautier a été cité dans une autre affaire d'empoisonnement: Mme Hanivel de Saint Laurens, veuve de l'ancien receveur du Clergé de France l'accuse d'avoir empoisonné son mari le 2 mai 1669[8], pour pouvoir prendre possession de sa charge, ce qu'il fit effectivement le 12 juin 1669, soit seulement un mois après[8]. Receveur du clergé pendant les six années suivantes, Penautier a ensuite été renouvelé dans ses fonctions par l'assemblée générale du clergé, pour dix ans (1675-1685).

Il fit intervenir de nombreux ecclésiastiques et fut libéré de prison le 27 juillet 1677 après treize mois dans les geôles de la Conciergerie[8]. Il prêta alors plus de 500.000 livres à Pierre-Paul Riquet pour le creusement du canal du Midi, Colbert lui ayant demandé avec insistance de s'occuper de ce canal[10].

Les commentaires de Madame de Sévigné

Mme de Sévigné en parle dans ses lettres, et Saint-Simon dans ses Mémoires[12],[13]

Les avocats défendant Pierre Louis Reich de Pennautier invoquèrent le fait que l'une ses deux accusatrices, la veuve Hanivel de Saint Laurens ne le désignait pas nommément dans ses premières accusations, parlant simplement d'un "quidam". Leur défense ne nie pas les pièces de l'accusation mais affirment qu'un des documents datés de 1669 était en fait de 1667[14].

Le prédécesseur d'Antoine Crozat

Grand financier de Louis XIV, Antoine Crozat fut son secrétaire, à l'âge de 17 ans, puis son caissier et enfin son successeur au poste de Trésorier des Etats du Languedoc avant de devenir le « plus riche homme de Paris », selon Saint-Simon. Très pieux, comme Pennautier, Crozat deviendra l'un des principaux actionnaires de la Compagnie de Guinée puis le propriétaire de l'intégralité de la Louisiane, peu après sa découverte.

Les deux hommes ont eu chacun leur hôtel particulier ou leur parcelle sur la Place Vendôme, qui peuvent toujours être admirés:

  • Au numéro 17, l'Hôtel Crozat l'un des plus anciens de la place, construit avant 1703, par Pierre Bullet pour Antoine Crozat, acquéreur du terrain dès 1700 et qui y vécut avec son épouse jusqu'en 1738,
  • Au numéro 19, l'Hôtel d'Évreux, sur une parcelle vendue en 1700 à Pennautier, qui le 5 août 1706 céda le terrain et sa charge à Antoine Crozat, qui porta l'année suivante la parcelle à 3.800 mètres carrés et fit construire l'hôtel par Pierre Bullet, pour y loger sa fille, alors âgée de douze ans, et son gendre, Henri-Louis de La Tour d'Auvergne, comte d'Évreux.

Il séjourne régulièrement à Versailles à la cour de Louis XIV d’où il rapporte modes architecturales et impulsion politique et économique. En 1670, il confie à Le Vau, l’architecte de Versailles, l’agrandissement de son château de Pennautier et à Le Nôtre le dessin du parc à la française. Ce château, de style classique, existe encore à Pennautier, près de Carcassonne, avec le parc dessinés par Le Nôtre.

Sources

  • Rémy Cazals, Daniel Fabre (s.d.), Les Audois, Dictionnaire biographique, Carcassonne, Association des Amis des Archives de l'Aude, Fédération Audoise des Œuvres Laïques, Société d'Études Scientifiques de l'Aude, 1990 (ISBN 2-906442-07-0) 
  • Guy Chaussinand-Nogaret, Les financiers de Languedoc au XVIIIe siècle, SEVPEN, Paris, 1970.
  • Dom Claude Devic, dom Joseph Vaissète, Histoire générale de Languedoc, tome XIII, Privat, Toulouse, 1877, p.891.
  • Jean Guilaine (s.d.), Histoire de Carcassonne, Privat, Toulouse, 2001 (nelle éd).

Notes

  1. Ou trésorier des États de Languedoc
  2. (en)Absolutism and society in seventeenth-century France: state power and ...par William Beik sur le site de Google consulté le 28 mars 2010.
  3. Liste des traitans condamnés, publiée par P. de Faucher, Roquesante, un des juges de Fouquet, Aix, pages 274-276
  4. a et b Annales du midi, revue sur le site de Archives Internet consulté le 28 mars 2010.
  5. a et b (en)Clermont de Lodève 1633-1789: Fluctuations in the Prosperity of a ... par J. K. J. Thomson sur le site de Google consulté le 28 mars 2010.
  6. a et b Clermont de Lodève 1633-1789: Fluctuations in the Prosperity of a Languedocian Cloth-Making Town, par J. K. J. Thomson, page 146
  7. 1699, décadence de la manufacture des Saptes. sur le site de La Dépêche consulté le 28 mars 2010.
  8. a, b, c, d et e Colbert, la politique du bon sens, Michel Vergé-Franceschi, Petite Bibliothèque Payot (2003), page 291
  9. Colbert, la politique du bon sens, Michel Vergé-Franceschi, Petite Bibliothèque Payot (2003), page 280
  10. a et b Colbert, la politique du bon sens, Michel Vergé-Franceschi, Petite Bibliothèque Payot (2003), page 282
  11. a et b Colbert, la politique du bon sens, Michel Vergé-Franceschi, Petite Bibliothèque Payot (2003), page 290
  12. Il (...) fut aussi [mêlé] dans l'affaire de la Brinvilliers et des Poisons, qui a fait tant de bruit, et mis en prison avec grand danger de sa vie. Il est incroyable combien de gens se remuèrent pour lui, le cardinal de Bonzi à la tête, fort en faveur alors, qui le tirèrent d'affaire. Saint-Simon, Mémoires, La Pléiade, Gallimard, Paris, 1982.
  13. Colbert, la politique du bon sens, Michel Vergé-Franceschi, Petite Bibliothèque Payot (2003)
  14. Causes célèbres de tous les peuples, Volume 4, par Armand Fouquier, page 40

Bibliographie

  • Colbert, la politique du bon sens, Michel Vergé-Franceschi, Petite Bibliothèque Payot (2003)
  • Absolutism and society in seventeenth-century France, par William Beik (1987)

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