Piraterie dans la Corne de l'Afrique

Piraterie dans la Corne de l'Afrique

Piraterie autour de la Corne de l'Afrique

Pirates à bord du navire de pêche chinois Tianyu N° 8 le 17 novembre 2008, l'équipage étant gardé en otage à l'avant du bateau.

La piraterie autour de la corne de l'Afrique est une menace pour le transport maritime international depuis le début de la guerre civile en Somalie au début des années 1990[1]. Depuis 2005 de nombreuses organisations internationales, l'Organisation maritime internationale (IMO) et le Programme alimentaire mondial notamment, ont exprimé leur préoccupation devant l'augmentation de la fréquence des actes de piraterie[2].

Sommaire

Situation géographique

Carte de la Somalie

La corne de l'Afrique correspond à l'extrémité est du continent africain. La Somalie, pays en guerre civile, dispose d'une côte maritime importante : 3 025 km et 200 milles nautiques d'eaux territoriales[3]. Cette zone voit passer un trafic maritime important puisque l'essentiel du trafic entre l'Extrême-Orient, et l'Europe passe entre la corne de l'Afrique et la péninsule arabique dans le golfe d'Aden afin de rejoindre le canal de Suez qui a vu le passage de 20 410 navires en 2007 (contre environ 18 000 passages en 2005) soit plus de 7,5 % du transport maritime mondial [4].

Lutte contre la piraterie

Navires de la Combined Task Force 150 (CTF-150) en formation dans le golfe d'Oman.

Une force de coalition navale, la Combined Task Force 151, déchargeant la CTF 150 de ce rôle, a été établie en janvier 2009 avec pour mission de combattre la piraterie dans cette région [5]; l'Union européenne engage une opération militaire « Eunavfor », dénommée officiellement « Atalanta » dédié spécifiquement à ce problème fin décembre 2008 [6] et les pirates arrêtés par cette dernière sont depuis 2009 dirigé vers le Kenya [7]; la plupart des grandes marines mondiales telle la marine russe et régionales dont la marine indienne déploient des navires dans la zone pour protéger les navires civils qui sont pour la plupart désormais organisé en convoi tandis que quelques armateurs ont préféré faire passer leurs bâtiments par le cap de Bonne-Espérance.

Historique

Article détaillé : Guerre civile somalienne.
Dhow suspecté de piraterie qui va être arraisonné par l'US Navy en janvier 2006.

Les difficultés de l'État somalien, son état chaotique et le manque de pouvoir d'un gouvernement central sont les facteurs ayant favorisé l'augmentation de la piraterie autour de la Somalie et près des côtes du Yémen, pays lui-même avec un État faible et ne disposant que de peu de moyens pour contrôler le golfe d'Aden. Bien que la piraterie ait temporairement diminué lors de la croissance de l'influence de l'Union des tribunaux islamiques en 2006, l'invasion de la Somalie par l'Éthiopie en décembre 2006 a détérioré la situation. Depuis lors, le gouvernement fédéral de transition a tenté de combattre la piraterie notamment en autorisant théoriquement les navires militaires étrangers à intervenir dans les eaux somaliennes au cas par cas[8][9] mais devant cette situation, le conseil de sécurité des Nations unies a adopté, le 2 juin 2008, la résolution 1816 autorisant les navires militaires des États agrées par le gouvernement somalien à pourchasser les pirates dans les eaux territoriales somaliennes [10] et sont désormais autorisés à recourir à tous les moyens nécessaires pour lutter contre « la piraterie et le vol à main armée en mer ».

Les autorités maritimes ont constaté 67 incidents dans cette zone en 2005, 23 en 2006, 32 en 2007 [11]. Selon le BMI, entre le 1er janvier et le 19 novembre 2008, 94 bateaux ont été attaqués par des pirates au large de la Somalie et dans le golfe d'Aden. Trente huit navires ont été saisis dont 17 sont à cette date toujours aux mains des pirates avec 250 membres d'équipage en otages [12]. Ils ont, selon le ministre kenyan des Affaires étrangères, obtenu environ 150 millions de dollars de rançons en 2008.

Les causes

La piraterie maritime en Somalie fait intervenir une pluralité de facteurs explicatifs reposant chacun sur un modèle d’interprétation théorique.

  • Une première lecture politique avance la thèse que la piraterie somalienne s’appuie sur l’absence d’État, celui-ci ne pouvant lutter contre la criminalité s’exerçant sur son territoire.
  • Une deuxième lecture économique considère de son côté que la piraterie en Somalie aurait pour origine la surpêche étrangère de laquelle découlerait la pauvreté des populations locales.
  • Une troisième lecture géographique montre que la piraterie somalienne existe car elle bénéficie d’une route commerciale maritime facilement accessible.
  • Une quatrième lecture culturelle défend la thèse selon laquelle la piraterie somalienne serait une pratique déterminée par la tradition du pays.

Après l'effondrement de l'état somalien en 1991, les eaux de ce pays privé de marine et de garde-côtes ont été l'objet de pêche illégale par des chalutiers (notamment italiens, grecs, espagnols et japonais) intéressés par des eaux riches en thons et crustacés. Des entreprises ont déversé dans ces eaux, et aussi sur les terres, des déchets toxiques, dont le tsunami de 2004 a ramené sur les côtes des futs[13]. Dénoncés en sourdine par le PNUE en 1992, ces faits ont été avérés par un rapport du PNUE de 2005[14].

Modus operandi

Roquette non-explosée encastrée dans la coque du paquebot Seabourn Spirit attaqué le 5 novembre 2005. Ce navire a pu échapper à ses agresseurs grâce à l'utilisation de canons à son.

Les pirates sont initialement généralement issus de l’ancienne marine ou des gardes-côtes somalienne ou sont souvent d'anciens pêcheurs et disposent d'un armement individuel relativement puissant (fusil d'assaut AK-47 et RPG-7 le plus souvent). Ils appartiennent souvent à des clans ou des villages, comme Eyl, qui leur donnent refuge. Avec l'augmentation de l'activité des groupes, on note la présence d'étrangers parmi les équipages des navires pirates (Yemenites[15], Kenyans ou disant être des anciens militaires britanniques).

Ils utilisent de petites embarcations rapides pour se lancer à l'abordage de leur cibles, lancées, lors d'attaques en haute mer depuis un navire-base. Dans la plupart des cas, la cible, si elle n'a pas réussi à s'échapper est détournée vers la côte et son équipage pris en otage jusqu'à ce qu'une rançon soit versée par l'armateur ou sa compagnie d'assurance [16].

Jusqu’en 2007, les bases de départ de la piraterie somalienne se concentraient essentiellement dans la région côtière de Mogadiscio. Un rapport des Nations Unies indique même que des responsables du port de Mogadiscio auraient transmis à des pirates des informations visant à faciliter des abordages de navires. Mais il semble que les combats continus dans cette région nuisent à leur activité. D’où un déplacement de l’activité de piraterie plus au Nord, principalement dans la région semi-autonome du Puntland. C’est le cas notamment des ports de Boosaaso, de Eyl et de Garacad.

Leur zone d'activité sont en 2009 de plus en plus étendue, frappant jusqu'a 1 000 kilomètres de des côtes de la Tanzanie et à dans la Zone économique exclusive des Seychelles.

Événements marquant

Capture d'un vaisseau pirate en janvier 2006

Le 21 janvier 2006, le USS Winston S. Churchill, un destroyer Classe Arleigh Burke a capturé un vaisseau suspecté de piraterie[17]

Combat au large de la Somalie en mars 2006

Un des bateaux pirates en flammes après la réplique de l'US Navy le 18 mars 2006.

Le 18 mars 2006, dans le cadre de l'opération Enduring Freedom, le USS Cape St. George, un croiseur de classe Ticonderoga et le USS Gonzalez, un destroyer de classe Arleigh Burke interceptent trois navires pirates et les détruisent après qu'ils ont ouvert le feu.

Combat au large de la Somalie en juin 2007

Article détaillé : Combat au large de la Somalie en juin 2007.

Le 3 juin 2007, le USS Carter Hall attaque des pirates mais ne réussit pas à les capturer.

Combat au large de la Somalie en octobre 2007

Article détaillé : Combat au large de la Somalie en octobre 2007.

Le 28 octobre 2007, le destroyer USS Porter ouvre le feu contre des pirates qui avaient capturé un navire de transport et avec le renfort d'autres navires bloque le port vers lequel les pirates cherchaient à se réfugier.

Escorte des navires du PAM

Devant les attaques qui frappaient ses navires, le Programme alimentaire mondial dut, en 2007, quasiment cesser l'envoi de cargos d'aide humanitaire vers la Somalie; La France proposa d'escorter ces navires pendant 2 mois et demi à partir de fin novembre 2007 [18]; Deux avisos de la marine nationale française sont dans le cadre la mission Alcyon chargés de cette tache [19]; En février 2008, la marine du Danemark a pris le relais suivis par les Pays-Bas. Fin 2008, l'Union européenne décide de prendre le relais et intègre l'escorte des bateaux du PAM comme un des objectifs principaux de son opération EUNAVFOR Atalanta. La première escorte est réalisée à la mi-décembre [20]

Le Ponant

Article détaillé : Acte de piraterie contre le Ponant.

En avril 2008, Le Ponant, un voilier de luxe est attaqué et ses 30 membres d'équipage sont pris en otage avant d'être libérés sur rançon. Six des pirates et complices sont arrêtés par les forces françaises lors d'une opération au sol.

Le Playa de Bakio

Le dimanche 20 avril 2008, le Playa de Bakio, un thonier senneur congélateur espagnol, est attaqué à 250 milles des côtes et les 26 membres d'équipage sont tenus en otage[21]. Outre la presse espagnole, les médias français particulièrement se sont rapidement faits l'écho de cette affaire qui suit de près la conclusion de l'acte de piraterie contre le Ponant[22]. Le 21 avril 2008, le premier ministre espagnol Jose Luis Rodriguez Zapatero a demandé l'aide de l'OTAN, de la France, de l'Union africaine et du Royaume-Uni[23]. L’équipage et le navire sont libérés le 26 avril 2008 après négociations.

Détournement d'une cargaison de chars

Photomontage de plusieurs des pirates ayant capturé le Faina. Certains portent les équipements militaires de sa cargaison.

Le 25 septembre 2008, un navire ukrainien, le Faina, transportant entre autres 33 chars de combat T-72 est pris en otage par des pirates somaliens. Le navire est encerclé depuis par l'US Navy qui l'empêche de débarquer cette cargaison et la marine russe dépêche des navires sur zone [24].

Détournement du supertanker Sirius Star

Le 17 novembre 2008, le Sirius Star, un superpétrolier saoudien est détourné par des pirates somaliens à environ 450 milles nautiques de la côte du Kenya. Le navire, sous pavillon libérien, transportait une pleine cargaison de 2 millions de barils de pétrole vers les États-Unis via le cap de Bonne-Espérance [25].

Après des négociations, une rançon de 3 millions de dollars US a été obtenue par les pirates le 9 janvier 2009. Six de ceux-ci ont péri noyés dans le naufrage de leur embarcation en quittant le navire [26]

Destruction du Ekawat Nava 5

Le Tabar

Le 18 novembre 2008, le navire de pêche thaïlandais Ekawat Nava 5 capturé le matin même par des pirates est coulé par la frégate Tabar (F44) de la marine indienne pensant qu'il s'agissait d'un bateau-mère pirates. Sur les seize membres d'équipage, un seul à survécu [27].

Articles connexes

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Notes et références

  1. (en) Sana Aftab Khan, « Tackling Piracy in Somali Waters: Rising attacks impede delivery of humanitarian assistance » sur un.org, United Nations Department of Public Information, Outreach Division
  2. (en) Piracy in waters off the coast of Somalia sur imo.org, Organisation maritime internationale
  3. (en) Somalie sur le CIA World Factbook sur cia.gov, CIA World Factbook
  4. (fr) Le péril maritime : l'exemple du canal de Suez, Simon Letendre, 24 février 2008, Perspective Monde, université de Sherbrooke
  5. (en) New Counter-Piracy Task Force Established, US Navy, 8 janvier 2009
  6. (en) Nicolas Gros-Verheyde, « Eunavfor "Atalanta" : un mandat d'arrêt européen versus international » sur http://bruxelles2.over-blog.com/
  7. (en) Décision 2009/293/PESC du Conseil du 26 février 2009 sur http://eur-lex.europa.eu, Journal officiel de l'Union Européenne
  8. (en) Barbara Starr, « U.S. destroyer pursuing hijacked ship in Somali waters, military says » sur cnn.com, CNN
  9. (en) Nick Rankin, « No vessel is safe from modern pirates » sur bbc.co.uk, BBC News
  10. (fr)[pdf]Résolution 1816 (2008) Adoptée par le Conseil de sécurité à sa 5902e séance le 2 juin 2008
  11. (en)[pdf] Carte des attaques et statistiques au 24 avril 2008
  12. (fr) Les pirates du superpétrolier saoudien réclament une rançon, 19 novembre 2008, RTBF
  13. Billets d'Afrique n°180, mai 2009, page 11.
  14. After the tsunami: rapud environment assessment, PNUE, 2005, pages 126 à 137
  15. (en) Indian Navy foils piracy bid, The Indu, 14 décembre 2008
  16. (fr) En garde à vue, les pirates du Ponant racontent leur fortune de mer, AFP, 17 avril 2008
  17. (en) Suspected Pirates Captured Off Somali Coast, 22 janvier 2007, United States Central Command
  18. (fr) Somalie : la marine débutera en fin de semaine l'escorte des cargos du PAM, Mer et Marine, 14 novembre 2007
  19. (fr) PAM/Somalie : Fin de mission pour les marins français, État-Major des Armées françaises, 3 février 2008
  20. (fr) Première mission d'accompagnement pour Atalanta, N. Gros-Verheyde, Bruxelles2, 15 décembre 2008
  21. Spanish fishing boat with 26 crew hijacked off Somalia sur guardian.co.uk, The Guardian
  22. Voir par exemple Nicolas Moscovici, « Pirates: Au tour de l'Espagne... » sur lejdd.fr, 21 avril 2008, Journal du dimanche. Consulté le 21 avril 2008
  23. (en) U.S., France Draft U.N. Resolution to Battle Pirates Off Somalia, 22 avril 2008, Fox New Mexico
  24. (fr) « Golfe d'Aden : la Royale face aux pillards des mers », Le Figaro, 10 octobre 2008
  25. (fr) « Un super-pétrolier détourné par des pirates somaliens », L'Express, 17 novembre 2008.
  26. (fr) Somalie: six pirates morts noyés en quittant le superpétrolier saoudien, AFP, 10 janvier 2009
  27. (fr) Une bavure indienne au large de la Somalie ?, 25 novembre 2008

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