Plan Juppé

Plan Juppé

Grèves de 1995 en France

Les grèves de 1995 en France sont les plus importantes depuis celles de mai 1968[1]. Le nombre moyen annuel de jours de grève en 1995 a été six fois supérieur à celui de la période 1982-1994[2]. Du 24 novembre au 15 décembre, des grèves d'ampleur ont eu lieu dans la fonction publique et le secteur privé contre le « plan Juppé » sur les retraites et la Sécurité sociale. Le mouvement social de l'automne 1995, souvent réduit à la grève des transports publics, très visible et fortement médiatisée, a concerné également les grandes administrations (La Poste, France Télécom, EDF-GDF, Éducation nationale, secteur de la santé, administration des finances, etc.).

Sommaire

Les causes

Un mécontentement social généralisé

Lors de l'élection présidentielle française de 1995, Jacques Chirac est élu président de la République ; il nomme Alain Juppé au poste de Premier ministre. Le thème de la « fracture sociale » a été au premier plan du débat. Une grève dans les usines Renault se déroule durant le printemps 1995. Les salariés de Renault protestent contre l'augmentation de salaire de 1 % qui leur est proposée, qu'ils jugent trop faible par rapport aux bénéfices que le groupe réalise.[réf. nécessaire]

Le 10 octobre 1995, une grève massive se produit dans la fonction publique et les services publics. Il s'agit de la première grève unitaire dans la fonction publique et le secteur public depuis 1990[3]. Une grève de 24 heures des salariés de la SNCF a lieu le 25 octobre. Le 30 octobre, une plate-forme syndicale unitaire est rédigée pour la défense de la Sécurité sociale et, le 14 novembre, des manifestations syndicales ont lieu contre les projets de réforme de la Sécurité sociale.

En octobre/novembre 1995, des grèves sur les conditions budgétaires de rentrée s'organisent dans une vingtaine d'universités, mais il n'y a pas de coordination générale et unitaire. La mobilisation des étudiants se joint ensuite au mouvement social contre le plan Juppé.

Le « plan Juppé »

Le 15 novembre 1995, le « plan Juppé » sur les retraites et la Sécurité sociale est annoncé. Celui-ci contenait une série de mesures qui touchaient l'ensemble des travailleurs :

  • un allongement de la durée de cotisation de 37,5 à 40 annuités pour les salariés de la fonction publique. Cette mesure avait déjà été appliquée aux travailleurs du secteur privé depuis 1993 ;
  • l’établissement d’une loi annuelle de la Sécurité sociale qui fixe les objectifs de progression des dépenses maladies et envisage la mise en place de sanctions pour les médecins qui dépassent cet objectif ;
  • un accroissement des frais d'hôpital et des restrictions sur les médicaments remboursables ;
  • le blocage et l'imposition des allocations familiales versées aux familles avec enfants les plus démunies, combiné avec l'augmentation des cotisations maladie pour les retraités et les chômeurs.

Dès sa présentation à l’Assemblée nationale par le Premier ministre, le plan de réforme se heurte à l’hostilité d’une grande partie de l’opinion publique. La direction de la CFDT, ainsi qu'une partie du Parti socialiste (en particulier Claude Évin), soutiennent le plan. L’accord syndical de l'automne est enterré.

Le mouvement social

Déroulement

Lors des six grandes manifestations qui ont touché toutes les grandes villes du pays, des millions de personnes sont descendues dans la rue pour exiger le retrait des propositions gouvernementales. Les assemblées générales ont été la forme générale d’organi­sation du mouvement[4].

Le 24 novembre 1995, lors d'une journée interprofessionnelle massive, la CFDT est encore dans la rue. La CGT favorise les assemblées inter-secteurs et inter-entreprises. Le samedi 25 novembre a lieu une grande manifestation pour les droits des femmes. La grève est reconduite à la SNCF. Le lundi 27 novembre, les cheminots en grève reconductible sont rejoints par la RATP, puis la Poste, France Télécom, etc. L’activité de la SNCF et de la RATP restera paralysée pendant plus de trois semaines.

Le 28 novembre, lors de manifestations, la CFDT n’est plus dans la rue, sauf les secteurs oppositionnels. Louis Viannet (CGT) et Marc Blondel (FO) se donnent une poignée de main symbolique, dans une manifestation. Les 3 et 4 décembre, lors du congrès confédéral CGT, un débat est mené sur la grève générale. Le 4 décembre, les principaux syndicats de cheminots boycottent les travaux de la commission chargée de discuter de la réforme des régimes spéciaux de retraite.

Alors que Juppé continue à se dire « droit dans ses bottes », les syndicats appellent pour le 5 décembre à une « puissante journée d'action nationale dans les secteurs privé et public »[5]. SUD et FSU sont dans les carrés de tête. « Tous ensemble ! » est le slogan du mouvement. Les grévistes ont le soutien de l'opinion publique[6]. Le mouvement conduit à la création des premiers syndicats SUD Étudiant et SUD Éducation.

Le 11 décembre, Juppé annonce ne plus toucher à l'âge de départ en retraite des régimes spéciaux de retraite (SNCF et RATP).

Le 12 décembre marque le point culminant du mouvement, avec deux millions de manifestants. Le 15 décembre, le gouvernement retire sa réforme sur les retraites, la fonction publique et les régimes spéciaux (SNCF, RATP, EDF), cette décision étant interprêtée comme une victoire par les syndicats de salariés. Mais il refuse de céder sur la Sécurité sociale, dont le budget sera dorénavant voté au Parlement (modification constitutionnelle historique par rapport à 1945). Le mouvement alors décroît. Un « sommet social » se tient à Matignon le 21 décembre, concluant un mois d'agitation sociale en France.

Selon la DARES, le service des études et des statistiques du ministère du travail, le nombre des jours de grève a été de 6 millions, dont près de 4 millions de jours de grève dans la fonction publique et plus de 2 millions dans les secteurs privé et semi-public[7]. La sociologue Josette Trat retient trois caractéristiques du mouvement : ce fut un « mouvement d’ensemble », unitaire et porteur d'un projet de société égalitaire et solidaire[8]. Elle montre également son impact dans l'émergence d'autres enjeux sociaux, comme les luttes des sans-papiers, par son effet de légitimation de la révolte.

Pour Jean-François Revel, c'est la lâcheté de Jacques Chirac qui n'a pas expliqué les réformes nécessaires lors de la campagne présidentielle qui explique l'ampleur du mouvement. Dans un article du 15 février 1996, il estime ainsi que : « quand, durant la campagne des présidentielles, Jacques Chirac parlait de réformes visant à réduire la fracture sociale, les Français comprenaient qu’ils allaient être noyés sous une pluie de subventions. Les réformes qui visent une réduction des déficits publics ou des déficits sociaux, ils ne les comprennent pas du tout »[9].

Les suites du mouvement

Le 30 décembre 1995, une loi est votée autorisant le gouvernement à réformer la Sécurité sociale par ordonnances.

Les 10 et 11 février 1996, la CGT, la FSU et la CFDT manifestent pour affirmer l’unité syndicale à la suite du mouvement de 1995. Des manifestations unitaires pour la réduction du temps de travail ont lieu le 23 mai 1996.

Notes et références

  1. Michel Dreyfus, « Une sixième vague », Le Monde diplomatique, janvier 1996.
  2. En 1995 le nombre des jours de grève s'élève à 6 millions, tandis que le nombre moyen annuel de jours de grève de la période 1982-1994 est de 1,1 million par an. « Six fois plus de jours de grève en 1995 », L'Humanité, 16 novembre 1996.
  3. Claire Zalc, « 1995-2000 : une sortie de crise ? », 9 novembre 2000.
  4. Alain Bertho, « La grève dans tous ses états », Multitudes, janvier 1996.
  5. « Les grèves de 1995 et de 2003 : rendre victorieux un mouvement... ou le faire capoter », Lutte ouvrière, n° 2047, 26 octobre 2007.
  6. « Hommes et femmes dans le mouvement social », Cahiers du Gedisst, n° 18, Paris, L'Harmattan, 1997. Voir le compte rendu de Diane Lamoureux
  7. « Six fois plus de jours de grève en 1995 », art. cit.
  8. Josette Trat, « Retour sur l'automne chaud de 1995 », Cahiers du Gedisst, n° 18, 1997.
  9. « La France est sur-étatisée mais sous-gouvernée » par Jean-François Revel

Annexes

Articles connexes

Bibliographie

Liens externes

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