Politique agricole commune

Politique agricole commune
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La Politique agricole commune (PAC) est une politique mise en place à l'échelle de l'Union européenne, fondée principalement sur des mesures de contrôle des prix et de subventionnement, visant à moderniser et développer l'agriculture. Elle est mise en œuvre par la Direction Générale « Agriculture et développement rural[1] » de la Commission européenne. Au niveau français, elle est exécutée principalement via deux offices agricoles sous tutelle du Ministère de l'Agriculture (l'Agence de services et de paiement et FranceAgriMer).

Créée en 1957 et mise en place à partir de 1962, la PAC consiste en deux piliers : le premier pilier, évoqué dans cette page ; et le second pilier, le développement rural.

Sommaire

Origines et évolution de la PAC

La politique agricole commune (PAC) est, avec la CECA instituée en 1951, une des plus anciennes et jusqu'à peu la plus importante des politiques communes de l’UE (environ 35 % du budget européen, 45 % si on englobe le Développement rural) en matière budgétaire, mais actuellement en baisse. Créée par le traité de Rome en 1957, elle a été mise en place en 1962. Ses objectifs sont :

  • d’accroître la productivité de l’agriculture ;
  • d’assurer un niveau de vie équitable à la population agricole ;
  • de stabiliser les marchés ;
  • de garantir la sécurité des approvisionnements ;
  • d’assurer des prix raisonnables aux consommateurs.

Depuis, s’y sont ajoutés les principes de respect de l’environnement et de développement rural.

Le Conseil de l'Union européenne adopte les actes de bases de la PAC et la section Garantie du FEOGA (Fonds européen d’orientation et de garantie agricoles) finançait le soutien des marchés. Cette section garantie a été remplacée par le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA).

Les agriculteurs bénéficient :

  • d’aides indirectes, les "prix garantis", qui assurent aux agriculteurs un prix minimum pour leurs productions. Disposition actuellement en quasi désuétude.
  • des aides directes au revenu depuis la réforme de 1992 : en échange d’une baisse des prix garantis, l’UE verse des aides proportionnelles à la baisse des prix garantis. Cette aide est depuis 2005-2006 "découplée", c'est-à-dire qu'il y a de moins en moins de liens (voire plus aucun lien) entre la production de l'exploitation et le montant des aides.

Par ailleurs, la préférence communautaire permettait d’isoler l’agriculture européenne des variations des prix mondiaux en lui accordant des avantages en matière de prix par rapport aux produits importés.

La PAC est critiquée en raison de la difficulté à stabiliser son budget, des problèmes de fonctionnement posés par l’élargissement à vingt-sept et de l’inégalité des aides qui profitent aux pays producteurs et aux propriétaires d’importantes exploitations, puisque les aides sont proportionnelles aux quantités produites. Depuis 2003 toutefois, le montant du budget est stable, voire en baisse car non indexé sur l'inflation.

Les réformes de 1992 et 1999 ont cherché à la rapprocher du marché en baissant les prix garantis et en les remplaçant par des aides directes. La réforme de 2003 les a poursuivies en apportant une réponse aux difficultés de financement liées à l’élargissement. Désormais, les aides ne sont plus liées à la production. Les agriculteurs touchent un paiement unique par hectare, à la condition de respecter des normes européennes en matière d’environnement et de sécurité alimentaire. La réforme intermédiaire de 2009 (bilan de santé) a confirmé cette direction.

Une nouvelle révision du dispositif doit fixer la PAC pour la période 2014-2019, avec un début des discussions en 2011 et devant aboutir avant fin 2013 à une nouvelle réforme, probablement dans le même sens : baisse des aides, « découplage », etc[2].

Productivisme et protectionnisme

Le traité de Rome, signé le 25 mars 1957 par les membres fondateurs de la Communauté économique européenne (CEE), a donné à la PAC une orientation résolument productiviste, car il fallait augmenter la production agricole, et protectionniste, car la construction d’une union douanière nécessitait une protection aux frontières. Il s'agissait alors de rendre la Communauté auto-suffisante, plus solidaire et de moderniser un secteur agricole encore très disparate selon les pays.

La PAC a été l’un des fondements de la construction européenne. Elle a été une incontestable réussite sous certains aspects : modernisation de l'agriculture, développement de la production, immenses gains de productivité[Note 1] qui ont fait de l’Union le 2e exportateur mondial, autosuffisance alimentaire[Note 2], mais elle a rencontré de redoutables écueils avec des crises liées à la surproduction de nombreux produits, aux variations de change des monnaies, à l'entrée de nouveaux membres, à l'opposition avec d'autres exportateurs dans le cadre du GATT puis de l'OMC et à l'explosion des coûts supportés par le budget communautaire, et principalement par l'Allemagne.

Le contexte de la création de la PAC

Les pays sans politique agricole sont l'exception, ce qui s'explique par les nécessités alimentaires, l'instabilité des marchés des produits alimentaires de base[Note 3], et (jusqu'à une période très récente) le poids politique de la population vivant de l'agriculture. Or le traité de Rome instituait le principe de libre circulation des marchandises, qui était par définition incompatible avec une politique au niveau national, car cela aurait faussé le jeu normal de la concurrence. Il n'y avait donc que deux grands choix politiques possibles : une politique active mais alors forcément commune, ou une politique de renoncement volontaire à l'intervention.

C'est le premier choix qui a été fait, ce qui peut s'expliquer par

  • le souhait de donner une consistance à l'Europe (pour l'unifier et s'épargner une nouvelle guerre), ce qui est plus évident avec une politique active qu'avec une politique d'abstention
  • la possibilité technique de le faire : une "grande politique" n'est concevable que sur des produits assez standards et assez stables, par exemple le charbon et l'acier (CECA) et, en matière agricole, les grands produits (inversement pour quantité de produits agricoles, par exemple le porc, le poulet, les légumes, les fleurs, etc., la PAC se résume à l'application du principe de base : libre circulation et absence de distorsion de concurrence)
  • les préférences de la France, principal producteur agricole et donc principal intéressé.

Or l'agriculture européenne avait besoin de développement car à l'exception de la France, les pays fondateurs n’assuraient pas, à des degrés divers, leur autosuffisance (assurée à 80 % seulement en moyenne) pour la plupart des grands produits alimentaires, et dépendaient donc du marché mondial. Et cette insuffisance n'était pas due à une impossibilité technique. De gros progrès avaient été effectués depuis la fin de la guerre et les productions agricoles ne cessaient de croître. Mais l'équipement que l'industrie pouvait fournir (tracteurs modernes, engrais de synthèse, pesticides, etc.) et les connaissances disponibles n'étaient pas encore très répandus. De plus, on savait qu'avec l'enrichissement général la demande alimentaire allait croître. Par ailleurs le gouvernement souhaitait que l'exode rural se poursuive pour libérer de la main d'œuvre pour le secteur industriel.

La mise en place d'une PAC assortie d'un budget important pour les producteurs impliquait aussi que les pays disposant d'un potentiel agricole important bénéficient de transferts nets de la part de pays ne pouvant subvenir seuls à leurs besoins. Du côté français, cela a parfois été présenté comme une façon d'équilibrer un avantage supposé de l'industrie allemande, et du côté allemand comme une façon globalement neutre de se payer un approvisionnement qu'il aurait de toute façon fallu acquérir[réf. nécessaire]. Cette présentation a toutefois été contestée par l'historienne danoise Ann-Christina Lauring Knudsen, qui a démontré que derrière le mythe de « l'accord franco-allemand » se trouvent en fait des pressions fortes du principal syndicat agricole allemand (la DBV) pour une politique ambitieuse et surtout des prix élevés, vis-à-vis desquels les Français, qui craignaient pour leur compétitivité internationale, étaient plus circonspects.

Les fondements de la PAC

Le traité de Rome définit les bases de la PAC en son titre II qui traite de l’agriculture et notamment, en son article 33 (précédemment, article 38), lui assigne cinq objectifs précis :

  • accroître la productivité de l'agriculture en développant le progrès technique et en assurant une utilisation optimale des facteurs de production, notamment de la main d'œuvre
  • assurer un niveau de vie équitable à la population agricole, notamment par le relèvement du revenu individuel de ceux qui travaillent dans l'agriculture
  • stabiliser les marchés
  • garantir la sécurité des approvisionnements
  • assurer des prix raisonnables aux consommateurs.

L’article 34 (précédemment, article 39) du Traité prévoyait la mise en place d’une organisation commune des marchés agricoles, pouvant prendre trois formes :

  • des règles communes en matière de concurrence
  • une coordination obligatoire des diverses organisations nationales de marché
  • une organisation européenne du marché.

La Conférence de Stresa qui s’est tenue du 3 au 11 juillet 1958 (à ne pas confondre avec la conférence de Stresa du 14 avril 1935), a défini les grands principes de la PAC :

  • l'unicité du marché, corollaire de la libre circulation des marchandises, qui souffrira des variations monétaires avant l'arrivée de l'euro
  • la préférence communautaire, qui protège le marché européen des importations à bas prix et des fluctuations du marché mondial (ce point a cristallisé l'opposition des grands exportateurs : États-Unis, Canada, Australie et, même après son entrée dans la Communauté, de la Grande-Bretagne qui s'approvisionnait préférentiellement dans le Commonwealth)
  • la solidarité financière, les dépenses imposées par la PAC étant prises en charge par le budget communautaire
  • des prix minimum garantis pour les producteurs.

Chronologie des réformes de la PAC

Des réformes successives ont été entreprises, non sans mal, en raison de la difficulté à trouver un consensus (en gras les révisions majeures de la PAC) :

  • 1971 : à la suite du plan Mansholt, mise en place d'une politique d'amélioration des structures agricoles
  • 1984 : résorption des excédents, avec la mise en place de quotas de production, notamment dans le domaine laitier, et une politique de réduction des prix de soutien
  • 1988 : mise en place d'une discipline budgétaire pour encadrer les dépenses, avec la fixation d'une enveloppe maximale annuelle de dépense, et le gel des terres (improprement comparé à la jachère)
  • 1992 : réorientation de la politique de soutien, les prix garantis se rapprochent du niveau des cours mondiaux ; première orientation vers une politique de l'environnement avec l'instauration de mesures agro-environnementales en cofinancement avec les États membres ; les stocks régressent
  • 1999 : soutien au développement rural et fixation d'un cadre financier pour la période 2000 - 2006 ; cette réforme est destinée à préparer l'arrivée de dix nouveaux membres et à rendre la PAC compatible avec les règles de l'OMC ;
  • 2003 : Accords de Luxembourg[3]menés par le commissaire européen, Franz Fischler. Pour se mettre en conformité avec les prescriptions de l'OMC, la nouvelle PAC introduit le découplage des aides. C’est-à-dire que les primes perçues ne sont plus liées aux productions de l'exploitation mais à une référence historique (calculée en faisant la moyenne des primes perçues sur 3 années de référence). Cette réforme prévoit également la diminution progressive des restitutions à l'exportation. Enfin, cette nouvelle PAC introduit la notion de conditionnalité, les aides découplées sont versées à la condition que l'agriculteur respecte les bonnes conditions agricoles et environnementales (voir plus bas) ainsi que le bien-être animal.
  • 2008 : un « bilan de santé » de la PAC avait été prévu par la commissaire européenne à l'agriculture, Mariann Fischer Boel, afin d'évaluer les politiques en place et d'anticiper les évolutions à l'horizon 2013 (fin du financement actuel garanti). Un premier état des lieux publié fin novembre 2007 suggèrait de rendre l'agriculture européenne plus « compétitive » et respectueuse de l'environnement, en passant entre autres par une baisse des subventions liées à la production et une plus grande aide au développement rural[4]. Philippe Chalmin plaide lui pour une libéralisation totale du marché des céréales[5].
  • 19 janvier 2009 - Le Conseil des ministres européens de l’Agriculture adopte, à la majorité qualifiée, le bilan de santé de la PAC[6]. Les dirigeants baltes et slovaques votent contre ce "paquet législatif". Les principales dispositions du bilan de santé sont la suppression de la jachère obligatoire (10% des terres), l'augmentation progressive des quotas laitiers (1% par an) jusqu'à leur disparition programmée en 2015, et le découplage total des aides sauf exceptions. Il est mis en oeuvre à partir de 2010.

Mécanismes

Types d'intervention

La PAC a utilisé une grande palette de techniques d'interventions (l'équilibre entre ces mesures ayant varié, voir la section "réformes de la PAC")

  • des aides et subventions en faveur des producteurs :
    • subvention à la production, en majeure partie sous forme indépendante de la production et des prix (DPU - Droits à paiement unique), et aussi parfois selon la culture (riz, blé dur, ...) ou la production animale.
    • subvention à la formation agricole, aide à l'installation, subvention directes d'investissement, subvention indirectes (par exemple bonification de prêts)
  • des barrières douanières (droits de douanes relativement élevés sur certains produits agricoles et alimentaires comme les céréales, la viande de bœuf et de porc, les produits sucrés à l'importation dans l'UE)
  • un régime de prix minimum, garantis par une offre d'achat communautaire : l'intervention.
  • un système d'élimination des produits achetés en application du régime précédent :
    • publicité pour susciter une demande
    • remise sur le marché, lorsque la situation justifiant l'achat était conjoncturelle
    • exportation, subventionnée (le régime de prix garantis étant largement supérieur au prix de marché mondial, les biens agricoles européens ne se vendraient pas sans cette aide). Les subventions à l'exportation sont appelées : restitutions.
    • incorporation par l'industrie agroalimentaire (subventionnée, elle aussi, pour la même raison)
    • dénaturation (transformation en produit industriel inconsommable) voire destruction
  • un système complexe d'équilibre entre les subventions (exemple : si on subventionne l'exportation de blé, il faut aussi subventionner l'exportation de farine de blé à un taux adapté, en tenant compte des sous-produits qui n'ont pas besoin de subvention)
  • un système complexe de compensation des distorsions de concurrence entre les produits à prix garantis et les produits sans prix garantis (par exemple : amidon de céréales subventionnées, fécule de pomme de terre sans subvention mais sous quotas, amidon de maïs importé)
  • des systèmes de limitation et de répartition de la production (mise sous quotas, par exemple les quotas laitiers), ou des capacités de production (arrachage subventionné d'arbres fruitiers et de vigne, boisement des terres agricoles, jachère obligatoire, jachère facultative rémunérée)
  • plus récemment (mais largement dans un esprit de limitation indirecte de la production), des systèmes de limitation technique (par exemple : quantité d'engrais qui peut être apportée à un sol)
  • aides à l'investissement dans les industries agroalimentaires (mesure "g" du développement rural)

En outre, quoique moins présents dans les dépenses, il ne faut pas négliger tous les éléments d'unification du marché commun, présent en matière agricole comme dans les autres secteurs. Le marché ne serait pas "commun" sans la normalisation des produits (par exemple : taux de graisse d'un beurre, d'une margarine, etc.), des appellations ("gruyère" et "camembert" sont-il des produits standards que n'importe qui peut fabriquer, ou des produits régionaux qui ne doivent être produits que dans certaines régions ? quelle quantité de cacao, ou de graisse de cacao, faut-il dans un "chocolat" ?), les normes sanitaires minimales (et de facto maximales, aucun pays ne pouvant refuser l'importation d'un produit répondant à ces normes), etc. Bref, le cadre légal dans lequel des denrées agricoles peuvent être produites, introduites, ou mises en vente en Europe.

Organisation

Depuis 2007, le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) finance les opérations du premier pilier (dont en particulier les aides directes découplées, l'intervention et les restitutions) et le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) finance les actions du deuxième pilier. Selon le principe de subsidiarité, les fonds transitent par des agences de paiement nationales. Ainsi, pour la France, les aides du FEAGA sont réglées par l'Agence de services et de paiement essentiellement, et par FranceAgriMer, et celles du FEADER par l'Agence de services et de paiement.

La PAC n'a pas de ressources propres, le budget de l'union européenne étant unitaire.

Deux « piliers »

Le Conseil européen de Berlin des 24 et 25 mars 1999 a décidé de compléter la dimension de la PAC portant sur le soutien des marchés et des prix agricoles (le « 1er pilier » de la PAC) par un « 2e pilier » consacré au développement rural, et centré sur :

  • l’amélioration de la compétitivité de l’agriculture et de sa multifonctionnalité ;
  • la promotion de la protection de l’environnement en agriculture ainsi que des mesures forestières contribuant au développement durable ;
  • la participation au développement des territoires ruraux.

Principaux produits faisant l'objet d'une organisation commune des marchés

Ces produits, listés en annexe I au Traité, ne couvraient à l'origine que la moitié de la production agricole. Cette liste a été très étendue par la suite.

Liste complète

Certains produits agricoles de l'Union Européenne, comme la pomme de terre, ne font pas l'objet d'une organisation commune des marchés.

Conditionnalité des aides

Le traité de Maastricht veut que l'Europe ne finance pas d'activités dégradant l'environnement si ces dernières n'étaient pas justifiées et accompagnées des mesures de réparation ou de compensation. « Il y a lieu de lier le paiement intégral de l’aide directe au respect de règles en matière de terres, de production et d’activité agricoles. Ces règles doivent viser à intégrer des normes de base en matière d’environnement, de sécurité des aliments, de santé et de bien-être des animaux et de bonnes conditions agricoles et environnementales dans les organisations communes des marchés » précise le paragraphe 2 des considérants du règlement. Depuis 2003, le versement des aides compensatrices de la PAC est plus clairement soumis au respect de critères environnementaux : il s'agit de la conditionnalité des aides compensatrices PAC, appelée aussi « Écoconditionnalité », basée sur les :

  • BCAE, bonnes conditions agricoles et environnementales, expression renvoyant à des séries de normes définies par les États membres concernant la préservation des sols et l’entretien minimal des terres[Note 4], ainsi que les obligations relatives aux pâturages permanents[Note 5]. Même si les surfaces déclarées en herbes continuent à baisser, le ratio reste surface en herbe comparé à la surface agricole utile reste stable à environ 30 % (l'année de référence étant 2005).
  • ERMG, exigences réglementaires en matière de gestion, qui figurent dans certains articles de 19 directives et règlements[Note 6] dans les domaines de l’environnement, de la santé publique, de la santé des animaux et des végétaux, ainsi que du bien-être des animaux. La cour des comptes a invité la commission à présenter des critères et indicateurs vérifiables, c'est-à-dire de type SMART (acronyme anglais signifiant spécifiques, mesurables, réalisables, pertinents et datés[7].

Le système est toutefois subsidiairement et très diversement appliqué selon les États membres. En effet fin 2008, la cour des comptes européenne a noté que les États membres[8] , ne respectaient pas la conditionnalité environnementale telle qu’instaurée depuis 2003, jugeant cette dernière toujours pas assez efficace. La cour notait par exemple qu’après 11 633 contrôles de la directive Oiseaux et 14 896 contrôles de la directive Habitats faits dans 4 États membres, aucune infraction à la conditionnalité des aides n’avait été relevée. Ces chiffres font conclure que les États membres transmettent vraisemblablement à la Commission des données non-fiables et surestimant la conformité aux règles européennes.

Financement

Budget de la PAC

La Politique Agricole Commune (PAC) est une politique de gestion de l'agriculture commune à l'Union Européenne, la plus significative des politiques européennes. La PAC compte pour environ 43% du budget total de l'UE (129,1 milliards d'euros), soit 55,5 milliards[9],[Note 7]. Ce budget est financé par le produit des droits de douanes à l'entrée, un prélèvement sur la TVA et une cotisation d'environ 0,73% du Revenu National Brut - certains pays ayant obtenu un rabais sur cette cotisation, l'ensemble ne pouvant dépasser 1,045% du PIB européen.

En 2008, La France contribue pour 16,95% du total de 129,1 milliards d'euros (budget européen), soit 21,9 milliards. La France reçoit plus, en proportion, de paiements relatifs à la PAC (environ 20,3 % du budget de la PAC), soit pour 11,2 milliards (9,8 milliards d'aides du premier pilier et 1,4 milliard d'aides du deuxième pilier), mais moins dans les autres postes budgétaires. La France est donc bénéficiaire net de la PAC, le plus gros contributeur étant l'Allemagne. Même si la France garde son rang de première puissance agricole de l'UE, il faut noter que ce secteur, sujet d'attentions politiques et économiques incessantes sur le plan intérieur, ne représente que 2% du PIB français.

Deux grandes actions majeures de la PAC sont le soutien des prix agricoles et le subventionnement de la production, regroupés sous le vocable "premier pilier", et qui représentent 80% du budget - 43 milliards dans le budget 2008 exécuté de 53,8 milliards[10]. Le "deuxième pilier" subventionne diverses actions de développement rural (c'est-à-dire de maintien de la vie rurale) avec 20% du budget. À noter que les actions du deuxième pilier sont co-financées (budget de l'UE et budget de l'État membre), et que l'on constate une sous-réalisation significative de ce pilier.

L'intervention sur les marchés agricoles, y compris l'intervention au sens propre (achat à prix plancher) et les restitutions (subventions à l'exportation)[11] compte pour environ 12,5% du premier pilier - 5,4 milliards dans le budget 2008 exécuté, et les aides directes pour 87,5% - 37,6 milliards. Dans le cadre actuel de la PAC qui date de la dernière réforme de 2003, l'essentiel (75% environ) des aides directes du premier pilier est affecté à une subvention à l'hectare dite "découplée", c'est-à-dire indépendante de la culture pratiquée, touchée par l'exploitant agricole. En France, par choix national, cette subvention est plus élevée dans les zones à haut potentiel de production (environ 420 euros par hectare), et plus basse dans les zones à faible potentiel (environ 260 euros), la justification étant l'utilisation de références historiques, la moyenne s'établissant à 293 euros par hectare pour la France.

Dans le budget européen, cette subvention découplée apparaît sous le terme "Régime de paiment unique (RPU)", elle est applicable aux anciens états-membres - les nouveaux états-membres recevant une subvention moindre dans le cadre du "Régime de paiement unique à la surface (RPUS)". Pour les producteurs, la subvention découplée porte le nom de DPU (Droits à Paiement Unique). D'autres aides directes sont spécifiques à une culture, comme par exemple le blé dur en zone traditionnelle. En élevage, des paiements directs sont effectués par animal, et par litre de lait. Parfois certaines politiques de filières comme celle du vin[12] prévoient une répartition nationale à l'avance.

La réforme intermédiaire du "bilan de santé" dont l'accord est intervenu fin 2008 prévoit une flexibilité au niveau des États membres pour des transferts, du secteur des céréales vers l'élevage ovin et les pâturages par exemple[6]. La France utilise cette option qui ne modifie pas le budget de la PAC, par des dispositions complexes qui transfèrent environ 1 milliard des céréaliers vers les éleveurs.

Le niveau moyen de subventionnement de l'agriculture française est publié chaque année par l'INSEE. Ainsi, le revenu agricole français en 2009[13] montrait que le soutien au secteur agricole (premier pilier) était de 9,7 milliards d'euros, soit 16% du chiffre d'affaires (soit 2,5 milliards d'aides directes, 7,2 milliards d'aides découplées, pour un chiffre d'affaires de 60,6 milliards, viticulture comprise).

On peut aussi comparer le budget du premier pilier (9,7 milliards pour la France) à la valeur ajoutée de l'agriculture (35,0 milliards)[14] soit 27,7% de subventionnement en 2008.

L'Union européenne n'est pas la seule à soutenir sa production agricole. À titre de comparaison voici le niveau des aides de quelques pays importants, comparés selon différents critères[15] :

Soutien à l'agriculture[Note 8]
en 2001 millions de dollars en % du PIB en dollars par habitant en dollars par ha agricole en % de la valeur des recettes agricoles brutes (MAJ 2007-2009)[16]
Union européenne 105 624 1,4 281 676 23
États-Unis 95 259 0,9 346 117 9
Japon 59 126 1,4 467 9709 47
Mexique 7 892 1,3 81 60 12
Canada 5 154 0,7 168 53 17
Suisse 4 672 1,9 650 2667 58
Norvège 2 385 1,4 531 2086 61
Australie 1 177 0,3 61 2 4

Budget exécuté 2009

Budget exécuté par récipiendaire en 2009, source DG AGRI (en millions d'euros)
Pays Reçu au titre du premier pilier reçu au titre du second pilier Total en % du budget
Belgique 717,58 61,35 778,93 1,37
Bulgarie 225,70 437,34 663,05 1,17
République Tchèque 502,66 388,04 890,69 1,57
Danemark 1038,83 67,41 1106,24 1,95
Allemagne 5715,33 1188,64 6903,97 12,16
Estonie 54,71 101,04 155,74 0,27
Irlande 1336,38 329,17 1665,55 2,93
Grèce 2594,41 453,39 3047,80 5,37
Espagne 5986,38 1270,96 7257,34 12,78
France 8920,10 947,18 9867,27 17,38
Italie 4930,01 1145,27 6075,28 10,70
Chypre 38,76 23,95 62,71 0,11
Lettonie 80,73 150,34 231,07 0,41
Lithuanie 218,00 249,95 467,95 0,82
Luxembourg 35,49 13,26 48,75 0,09
Hongrie 758,03 498,64 1256,67 2,21
Malte 3,62 11,26 14,88 0,03
Pays-Bas 1077,36 73,67 1151,03 2,03
Autriche 747,00 580,73 1327,73 2,34
Pologne 1749,68 1971,44 3721,12 6,55
Portugal 722,63 584,18 1306,81 2,30
Roumanie 596,24 1502,69 2098,93 3,70
Slovénie 77,10 136,51 213,60 0,38
Slovaquie 220,44 268,05 488,49 0,86
Finlande 574,64 308,14 882,78 1,55
Suède 751,82 257,00 1008,82 1,77
Royaume-Uni 3333,85 702,05 4035,90 7,11
TOTAL UE-27 43060,29 13721,92 56781,92 100,00



La France a été le premier bénéficiaire de la PAC en 2009, à la fois pour le total alloué et pour les aides du premier pilier. La Pologne a reçu le plus d'aides du second pilier. Sur le total de 43,06 milliards d'euros du premier pilier, 39,1 milliards ont été consacrés aux aides directes et 3,96 à l'intervention sur les marchés. La France a été également le premier récipiendaire d'aides directes, pour 8,2 milliards d'euros.

Les nouveaux pays-membres ne reçoivent pas encore le même support que les membres historiques (UE-15) mais ces disparités devraient s'atténuer ou disparaître dans la prochaine programmation budgétaire.

Critiques et motifs de réformes

Dénonciation des redistributions

Les critiques de la PAC concernent en particulier les productions qui sont soutenues (céréales, oléagineux, lait, viande), comparativement à d'autres qui le sont très peu (viticulture). Le soutien, quand il existe, est d'amplitude variable suivant la région.

Pour une même production, la technique retenue pour la soutenir n'a pas les mêmes effets selon le mode de production. Par exemple, entre une aide « à l'hectare » et une aide « au quintal » ou « à la tête de bétail », la première modalité donne une préférence aux faibles producteurs par rapport aux producteurs performants (ou « productivistes »), tandis que la seconde modalité fait l'inverse ; ces deux modalités ont en commun d'être en première approximation proportionnelle à la taille de l'exploitation, donc favorable aux « gros » producteurs par rapport au « petits » ; etc. Cette constatation doit être mise en lien avec l'origine des aides. En effet elles sont là pour compenser la baisse partielle des prix garantis de l'UE en 1992. Elles sont proportionnelles à la baisse enregistrée par l'exploitant lors de cette réforme.

Un régime de prix garanti est avantageux pour les producteurs, mais ne fait pas l'affaire des utilisateurs de ce produit, qui peuvent être agriculteurs eux aussi (par exemple, les producteurs de porc et de poulet se plaignaient du niveau des prix des céréales). Toutefois, seul le prix du blé meunier de qualité bénéficie encore d'un prix garanti.

Il y a donc quantité d'éléments entre lesquels il faut arbitrer, et la lutte politique est vive pour faire pencher la balance dans un sens favorable à l'intervenant. La masse financière consacrée est assez importante pour attiser les rivalités, entre chaque filière, chaque pays (soutenant des filières fortement présentes), et bien sûr pour abonder le budget agricole en général ou au contraire le siphonner en faveur ou au détriment d'autres politiques.

Polémique autour des « gros chèques »

L'Union européenne s'appuie sur le principe de transparence pour inciter les États membres à rendre publiques des données qui s'avèrent extrêmement sensibles mais les autorités nationales et les organisations agricoles majoritaires ont tendance à refuser la diffusion de cette information. Certaines ONG, comme Oxfam, ont aussi mené des campagnes dans le but d'une plus grande transparence révélant, par exemple, que le prince Albert de Monaco ou la reine d’Angleterre recevaient respectivement des subventions de plus de 250 000 et 500 000€.

En 2004, le ministère français de l’Agriculture a dévoilé pour la première fois certaines données concernant les principaux bénéficiaires des subventions de la PAC sur un total de 9,5 M€ attribués à la France, premier pays bénéficiaire en volume[17].

  • S'agissant des grandes cultures, les dix plus gros bénéficiaires touchent au total 6 M€ (le plus gros chèque, qui s'établit à un montant de 872 108 €, ayant été versé à une société anonyme de production de riz en Camargue).
  • En élevage, les 10 plus gros bénéficiaires ont touché au total 2,6 M€, avec en tête de liste une exploitation située en Haute-Vienne, pour un montant de 432 286 €.

En avril 2009, on a pu connaître les montants reçus au titre du premier pilier pour tous les bénéficiaires de la PAC en France[18],[19], cependant un arrêt de la Cour de Justice de l'UE, consécutive à une démarche luxembourgoise, a invalidé en 2010 la réglementation de l'Union sur la publication des informations relatives aux bénéficiaires de fonds européens agricoles. Beaucoup d'Etats-membres (dont la France) ont alors retiré l'accès public aux informations nominatives, les informations statistiques restant disponibles[20]. En France, les informations par exploitation ont été rétablies en 2011, pour les sociétés seulement (GAEC, etc).

En moyenne, en 2008-2009, pour les aides du premier pilier, 400 365 exploitations agricoles ont reçu 8,5 milliards d'aides soit une moyenne de 21 218€ par exploitation[21]. Les autres bénéficiaires du premier pilier sont essentiellement des entreprises agroalimentaires, surtout pour l'intervention et les restitutions à l'exportation, pour un montant d'1 milliard.

Dénonciation du « coût environnemental et social »

Certains détracteurs accusent la PAC d'avoir un coût environnemental et social important en privilégiant la quantité sur la qualité, en favorisant la productivité agricole sur l'emploi agricole, et ainsi poussant à la concentration des exploitations et la diminution du nombre d'agriculteurs. Cette dénonciation est toutefois en baisse depuis le découplage des aides de 2003 (appliqué en 2006 en France).

Le volet environnemental, en particulier, fait l'objet de vives critiques, d'ailleurs considérées comme justifiées par les autorités car les réformes successives ont jusqu'à présent modifié la PAC pour qu'elle inclue de plus en plus d'aspects environnementaux (souvent à la discrétion des États membres). Ces modifications sont encore loin de donner satisfaction aux organisations environnementales, et suscitent aussi la critique des organisations agricoles.

Dénonciation des États bénéficiaires

Bénéficiaires de la PAC en 2004.

Certains pays de l'UE ont de plus grands secteurs agricoles que les autres, notamment la France, l'Espagne, et le Portugal, et reçoivent par conséquent plus d'argent de la PAC[22]. D'autres États reçoivent plus de financement des autres secteurs du budget de l'Union. Les plus importants bénéficiaires par tête sont la Grèce et l'Irlande.

La France a un PIB légèrement inférieur au Royaume-Uni et sa population plus importante signifie que son revenu par habitant est inférieur à celui du Royaume-Uni. L'Allemagne a un PIB qui est approximativement 25 % plus élevé que celui de la France ou du Royaume-Uni, mais le revenu par habitant est comparable avec celui des deux autres pays. La France reste cependant le premier bénéficiaire de la PAC, tandis que les nouveaux États membres reçoivent seulement - jusqu'en 2013 - une partie des aides financières.

Le rabais britannique

Article détaillé : rabais britannique.
Surface agricole par pays de l'UE.

Le rabais britannique a été négocié en 1984 par Margaret Thatcher. Son origine vient du fait que le budget européen de l'époque était essentiellement dédié à la PAC dont le Royaume-Uni ne recevait que peu de subventions.

Rééquilibrer les aides en faveur du développement rural

Depuis 2003, le mécanisme de la modulation organise le transfert de financements des aides directes à la production agricole vers le développement rural (le « 2e pilier » de la PAC).

Portant initialement sur 5% des aides à la production, la modulation a été portée à 20% pour la période 2007-2013 (soit 96.3 milliards d'euros pour 7 ans). Ce mécanisme doit permettre de renforcer les programmes de développement rural.

Critiques internationales

Le système d'aides européen est accusé de faire une concurrence déloyale aux producteurs des pays en voie de développement par des ONG comme Oxfam[23] et, inversement, de faire échapper ses producteurs à la concurrence légitime d'autres pays (Océanie, Brésil, etc.).

La PAC a déjà été réformée dans l'optique du cycle de négociation de l'OMC de Doha par le découplage des aides par exemple, mais reste un sujet de négociation. Sur le plan du commerce international des produits agricoles, on considère trois catégories de facteurs : l'accès au marché (droits de douanes et barrières non-tarifaires), le subventionnement à l'exportation (restitutions) et le subventionnement interne, lui-même subdivisé en boîtes verte (paiements découplés), bleue (paiements couplés) et ambre (autres mesures). Le subventionnement à l'export est considéré comme la plus grande source de distorsions du commerce international, et l'UE s'est engagée unilatéralement à supprimer les restitutions[24]. Un accord à l'OMC, s'il était conclu, comprendrait certainement des limitations des boîtes bleue et ambre, ainsi que des réductions ciblées de droits de douanes sur certains produits agricoles.

Il faut noter que les études prospectives n'indiquent pas forcément que l'agriculture de l'UE serait perdante si un accord était conclu[25].

Critique de la gauche européenne

Concernant la Politique agricole commune (PAC), les socialistes au Parlement européen proposent de mettre en place des outils « engageant l’agriculture vers un développement plus durable », capable de s’adapter aux nouveaux défis du siècle : le réchauffement climatique et la préservation des ressources naturelles ou encore la spéculation sur les prix alimentaires dans un contexte de tensions sur les marchés agricoles. En somme, ils militent pour une PAC plus verte où « le verdissement des aides du premier pilier […] permettra ainsi d’inciter les agriculteurs à adopter de bonnes pratiques agricoles et d’être performants économiquement et écologiquement »[26].

Selon Stéphane Le Foll, eurodéputé socialiste, membre de la commission Agriculture du Parlement européen, « l’abolition des références historiques, l’aide aux petites exploitations, le rééquilibrage en faveur de l’élevage et surtout l’adoption du principe de la dégressivité des aides directes en fonction de l’emploi et de l’environnement » participeront à une plus juste répartition des aides agricoles. Ainsi, les aides acquièrent une dimension sociale et environnementale car elles seront liées à la création d’emploi dans les exploitations et à la pratique agricole. Dans un contexte de forte volatilité des prix alimentaires, la question de la spéculation sur les marchés agricoles apparait de plus en plus fondamentale. Les socialistes appellent à la constitution d’outils de régulation comme des « stocks de sécurité alimentaire » en réponse à l’instabilité des marchés agricoles mais aussi pour garantir le revenu des agriculteurs et lutter contre la faim dans le monde[27].

Catherine Trautmann, Présidente de la Délégation socialiste française au Parlement européen, pour qui la PAC est une « politique essentielle pour nos territoires » souhaite un développement rural « basé sur l’aide à l’innovation, la modernisation, le développement des filières de qualité et des circuits courts ».

Perspectives pour l'après 2013

Nouvelle période budgétaire, nouveau mode de négociation

Les États membres se sont mis d'accord pour un cadre budgétaire (dépenses et recettes) jusqu'en 2013. À partir de 2011 vont s'engager des discussions pour l'après 2013, pour la période budgétaire 2014-2020. Une réforme d'envergure doit intervenir. Les orientations de la PAC à l'horizon 2020 ont été proposées par la Commission le 18 novembre 2010 et les propositions législatives sont attendues mi-2011. Selon les règles de co-décision contenues dans le Traité de Lisbonne, le Parlement travaillera désormais avec le Conseil des ministres de l'agriculture. On prévoit donc de 2011 à 2013 une mise au point longue et laborieuse de style parlementaire, sans négociation nocturne « donnant-donnant » de dernière minute comme par le passé, sachant que les dépenses agricoles seront intégrées dans la négociation sur le cadre financier 2014-2020.

  • Les attentes : dès à présent un certain nombre de pays veulent diminuer l'importance de la PAC dans le budget européen (43% actuellement) au profit d'autres politiques (recherche, innovation, climat...) pour rendre l'U.E. plus concrète aux yeux des européens.
  • Les constats : les aides directes au revenu basées sur les productivités d'avant 2002 et issues de la réforme de 1992 sont iniques, la politique de développement rural (2ème pilier) est peu visible et son effet sur l'emploi rural est incertain, et les instruments de gestion des marchés agricoles ont progressivement été démantelés au fil des réformes depuis 1992.
  • Le malaise : si l'environnement tend à devenir une priorité européenne, son intégration dans la PAC reste toutefois inachevée puisque la conditionnalité des aides et les mesures agro-environnementales sont diversement appliquées et leur efficacité limitée.
  • La modification des institutions : la sensibilité du Parlement européen est beaucoup plus urbaine et verte alors que la Commission qui était influencée par le lobby agricole jusqu'au début des années 2000, est aujourd'hui plus sensible aux enjeux environnementaux et climatiques[28].

Exemples de propositions

La future PAC pourrait comprendre une certaine re-nationalisation. Les actions du deuxième pilier sont déjà co-financées, ce dispositif s'étendrait aux aides du premier pilier. Les restitutions seraient abolies et l'intervention réservée aux situations de crise.

Pour ce qui constituera la nouvelle PAC, certains pays font preuve d'imagination et proposent, par exemple :

  • des paiements directs rémunérant le service écologique rendu à la collectivité, par exemple en tant que puits de carbone, avec beaucoup de contraintes environnementales,
  • la fin des bases historiques pour les paiements directs,
  • des paiements uniformes découplés dans toute l'UE sans exception.
  • une politique uniformisée pour les zones soumises à handicap naturel (montagne, etc.)

Position française

En France les syndicats agricoles soutiennent le modèle actuel de la PAC avec quelques variantes, tout comme le Ministre de l'Agriculture, Bruno Le Maire, qui voudrait se rapprocher des consommateurs pour en faire une "Politique alimentaire et agricole européenne"[29] , seul moyen de re-légimiter, selon lui, les aides à la production. La notion de "préférence communautaire renforcée" a été introduite en 2008 par Nicolas Sarkozy - mais n'a pas été adoptée au niveau européen -, il reste à déterminer si la traduction concrète de cette notion penchera plutôt du côté protectionniste ou du côté environnemental. Par exemple, l'idée d'une taxe carbone aux frontières, alors que la plupart des activités agricoles avaient obtenu dans un premier temps l'exonération de leur contribution, était bien une protection supplémentaire sous couvert environnemental[Note 9].

Évolution des positions et avis d'experts

En novembre 2009, un groupe d'économistes de toute l'Europe a publié une déclaration sur l’avenir de la PAC. Ils estiment qu'une stimulation de la production afin d´assurer la sécurité alimentaire n'est pas nécessaire étant donné que le potentiel productif de l'UE est suffisant. De plus, ils constatent que le soutien des revenus agricoles ne constitue pas une politique sociale ciblée ni une tâche adéquate pour l'UE. Ils proposent donc de limiter les aides de l'Union européenne au soutien des biens publics. Les agriculteurs ne devraient, selon eux, recevoir des subsides de l'UE que quand ils protègent le climat, préservent la biodiversité ou rendent un service similaire à la société[30].

Actuellement (en 2011) les positions des États-membres se précisent et on distingue les "libéraux" (Suède, Danemark, Royaume-Uni, Pays-Bas, Estonie) qui sont favorables à une politique plus orientée vers le marché, des autres États-membres. Toutefois parmi ces derniers, les nouveaux Etats-membres (emmenés par la Pologne) demandent une PAC plus équitable à travers la parité du niveau d'aides directes avec les "anciens" Etats membres. Une position que les deux principaux contributeurs et bénéficiaires de la PAC, l'Allemagne et la France, acceptent difficilement. La France et l'Allemagne élaborent une plateforme commune de négociation[31], en essayant d'inclure le Royaume-Uni.

La négociation comprend plusieurs acteurs: les Etats-membres, la Commission et le Parlement européen, avec des interactions successives.

  • Les premières propositions de la Commission incluent des dispositions qui restreignent la concurrence (pouvoirs accrus des interprofessions pour organiser le marché, élaboration de contrats standards), un autre ensemble de pays ne souhaite pas aller dans ce sens (Royaume-Uni, Danemark, Suède, République Tchèque).
  • Le Parlement européen a donné des orientations insistant sur la sécurité alimentaire et la capacité productive, et mettant l'environnement dans un second plan[32]. Le Parlement européen envisage la disparition progressive des références historiques et des disparités entre les États membres, des subventions spécifiques devant compenser des handicaps naturels dans les régions moins favorisées.
  • Le commissaire européen à l'agriculture, Dacian Ciolos, a fait ensuite une première communication officielle. Son projet modifie peu les deux piliers mais suppose un verdissement de la PAC à travers le premier pilier. Les aides du premier pilier - du moins pour la couche de base - devraient être harmonisées dans toute l'UE, une longue période de transition étant prévisible cependant.
  • En février 2011, le Parlement européen a communiqué sur le sujet en proposant que le verdissement soit assuré par le deuxième pilier. Le Parlement suggère aussi un minimum unifié pour les aides directes (par exemple 176 euros par hectare). L'aide spécifique aux zones défavorisées - qui fait l'objet d'un consensus - serait aussi assurée par le deuxième pilier. Cela se traduirait par un transfert significatif du premier pilier au second, ce dernier n'étant plus co-financé à 50% mais à 25% seulement, les nouveaux États membres n'ayant pas les moyens financiers d'assurer le co-financement à 50%.
  • La Commission Agriculture du Parlement européen a voté (mai 2011) en faveur du rapport[33] du député européen Albert Dess, rapport servant de base de travail à la négociation Parlement-Commission. Le rapport reste en faveur des subventions directes détachées de toute notion de productivité. Les agriculteurs devraient recevoir tous une aide minimum, selon "des critères objectifs", en modifiant la méthode de calcul actuelle, mais cette aide ne serait pas uniforme. Le rapport soutient la mise en place d’une certaine dégressivité des montants versés en fonction du niveau d’emploi de chaque exploitation et de son respect de l'environnement. Le Parlement entérine aussi le principe du « verdissement » de la PAC. Le budget actuel serait maintenu dans son montant actuel, en euros constants.
  • Le Commissaire à l'Agriculture, Dacian Ciolos, a présenté la proposition de la Commission le 12 octobre 2011, avec de multiples modalités[34], et en particulier:
    • Un plafond national des aides directes serait créé. Les aides directes seraient constituées d'un socle commun (70%) et d'une subventions aux mesures vertes (30%). 7% des terres devraient être allouées au verdissement.
    • Une partie des aides directes pourrait être maintenue sous forme découplée pour certaines productions animales.
    • La viticulture et le secteur des fruits et légumes seraient désormais éligibles aux DPU.
    • La disparition progressive des références historiques rapprocherait les niveaux d'aide à l'hectare, faisant diminuer significativement les niveaux dans les zones d'agriculture intensive.
    • L'aide de base serait plafonnée.

Notes

  1. L'augmentation de productivité ne peut cependant être mise au crédit de la PAC, cette augmentation s'étant produite partout dans les pays développés.
  2. L'autosuffisance n'est toutefois pas assurée dans tous les secteurs, notamment les produits de la pêche, les fruits et légumes tropicaux, et les ovins, si bien que l’Union reste le 1er importateur mondial de produits agricoles.
  3. Si l'offre excède la demande, les prix s'effondrent et le revenu des producteurs avec ; inversement, si la demande excède l'offre, ce sont les consommateurs qui vont devoir se rationner. Dans les deux cas il y a des troubles, voire des révoltes.
  4. Sur la base du cadre défini à l’annexe IV du règlement (CE) n° 1782/2003.
  5. Pour l'UE, les pâturages permanents sont les terres, consacrées à la production d’herbe et d’autres plantes fourragères herbacées, qui ne font pas partie du système de rotation des cultures d’une exploitation depuis cinq ans ou davantage. Leur pérennité est un des éléments des BCAE.
  6. Énumérés à l’annexe III du règlement (CE) n° 1782/2003 du Conseil.
  7. Attention il existe des différences entre les budgets prévisionnels et les budgets exécutés.
  8. Le soutien à l'agriculture étudié par l'OCDE va au-delà des subventions directes et indirectes, il prend également en compte un large éventail de dépenses indirectes comme par exemple, le soutien au régime d'assurance-maladie et retraite spécifique du secteur, largement déficitaire (Mutualité Sociale Agricole), l'entretien des chemins agricoles, etc.
  9. Le projet français de taxe carbone est actuellement suspendu.

Sources

Références

  1. Direction Générale « Agriculture et développement rural »
  2. La Politique agricole commune : des origines à aujourd'hui, par Philippe Burny et José Renard, au Collège Belgique.
  3. Règlement 1782/2003, Accords de Luxembourg
  4. Bruxelles jette les bases d'une réforme de la PAC, Le Figaro économie, 19 novembre 2007
  5. La France devrait profiter de sa présidence de l'UE pour engager une réforme radicale de la PAC, Les Échos, 19 novembre 2007
  6. a et b Règlement 73/2009 - Bilan de Santé
  7. Voir Observation p 14 et Synthèse du rapport p 7
  8. Rapport spécial no 8, année 2008 : [La conditionnalité est elle une politique efficace ? 2008 (présenté en vertu de l’article 248, paragraphe 4, deuxième alinéa, du traité CE)] ; ISBN 978-92-9207-119-6 DOI:10.2865/35410, 64 pages, publié fin 2008 et diffusé début 2009
  9. Site de la Commission Européenne sur le budget
  10. Budget de l'U.E. Titre 5
  11. Règlement 1234/2007 "OCM unique"
  12. Règlement 479/2008, "OCM viticole"
  13. Détails - Site de l'INSEE
  14. INSEE - Production et valeur ajoutée par branche d'activité - 2008
  15. source OCDE, voir mesure du soutien agricole. De nombreuses et complexes études comparatives sont disponibles sur le site de l'OCDE : ici.
  16. Rapport OCDE - Les politiques agricoles des pays de l'OCDE : Panorama 2010
  17. Le chiffre du jour, L'Expansion, daté du 03/11/2005.
  18. Publication des aides PAC
  19. Site Telepac
  20. (en) Site de la Commission sur les aides directes, statistiques
  21. Bénéficiaires des aides de la PAC en 2009
  22. (en) - www.ecipe.org: study examining current subsidy distribution and criteria for future subsidy allocation across member states
  23. {en} Position d'Oxfam sur les restitutions à l'exportation
  24. {en} Site de l'Union européenne sur les négociations de Doha
  25. (en) Etude de la Fondation Carnegie
  26. Les socialistes défendent une politique agricole et alimentaire durable et équitable pour l’emploi dans le débat sur la réforme de la PAC post 2013
  27. Intervention de Stéphane Le Foll au Parlement européen, dans le débat sur le programme européen d’aide aux plus démunis
  28. La PAC : perspectives d'avenir, par Philippe Burny.
  29. Discours du 10 novembre 2009 devant les Coop de France
  30. - www.reformthecap.eu: Vue d'ensemble des arguments sur la politique agricole et résumés d'études scientifiques
  31. Position commune des ministres de l'agriculture français et allemand, septembre 2010
  32. Résolution du Parlement européen du 8 juillet 2010 sur l'avenir de la politique agricole commune après 2013 adoptée le 8 juillet 2010
  33. Rapport Dess, version française
  34. Article dans la France Agricole, 12 octobre 2011, sur les propositions de Dacian Ciolos

Bibliographie

Compléments

Articles connexes

Liens externes

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