Preference nationale

Preference nationale

Préférence nationale

La préférence nationale est une expression française, forgée en 1985 par des personnes proches du Front national (on l'attribue généralement à Jean-Yves Le Gallou). Elle exprime la volonté politique de réserver des avantages —généralement financiers — ainsi que la priorité à l'emploi aux détenteurs de la nationalité française, ou à refuser les aides sociales à des personnes qui n'auraient pas la nationalité française.

Sommaire

Pratique

La pratique de la « préférence nationale » existe depuis bien avant la création de l'expression. Ainsi la nationalité française est, et a toujours été, le critère obligatoire pour obtenir certains droits, et pratiquer certaines professions (voir l'article nationalité française).

Concrètement, on parle de « préférence nationale à l'embauche »[réf. nécessaire] quand on refuse l'accès de certains emplois à des personnes ne détenant pas la nationalité française.

Elle est souvent basée sur l'application de dispositions légales qui réservent les emplois, particulièrement dans la fonction publique (principalement l'enseignement, la recherche, la défense nationale, l'industrie), aux citoyens de nationalité française.

Le Front national défend, quant à lui, la priorité à l'embauche des détenteurs de la nationalité française, comme c'est le cas au Brésil (ou autrefois en Suisse avants les Accords entre la Suisse et l'Union européenne).

Critère de nationalité

L'expression est parfois utilisée hors de son contexte national français d'origine pour décrire une politique dans n'importe quel État qui serait basée sur la nationalité, en Europe (Belgique, par exemple) ou en Afrique (cas de la Côte d'Ivoire).

Elle est également utilisée par des partis politiques et des médias français, souvent dans un but polémique, pour qualifier des cas régionaux.

En 1999, Charlie-Hebdo l'emploie à propos d'un critère local (lieu de naissance ou de résidence prolongé) institué par le conseil régional de Bretagne dans le cadre d'une aide à la formation, considérant que cette « préférence régionale » est assimilable à la « préférence nationale »[1]. En 2004, à propos du conflit social à la SNCM, Georges Sarre, dirigeant du MRC, l'emploie pour désigner l'accord entre la direction et un syndicat de travailleurs corses, et le terme apparaît dans divers journaux (voir La Charente Libre)[2].

Polémique

Récemment, le FN a utilisé l'image de l'homme politique Roger Salengro en le présentant comme l'initiateur d'une loi sur la préférence nationale. Voici les faits: en août 1931, le groupe socialiste, dont Roger Salengro est membre, dépose une proposition de loi qui interdit durant une période limitée l’entrée des étrangers en France, fixe un seuil maximal de 10% de travailleurs étrangers dans les entreprises et prévoit des amendes pour les patrons contrevenants. Le même texte oblige aussi « tout chef d’entreprise à payer aux ouvriers étrangers qu’il emploie un salaire normal égal pour chaque profession, et dans chaque profession pour chaque catégorie d’ouvriers au taux couramment appliqué dans la ville ou la région où le travail est exécuté » et prévoit pour la première fois en France que « les travailleurs étrangers admis à travailler en France percevront les secours de chômage dans les mêmes conditions que les travailleurs français ». Le 10 août 1932, une loi est votée à l’initiative du gouvernement du radical Herriot, dont les socialistes ne font pas partie. Elle fixe à 5%, dans certaines branches, les quotas de travailleurs étrangers, mais oublie de prévoir l’égalité face au salaire et au chômage. Elle est adoptée par les radicaux et la droite. Les socialistes (dont Roger Salengro) et les communistes s’abstiennent.[3]

Thème

Le thème de la préférence nationale est récurrent dans les programmes du principal parti nationaliste français d'extrême droite, le Front national. Il a été théorisé en France par le Club de l'Horloge, dans un livre publié en 1985 aux éditions Albin Michel : La Préférence nationale : réponse à l'immigration. Les auteurs principaux de cet ouvrage, encore membres du RPR, de l'UDF ou du Centre national des indépendants et paysans, ont rejoint le FN quelques mois plus tard, notamment parce que ce parti se montrait plus favorable que leurs formations d'origine à l'application de la préférence nationale.

Ce thème apparaît aussi dans les programmes des groupes nationalistes corses (qui évoquent la « corsisation »)[4], du groupuscule nationaliste breton Adsav, organisation appartenant, selon ses propres dires, à la « droite nationaliste bretonne » et qui défend la « préférence bretonne »[5], ou encore du groupe nationaliste normand Mouvement normand, qui se déclare « favorable, autant que faire se peut, à la préférence régionale et nationale, notamment en matière de flux de populations et d'emplois »[6].

Exemples en France

  • Lors de la législature 1986-1988, les députés FN déposent la proposition n° 184 proposant l'introduction de la préférence nationale pour l'emploi. La réforme prévoit de « réduire le travail étranger saisonnier, de mettre fin à l'impunité du travailleur étranger et de poursuivre leurs employeurs, de reconduire les chômeurs étrangers en fin de droits à la frontière, de réserver les allocations de fins de droits aux chômeurs français », crée « une taxe sur l'emploi étranger » et rétablit « le français comme langue de communication publique » dans l'entreprise. Elle n'a jamais été discutée à l'Assemblée nationale[7].
  • En janvier 1998, la mairie frontiste de Vitrolles, dirigée par Catherine Mégret, a instauré une allocation de naissance d'un montant de 5 000 F (762 €) allouée aux enfants de parents français ou ressortissants de l'Union européenne[8].

Exemples de préférence régionale assimilés à la préférence nationale

La préférence régionale, qui est devenue une pratique en cours dans divers territoires d'Outre-mer et un objet de revendication à La Réunion, fait également l'objet de critiques, de la part de ceux qui y voient une forme de discrimination, assimilable à la préférence nationale brandie par le Front national.

  • Les Corses ont un recrutement préférentiel dans les emplois de la fonction publique insulaire (par exemple, affectation des jeunes professeurs titularisés), de même qu'à la SNCM (thème apparu dans les médias lors du conflit social de 2004). Cette préférence est défendue par les organisations nationalistes corses, qui parlent de « corsisation » des emplois ou de « lutte contre la décorsisation ». Elle est assimilée à la « préférence nationale » par des partis politiques et certains commentateurs, ainsi que la géographe Marianne Lefevre[9].

Exemples en Europe

D'autres cas peuvent être assimilés à la « préférence nationale »:

  • le président du Conseil italien Silvio Berlusconi a envoyé début 2006 une somme à tous les parents d’un enfant né en Italie en 2005, sauf s’ils n’étaient pas ressortissants de l’Union européenne[réf. nécessaire] ;
  • En 2007, en Russie, une loi réserve des emplois de vente au détail aux Russes « de souche »[11].

Recrutement national français et recrutement européen

Par ailleurs, la plupart des pays réservent les emplois de l'administration à leurs nationaux, ou à des personnes parlant la langue nationale officielle.

C'est ainsi le cas de la France, où il faut justifier de la nationalité française et de la connaissance de la langue française pour se présenter aux concours administratifs.

C'est également le cas au niveau européen, dans les administrations de l'Union européenne.

L'expression préférence nationale à ce sujet est généralement évitée, trop marquée politiquement. On parle simplement de recrutement national ou européen, comme on parle également de recrutement régional, ou départemental pour les enseignants du premier degré.

Exemple dans le monde

En Côte d'Ivoire, le 19 février 2004, un arrêté signé par les ministres de la Fonction publique et de l'Économie et des Finances (Hubert Oulaye et Paul Antoine Bohoun Bouabré), l'arrêté n° 1437, stipule que « toute demande de visa de contrat au profit d’un travailleur non ivoirien, doit être accompagné d’un plan d’ivoirisation du poste approuvé par le ministre en charge de l’Emploi ».

D'après cet arrêté, l'employé qui veut obtenir un visa de travail doit payer au moins un mois de salaire brut ; toute vacance de poste dans une entreprise doit « faire l'objet d'une publication », pendant deux mois, auprès des organismes de placement agréés par l'État ; une demande de visa de travail est « irrecevable », si elle n'est pas accompagnée d'un « plan d’ivoirisation de deux ans maximum » ; enfin, l'employeur enfreignant la loi risque une sanction de quatre mois de salaire brut par année d'infraction, tandis que l'employé se voit interdire de travailler en Côte d'Ivoire.

Cet arrêté est en violation avec l'article 91 ratifié le 29 janvier 2003 par l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA)[12]. Le concept général d’ivoirité est rapproché de la préférence nationale par Colette Braeckman[13].

Au Brésil et à Monaco, les détenteurs de la nationalité du pays sont pioritaires à l'embauche.[réf. nécessaire]

En Suisse, la préférence nationale était appliquée jusqu'en 2002[14] : elle fut supprimée sur demande de l'Union européenne lors des négociations dans le cadre d'accords bilatéraux entre les deux pays, plus précisément dans la partie concernant la libre-circulation des personnes. Depuis cette date, il n'est plus possible de favoriser le travailleur suisse par rapport à celui issu d'un pays membre de l'Union européenne[15]. Selon les statistiques, le nombre de ressortissant européen en Suisse a fortement augmenté dans les années suivant la conclusion de ces accords (+14% de 2002 à 2008 pour s'établir à plus d'un million de citoyen européen résident en Suisse)[16], il en est de même concernant le nombre de frontalier dont le nombre augmentat de plus de 30% de 2002 à 2008 pour atteindre 213'500, dont une majorité de français[17].

Voir aussi

Bibliographie

Notes

  1. Voir : Charlie-Hebdo, n° 361, 19 mai 1999. Voir : [1] et [2]. D'après A. Kerloc’h et Renaud Marhic, il s'agissait de « chèques projets » et de « chèques formation ».
  2. Communiqué de Georges Sarre, dirigeant du MRC. Emploi relevé par le web de L'Humanité le 21 septembre 2004.
    Voir également « Le conflit à la SNCM - revue de presse », composé de quelques éditoriaux des quotidiens du samedi 1er octobre 2004 consacrés au conflit à la SNCM. De même, l'éditorialiste du quotidien régional La Montagne Dominique Valès établit un parallèle entre un « Front national qui a fait de la préférence nationale le pilier de son programme de rejet des immigrés » et « une préférence régionale instaurée au profit de la main-d’œuvre corse ».
  3. Extrait du site Politis, citant le livre Un Apartheid à la française, Dix réponses à la préférence nationale, écrit par SOS Racisme et édité par Cétacé
  4. Voir :
  5. Voir : « Positions » d'Adsav, « ADSAV! en 20 Questions/réponses », affirmant l'existence d'une nation bretonne, et le premier numéro de War Raok, journal d'Adsav.
  6. Pourquoi le Mouvement normand ? D'où vient le Mouvement normand ?
  7. « Les propositions de loi des députés FN entre 1986 et 1988 », Le Monde, 4 mai 2002.
  8. Cette mesure a valu à Catherine Mégret une condamnation pour discrimination à trois mois de prison avec sursis, avec une amende de 15 245 € et deux ans d’inéligibilité : [3]. « Dossier FN, ils ont dit, ils ont fait, ils ont été condamnés », établi par le service Société du journal Le Monde, samedi 21 mars 1998.
  9. Voir :
    • Marianne Lefevre (géographe, maître de conférences à l'université de Perpignan), « Langue, terre et territoire en Corse », Hérodote, n°105, février 2002, 204 pages, p. 38-59. Elle écrit : « L’officialisation de la langue corse est un outil de "corsisation des emplois" et de "territorialisation" de la fonction publique insulaire et introduit la notion de préférence "nationale" » et relève dans la plate-forme de quinze propositions des huit organisations nationalistes corses communiquée à la presse le jeudi 4 novembre 1999 : « La proposition 12 des huit organisations nationalistes de novembre 1999 préconise la mise en place d’une politique de corsisation des emplois en favorisant le retour des Corses dispersés dans le monde et la définition d’une "politique d’immigration en fonction de ses intérêts propres, économiques et culturels, dans le respect des droits de l’homme". Elle met ainsi en corrélation une politique de corsisation des emplois et d’immigration, d’une part, et d’immigration et d’intérêts culturels, d’autre part… Pour le responsable de Corsica Nazione, dans une déclaration publiée par La Corse du 27 février 1998, "il apparaît plus équitable pour nos enfants de former les hommes et les femmes de chez nous, plutôt que d’en faire venir d’ailleurs". Ce système de recrutement d’emploi fondé sur une préférence "nationale" s’apparente à celui de la préférence nationale prônée par le Front national, puisqu’il repose sur des critères identitaires et non d’égalité citoyenne et de compétences. »
    • Communautarisme.net relève, dans le discours de Jean-Guy Talamoni aux journées nationales de Corte, le 8 août 2004 la phrase suivante : « À titre d’exemple, la corsophonie dans le monde du travail constitue un élément essentiel de la corsisation des emplois. »
    • À propos des jeunes professeurs titularisés corses, Communautarisme.net reprend « L'autre affaire de "corsisation" des emplois », texte tiré du site Revue républicaine.
  10. A. Kerloc’h et Renaud Marhic, « Bretagne. Et maintenant la préférence nationale… Des aides réservées aux natifs : la Région Bretagne, dirigée par un RPR, lustre le poil des nationalistes. », Charlie-Hebdo, n° 361, 19 mai 1999. L'information est également disponible sur le site du mouvement Europe & laïcité. D'après A. Kerloc’h et Renaud Marhic, il s'agissait de « chèques projets » et de « chèques formation ».
  11. Andrew Osborn, « Russia bans foreign workers from retail jobs », The Independent, 2 avril 2007.
  12. Arnold Sènou, « La Côte d'Ivoire choisit la préférence nationale. Le retour en force de "l’ivoirité" », Afrik.com, 9 mars 2004.
  13. Colette Braeckman. Aux sources de la crise ivoirienne, Manière de voir n° 79, février-mars 2005, ISSN 1241-6290, p 80
  14. Libre circulation des personnes Suisse - UE/AELE
  15. "il n’y a plus de préférence nationale (les postes vacants étaient auparavant réservés en priorité aux travailleurs locaux, ce qui n'est aujourd'hui plus le cas)"
  16. "Plus d'un million d'Européens résident en Suisse"
  17. "Plus de la moitié des 213.500 frontaliers travaillant en Suisse vit en France"
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