Première croisade

Première croisade
Première croisade
Godfrey of Bouillon and leaders of the first crusade.gif

Godefroy de Bouillon et les chefs de la Première Croisade.
Informations générales
Date 1096-1099
Lieu Terre sainte
Casus belli Fermeture de l’accès aux Lieux Saints (1078)
Issue Prise de Jérusalem et fondation des États latins d'Orient
Belligérants
Croisés Sarrasins
Commandants
Godefroy de Bouillon

Raymond IV de Toulouse
Étienne II de Blois
Baudouin de Boulogne
Eustache III de Boulogne
Robert II de Flandre
Adhémar de Monteil
Hugues Ier de Vermandois
Geoffroy II de Vendôme
Robert II de Normandie
Bohémond de Tarente
Tancrède de Hauteville
Alexis Ier Comnène
Tatikios
Manuel Boutoumitès
Guillaume Ier Embriaco
Constantin Ier

Kılıç Arslan Ier, sultan de Roum
Yâghî Siyân
Duqâq de Damas
Kerbogha
Ridwan d'Alep
Al-Musta'li, calife fatimide
Danishmend Gazi
Iftikhâr al-Dawla
Soqmân l’Ortoqide, cadi de Jérusalem

Al-Afdal Shâhânshâh

Forces en présence
Croisés:

~ 35,000 hommes

  • 30,000 Infanterie
  • 5,000 Cavalerie

Byzantins:
~ 2,000 hommes[1]

Inconnue
Pertes
Inconnue Inconnue
Croisades d'Orient
(Ire, IIe, IIIe, IVe, Ve, VIe, 1239, VIIe, VIIIe, IXe).
Batailles
Nicée — Dorylée — Antioche — Jérusalem — Rama (1re) — Ascalon — Rama (2e) — Haran — Rama (3e) — Tripoli

La première croisade est une croisade qui s'est déroulée de 1096 à 1099 suite, entre autres, au refus intervenu en 1078 des Turcs Seldjoukides de laisser libre le passage aux pèlerins chrétiens vers Jérusalem.

Sommaire

Prémices

En 1078, les Turcs seldjoukides délogent de Jérusalem les fatimides qui y étaient installés depuis 970. À une période de libre accès à Jérusalem par les pèlerins chrétiens se substitue le massacre par les Turcs de la totalité de la population de Jérusalem[2], la soumission des populations chrétiennes aux vexations et esclavage. Dans le même temps, vaincus à la bataille de Manzikert en 1071[3], les Byzantins ne peuvent empêcher les Turcs de s'établir à Nicée en 1078 et d'y fonder un royaume en 1081. À la fin du XIe siècle, l'empereur Alexis Ier Comnène, dont l'empire chrétien d'Orient se trouve menacé par l'invasion des Turcs, demande à plusieurs reprises les aides de Rome contre les Seldjoukides.

Le concile de Clermont

Article détaillé : Concile de Clermont (1095).

En 1095 lors d'un séjour en France, le pape Urbain II prend acte de la fureur des chevaliers à qui les Turcs barrent dorénavant la route de Jérusalem (que les Arabes avaient toujours laissée libre) et répond à la demande d'Alexis Ier. Ainsi, le 27 novembre 1095, au cours du concile de Clermont qu'il a fait réunir, le pape lance un appel à la croisade[4], et prêche pour secourir l'empereur byzantin et la libération de la Terre sainte à Jérusalem. En échange de leur participation à la croisade, il promet le pardon de leurs péchés aux chevaliers qui iraient porter secours aux chrétiens d'Orient[5].

Il désigne Adhémar de Monteil, évêque du Puy-en-Velay, pour diriger cette croisade[6].

La croisade populaire

Article détaillé : Croisade populaire.

Le petit peuple réagit en grand nombre, notamment en Berry à l'appel de Pierre l'Ermite qui lance son fameux « Dieu le veut », en Orléanais, à PoissyGautier Sans-Avoir le rejoint, en Champagne et en Lorraine.
Le 12 avril 1096 c'est avec quelque 15 000 pèlerins que Pierre l'Ermite et Gautier Sans-Avoir parviennent à Cologne.

Gautier, emmenant une majorité de Français, quitte le premier Cologne et gagne la Hongrie où le roi Coloman lui accorde le libre passage. À Semlin, dernière place hongroise avant le territoire byzantin, des incidents avec les Hongrois se soldent par la pendaison de seize croisés pillards. Arrivant à Niš le 18 août, Gautier continue sa route via Sofia, Philippopoli et Andrinople jusqu'à Constantinople qu'il atteint le 20 juillet sous escorte byzantine[7].

Les troupes de Pierre l'Ermite atteignent à leur tour Semlin, prennent la ville d'assaut devant le refus de fournir du ravitaillement. D'après le chroniqueur Albert d'Aix, ils auraient agi ainsi après avoir vu suspendus aux remparts les armes et les vêtements appartenant à des pélerins qui faisaient partie de la bande de Gautier et qui avaient été tués.

Ils investissent ensuite et pillent Belgrade, désertée par ses habitants qui avaient trouvé refuge en territoire byzantin sur l'autre rive de la Save. A Niš, les troupes de Pierre sont encadrées par le gouverneur Nicétas qui ne leur permet de continuer leur chemin qu'à la condition expresse de ne s'arrêter désormais pas plus de trois jours devant une ville.

Cette troupe se présente finalement devant Constantinople le 1er août 1096. Là, l'empereur Alexis Ier leur conseille, dans un premier temps, d'attendre la croisade menée par les barons, mais devant leurs excès, il leur fait traverser le Bosphore le 6 août et leur assigne la place forte de Kibotos (Civitot). Les Turcs leur donnent alors méthodiquement la chasse et les tuent comme des bêtes fauves. Avec leurs ossements, ils élèvent une gigantesque pyramide que les chevaliers croisés retrouveront sur leur passage[8].

En septembre ils rejoignent les environs de Nicée et une troupe, dirigée par un noble italien du nom de Renaud s'empare de la forteresse de Xerigordon. Le 29 septembre, le sultan Kilij Arslan reprend la place forte.

Le 21 octobre 1096, las d'attendre, ils se remettent en mouvement vers Nicée, mais ils sont exterminés à peine sortis du camp de Civitot. Gautier-sans-Avoir, le comte de Hugues de Tubilingue et Gautier de Teck perdent la vie dans ce combat. Sur 25 000 hommes, seuls 3 000 parviennent à regagner l'empire byzantin. Ils s'amalgament à la croisade des barons, donnant les terribles tafurs.

Les maladies et la famine continuant à décimer de plus en plus les croisés, Pierre l'Ermite lui-même désespéra du succès de l'expédition. Le désordre le plus complet régnait du reste dans l'armée ; l'espionnage des musulmans y était tellement fréquent que Bohémond menaça ceux-ci d'être coupés en morceaux et rôtis pour servir de nourriture aux soldats affamés[9]. La propagande arabe reprendra ces menaces après les croisades pour discréditer Bohémond.

Les croisades germaniques

Parallèlement à la croisade de Pierre l'Ermite, d’autres bandes s’illustrent par de plus grands désordres encore. Ce sont les bandes de Volkmar (Folkmar), de Gottschalk, d’Emich de Flonheim et d'Emich de Leisingen.

  • Volkmar avec environ 12 000 hommes passent par la Saxe et la Bohême, massacrant des juifs à Ratisbonne et à Prague avant d'être dispersés en Hongrie.
  • Le prêtre allemand Gottschalk regroupe une bande de 15 000 hommes et se rend en Hongrie où ses croisés commettent différents méfaits avant d’être massacrés ou capturés par les Hongrois.
  • Emich de Leisingen, enfin, chevalier-brigand du Rhin, se livre à de véritables pogroms dans les villes qu’il traverse durant le mois de mai : Metz, Spire, Trèves, Worms, Mayence et Cologne. À Mayence, où se trouve un centre d’étude talmudique, ce qui affecta profondément le talmudiste Rachi. Loin d’être désorganisée, la troupe d'Emich de Leisingen, où figurent de nombreux seigneurs (vicomte de Melun et Gâtinais, Clarembaud de Vendeuil, Thomas de Marle, Drogon de Nesles) s’étant vu refuser l’entrée en Hongrie, leur armée entreprend le siège de Wieselburg où elle est écrasée par les Hongrois. Emich réussit à s’enfuir et regagner son pays tandis que Thomas, Clarembaud et Guillaume le Charpentier rejoignent Hugues de Vermandois.

La croisade des barons

Godefroy de Bouillon et les barons reçus par l'empereur Alexis

Le succès de l’appel de Clermont dépasse les espérances du pape et paraît difficilement explicable. L’évolution de la condition matérielle et de l’idéal chevaleresque au cours du XIe siècle a dû en favoriser le retentissement en créant un état de disponibilité. Le départ en Orient est un moyen de s’affranchir de la contrainte du lignage, en un temps où le mouvement de paix et le resserrement des liens vassaliques limitent les occasions d’aventure. La croisade réalise la fusion de l’esprit féodal et des préceptes chrétiens (le chevalier réalise au service du Christ et de l’Église son devoir vassalique).

L’appel à la croisade, adressé surtout à la noblesse du sud de la Loire, d’où est issu Urbain II, dépasse largement ce cadre : aux Provençaux s’ajoutent Godefroi de Bouillon, duc de Basse-Lotharingie et son frère Baudouin de Boulogne, Hugues de Vermandois, frère du roi Philippe Ier de France, avec des chevaliers français et champenois et le groupe conduit par Robert II de Normandie, qui vend son duché à son frère Guillaume II le Roux et Étienne de Blois. Le départ est fixé au 15 août.

Le premier à partir est Hugues de Vermandois. Il quitte la France vers le milieu du mois d'août 1096 avec une suite respectable et passant par l'Italie, où il reçoit l'étendard de Saint-Pierre à Rome. Godefroi de Bouillon finance son expédition par la vente ou en hypothéquant certaines de ses possessions, part également au mois d'août. Bohémond de Tarente, à la nouvelle de ces départs, décide lui aussi de se croiser. Il abandonne le siège d'Amalfi qu'il était en train d'entreprendre, et passe l’Adriatique avec une petite armée normande et son neveu Tancrède, au début de novembre. Le comte de Toulouse, Raymond de Saint-Gilles, rassemble, quant à lui, avec le légat du pape Adhémar de Monteil, la plus grande des armées des croisés, qui traverse la Dalmatie, non sans difficultés, durant l'hiver et parvient à Thessalonique début avril 1097 et à Constantinople le 21 du même mois.

Formée de contingents féodaux cheminant isolément, encombrée de non combattants, la croisade ne répond pas au désir du pape qui l’aurait voulu unie sous la direction d’un légat et d’un chef laïc. Elle répond encore moins aux vœux d’Alexis Ier Comnène, qui avait triomphé des Petchenègues, s’était débarrassé de l’émir de Smyrne, Zachas, et entretient des rapports pacifiques avec les Saljûqides de Rum. L’arrivée de la croisade pose à l’Empire byzantin des problèmes de ravitaillement et de surveillance. Cependant Alexis avait fait préparer des approvisionnements et assuré aux croisés qu’il faciliterait leur passage à condition qu’ils respectent leurs engagements de paix.

Les forces des croisés

Si les souverains ne répondent pas à l'appel du pape, de grands féodaux le font :

Quatre armées se constituent par des regroupements régionaux :

  • les Lorrains, menés par Godefroy de Bouillon et Baudouin de Boulogne, qui traversent l'Allemagne et les Balkans ;
  • les Normands d'Italie, conduits par Bohémond de Tarente et Tancrède de Hauteville, débarquant en Épire ;
  • les Méridionaux autour de Raymond de Saint-Gilles, qui passent par l'Italie du Nord, la Serbie et la Macédoine ;
  • les Français dont Hugues le Grand, Robert Courteheuse et Robert de Flandre.

L'arrivée à Constantinople

"Arrivée des croisés à Constantinople", par Jean Fouquet.

L'un des premiers à répondre à l'appel d'Urbain II, en 1095, Godefroy de Bouillon devient aussi l'un des principaux chefs de la première croisade. Vaillant, déjà réputé pour sa bravoure et sa sainteté, il part de Vézelay avec une suite nombreuse, il passe par Ratisbonne, Vienne, Belgrade et Sofia, arrive à Constantinople le 23 décembre 1096, et se heurte aussitôt à Alexis Ier Comnène. Les Méridionaux se présentent devant Constantinople en avril 1097. Des incidents surgissent avec l’arrivée de troupes plus importantes, entre Raymond de Toulouse et les mercenaires petchenègues, entre Bohémond et les habitants de Castoria qui lui refusent le ravitaillement.

Alexis Ier se méprend des intentions des croisés, qu'il croit venus offrir leurs services à son empire pour récupérer ses terres - à l'instar de ces troupes scandinaves qui depuis plusieurs siècles se mettaient à son service. Il exige donc un serment de fidélité et la promesse de restituer à l'empire byzantin les terres qui lui ont appartenu avant la conquête turque et de tenir en fief de l’empereur toutes les autres terres conquises.

Hugues de Vermandois, arrivé le premier à Constantinople après un naufrage lors de la traversée de l’Adriatique, prête sans difficulté à Alexis le serment. S'estimant féal sujet et homme lige du seul empereur germanique, Godefroy de Bouillon refuse tout d'abord de prêter le serment d'allégeance exigé par le basileus de tous les chefs croisés. Il faut lui couper les vivres pour le faire céder à contrecœur. Il s'engage ainsi à remettre au basileus tous les territoires ayant appartenu à l'empire byzantin qu'il pourrait enlever à l'Islam. Triomphant et magnanime, Alexis Comnène témoigne de sa satisfaction en le comblant de somptueux cadeaux : chevaux de prix et vêtements de parade, tissus précieux et coffrets remplis de besants d'or. Raymond de Saint-Gilles, prétextant qu’il ne pouvait servir d’autre suzerain que le Christ, se borne à jurer de respecter la vie et l’honneur de l’empereur. Bohémond de Tarente prêterait volontiers serment, si on le nomme grand domestique de l’Orient, charge qui lui donnerait le commandement des forces impériales en Asie Mineure, par conséquent le commandement de l’expédition. Cependant, Tancrède de Hauteville se soustrait au serment en passant sur la rive asiatique.

La traversée de l'Anatolie

Après la réunion des quatre armées, les croisés avec des troupes byzantines se dirigent vers Nicée qui est assiégée à partir de mai 1097. Cependant, lorsque la ville est sur le point d'être prise, le 16 juin, les Turcs font le choix de se rendre aux Byzantins et les croisés sont surpris, sinon déçus, de voir soudain le drapeau byzantin flotter sur la ville qu'ils s'apprêtaient à attaquer.

Les croisés sont étonnés des négociations secrètes des Grecs et se méfient désormais des intentions du Basileus.

Les croisés reprennent leur route vers la Terre sainte. De son côté Qilij Arslan Ier, sultan de Roum, bat le rappel des Turcs seldjoukides et attaque par surprise les croisés à la bataille de Dorylée, le 1er juillet 1097. La victoire des croisés leur ouvre la voie de l'Anatolie.

L’armée progresse difficilement, endurant la faim et la soif, perdant ses chevaux en grand nombre et rendant les guides grecs responsables de ses maux. Vainqueurs des Danichmendides et de l’émir de Cappadoce à Héraclée, les croisés traversent le Taurus et sont accueillis favorablement en Cilicie par les Arméniens installés là depuis le milieu du XIe siècle.

Le siège et la prise d'Antioche

Article détaillé : Siège d'Antioche.

Le 20 octobre, les croisés arrivent devant Antioche. Tancrède, neveu de Bohémond, et Baudouin de Boulogne s’emparent des places ciliciennes de Tarse et de Mamistra, qu’ils abandonnent à la suite de dissensions. Baudouin se rend ensuite dans le Haut-Euphrate, où il prend Ravendel et Turbessel, qu’il laisse en fief aux compagnons arméniens qui l’ont guidé. Appelé à Édesse par l’arménien Thoros, désireux de secouer la tutelle turque, il devient son fils adoptif et héritier.

Le siège d'Antioche commence en novembre 1097, avec du matériel apporté par une flotte génoise. Mais l’hiver rend le ravitaillement difficile et la famine s'installe dans le camp des chrétiens. Un chroniqueur évoque la présence de pratiques anthropophages au cours du siège d'Antioche. Ainsi, après la conquête de la Palestine, Raoul de Caen, chroniqueur de la première croisade écrivait : « À Ma'arat, les nôtres firent cuire les païens adultes dans des marmites et embrochèrent les enfants pour les manger rôtis ». Cependant, l'historiographie ne considère pas Raoul de Caen comme une source fiable : on le voit notamment quand il déclare que les croisés se sont trouvés face à une « statue de Mahomet » dans le temple de Salomon[10],[11]. René Grousset, dans son Histoire des Croisades, fait remarquer que les actes incriminés étaient commis sur des cadavres (« ils ouvraient les cadavres ») par les Tafurs, bandes de Ribeauds affamés (« Il y eut là des nôtres qui manquèrent du nécessaire »). Toujours selon Grousset et aussi selon Xavier Yvanoff[12], constatant la terreur que cet acte avait engendré chez leurs adversaires, les chefs croisés firent courir le bruit que Bohémond de Tarente, voulant brûler les espions musulmans introduits dans son camp, donna l'ordre de le faire sur des broches afin de faire croire qu'ils seraient dévorés.

Malgré les victoires remportées sur les armées de Damas (décembre), puis d’Alep (février 1098), le moral des assiégeants est très bas. Les défections sont nombreuses (Pierre l'Ermite, Étienne II de Blois, et le chef du contingent byzantin soupçonné d’intriguer avec les Turcs). Bohémond parvient à se faire promettre la ville au détriment de l’empereur byzantin s’il y entrait le premier.

Une émeute débarrasse Baudouin de Boulogne de Thoros d’Edesse en mars 1098. Baudouin, son héritier, fonde le comté d'Édesse. Bohémond parvient à entrer dans Antioche avec la connivence de la population (3 juin 1098). Les croisés, entrés dans la ville, se trouvent en situation d’assiégés, entre la garnison turque restée dans la citadelle, et les renforts conduits par l’atabey de Mossoul, Kerbogha. Une série de visions et la découverte de la sainte Lance leur permettent de garder le moral. Mais des fugitifs, persuadés de la chute imminente de la ville, ont rejoint Alexis Comnène qui a atteint Philomelium à la tête d’une armée de secours. Alexis, qui veut garder les conquêtes faites par la croisade (Smyrne, Éphèse, Sardes), et ne tient pas à se mesurer à Kerbogha, rebrousse chemin. Bohémond de Tarente, victorieux de Kerbogha (28 juin), maîtrise Antioche. Seul Raymond de Saint-Gilles prétend faire respecter les droits de l’empereur sur la ville. Mais comme Alexis n’a pas porté assistance à ses vassaux, ceux-ci se considèrent déliés de leur engagement. La croisade a rompu avec Byzance.

Durant l’été, tandis qu’une épidémie sévit à Antioche et emporte le légat Adhémar de Monteil, les croisés se répandent dans les régions voisines, s’emparent au sud de Lattaquié et de Ma`arrat, ou consolident leurs positions en Cilicie. Les tergiversations du conseil des barons au sujet d’Antioche et du commandement irritent le reste de l’armée, qui détruit les fortifications de Ma`arrat, conquise par Saint-Gilles pour le forcer au départ.

Après la prise d'Antioche, lassé de la querelle interminable qui oppose Bohémond de Tarente et Raymond de Saint-Gilles, Godefroy se retire temporairement chez son frère Baudouin à Édesse, d'où il rejoint les croisés lorsqu'ils reprennent enfin la route pour Jérusalem.

La prise de Jérusalem

Article détaillé : Siège de Jérusalem.

L’armée croisée prend la route de Jérusalem (13 janvier 1099), remontant la vallée de l’Oronte, sans être inquiétée par les émirs arabes de la région. Rejoignant la côte, elle s’empare de Tortose et de Maraclée. Sous la pression de ses soldats, Raymond de Toulouse doit abandonner le siège d’Arqa dont il comptait faire le centre de ses futures possessions. Suivant la côte jusqu’à Jaffa, les croisés entrent à Bethléem le 6 juin et mettent le siège devant Jérusalem le lendemain.

La ville, fortifiée et entourée de ravins, sauf au nord, attend des secours d’Égypte. Les assiégeants manquent d’eau, de bois et d’armes et ne sont pas assez nombreux pour l’investir. Une expédition en Samarie et l’arrivée d’une flotte génoise à Jaffa fournissent le matériel nécessaire à la construction de machines de siège. Une série de jeûnes purificateurs et une procession autour de la ville rendent son sens de pèlerinage à la croisade. Après un assaut difficile de deux jours, la ville est prise le 15 juillet. Les chroniqueurs francs utilisent le registre de l'Apocalypse pour décrire la force des combats dans la cité : « Entrés dans la ville, les pèlerins poursuivaient, massacraient les Sarrasins jusqu’au Temple de Salomon… où il y eut un tel carnage que les nôtres marchaient dans le sang jusqu’aux chevilles ». En réalité, la lutte la plus violente eut lieu dans la Tour du Temple investie par la garnison Turque et dont Raymond de Toulouse obtint la reddition et le sauf conduit. La population musulmane et juive fut non pas exterminée mais chassée de la ville vers Ascalon ou Damas comme l'atteste les écrits retrouvés dans la Geniza du Caire[2]. Le sac de Jérusalem est en effet amplifié par des chroniqueurs arabes pour en faire un récit épouvantable et rassembler le monde musulman contre les croisés[2].

Dans les mois qui suivent, un certain nombre de pèlerins, croyant avoir rempli leur vœu, repartent pour l’Occident et y portent la nouvelle du triomphe de la chrétienté. Ayant refusé dignement la couronne de Jérusalem, Godefroi de Bouillon prend le titre d’avoué du Saint-Sépulcre, réservant ainsi les droits de l’Église sur le nouvel État. C'est donc son frère qui devient roi sous le nom de Baudouin Ier de Jérusalem. En juillet, avec les autres princes, il surprend l’armée égyptienne de secours à Ascalon, assurant la survie de son État. Les Fatimides reprennent néanmoins le contrôle d'Ascalon après une révolte populaire. En septembre, Godefroi de Bouillon reste seul avec trois cents chevaliers et deux mille piétons pour défendre ses conquêtes (Jérusalem, Jaffa, Lydda, Ramla, Bethléem, Hébron) auxquelles s’ajoutent bientôt la Galilée. Il affronte à trois reprises les Fatimides, lors des batailles de Rama (1101, 1102 et 1105).

Voulant se tailler un fief, Raymond de Saint-Gilles commence le long siège de Tripoli en 1102. Deux ans plus tard, Baudouin Ier décide de profiter d'un conflit interne des Seldjoukides, qui oppose le shah seldjoukide Barkyaruq à son frère, pour tenter de prendre Harran, qui ouvrirait la voie sur Mossoul et Baghdad. De plus, l'émir de Mossoul, Jekermish, s'affronte avec son voisin Il Ghazi ibn Ortoq, seigneur de Mardin et d'Alep.

Néanmoins, le frère d'Il Ghazi, Soqman ibn Ortoq, se réconcilie avec Jekermish, battant Baudouin Ier et ses troupes. L’armée d’Édesse est entièrement détruite ou capturée et ses chefs, Baudouin et son vassal, Josselin de Courtenay, sont capturés. L'avancée des croisés vers la Perse est ainsi bloquée. Peu de temps après, profitant de l'affaiblissement des croisés, les Turcs d’Alep reprennent Artâh et les Byzantins s'emparent de la Cilicie et de Lattaquié[13].

En 1105, Raymond de Saint-Gilles meurt lors du siège de Tripoli. Celui-ci se poursuit, sous la direction de son cousin, Guillaume Jourdain, soutenu par Byzance. L'émir de Tripoli tente d'obtenir l'aide de Soqman ibn Ortoq, vainqueur de la baille d'Harran, mais celui-ci meurt en route. Le blocus de Tripoli se fait plus intense, et en 1108 Bertrand de Saint-Gilles, le fils de Raymond IV, arrive avec des troupes. Pour arbitrer entre la rivalité de ce dernier et de Guillaume Jourdain, le roi de Jérusalem Baudouin Ier marche aussi sur Tripoli, rejoint par le prince d'Antioche, Tancrède de Hauteville. Baudouin Ier décide de diviser le futur comté de Tripoli en deux parties, et accepte la reddition de Tripoli. Peu de temps après la prise de la ville, Guillaume Jourdain meurt assassiné, le comté de Tripoli revenant ainsi à Bertrand de Saint-Gilles.

En Occident, la croisade continue à être prêchée. Le pape Pascal II prononce l’excommunication contre ceux qui n’ont pas accompli leurs vœux, renvoyant à Jérusalem les déserteurs, tels Étienne de Blois et Hugues de Vermandois.

Conséquences

Un certain nombre de pèlerins, après avoir accompli leurs dévotions, reprennent le chemin du retour. Ils ont délivré Jérusalem et par là même accompli leurs vœux. D'autres croisés s'apprêtent à rester en Orient.

Les États latins d'Orient en 1102, peu après la première croisade

Godefroy de Bouillon est choisi par ses pairs comme prince de Jérusalem. Il refuse d'être nommé roi du royaume de Jérusalem. Il dit : « Je ne porterai pas une couronne d'or, là où le Christ porta une couronne d'épines ». Il est alors nommé Avoué du Saint-Sépulcre, soit advocatus Sancti Sepulchri. En septembre, il reste seul dans ses nouvelles possessions avec seulement trois cents chevaliers et deux mille piétons. Les établissements francs sont dangereusement isolés les uns des autres et mal reliés à la mer[14].

En Occident, la nouvelle de la prise de Jérusalem provoque le départ de nouvelles armées dépassant parfois le millier d'hommes. Mais fautes d'ententes, ces "arrières" croisades échouent toutes en Anatolie devant les Turcs qui ont refait provisoirement leur unité. La mer devient alors le seul moyen de communication avec l'Occident. L'archevêque Daimbert de Pise, arrivé à Jaffa avec 120 bateaux, se fait nommer patriarche latin de Jérusalem et suzerain de la principauté d'Antioche et du royaume de Jérusalem. Il se fait donner un quart de Jérusalem et la totalité de Jaffa. Godefroy, de son côte promet aux Vénitiens qui viennent de prendre Haïpha, le tiers de toutes les villes qu'ils aideraient à conquérir[15]. Quelques mois plus tard après la mort de Godefroy son frère Baudouin, comte d'Édesse, se fait couronner roi de Jérusalem par le patriarche latin de la ville. Il étend le royaume de Jérusalem par les conquêtes d'Arsouf, de Césarée, de Beyrouth et de Sidon. De son côté, Raymond de Toulouse, avec l'aide de Gênes, fait la conquête du comté de Tripoli[16]. Les marchands italiens, d'abord réticents à l'idée d'une aventure guerrière risquant de détériorer leurs relations commerciales avec l'Orient, commencent à voir dans les croisades un moyen d'élargir le champ de leurs activités et d'acheter les produits d'Orient à leur source même sans passer par l'intermédiaire des musulmans ou des Byzantins[17].

Voir aussi

Liens connexes

Croisades

Bibliographie

  • Jean Richard, Histoire des croisades, Fayard, 1996.
  • Jacques Auguste Simon Collin de Plancy, Légende des Croisades.
  • Jean Richard, Saint Louis, roi d'une France féodale, soutien de la Terre sainte, 1983.
  • Jean Richard, Le comté de Tripoli sous la dynastie Toulousaine, Geuthner, 1945.
  • Jean Richard, Le royaume latin de Jérusalem, PUF, 1953.
  • (fr) Amin Maalouf, Les croisades vues par les Arabes, J.-C. Lattes, Paris, 1983

Liens externes

Les documents sonores de Canal Académie


Notes et références

  1. Nicolle 2003, p. 21 and 32.
  2. a, b et c Jean Richard, Histoire des croisades, Fayard, 1996
  3. Alexandre Del Valle, La Turquie dans l'Europe 2004, p. 21
  4. Jean Flori, La guerre sainte 2001, p. 310
  5. Yves Celanire, Raconter l'histoire 1999, p. 209
  6. René Grousset, Histoire des croisades et du royaume franc de Jérusalem 1948, p. 4
  7. Ferdinand Chalandon Histoire de la première croisade jusqu'à l'élection de Godefroi de Bouillon Ayer Publishing, 1972 (ISBN 0833705156 et 9780833705150)
  8. Gustave Le Bon, La Civilisation des Arabes, Livre II, p. 163
  9. Gustave Le Bon, op. cit., p. 163-164
  10. Xavier Yvanoff, Anthropologie du racisme - Essai sur la genèse des mythes racistes, Éditions L'Harmattan, 2005, p. 40
  11. Jean Flori, La première croisade - L'Occident chrétien contre l'Islam, Éditions Complexe, 2001, p. 212
  12. Xavier Yvanoff, op. cit., p. 77-78
  13. René Grousset, Histoire des croisades et du royaume franc de Jérusalem - I. 1095-1130 L'anarchie musulmane, Paris, Perrin, 1934 (réimpr. 2006), 883 p., p. 452 à 456 
  14. Cécile Morrisson, Les Croisades, Presses Universitaires de France, 1992, p. 33
  15. Cécile Morrisson op. cit., p. 33
  16. Cécile Morrisson, op. cit., p. 34
  17. Michel Balard, Jean-Philippe Genêt, Michel Rouche, Des Barbares à la Renaissance, Hachette, 1973, p. 180



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