Pro Milone

Pro Milone

Pour Milon

Pour Milon, en latin, Pro Milone est une plaidoirie de Cicéron (52 av. J.-C.) en faveur de Milon, accusé de l'assassinat de Publius Clodius Pulcher. Bien que Cicéron perdît le procès, son discours n'en reste pas moins un modèle d'équilibre et d'habileté. Le texte en était d'ailleurs déjà étudié dans les écoles du vivant de l'auteur.

Sommaire

Les circonstances

Voir surtout l'article Publius Clodius Pulcher pour sa biographie complète.

Les élections de -53

L'année 53, après la corruption et l'anarchie, s'ouvrait sans préteurs ni consuls. Clodius briguait la préture pour 52 et Milon le consulat (avec l'appui occulte du Sénat pour écarter Pompée soupçonné d'aspirer à la dictature). Clodius « soutint » les adversaires de Milon et dispersa par la violence les comices. L'année se passa sans élections.

La rencontre Via Appia (-52)

Le 18 janvier 52, Milon allait à Lanuvium, dont il était le 1er magistrat (dictator), pour désigner un prêtre (un flamine). Après Bovillae, vers 14 heures, il rencontra Clodius qui revenait d'Aricia, après une visite aux décurions (magistrats municipaux responsables de la rentrée de l'impôt- Clodius leur demandait un prêt). Leurs suites en vinrent aux mains. Celle de Clodius était mieux armée mais moins nombreuse que celle de Milon, qui n'avait armé ses esclaves que d'épées. Clodius est blessé à l'épaule par la lance d'un proche de Milon et transporté dans une auberge. Sur ordre de Milon, l'auberge est alors prise d'assaut, et Clodius achevé.

Après le meurtre

Son cadavre fut abandonné sur la route car ses esclaves avaient été tués, blessés ou se cachaient. Le sénateur Sex. Tedius, qui passait par hasard, revenant en ville de sa campagne, le ramassa et le fit transporter à Rome dans sa litière. Il fut déposé dans sa maison où sa femme Fulvia se répandit en lamentations. Une foule accourut. Le peuple transporta le corps dans la curie (poussés par le greffier Sex. Clodius). Ils y dressent un bûcher de fortune et brûlent à la fois le cadavre et l'édifice, ainsi que la basilica Porcia voisine. Alarmé, le sénat nomma Marcus Aemilius Lepidus interroi (magistrat qui, durant la vacance des magistratures, dirigeait l'État pendant 5 jours). Pompée, débarrassé de Crassus depuis 53 aspirait à la dictature. Mais le sénat préféra une direction collective et accorda par senatus-consulte pleins pouvoirs à l'interroi, aux tribuns et à Pompée, celui-ci étant responsable du maintien de l'ordre (c'était un moyen de le neutraliser).

Le procès

Un tribunal spécial

Les partisans de Clodius (les clodiani) excitent l'animosité du peuple contre Milon et son défenseur Cicéron. Le Sénat nomme Pompée consul sans collègue pour l'année 52, afin de calmer les désordres. Trois jours après son entrée en fonction, il promulgue deux lois, une de ambitu, l'autre de vi avec instauration d'un tribunal spécial :

  • Le président de tribunal (quaesitor) doit être un consulaire (ancien consul).
  • La liste des jurés (album judicum, 360 membres choisis parmi les sénateurs et les chevaliers) est dressée par le consul lui-même.
  • La durée des débats est limitée à 5 jours: jour 1- ouverture du procès et tortures des esclaves, jours 2 à 4- auditions des témoins, jour 5- plaidoiries (2 heures pour l'accusation, 3 heures pour la défense)
  • Une seule sanction: la peine capitale (toujours commuée en exil pour les citoyens romains)

Les débats

Trois accusations pèsent contre Milon : de vi (de violence), de ambitu (de brigue), de sodaliciis (d'organisation de bandes visant à empêcher les élections). Fut élu quaesitor de vi Lucius Domitius Ahenobarbus (consul en 54). Les esclaves de Milon ne purent être interrogés car ils avaient été affranchis. Dès le premier jour (4 avril), les débats furent chahutés. Pompée fit garder le forum par la troupe. Le 8, Pompée vint s'asseoir à l'aerarium (trésor public, situé dans le temple de Saturne, sur un podium de 6 m de haut), entouré d'une garde d'élite. Lorsque Cicéron se leva, la populace couvrit ses paroles et le grand créateur fut déconcerté. Sa plaidoirie fut médiocre et Milon condamné par 38 voix contre 13. Milon choisit Marseille comme lieu d'exil et y resta jusqu'en 48. Il fut tué d'un coup de pierre dans un soulèvement contre César.

Structure du discours

Le jour du procès, impressionné par l'ambiance fort tendue du tribunal, Cicéron n'a que prononcé en tremblant une argumentation maladroite et rapidement expédiée. La version que l'on lit est celle qu'il a retravaillée bien après la fin du procès, et absolument pas ce qu'il a prononcé.

  • Exorde : malgré les conditions exceptionnelles du procès, Cicéron est confiant en la conscience des juges. Sa ligne de défense : prouver que Clodius, la victime, était l'agresseur.
  • Réfutation préliminaire : certes, Milon se reconnaît coupable. Mais il est des cas où le meurtre est légitime. Le tribunal doit décider qui, de Clodius ou de Milon, voulait tuer l'autre.
  • Narration : Clodius a montré son aptitude à organiser la violence armée lors de sa campagne électorale ; la bagarre de la voie appienne s'est déroulée de telle sorte que les faits excluent d'eux-mêmes toute préméditation de Milon : le récit qu'en donne Cicéron ne laisse, du moins, aucun doute...
  • Confirmation, en deux temps :
  1. de causa, examen des vraisemblances : c'est à Clodius que l'échauffourée aurait le plus profité, c'est donc lui l'agresseur. De plus, les circonstances de la rencontre sur la voie appienne étaient très favorables à Clodius, s'il avait cherché à "supprimer" Milon. C'est bien Clodius qui a monté un guet-apens. L'innocence de Milon ? On en a la preuve par son attitude confiante et très digne après le meurtre.
  2. extra causam, examen de l'équité : quand bien même Milon serait coupable, il faudrait l'acquitter, voire le récompenser, car il a débarrassé Rome d'un fléau. Les Grecs savaient témoigner leur gratitude aux tyrannicides ! Milon, en tuant Clodius, a été l'instrument de la Providence divine : la mort de Clodius, c'est la punition de ses crimes.
  • Péroraison : puisque Milon, dans sa grande dignité, se refuse à implorer la compassion des juges, Cicéron, son avocat, le fera à sa place. Qu'ils imaginent seulement le départ pour l'exil de son client, s'ils le condamnaient ! Puni par ceux qu'il a sauvés ! Il n'en garderait pas moins toute la gloire que méritent les services éclatants rendus à la République. Les larmes aux yeux (dit-il), Cicéron va jusqu'à promettre qu'il suivra Milon en exil s'il est condamné, et lance un vibrant appel à la justice.

Milon fut exilé. Cicéron resta à Rome.

  • Portail de la Rome antique Portail de la Rome antique
  • Portail de la littérature Portail de la littérature
Ce document provient de « Pour Milon ».

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Pro Milone de Wikipédia en français (auteurs)

Игры ⚽ Поможем сделать НИР

Regardez d'autres dictionnaires:

  • Pro Milone — The Pro Tito Annio Milone ad iudicem oratio (Pro Milone) is a speech made by Marcus Tullius Cicero on behalf of his friend Titus Annius Milo. Milo was accused of murdering his political enemy Publius Clodius Pulcher on the Via Appia. The speech… …   Wikipedia

  • Cicero, Marcus Tullius — born 106 BC, Arpinum, Latium died Dec. 7, 43 BC, Formiae Roman statesman, lawyer, scholar, and writer. Born to a wealthy family, he quickly established a brilliant career in law and plunged into politics, then rife with factionalism and… …   Universalium

  • Liste de locutions latines — Cet article contient une liste de locutions latines présentée par ordre alphabétique. Pour des explications morphologiques et linguistiques générales, consulter l article : Expression latine. Sommaire  A   B … …   Wikipédia en Français

  • Ciceron — Cicéron Pour les articles homonymes, voir Cicéron (homonymie). Cicéron Marcus Tullius Cicero Naissance …   Wikipédia en Français

  • Cicérion — Cicéron Pour les articles homonymes, voir Cicéron (homonymie). Cicéron Marcus Tullius Cicero Naissance …   Wikipédia en Français

  • Cicéron — Pour les articles homonymes, voir Cicéron (homonymie). Cicéron …   Wikipédia en Français

  • Marcus Tullius Cicero — Cicéron Pour les articles homonymes, voir Cicéron (homonymie). Cicéron Marcus Tullius Cicero Naissance …   Wikipédia en Français

  • A Dialogue Concerning Oratorical Partitions — – (also called De Partitione Oratoria Dialogus, Partitiones Oratoriae, or De Partitionbus Oratoriae, translated to be “On the subdivisions of oratory”) is a rhetorical treatise, written by Cicero. According to the method of the Middle Academy,… …   Wikipedia

  • Cicero — For other uses, see Cicero (disambiguation). Marcus Tullius Cicero Marcus Cicero Born January 3, 106 BC Arpinum, Italy, Roman Republic Died December 7, 43 BC …   Wikipedia

  • Titus Annius Milo — Papianus was a Roman political agitator, the son of Gaius Papius Celsus, but adopted by his maternal grandfather, Titus Annius Luscus. In 52 BC he probably murdered Publius Clodius Pulcher and was later unsuccessfully defended by his friend… …   Wikipedia

Share the article and excerpts

Direct link
Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”