Art Cistercien

Art Cistercien

Art cistercien

Intérieur de l'église abbatiale de Fontenay

L'art cistercien est créé et transmis par l'ordre religieux fondé en 1098 par saint Robert de Molesme, en réaction au laisser-aller des monastères clunisiens vis-à-vis de la règle de saint Benoît[réf. nécessaire].

On peut caractériser l'architecture cistercienne par des bâtiments remarquables par la pureté de leur lignes, l'économie des matériaux et la simplicité du plan d'ensemble. Les monastères cisterciens se distinguent par la sobriété de l'architecture et des ornements.

Cet art a trois fonctions : d'abord louer Dieu et lui faire une offrande pour obtenir ses grâces. Ensuite, rendre présent l'invisible, le Royaume de Dieu, enfin, affirmer la puissance par une œuvre d'art.

Les rivières environnantes étaient utilisée pour l'énergie hydraulique (moulins) ; l'église était élevée au nord du site, tandis que le monastère et son cloître étaient établis au sud.

D'après Georges Duby, cet art naît des consonances entre la pensée d'un homme, saint Bernard, et la forme qu'est une abbaye cistercienne qui exprime sa pensée, et le monde dans lequel a vécu Bernard de Clairvaux. C'est le carré qui va être la forme choisie par Bernard pour être celle qui exprime au mieux son projet de vie monastique : le carré est une figure simple qui permet d'approcher le mystère dans l'humilité ; le carré peut être appliqué partout ; le carré est le signe de la Jérusalem nouvelle ; le carré est le symbole du passage du sensuel au spirituel.

L'art cistercien est en phase avec leur spiritualité: il doit être une aide pour le cheminement intérieur des moines. En 1134, lors d'une réunion du Chapitre général de l'ordre, Bernard de Clairvaux qui est au sommet de son influence, recommande la simplicité dans toutes les expressions de l'art[1]. Dès lors, les cisterciens vont développer un art dépouillé et souvent monochrome.

Sommaire

Architecture

Plan Bernardin
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Légende
     Espaces de moines     Espaces des convers

1. Église, 2. Autel principal ou maître-autel, 3. Autel secondaire, 4. Sacristie, 5. Lavabos, 6. Escalier,
7. Clôture, 8. Chœur, 9. Banc des infirmes, 10. Entrée du cloître, 11. Chœur des convers, 12. Couloir des convers,
13. Cour, 14. Armarium, 15. Cloître, 16. Salle capitulaire,
17. Escalier du dormitorium, 18. Dormitorium des moines,
19. Latrines, 20. Parloir, 21. Passage, 22. Scriptorium, 23. Salle des novices, 24. Calefoctorium, 25. Réfectoire des moines,
26. Chaire, 27. Cuisine, 28. Cellier, 29. Parloir des convers,
30. Réfectoire des convers, 31. Passage, 32. Magasins,
33. Escalier, 34. Dormitorium des convers, 35. Latrines

Les abbayes cisterciens se distinguent initialement par la simplicité et la sobriété de l'architecture et des ornements. En 1134, le Chapitre général prescrit une série de mesure concernant l'art sacré, les lieux saints ne devant recevoir aucun décor sculpté ou orné. La couleur doit être réservée aux enluminures[2]. Les abbayes cisterciennes connaissent l'évolution de l'architecture romane vers le gothique (arc brisé) et se caractérisent par un grand dépouillement des lignes et de la décoration. Les oculi des abbatiales reçoivent des vitres blanches sans croix et sans couleurs. Aux tympans des portails et aux chapiteaux des églises, pas de sculptures car rien ne doit détourner la pensée de l'idée de Dieu[1].

Le Chapitre général de 1135, sous l'influence de Bernard de Clairvaux est très directif sur les contraintes architecturales: il s'agit de traduire la Règle bénédictine dans l'espace. On doit respecter le carré monastique (le cloître issu de la Villa romaine). Les architectes cisterciens bâtissent leur plan sur des considérations fonctionnelles liées aux aménagements hydrauliques, la lumière ou les matériaux disponibles dans la région, mais en respectant les recommandations de Bernard de Clairvaux qui a défini les bâtiments nécessaires pour servir Dieu selon la Règle : l'oratoire, le réfectoire, le dortoir, l'hôtellerie et la porterie[1].

Au XIIe siècle, le roman a atteint sa maturité mais, à partir de la seconde moitié du siècle, les cisterciens vont impulser la transition vers le gothique. Les maîtres-d'œuvre cisterciens doivent concilier les exigences de construction en pierre pour limiter les risques d'incendie, de construction élevées et lumineuses (en phase avec leur spiritualité), sans trop augmenter le coût des chantiers. La croisée d'ogive permet de répondre à ce triple défi ; moins consommatrice en pierre que la voûte romane, elle en augmente la hauteur[3].

Le succès financier de l'ordre entraîne une multiplication des chantiers et les bâtiments conventuels commencent à recevoir des ornements de plus en plus nombreux. Dès les années 1170, les principaux couvents reçoivent des parures et parfois s'agrandissent d'un déambulatoire. Les vitraux et les pavements se font plus luxueux. Les bâtiments gagnent en verticalité. L'art cistercien trouve un prolongement au XIIIe siècle dans l'art des cathédrales, comme en témoigne le chantier de la cathédrale de Laon[4].

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Vitraux

Église abbatiale d'Obazine
Vitraux de l'abbaye de Pontigny

En 1150, une ordonnance stipule que les vitraux doivent être « albae fiant, et sine crucibus et pricturis », blancs, sans croix ni représentations. Motifs géométriques et végétaux sont les seules représentations : palmettes, résilles, entrelacements qui peuvent rappeler l'exigence de régularité prônée par saint Bernard. Ainsi jusqu'au milieu du XIIIe siècle, les vitraux cisterciens sont exclusivement des verrières dite en grisaille dont les motifs s'inspirent de pavements romans. Les vitraux blancs dominent ; moins coûteux, ils correspondent aussi à un usage métaphorique comme certains ornements végétaux[5]. Les abbayes de La Bénisson-Dieu (La Bénisson-Dieu, Loire), d'Obazine (aujourd'hui Aubazine, Corrèze), de Santes Creus (Catalogne), de Pontigny et de Bonlieu sont représentatifs de ce style et de ces techniques. Des fours à verres sont présents dans le temporel des cisterciens dès le XIIIe siècle.

L'apparition du verre figuré décoratif dans les églises cisterciennes coïncide avec le développement du mécénat et des donations aristocratiques. Au XVe siècle, le vitrail cistercien perd sa spécificité et rejoint par son aspect les créations de la plupart des édifices religieux contemporains.

Carreaux

Carreau décoré provenant des vestiges de l'Abbaye de Tart, Côte-d'Or[6]

Pour les monastères cisterciens qui vivent en relative autarcie, l’usage des carreaux d’argile plutôt que de dallages en pierre ou en marbre s’est imposé. Les moines blancs développent une grande maîtrise de ce procédé d’autant qu’ils étaient capables de les fabriquer en masse grâce à leurs fours. Des carreaux à motif géométriques apparaissent à la fin du XIIe siècle. Les décorations sont obtenues par estampage : sur l’argile encore malléable, on appose un tampon de bois qui imprime en creux le motif. Sur le relief en creux on appose une barbotine d’argile blanche et le carreau est soumis à une première cuisson. Un revêtement vitrifiable est ensuite apposé. Il protège le carreau et rehausse les couleurs.

L’assemblage des carreaux permettait d’obtenir des combinaisons complexes de motifs géométriques. Celles-ci sont parfois jugées trop esthétiques vis-à-vis des préceptes de simplicité et de dépouillement de l’ordre. En 1205, l’abbé de Pontigny est condamné par le Chapitre général pour avoir réalisé des parements trop somptueux. En 1210, l’abbé de Beauclerc se voit reprocher d’avoir laissé ses moines perdre leur temps à réaliser un pavement « trahissant un degré non convenable d’insouciance et d’intérêt curieux »[7].

Manuscrits

Bibliothèque de l'abbaye de Salem, v. 1880.
Manuscrit de l'abbaye de Morimond

L'une des principales activités des abbayes est la copie de manuscrits. Les moines blancs ne sont pas en reste. Il existe un véritable réseau d'échange qui permet aux abbayes de se procurer les textes dont elles ont besoin pour les copier. On trouve dans les grandes bibliothèques cisterciennes de Cîteaux, Clairvaux ou Pontigny des Bibles, des textes des pères fondateurs de l'Église, des écrivains de la fin de l'Antiquité ou du début du Moyen Âge comme Boèce, Isidore de Séville ou Alcuin et certains historiens comme Flavius Josèphe. Plus rarement des textes d'auteurs classiques.

Les moines de Cîteaux développent une calligraphie ronde, régulière et très lisible. Au début, les manuscrits sont décorés de motifs végétaux, de scènes de la vie quotidienne ou des travaux des champs, d'allégories sur le combat de la foi ou sur le mystère divin. La vierge est particulièrement représentée. Mais sous l'impulsion de Bernard de Clairvaux, mû par un idéal d'austérité, un style plus épuré apparaît vers 1140. Il se caractérise par de grandes initiales peinte en camaïeu d'une seule couleur, sans représentation humaine ou animale ni utilisation d'or[8]. Les cisterciens développent un style dépouillé même si le souci esthétique demeure. Ils sont souvent d’ailleurs particulièrement dépensiers en ce qui concerne la qualité des supports utilisés (vélin) ou les couleurs souvent obtenues à partir de pierres précieuses (lapis lazzuli)[9].

Avec le développement de l'imprimerie à caractère mobile, les livres deviennent omniprésents au sein des abbayes ; des bibliothèques autonomes sont créées dans certaines abbayes et les collections d'ouvrages augmentent considérablement entre les XIVe et XVe siècles[10]. Au XVIe siècle, la bibliothèque de Clairvaux compte 18 000 manuscrits et 15 000 imprimés[11].

Les grandes abbayes cisterciennes en France

Cloître et clocher de l'abbaye de Sénanque, Provence

Notes et références

  1. a , b  et c Jean-François Leroux-Dhuys, « Art cistercien, architecture cistercienne », Histoire et Images médiévales n°12 (thématique), op. cit. p. 37.
  2. Georges Duby, Saint Bernard, op. cit., p. 10.
  3. Jean-François Leroux-Dhuys, « Art cistercien, architecture cistercienne », Histoire et Images médiévales, n° 12 (thématique), op. cit. p. 38.
  4. Georges Duby, Saint Bernard, op. cit., p. 175.
  5. (en) Helen J. Zakin, French Cistercian Grisaille Glass, New York, 1979.
  6. Magali OrgeurLes carreaux de pavement des abbayes cisterciennes en Bourgogne (fin XIIe-fin XIVe siècle)Thèse de doctorat de l’Université de Bourgogne sous la direction de Daniel Russo, juin 2004
  7. Philippe Descamps, « Des tuiles par millions », article cité p. 102.
  8. Thierry Delcourt, « Les manuscrits cisterciens », Histoire et Images médiévales , n°12 (thématique),op. cit.p. 41 ; Cister.net
  9. Jean-Baptiste Auberger, « La spiritualité cistercienne », Histoire et Images médiévales , n°12 (thématique), op. cit. p. 47.
  10. Terry L. Kinder, L'Europe cistercienne, op. cit., pp. 353-354.
  11. Marcel Pacaut, Les moines blancs, op. cit., p. 334.

Voir aussi

Articles connexes

Notre-Dame de Bonneval
Notre-Dame de Bonneval (XIIe siècle).

Source : Les principaux éléments de cet article ont été repris de Ordre cistercien

Bibliographie

  • Georges Duby, L'art cistercien, Paris, Flammarion, 1989.
  • Collectif, L'abécédaire des cisterciens et du monde de Cîteaux, Paris, Flammarion, 1998.
  • Clarisse Renaud, L’abbaye cistercienne en France, Editions Gaud, 2002.
  • Jean-François Bazin, Marie-Claude Pascal, L’abbaye de Fontenay, éditions Ouest-France, 1992.

Lien externe


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