Pseudo-Denys l'Aréopagite

Pseudo-Denys l'Aréopagite
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Le Pseudo-Denys l'Aréopagite est l’auteur de traités chrétiens de théologie mystique, en grec. Il est l'une des sources majeures de la spiritualité chrétienne. C'était probablement un moine syrien qui a vécu vers 490. D'inspiration néo-platonicienne, il est influencé par les écrits de Proclos, auxquels il fait de larges emprunts ; il a aussi été influencé par l'école chrétienne d'Alexandrie (Origène, Clément d'Alexandrie) et par Grégoire de Nysse.

Selon les actes des apôtres, Denys l'Aréopagite était un athénien faisant partie des philosophes qui ont écouté la prédication de Paul. L'auteur des œuvres mystiques attribuées à Denys l'Aréopagite ne peut pas avoir été cet Athénien du Ier siècle, cependant, l'attribution pseudépigraphique de ces traités à ce philosophe converti par Paul permet de les présenter comme des œuvres à la fois chrétiennes et philosophiques[1].

Sommaire

Les œuvres

Il nous reste, sous son nom, un certain nombre d'écrits (CPG 6600-6635), traduits en français par Maurice de Gandillac en 1943 :

Certains autres traités nous sont connus uniquement par leur nom : Esquisses théologiques, Théologie symbolique. Il s’agit probablement d’ouvrages fictifs.

Réception des écrits

Le paradoxe de ces écrits, qui devinrent une référence dans la théologie médiévale tant en occident qu'à Byzance, c'est leur date tardive d'apparition. La première citation des traités date de 533 lorsque Sévère, patriarche monophysite d'Antioche de 512 à 518, s'oppose à la tendance orthodoxe, en se référant à ces écrits. Les orthodoxes les considèrent alors comme apocryphes. Cependant, les objections concernant ces écrits disparaissent et ils finissent par être reçus de manière incontestée.

En Orient, saint Maxime le Confesseur (décédé en 662) qui s'y réfère régulièrement dans sa "Mystagogie" en a commenté un certain nombre. De même, les écrits du Pseudo-Denys furent utilisés par saint Jean Damascène, saint André de Crète...

En Occident, Louis le Débonnaire (778-840) reçut de l'empereur byzantin Michel II (770-820) un exemplaire du texte grec, en 827. Il ne fallut que quelques années pour qu'il soit traduit en latin et qu'il connaisse un succès à travers tout l'occident, notamment par l'intermédiaire de Jean Scot Erigène (800,815-876) qui le traduisit à nouveau, aux alentours de 850, et le commenta dans son ouvrage De divisione naturae. Selon une autre version l'abbé Hilduin à Saint-Denis l'aurait traduit quelques dizaines d'années auparavant. Les écrits du Pseudo-Denys furent traduits également par Jean Sarrazin et sur cette traduction travaillèrent Albert le Grand (1200-1280) et Thomas d'Aquin (1225-1274).

Les doutes sur l'identité de l'auteur

Pendant longtemps on a pris l'auteur de ce corpus pour un des rares disciples que l'apôtre saint Paul était parvenu à convertir lors de son sermon à Athènes sur la colline de l'Aréopage (Acte des apôtres 17, 34). Cela est dû au fait que l'auteur se faisait passer pour un contemporain de saint Paul. Il prétendait avoir assisté aux ténèbres qui ont assombri la Terre au moment de la mort de Jésus (lettre VII). C'est seulement récemment qu'on a acquis la certitude que les écrits en question dataient du Ve siècle et ne pouvaient donc pas avoir été écrits par un contemporain de saint Paul. D'où le surnom modérément poétique de "Pseudo-Denys" qui lui fut accolé.

Denys de Paris

Outre son identification à Denis d'Athènes, il fut aussi identifié à saint Denis de Paris. Cette confusion est due à Hilduin, abbé de Saint-Denis, qui écrivit en 814 son Areopagita dans lequel il soutient la thèse de l'identité. Cependant, les anciens martyrologes distinguent nettement Denys de Paris et Denys d'Athènes. Cette confusion née à Paris parvint en Grèce en passant par Rome. Elle fut néanmoins définitivement réfutée par Le Nain de Tillemont[2].

Denys l'Aréopagite, qui aurait assisté à des sermons de Paul de Tarse, ne pouvait être Denis de Paris. L'attribution de l'œuvre à celui-ci, premier évêque de Paris, enterré à l'abbaye Saint-Denis au nord de Paris, est donc une légende, cependant il est avéré que l'influence énorme au Moyen Âge exercée par les écrits de Denys irradia à partir de l'abbaye Saint-Denis[3].

Sévère d'Antioche

C'est seulement à partir de Laurent Valla, d'Erasme (1468-1536)[4] et de Luther (1483-1546)[5], que l'origine des textes est mise en doute.

C'est en 1900 que Joseph Koch[6]et J. Stiglmayr, deux auteurs catholiques, démontrent de façon incontestable (et indépendante), le caractère pseudépigraphe des écrits de Denys : le traité des Noms divins est un extrait du traité de Proclos De malorum subsistentia, et Denys est tributaire de la pensée de Proclos. La rédaction des traités de Denys est conséquemment fixée entre 485 et 515, la mort de Proclos datant de 485.

La thèse de Stiglmayr consistant à identifier Denys à Severus d'Antioche a été vivement contestée[7].

Pierre l'Ibère

M. van Esbroeck a repris récemment, sur de nouvelles bases, les arguments de Honigman en faveur de l'identification du Pseudo-Denys à Pierre l'Ibère[8]. Quoi qu'il en soit, toute tentative d'identification, qui revient à piocher dans la liste des quelques noms qui nous sont parvenus du Ve siècle, semble assez hasardeuse : il est fort possible que les écrits dionysiens en grec soient eux-mêmes la traduction d'écrits monastiques syriaques.

L'influence du Pseudo-Denys

L'influence du Pseudo-Denys s'est étendue dans le monde grec durant les trois siècles suivant sa mort.

Le corpus dionysien fait partie des trois grands courants philosophiques et spirituels qui ont formé la pensée de l'Occident médiéval, avec la philosophie grecque et l'œuvre de saint Augustin. Le traité "la Théologie mystique" valut au Pseudo-Denys le titre de père de la mystique[9]. C'est, en occident, le plus influent des Pères Grecs.

Une importante spécificité de son apport à la théologie chrétienne est aussi d'avoir défini les trois polarités de la théologie : la théologie mystique qui est la plus haute connaissance de Dieu dans la ténèbre et le silence, au-delà de tout langage, de tout concept, de toute idée, de toute image et de tout symbole; la théologie symbolique qui exprime la connaissance de Dieu dans le langage de l'image et du symbole; et la théologie spéculative[10].

Les Hiérarchies célestes et ecclésiastiques

« C’est pourquoi l’ordre hiérarchique étant
que les uns soient purifiés
et que les autres purifient ;
que les uns soient illuminés
et que les autres illuminent ;
que les uns soient perfectionnés
et que les autres perfectionnent »

— Denys l’Aréopagite, Le Livre de la Hiérarchie céleste, chapitre 3.

L'Un
Les Séraphins
Les Chérubins
Les Trônes
HIÉRARCHIE
CÉLESTE
Les Dominations
Les Autorités
Les Puissances
Les Principautés
Les Archanges
Les Anges
L'Evêque
Le Prêtre
Le Diacre
HIÉRARCHIE
ECCLÉSIASTIQUE
Les Moines
Les Chrétiens baptisés
Les Catéchumènes

[7]

Théologie Mystique et théologie symbolique

Un des aspects les plus féconds de l'œuvre du Pseudo-Denys est d'avoir introduit la distinction entre les différentes dimensions de la théologie; la théologie mystique (le sommet de la théologie), la théologie symbolique et la théologie spéculative'.

  • La théologie mystique : elle correspond à une révélation secrète. C'est le degré suprême de la connaissance de Dieu. Plus la connaissance est élevée moins il est possible de l'exprimer par des mots, la montée vers Dieu est donc une montée dans le silence et l'obscurité : « étant plongés dans l'obscurité au-delà de tout entendement, nous allons rencontrer non seulement la pauvreté des mots, mais l'absence totale de parole et de compréhension »[11].
  • La théologie symbolique : c'est le degré inférieur de la théologie. Elle examine les expressions issues de l'expérience des choses sensibles pour être rapportées à Dieu ; ainsi les Saintes Écritures parleront de la colère de Dieu, de l'ivresse de Dieu, du sommeil de Dieu, de son réveil, de la jalousie de Dieu, etc... Le symbole est une image qui renvoie au-delà d'elle-même, il permet de rendre l'invisible visible et de dire l'indicible.

Le Pseudo-Denys estime en outre que la théologie négative (ou "apophatique") est plus parfaite que la positive. Dans la théologie négative on approche de Dieu par la négation de ce qu'on lui attribue mais qu'il n'est pas. On gravit l'échelle des créatures pour remarquer à chaque échelon que ce n'est pas là que se trouve le Créateur. Il utilise l'image de la statue ; à partir d'un bloc de marbre l'artiste va procéder par retranchement pour dégager l'image. Ainsi dans son traité La Théologie mystique, au chapitre 4 : « Nous disons donc que la cause de toutes choses, et qui est au-delà de tout, n'est pas sans essence ni sans vie, ni sans raison, ni sans intelligence et qu'elle n'est pas un corps. Elle n'a ni forme, ni figure, ni qualité, ni quantité, ni masse. Elle n'est dans aucun lieu. Elle n'est pas vue et on ne peut la saisir par les sens. Elle ne se perçoit pas par les sens et ne leur est pas perceptible. Elle ne connaît ni désordre, ni agitation, elle n'est pas troublée par les passions matérielles »

La théologie négative et la théologie affirmative se complètent : lorsqu'on affirme quelque chose sur Dieu il faut immédiatement dire que ce n'est pas vrai : « Le symbole ne peut trouver son sens que s'il est purifié par la négation qui, en quelque sorte, découvre le sens en retranchant la chair du fruit pour faire apparaître son noyau »[12]. Ainsi la transcendance de Dieu se trouve-t-elle véritablement honorée.

Bibliographie

Œuvres

  • Œuvres complètes du Pseudo-Denys l'Aréopagite, trad. Maurice de Gandillac, Aubier, 1943, rééd. 1980.
  • La Hiérarchie céleste, text. crit. Gunther Heil, intro. René Roques, trad. Maurice de Gandillac, "Sources Chrétiennes" n°58bis; 1958, Éditions du Cerf.

Etudes

  • Charles Hersent, In D. Dionysii areopagitae de mystica theologia librum, apparatus, interpretatio, notae, commentarii, paraphrasis, in quibus de supremo divinae contemplationis gradu, unione scilicet et ignoratione luculentissime agitur, praemissa est theologiae mysticae apologia adversus ejus obtrectatores…, 1626 ;
  • Jean Daillé, De scriptis quae sub Dionysii Areopagitae et Ignatii Antiocheni nominibus circumferuntur, 1666 ;
  • Léon Montet, Des Livres du Pseudo-Denys l'Aréopagite, Paris, 1848.
  • Natya J. Foatelli - Ioan Dionysios - Lucien Carny, Denys l'Aréopagite et le Mystère dionysien, Revue Atlantis, no 261 - 1971
  • Marc Vial, Jean Gerson, théoricien de la théologie mystique, Paris, Vrin, Études de philosophie médiévale, 2006. (ISBN 978-2-7116-1842-2)
  • Ysabel De Andia (dir.), Denys l'Aréopagite: tradition et métamorphoses, Paris, Vrin, coll. Histoire de la philosophie 42, 2006 (ISBN 978-2-7116-1903-0)

Notes et références

  1. Ysabel De Andia (dir.), Denys l'Aréopagite: tradition et métamorphoses, Paris, Vrin, coll. Histoire de la philosophie 42. (ISBN 978-2-7116-1903-0)
  2. Dictionnaire de Patrologie, par l'abbé Sevestre, édition Migne, tome 2, 1852
  3. Edith Stein, Les voies de la connaissance de Dieu (la théologie symbolique de Denys l'Aréopagite)
  4. se référant au style
  5. se fondant sur le point de vue religieux
  6. Joseph Koch, Pseudo-Dionysius, Mainz, 1900.
  7. a et b Anders Nygren Eros et Agapè La notion chrétienne de l'amour et ses transformations Aubier Ed. Montaigne 1952
  8. « Peter the Iberian and Dionysius the Areopagite: Honigmann’s thesis revisited », Orientalia Christiana Periodica, 59 (1993), pp. 217-227; “Pierre l’Ibère et Denys l’Aréopagite”, dans Elguja KHINTIBIDZE (ed.), Proceedings of the Second International Symposium in Kartvelian Studies, Tbilisi (Tbilisi University Press), 1994, pp. 167-177 (en géo.); v. aussi “L’opposition entre Pierre l’Ibère et Pierre le Foulon (482-491)”, Caucasica. The Journal of Caucasian Studies [Tbilissi], 1 (1998), pp. 60-67
  9. Edith Stein, les voies de la connaissance de Dieu
  10. Edith Stein,ibid, préface
  11. Théologie Mystique
  12. in Edith Stein, ibid, post-face

Voir aussi

Articles connexes

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