Psychiatrie en France

Psychiatrie en France

La psychiatrie en France a fortement évolué depuis ses origines, notamment avec la révolution des médicaments psychotropes depuis le début des années 1980, et la mise en place du principe de sectorisation depuis les années 1990. La baisse des effectifs affectés à la psychiatrie (et notamment du nombre de lits disponibles, qui sont passés de 83 000 à 40 000 entre 1987 et 2000[1]) a fait l'objet d'un certain nombre de critiques, une partie de la population relevant de soins psychiatriques se retrouvant incarcérée dans des établissements pénitentiaires[1], et une autre à la rue[1].

Sommaire

Un principe fondamental : la sectorisation

En France, la psychiatrie est régie selon le principe de la sectorisation depuis la loi de 1985 qui confirme une politique suivie dès les années 1960[1]. En effet depuis cette date, chaque aire géographique bien délimitée, correspond à une unité ou un pavillon donné. L'aire géographique concernée, d'environ 70000 habitants, est donc "rattachée" à une unité de référence, où seront pris en charge, tous les types de pathologies psychiatriques. Il n'y a donc plus un pavillon spécialisé par maladies : tous les patients sont réunis dans le même pavillon. Seule compte l'origine géographique.

La santé mentale est prise en charge selon la modalité de la psychiatrie de secteur avec des structures alternatives afin d'organiser le suivi médico-psychologique en partenariat avec un hôpital de référence.

Les différents modes d'admission à l'hôpital

Il existe trois modalités d'hospitalisation dans un service de psychiatrie.

  • L'HL (hospitalisation libre) est une hospitalisation libre, le patient est libre de quitter l'établissement ou d'y rester et d'accepter des soins;

Il existe deux types d' Hospitalisation sans consentement

  • L'HO est un mode d'admission décidé par l'administration préfectorale ou le maire. On peut ainsi soigner le malade sans son consentement ou contre sa volonté. Cette modalité intervient si le patient n'est plus ou pas en mesure de juger et de comprendre la nécessité de ses soins et qu'il y a trouble de l'ordre public, avec risque pour soi-même ou autrui. À sa mise en place sont nécessaires :
le certificat médical d'un médecin, qui ne peut être un psychiatre employé par l'établissement d'accueil. Le préfet émet alors un arrêté préfectoral, qui peut en cas d'urgence être émis par le maire par arrêté municipal. Le certificat médical est à renouveler au bout de 24 heures par un médecin de la structure, puis au bout de 15 jours, puis mensuellement. La demande de levée d'hospitalisation d'office peut être faite au préfet par le médecin de la structure. Celui-ci accepte ou non la demande de levée et en cas d'acceptation et dès retour de l'arrêté préfectoral, le patient n'est plus soumis à cette mesure et est considéré comme en HL.

Deux variantes de "HO" sont utilisées :

Le HO proprement dit qui intervient généralement après des signalements de comportements pouvant être dangereux pour le patient ou pour autrui. La décision est prise par le préfet. (Exemple: un malade connu qui décompense à la suite d'une rupture de prise en charge et de traitement)

Le HO d'urgence : Il se traduit par un arrêté de séquestration provisoire de la mairie. Le HO n'est prononcé qu'après, par le préfet au vu des documents médicaux que les médecins lui font parvenir (certificats immédiat, de 24 h). Il intervient pour des patients ayant troublé l'ordre public, des patients se mettant en danger par exemple.

  • L'HDT est une "hospitalisation à la demande d'un tiers", elle intervient lorsque le patient n'est pas en mesure de comprendre la nécessité de soins. Sont nécessaires :
la demande manuscrite d'un tiers,
les certificats médicaux circonstanciés de deux médecins dont l'un est extérieur à la structure d'accueil.

Le certificat médical est à renouveler au bout de 24 heures par un médecin de la structure, puis au bout de 15 jours, puis mensuellement. Le mode d'hospitalisation peut être levé à tout moment, par le tiers demandeur, la famille du patient, ou par un médecin de la structure qui effectuera un certificat de levée d'HDT. Le patient sera alors considéré en HL.

Il faut signaler l'HDT d'urgence qui peut être fait avec un seul certificat et une demande d'un proche. Il doit être régularisé dans les 24 h. (Exemples de patients simplement accueillis aux urgences mais pouvant passer à l'acte agressif ou suicidaire, dans un grand état délirant).

La première loi ayant porté sur l'hospitalisation en psychiatrie date de 1838. En 1990, une nouvelle loi vient se substituer à la première, avec pour objectif d'en corriger les imperfections, en particulier les abus que permettait l'ancienne loi. Ainsi, une batterie d'outils formels (commissions de recours, meilleure garantie pour le diagnostic), permet aujourd'hui de préserver à la fois la liberté de la personne malade et sa sécurité en regard de la maladie dont il n'accepte pas toujours la réalité.

Surconsommation de psychotropes

Extraits de Données sur la surconsommation de psychotropes en France : il est nécessaire de disposer de plus de données permettant d'apprécier les conditions réelles de prise en charge des maladies psychiatriques.

Toutefois on constate :

  • une surconsommation de médicaments psychotropes 50 fois plus importante qu'en Angleterre ou qu'en Allemagne
  • durant l'année 1997, 12 % des Français âgés de plus de 15 ans ont consommé un ou plusieurs psychotropes dont 7,9 % un anxiolytique, 4,7 % un hypnotique, 3,6 % un antidépresseur et 1,5 % un neuroleptique. Cette proportion de consommateurs de psychotropes croît avec l'âge : après 50 ans pour les femmes et après 60 ans pour les hommes, plus d'une personne sur six a consommé un ou plusieurs psychotropes
  • trop de Français, en particulier après 60 ans, sont traités trop longtemps par des psychotropes : 11 % des Français sont des consommateurs réguliers de psychotropes (au moins une fois par semaine et depuis au moins six mois), 29 % des femmes entre 60 et 69 ans, plus de 34 % des femmes âgées de plus de 80 ans)
  • une inadéquation de l'utilisation des antidépresseurs en ville dans un nombre de cas inacceptable. Plus du tiers des antidépresseurs sont prescrits en dehors des indications de l'autorisation de mise sur le marché : environ 20 % des prescriptions ne reposent sur aucun diagnostic psychiatrique étayé
  • des prescriptions souvent fondées sur l'existence d'une plainte monosymptomatique : par exemple la tristesse qui est assimilée à une dépression
  • de nombreuses prescriptions sont reconduites en l'absence de symptômes. La durée de prescription des antidépresseurs excède un an dans plus de la moitié des cas, contrairement aux recommandations en vigueur
  • les coprescriptions, notamment entre antidépresseurs et anxiolytiques ou entre anxiolytiques et hypnotiques sont fréquentes mais rarement justifiées au long cours.

L'irresponsabilité pénale

L'article 64 du Code pénal de 1810, en vigueur jusqu'en 1994, établit une distinction nette entre « fous » et « criminels », en stipulant qu'« Il n’y a ni crime ni délit lorsque le prévenu était en état de démence au temps de l’action »[1],[2]. Déjà, la loi du 16-25 août 1790, complétée par le système de l’interdiction d’office des furieux, puis par la loi de 1838 sur les aliénés, permet l'enfermement des « fous » tout en interdisant leur punition morale, en raison de leur irresponsabilité [1]. Mais alors que le droit pénal interdit une graduation de la responsabilité, celle-ci va apparaître dans les années 1880, sous la Troisième République, illustrée par les travaux de Gabriel Tarde et Raymond Saleilles[1]. On va alors vers une individualisation des peines et vers la mesure de la « dangerosité » des criminels[1]: petit à petit, comme le remarque Michel Foucault dans Surveiller et punir (1975), ce n'est plus le crime lui-même qui est puni, mais le criminel[1]. Progressivement, la frontière juridique entre fou et criminel se brouille, notamment sous l'influence de la psychiatrie[1].

L'article 122-1 du Code pénal de 1994, qui remplace l'article 64, stipule ainsi que « La personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes demeure punissable » [1]. Cette modification a eu un effet direct, puisqu'on est passé, en valeur absolue, de 611 décisions d'irresponsabilité pénale prononcées par les juges en 1989, à 203 en 2004[1], ce qui a conduit à une augmentation mécanique de la proportion de détenus atteints de troubles psychiatriques[1].

Par ailleurs, l'expertise psychiatrique n'est obligatoire qu'aux assises, alors que près de la moitié des détenus psychotiques sont incarcérés suite à une condamnation par un tribunal correctionnel[1].

Dans ce cadre, la loi Perben de 2002 a créé des Unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA), intégrées aux hôpitaux mais rattachés à la psychiatrie pénitentiaire et dont la sécurité est sous la responsabilité de l'administration pénitentiaire[1]. Enfin, la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, préparée par la ministre de la Justice Rachida Dati (UMP], a instauré la mesure controversée d'une « rétention de sûreté ».

Références

  1. a, b, c, d, e, f, g, h, i, j, k, l, m, n et o Laurence Guignard et Hervé Guillemain,Les fous en prison ?, La Vie des idées, 2 décembre 2008.
  2. Le psychanalyste Sacha Nacht en introduction à la XIIIème congrès des psychanalystes des langues romanes en 1950 disait: L'application de la psychanalyse à la criminologie ouvre des perspectives nouvelles à celles-ci : la conduite du délinquant et celle du criminel, la motivation du délit, voire du crime, la notion de responsabilité et par voie de conséquence la sanction qu'elle implique, tout cela s'éclaire d'un jour nouveau à la lumière de l'expérience psychanalytique. En faisant passer la psychiatrie de l'observation macroscopique à l'observation microscopique, en montrant qu'il n'y a pas de cloison étanche entre un comportement normal et un autre dit anormal, entre une conduite sociale et une conduite anti-sociale et qu'il n'y a là qu'une différence de degré et non d'essence, la psychanalyse devait forcément bouleverser bien des notions classiquement admises en matière de criminologie. En effet, si l'on reconnaît l'autenthicité éthiologique des traumatismes subis dans l'enfance, si l'on démontre comme nous le faisons que telle conduite anti-sociale peut-être une réponse inadaptée à un complexe de frustration, par exemple, comment dès lors considérer tel sujet comme entièrement responsable alors qu'on déclare irresponsable, par contre, un paralytique général ? En quoi celui chez qui le fait d'avoir été mal nourri ou mal aimé dans l'enfance a provoqué ce que l'on pourrait considérer des « lésions psychiques » serait-il coupable, alors que celui qui a été contaminé par la syphilis ne l'est pas. Pourquoi l'un irait en prison l'autre à l'asile ? (...) En vérité la place de l'un et de l'autre de ces délinquants ne devrait ni à l'asile ni en prison mais à l'asile prison qui permettrait à la société de se garantir contre de nouvelles agressions, tout en l'obligeant à soigner au lieu de punir extraits in Le temps qui passe, Alain de Mijolla, Le Carnet/psy n0 135, mai 2009

Voir aussi


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