Art romain

Art romain

Art de la Rome antique

Fresque de la villa des mystères. Pompéi, 80 av. J.-C.

L’art romain est l'art produit dans les territoires de la Rome antique, depuis la fondation de Rome jusqu'à la chute de l'empire d'occident. Il prend un véritable essor au contact de l'art grec qu'il se contente longtemps d'imiter, et trouve de nouvelles influences dans les régions soumises par l'Empire.

Après la chute de l'Empire, l'art romain se prolonge dans l'art byzantin et l'art chrétien médiéval. Il a fortement influencé les artistes de la Renaissance puis du Classicisme, du néo-classicisme et enfin de l'art fasciste.

L'art romain a longtemps été méprisé par l'histoire de l'art, particulièrement vouée au culte de la Grèce au XIXe siècle.

Sommaire

Introduction générale

Y a-t-il un art romain ?

Les Romains eux-mêmes posent la question. Cicéron et Horace, dans des conditions différentes, disent qu'il n'y a pas d'art romain. Si les Romains ont hérité du pouvoir politique et militaire, ce sont les Grecs qui ont tout inventé dans le domaine de l'art. Les Romains copient les œuvres grecques.

Pour Pline l'Ancien, il n'y a qu'un seul art, l'art grec, dont les Romains sont seulement les héritiers. Dans le système romain, l'art est "réservé" aux Grecs, l'œuvre d'art n'a pas de valeur. Et cela posera problème à Cicéron quand il devra défendre les Siciliens contre leur gouverneur Verrès. Ce dernier est en effet accusé de vol d'œuvres d'art, mais comme ces œuvres n'ont pas de valeur pour les Romains, il n'y a pas de raison de se plaindre ! Cicéron devra donc montrer qu'il s'agissait de statues de culte. L'idée selon laquelle l'art est réservé aux Grecs est donc fondamentale. Les Romains n'apportent pas de nouveauté; leur vocabulaire artistique est la copie conforme de celui des Grecs (par exemple dans l'architecture, les canons grecs deviennent romains). Les Romains reproduisent.

Antinoüs Mondragone, musée du Louvre

Pour la sculpture, de tous les types statuaires de l'Antiquité, on ne peut leur attribuer qu'un seul modèle nouveau (à l'exception du type de l'empereur cuirassé) : le portrait en ronde-bosse d'Antinoüs, ami de l'empereur Hadrien. Mais d'une façon générale on constate une absence quasi-totale de création.

Les Romains sont les champions de la copie. On a retrouvé dans le golfe de Naples des ateliers de copistes où différents membres copiés étaient assemblés.

Pour beaucoup, l'art romain est un prolongement de l'art grec. Il faut cependant faire une distinction. Dans l'art romain, ce qui est grec c'est le vocabulaire (modèles de bras...), et ce qui est romain c'est la syntaxe (façon d'agencer les éléments pour en faire quelque chose de nouveau). Prenons l'exemple de l'art du portrait à la fin de la République. Une des grandes données de la sculpture romaine de cette période est le souci du réalisme : on représente l'individu avec tous ses défauts (rides...) pour qu'il soit reconnaissable. Mais parallèlement, les Romains découvrent la mise en valeur, l'héroïsation, au travers d'une représentation du corps nu et jeune. Cela donne donc, dans le cas d'un portait de général par exemple, un visage ridé et vieux (signe de sérieux et de sagesse) sur un corps d'éphèbe (héroïsation). Un tel mélange est un type inconnu dans le monde grec. L'art romain est un art moins spontané, moins libre que l'art grec, mais le message politique est plus important, ce qui donne à l'art romain son originalité.

Place de l'artiste

Dans le monde romain, l'artiste a une place très secondaire. Très peu d'artistes ont laissé leur nom : quatre ou cinq, dont un architecte (Vitruve, qui a rédigé le seul traité d'architecture du monde antique "De l'architecture", mais qui n'a jamais rien construit excepté peut-être une basilique). Pourquoi cette absence de noms ? La conception générale d'une œuvre d'art est à mettre en rapport avec ce que veut le commanditaire. C'est lui qui définit le programme, qui paie, et qui met son nom sur l'œuvre. Sur les monuments, le nom du commanditaire précède le mot fecit ("a fait faire"). Les seules signatures disponibles sont celles des commanditaires, les artistes restent toujours anonymes.

Rapports entre l'art grec et l'art romain

D'un point de vue historique, les Romains ont toujours eu du mal à se situer. Un des éléments clés est le suivant : les Romains sont les héritiers de Troie puisqu'Énée (marié à l'une des filles de Priam) s'enfuit avec les objets sacrés de cette ville jusqu'à Rome. Donc, fondamentalement, les Romains sont les ennemis des Grecs. Les Romains annexent les régions contrôlées par les Grecs. Ces derniers sont donc dans une dépendance politique totale. Dans ces conditions, des intellectuels grecs décident de collaborer, et de justifier le fait que les Romains "barbares" commandent les Grecs. Polybe (II°s.AC), fait prisonnier par les Romains, écrit une histoire de la Méditerranée dont la conclusion est la suivante : les Romains ont toutes les raisons de contrôler la Méditerranée. D'autres écrivains grecs (un peu plus tard) veulent que les Grecs tirent leur épingle du jeu dans l'Empire romain. Pour Denys d'Halicarnasse, les Grecs doivent comprendre ce que sont les Romains, pour avoir de bonnes places à Rome. Il écrit une histoire romaine dans laquelle les Romains sont des Grecs, et développe toute une argumentation. Le latin devient un dialecte grec ; dans cette perspective, tout ce que font les Romains devient grec. Donc, pour résumer, les Romains sont des ennemis mais la littérature grecque fait des Romains des Grecs.

Les Romains apprécient ceci et toute une littérature romaine va dans ce sens. Pour Horace, les Grecs ont été battus, mais la Grèce a vaincu Rome par son art. Du coup, l'art romain est grec. Dans le monde romain, il y a une attitude à la fois d'assimilation et de lutte.

Dans la pensée politique romaine, le monde grec est considéré par certains comme un monde dégénéré. Dans le système romain, la Censure était chargée de classer les citoyens du plus riche au plus pauvre, et de vérifier le respect des bonnes mœurs. Le censeur pouvait dégrader un citoyen qui se comportait mal. Caton dit "le Censeur" avait la réputation de chasser des classes supérieures ces citoyens "dégénérés". Et un des critères de dégénération était le fait que ces gens "jouaient aux Grecs". Caton interdit que l'on parle grec ; il veut écarter toute marque du monde grec sur l'Empire Romain. Tout un courant de pensée va dans ce sens: on rejette tout, même l'art. Toutefois, Caton parlait grec, et il a même inventé un nouveau type de bâtiment auquel il a donné un nom grec : la basilique (de basileus, le roi) ! Cela nous montre bien l'ambiguïté de positionnement des Romains par rapport au monde grec.

Quand Rome devient une ville, le roi Tarquin appelle des artistes grecs. Dans l'idée même des Romains, il y avait ce contact sans lequel Rome n'aurait pas pu créer le moindre monument.

La situation change quand les Romains deviennent les maîtres du monde. Ils sont alors en contact direct avec les réalités grecques. S'ensuit une période de pillage colossale. Quand les Romains font leur conquête, l'art grec est presque achevé. Les Romains ont donc un contact global (œuvres archaïques, classiques et hellénistiques) avec cet art. Leur première réaction est d'accumuler du butin pour sa valeur marchande (et non pas sa valeur artistique ou esthétique). Les Romains collectionnent, les temples de Rome s'enrichissent. Les généraux gardent pour eux une part de ce butin. On compare par la valeur. Et c'est ainsi que les Romains créent le marché de l'art, par leur goût de la collection. Chaque œuvre est estimée d'un point de vue pécuniaire, les Romains établissent des catalogues d'œuvres avec des classements par prix. Les œuvres s'échangent, se monnaient, se volent… Le contact des œuvres fait des Romains les meilleurs spécialistes de l'art grec.

Les Romains tentent de trouver aux objets d'art une utilité indépendante de leur statut d'origine. Un éphèbe avec un bras levé devient ainsi un parfait chandelier, les médaillons sont réutilisés...

Mais les Romains se rendent compte que le pillage n'est pas moral. D'autre part, il ne reste plus beaucoup de cités à piller… Pour remédier à cela, les Romains deviennent copistes (car ils ne peuvent plus avoir les originaux). On pourrait étudier ces copies comme art romain.

L'art romain est donc un art qui prend son essor au contact de l'art grec. C'est un art éclectique. Mais progressivement, les Romains se détachent de ces modèles éclectiques. Aux III° et IV°s ap. J.-C., l'art romain est capable d'abandonner l'héritage de l'art grec. On peut donc dire que l'art romain s'élabore par décantation.

Un art romain ou des arts romains ?

Quand on parle d'art romain, ne doit-on considérer que les monuments de Rome ? La Maison Carrée de Nîmes : art romain ou gallo-romain?

Pendant longtemps, on a imaginé que Rome inventait les modèles et qu'ils se diffusaient dans les provinces (art romain abâtardi), et que cela se passait dans un sens unique. On avait donc l'idée d'une dégénérescence du centre vers la périphérie.

Or Rome est une ville d'interdits. Les Romains n'aiment pas l'innovation. Le mot nova res désigne l'innovation; c'est un mot dépréciatif, synonyme de révolution, c'est-à-dire ce qu'il y a de pire pour les Romains. Pour les Romains il faut, même dans le domaine de l'art, rester dans la tradition. En réalité tout change. Ces changements s'effectuent dans les provinces, loin de Rome. Et ils reviennent à Rome avec une certaine ancienneté, et sont donc acceptés.


Production

Sculpture

Voir l'article détaillé : Sculpture romaine
La sculpture romaine s'est largement inspirée des modèles grecs, en particulier des bronzes. C'est grâce à des copies romaines que l'on connaît de nombreux originaux grecs aujourd'hui disparus.

Contrairement à ce que pensaient les premiers archéologues, les statues romaines, de même que les grecques étaient polychromes. Les Romains utilisaient soit de la peinture soit le mélange des matériaux (marbre et porphyre par exemple) qui était utilisé presque uniquement par les Romains en raison de son coût. Même si elle s'inspire de la sculpture grecque, la sculpture romaine a ses particularités comme l'invention du buste, et la démocratisation du portrait. De plus, elle a su produire un métissage des styles dans les régions sous imperium qui avaient déjà leur manière propre, comme l'Égypte ou les provinces orientales

Architecture

Porte de Mars, plus long arc romain du monde à Reims

Voir l'article détaillé : Architecture romaine
Rome a développé un savoir-faire architectural considérable. Amphithéâtres, théâtres, arcs de triomphe, basiliques, aqueducs, thermes romains, marchés (macellum) et temples sont construits en pierre, ciment et briques, caractérisés par leurs systèmes de voûtes : composites ou toscanes

Mosaïque

Mosaïque de Pompéi, conservée à Naples

Voir l'article détaillé : Mosaïque
La mosaïque (du grec ancien μουσεῖον mouseion par le latin opus musivum, « appareillage de pierres qui appartient aux Muses ») est un art décoratif largement utilisé dans la Rome antique, pour la décoration intérieure des maisons et des temples. Elle utilise des fragments de pierre et de marbre assemblés à l'aide d'enduit, pour former des motifs ou des figures.

Elle est associée en particulier à Pompéi ou à Herculanum.

Plusieurs procédés coexistent. Le plus connu, l’opus tessellatum, emploie comme tesselles des abacules, c'est-à-dire des petits cubes de pierre, collés soit directement sur la surface à paver, soit sur un enduit intermédiaire. Il existe aussi l''opus sectile, qui utilise des fragments de tailles inégales de pierre ou de marbre.

Trois écoles se distinguent [1]:

  • L'école romaine, caractérisée par des dessins linéaires, sur des fonds neutres.
  • L'école syrienne (dont le centre principal de production est Antioche). Les formes utilisées sont simplifiées, et les proportions sont mal respectées.
  • L'école africaine (avec Carthage pour centre principal) qui développe un sens aigu de la perspective, du modelé, et une riche palette de couleurs.

Les thèmes de la mosaïque romaine sont essentiellement mythologiques ou animaliers.

Peinture

Peintre avec une statue peinte et un tableau. Pompéi

Notre connaissance de la peinture romaine tient en grande partie à la préservation des sites de Pompéi et Herculanum, après l'éruption du Vésuve en l'an 69 de l'ère chrétienne. Il ne reste rien des tableaux grecs emportés à Rome aux IVe et IIIe siècles et des peintures sur bois produites en Italie. Pline dit explicitement [2] vers 69-79 apr. J.-C. que la seule véritable peinture résidait dans les peintures sur bois et qu'elle avait à peu près disparu à son époque, au profit des peintures murales qui témoignaient plus de la richesse des propriétaires que d'une recherche artistique.

Il faut de plus distinguer la peinture de tradition hellénistique directe et la peinture romaine. La peinture hellénistique - poursuivie par des peintres grecs - s'estompe progressivement, remplacée par la peinture romaine. Issue de la tradition medio-italique, elle répète: "de plus en plus péniblement" [3] les répertoires grecs jusqu'au IIe siècle apr. J.-C. A partir du IIIe siècle, l'avènement d'une nouvelle civilisation picturale renouvelle les thèmes. Nous disposons de témoignages indirects de ce renouveau dans les mosaïques de l'époque et les premières miniatures byzantines.

La peinture murale

On distingue traditionnellement quatre périodes dans la peinture murale, qui suivent la classification des styles pompéiens de A. Mau, un archéologue allemand.

Article détaillé : style pompéien.
Premier style
L'amour puni. Fresque du premier style, copie d'un original grec.

Le premier style - dit des incrustations, en usage du milieu du IIe siècle jusqu'en 80 av. J.-C. - se caractérise par une évocation du marbre et par l'utilisation de couleurs vives. Ce style est une réplique des palais orientaux des Ptolémées, dont les murs étaient véritablement incrustés de belles pierres et de marbres. On trouve également des reproductions murales de tableaux grecs.

Deuxième style
Nature morte du deuxième style. Fresque de la maison de Julia Felix, Pompéi

Dans le deuxième style - ou période architectonique, qui domine le Ier siècle av. J.-C. - les murs sont décorés par de grandes compositions architectoniques en trompe-l'œil. Cette technique, qui consiste à mettre des éléments en relief, afin de les faire passer pour réels, par exemple, en dessinant une colonne qui passera pour un élément de l'architecture du bâtiment où l'œuvre est exposée, fut très utilisée par les Romains. À l'époque d'Auguste, le deuxième style évolue. Les fausses architectures ouvrent les parois avec de larges fonds dédiés à des compositions. Une structure inspirée des décors de théâtre se répète, basée sur une grande ouverture au centre flanchée de deux plus petites sur les côtés. Dans ce style s'affirme une tendance illusionniste, avec un "défoncement" des parois par des fausses architectures ou des vues.

Troisième style

Le troisième style est le résultat vers 20-10 av. J.-C. d'une réaction à l'austérité de la période précédente. Il laisse la place à des décorations plus figuratives et colorées avec une visée surtout ornementale et présente souvent une grande finesse d'exécution. On le trouve à Rome jusqu'à 40 apr. J.-C., à Pompéi et ses environs jusqu'en 60.

Quatrième style
Fresque du 4e style. Pompéi

Enfin, le quatrième style - ou style fantastique - apparu vers 60-63 après J.C., réalise une synthèse entre le second style illusionniste et la tendance décorative et figurative du troisième style. Retrouvant les techniques du style perspectif, il se surcharge d'ornements. Un élément typique de cette phase est l'utilisation de figures détachées du contexte d'un tableau, et intégrées dans une architecture proche des décors de théâtre.

Ce quatrième style a eu une grande importance dans l'histoire de l'art. Après l'incendie de Rome en 64, Néron fait construire un grand palais nommé la domus aurea. Suite à son suicide en 68, les terres qui avaient été réquisitionnées sont rendues par le sénat à l'usage public et on construit de nouveaux bâtiments dans lesquelles subsistent certaines salles du palais. Ces grandes salles, devenues souterraines, sont redécouvertes à la Renaissance par des artistes qui réalisent des copies des peintures murales. Du fait de leur origine, ces œuvres sont dénommées "grotesques" et leur étrangeté a donné par la suite un autre sens au terme.

Pline l'ancien présente Fabullus comme un des peintres principaux de la domus aurea.

«Plus récemment vécut aussi le peintre Fabullus, au style digne et sévère tout en étant éclatant et fluide. De sa main était une Minerve, qui, de quelque côté qu'on la contemplât, avait le regard dirigé vers le spectateur. Il ne peignait que quelques heures par jour, et cela avec dignité, car, même sur son échafaudage, il était toujours revêtu de la toge. La Maison d'Or fut la prison de son art […] ». [4]

On peut voir dans cette succession de styles la tension entre la tendance illusionniste, qui vient de la Grèce, et la tendance ornementale qui est le reflet de la tradition italique et de l'influence de l'Orient.

Une variété de sujets

Villa de Boscotrecase, Pompéi. Deuxième style

La peinture romaine présente une grande variété de sujets : animaux, natures mortes, scènes de vie courante. Elle évoque les plaisirs de la campagne à l'intention des citadins fortunés et représente des bergers, troupeaux, temples rustiques, maisons de campagne et des paysages ruraux et montagneux.

L'innovation principale de la peinture romaine par rapport à l'art grec serait la figuration de paysages, avec l'apport d'une technique perspective. L'art de l'orient antique n'aurait connu le paysage que comme décor à des scènes civiles ou militaires.[5] Cette thèse, défendue par Franz Wickhoff fait débat. Il est en effet possible de voir dans le Critias de Platon (107b-108b) un témoignage du savoir-faire grec pour la représentation de paysages :

"[...] si un peintre qui peint la terre, des montagnes, des rivières, des forêts et le ciel tout entier avec ce qu’il renferme et ce qui s’y meut, est capable d’en atteindre si peu que ce soit la ressemblance, nous sommes aussitôt satisfaits"[6]

Les peintures triomphales

Détail de la colonne Antonine. Dessin de Violet le Duc

Dès le IIIe siècle av. J.-C. un genre de peinture particulier apparaît, les "peintures triomphales", relaté par des témoignages littéraires [7]. Ce sont des peintures que l'on portait dans le cortège du triomphe après les victoires militaires. Elles représentaient des épisodes de la guerre, les villes et les régions conquises. Des cartes sommaires étaient figurées pour indiquer les hauts lieux de la campagne. Ainsi Flavius Josèphe décrit la peinture exécutée à l'occasion du triomphe de Vespasien et Titus après la prise de Jérusalem

"La guerre y était figurée en de nombreux épisodes, formant autant de sections qui en offraient la représentation la plus fidèle ; on pouvait voir une contrée prospère ravagée, des bataillons entiers d'ennemis taillés en pièces, les uns fuyant, les autres emmenés en captivité : des remparts d'une hauteur surprenante renversés par des machines ; de solides forteresses conquises ; l'enceinte de villes pleines d'habitants renversée de fond en comble : une armée se répandant à l'intérieur des murs ; tout un terrain ruisselant de carnage ; les supplications de ceux qui sont incapables de soutenir la lutte ; le feu mis aux édifices sacrés ; la destruction des maisons s'abattant sur leurs possesseurs : enfin, après toute cette dévastation, toute cette tristesse, des rivières qui, loin de couler entre les rives d'une terre cultivée, loin de désaltérer les hommes et les bêtes, passent à travers une région complètement dévastée par le feu. Car voilà ce que les Juifs devaient souffrir en s'engageant dans la guerre. L'art et les grandes dimensions de ces images mettaient les événements sous les yeux de ceux qui ne les avaient pas vus et en faisaient comme des témoins. Sur chacun des échafaudages on avait aussi figuré le chef de la ville prise d'assaut, dans l'attitude où on l'avait fait prisonnier." [8]
Détail de la colonne Trajane

Ces peintures ont disparu, mais elles ont très probablement influencé la composition des reliefs historiques présents sur les sarcophages de soldats, l'arc de Titus et la colonne Trajane. Ces témoignages soulignent l'importance des paysages, qui prennent parfois l'aspect de plans perspectifs.

Ranuccio[9] décrit ainsi la plus ancienne peinture trouvée à Rome, dans une tombe de l'Esquilin :

"Il représente une scène historique, décrite sur fond clair, en quatre zones superposées. Quelques personnages sont indiqués, tels Marcus Fannius et Marcus Fabius. Ceux-ci sont de plus grandes dimensions que les autres figures [...]. Dans la seconde zone, à gauche, une ville entourée de murailles crénelées, devant laquelle se tient un guerrier de plus grande dimension, qui porte un bouclier ovale et un casque surmonté d'une plume verticale de chaque côté ; près de lui, un homme en toge courte, armé d'une lance. [...] Autour de ces deux figures, on voit des soldats, de dimension réduite, en tunique courte, armés de lances. Dans la zone inférieure se déroule un combat, où un guerrier, portant un bouclier ovale et un casque à deux plumes, est représenté plus grand que les autres figures, dont les armements permettent de supposer que ce sont des Italiques, probablement des Samnites." [10]

L'identification de l'épisode est incertaine. Parmi les hypothèses, Ranuccio retient une victoire du consul Quintus Fabius Maximus Rullianus pendant la deuxième guerre contre les Samnites en 326. La représentation des personnages avec des tailles proportionnelles à leur importance est typiquement romaine, et se retrouve dans les reliefs de l'art plébéien. Cette peinture est un "incunable" de la peinture triomphale, et aurait été réalisée vers le début du IIIe siècle av. J.-C. pour décorer la tombe d'un descendant de Quintus Fabius.

Annexes

Bibliographie

  • Hervé Loilier, Histoire de l'art, Presses de l'école Polytechnique, 1994
  • Ernst Gombrich, Histoire de l'art, Flammarion
  • Marie-Anne Caradec, Histoire de l'art, Les éditions d'organisation, 1997
  • Ranuccio, Bianchi, Bandinelli, ROME, le centre du pouvoir, L'univers des formes, Gallimard
  • Pline l'Ancien, Histoire naturelle [détail des éditions] [lire en ligne] XXXV, La peinture. Traduction Jean-Michel Croissille, Les belles lettres 2002

Liens externes

Articles connexes

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Notes et références

  1. Ces trois écoles de mosaïque sont citées par Marie-Anne Caradec dans Marie-Anne Caradec, Histoire de l'art, Les éditions d'organisation, 1997.
  2. D'après Ranuccio, Bianchi, Bandinelli, ROME, le centre du pouvoir, L'univers des formes, Gallimard, p. 110 : Pline, Histoire naturelle XXXV, 28 50 et 118
  3. Ranuccio, Bianchi, Bandinelli, ROME, le centre du pouvoir, L'univers des formes, Gallimard, p. 114
  4. in Pline l'Ancien, Histoire naturelle [détail des éditions] [lire en ligne] XXXV, La peinture. Traduction Jean-Michel Croissille, Les belles lettres 2002, p120
  5. d'après Ernst Gombrish.
  6. Critias de Platon (107b-108b), traduction : [1]
  7. D'après Ranuccio, Bianchi, Bandinelli, ROME, le centre du pouvoir, L'univers des formes, Gallimard, p. 114 : Pline, Histoire naturelle XXXV, 22
  8. Flavius Josèphe, La guerre juive VII, 143-152. Traduction : [2]
  9. Ranuccio, Bianchi, Bandinelli, ROME, le centre du pouvoir, L'univers des formes, Gallimard
  10. Ranuccio, Bianchi, Bandinelli, ROME, le centre du pouvoir, L'univers des formes, Gallimard, p. 115
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