Période 1790-1798 du Carnaval de Paris

Période 1790-1798 du Carnaval de Paris
En février 1790 le Marquis de Lafayette fut chargé par le maire de Paris Jean-Sylvain Bailly de faire appliquer l'interdiction du Carnaval de Paris.

De 1790 à 1798 le Carnaval de Paris est interdit. Autorisé à nouveau en 1799 il redémarre en trombe. Différentes explications ont été cherchées à cette interdiction.

Sommaire

Motif sécuritaire

Le Carnaval était une cause de troubles possibles.

L'argument n'est pas recevable pour deux raisons :

Le Carnaval de Paris a toujours été extrêmement pacifique. Les actes de violence qui s'y inscrivent sont rarissimes.

Bien sûr beaucoup de documents sur son histoire ont disparu ou ne sont pas encore dépouillés par les chercheurs. Cependant les adversaires du Carnaval de Paris, qui l'ont critiqué au cours des siècles, n'auraient pas manqué d'alléguer contre lui des faits violents survenus dans son cadre. Or il n'en est rien.

Le Carnaval de Paris s'il avait constitué une menace contre l'ordre public n'aurait pas été autorisé à nouveau à partir de 1799.

Motif moral

Le Carnaval choquait le puritanisme des gouvernants.

Le Carnaval de Paris a toujours été très sage de ce point de vue. S'il avait été un lieu de débauche impressionnant au cours des siècles, ses partisans et adversaires n'auraient pas manqué de le souligner. Or les plus graves reproches qui lui sont faites par ses critiques, sont qu'il est un moment privilégié pour l'alcoolisme populaire et l'émancipation féminine.

De plus, si le Carnaval de Paris avait été une insupportable orgie il n'aurait pas été autorisé à nouveau à partir de 1799.

Motif politique

Le Carnaval de Paris faisait concurrence aux fêtes officielles.

Cela n'a jamais été le cas à aucun moment.

Si tel avait été le cas il n'aurait pas été autorisé à nouveau à partir de 1799.

Motif identitaire

Le Carnaval de Paris est la fête identitaire d'une ville révolutionnaire et imprévisible d'où son interdiction.

L'argument paraît séduisant. Logique en apparence, il est en fait absurde. Une fête interdite par les révolutionnaires peut difficilement incarner la Révolution.

Motif de l'interdiction

Dans le volume 6 de l'Encyclopédie de Diderot et D'Alembert,[1] l'article « Fêtes des chrétiens », rédigé en ou vers 1754, donne la réponse exacte à la question posée.

L'auteur l'a rédigé plus comme un programme que comme un simple article informatif.

Parisien il parle des fêtes populaires de Paris et du Carnaval de Paris qu'il s'abstient de mentionner nommément.

Article de l'Encyclopédie

FÊTES DES CHRÉTIENS, (Hist. ecclés.) Les fêtes prises en général & dans leur institution, sont proprement des jours de réjoüissance établis dans les premiers tems pour honorer les princes & les héros, ou pour remercier les dieux de quelque évenement favorable. Telles étoient les fêtes chez les peuples policés du paganisme, & telle est à-peu-près l'origine des fêtes parmi les Chrétiens ; avec cette différence néanmoins, que, dans l'institution de nos fêtes, les pasteurs ont eu principalement en vûe le bien de la religion & le maintien de la piété.
En révérant par des fêtes des hommes qu'une vie sainte & mortifiée a rendus recommandables, ils ont voulu nous proposer leur exemple, & nous rappeller le souvenir de leurs vertus ; mais sur-tout en instituant leurs fêtes, ils ont voulu consacrer les grands évenemens de la religion ; évenemens par lesquels Dieu nous a manifesté ses desseins, sa bonté, sa puissance. Telles sont dans le Christianisme la naissance du Sauveur, & sa résurrection ; telles sont encore l'ascension, la descente du S. Esprit, &c.
Les fêtes, qui n'étoient pas d'abord en grand nombre, se multiplierent dans la suite à l'excès ; à la fin tout le monde en a senti l'abus. Ce fut l'un des premiers objets de réforme parmi les Protestans. On a de même supprimé bien des fêtes parmi les Catholiques ; & il semble que l'usage soit aujourd'hui de les retrancher presque partout. Ces changemens au reste se font tous les jours par les évêques, sans que l'église ni le gouvernement ayent rien déterminé là-dessus ; ce qui seroit néanmoins beaucoup plus convenable, pour établir l'uniformité du culte dans les différens diocèses.
Quand l'esprit de piété n'anime point les fideles dans la célébration des fêtes, ce qui n'est que trop ordinaire aujourd'hui parmi nous, il est certain qu'elles nuisent sensiblement à la religion ; c'est une vérité que Dieu a pris soin d'annoncer lui-même par la bouche d'Isaïe, & que M. Thiers, entr'autres modernes, a bien développée de nos jours.
On n'a pas démontré de même, quant à l'intérêt national, à quel point le public étoit lésé dans la cessation des travaux, prescrite aux jours de fêtes. C'est là néanmoins une discussion des plus intéressantes ; & c'est à quoi cet article est principalement destiné.
Les biens physiques & réels, je veux dire les fruits de la terre & toutes les productions sensibles de la nature & de l'art, en un mot les biens nécessaires pour notre subsistance & notre entretien, ne se produisent point d'eux-mêmes, sur-tout dans ces climats ; la providence les a comme attachés & même proportionnés au travail effectif des hommes. Il est visible que si nous travaillons davantage, nous augmenterons par cela même la quantité de nos biens ; & cette augmentation sera plus sensible encore, si nous faisons beaucoup moins de dépense. Or je trouve qu'en diminuant le nombre des fêtes, on rempliroit tout-à-la-fois ces deux objets ; puisque multipliant par-là les jours ouvrables, & par conséquent les produits ordinaires du travail, on multiplieroit à proportion toutes les especes de biens, & de plus on sauveroit des dépenses considérables, qui sont une suite naturelle de nos fêtes ; sur quoi je fais les observations suivantes.
On compte environ trente-sept fêtes à Paris, mais il y en a beaucoup moins en plusieurs provinces. Après une suppression qui s'est faite dans quelques diocèses, il s'y en trouve encore vingt-quatre : partons de ce point-là, & supposons vingt-quatre fêtes actuellement chommées dans tout le royaume. Maintenant je suppose qu'on ne réserve que le lundi de Pâque, l'Ascension, la Notre-Dame d'Août, la Toussaint, & le jour de Noël, je suppose ; dis-je, qu'on laisse ces cinq fêtes telles à-peu-près qu'elles sont à présent, & qu'on transporte les autres au dimanche.
On sait qu'il est consacré par-tout aux plus grandes fêtes de l'année, telles que Pâque, la Pentecôte, la Trinité : les autres fêtes les plus solemnelles, comme Noel, la Circoncision, l'Epiphanie, l'Assomption, la Toussaint, se chomment également le dimanche, quand elles tombent ce jour-là, sans qu'on y trouve aucun inconvénient.
Je m'imagine donc que les plus religieux ne désapprouveront pas l'arrangement proposé, sur-tout si l'on se rappelle que la loi d'un travail habituel & pénible fut la premiere & presque la seule imposée à l'homme prévaricateur, & qu'elle entre ainsi beaucoup mieux que les fêtes dans le système de la vraie piété. Maledicta terra in opere tuo ; in laboribus comedes ex eâ cunctis diebus vitae tuae.... in sudore vultûs tui vesceris panne. Genese, 3. 17. 19. En effet, l'établissement arbitraire de nos fêtes n'est-il pas une violation de la loi divine qui nous assujettit à travailler durant six jours, sex diebus operaberis ? Exod. 20. 9. Et peut-il être permis à l'homme de renverser un ordre que Dieu a prescrit lui-même, ordre d'ailleurs qui tient essentiellement à l'économie nationale ? ce qui est au reste si notoire & si constant, que si les supérieurs ecclésiastiques instituoient de nos jours de nouvelles fêtes, de même que des jeûnes, des abstinences, &c. le ministere public, plus éclairé qu'autrefois, ne manqueroit pas d'arrêter ces entreprises, qui ne peuvent avoir lieu qu'après une discussion politique, & de l'aveu du gouvernement ; & qui ne se sont formées pour la plûpart que dans les premiers accès d'une ferveur souvent mal ordonnée, ou dans ces siecles d'ignorance & de barbarie, qui n'avoient pas de justes notions de la piété.
Au surplus, il est certain qu'en considérant les abus inséparables des fêtes, la transposition que je propose est à desirer pour le bien de la religion ; attendu que ces saints jours consacrés par l'Eglise à la piété, deviennent dans la pratique des occasions de crapule & de libertinage, souvent même de batteries & de meurtres ; excès déplorables qui font dire à Dieu par Isaïe, & cela sur le même sujet : « A quoi bon tant de victimes ? Que sert de répandre pour moi le sang des animaux ? Ce n'est point-là ce que j'exige de vous ; j'abhorre vos sacrifices, vos cérémonies, vos fêtes, le sabbat même tel que vous l'observez ; je ne vois dans tout cela que de l'abus & du désordre capable d'exciter mon indignation. En vain vous éleverez les mains vers moi, ces mains sont souillées de sang, je n'écouterai point vos prieres ; mais purifiez votre cœur, ne méditez plus de projets iniques, cessez d'être méchans & pervers, observez la justice, pratiquez la bienfaisance, secourez les opprimés, défendez la veuve & l'orphelin ; après cela venez à moi, venez en toute assûrance, & quand vous seriez tout noircis de crimes, je vous rendrai plus blancs que la neige ». Quò mihi multitudinem victimarum vestrarum, dicit Dominus... ? Quis quaesivit haec de manibus vestris... ? incensum abominatio est mihi. Neomeniam & sabbatum & festivitates alias non feram, iniqui sunt coetus vestri ; calendas vestras & solemnitates vestras odivit anima mea.... Cum extenderitis manus vestras, avertam oculos meos à vobis ; cum multiplicaveritis orationem, non exaudiam, manus enim vestrae sanguine plenae sunt. Lavamini, mundi estote, auferte malum cogitationum vestrarum ab oculis meis, quiescite agere perversè, discite benefacere, quaerite judicium, subvenite oppresso, judicate pupillo ; defendite viduam ; & venite & arguite me, dicit Dominus. Si fuerint peccata vestra ut coccinum, quasi nix dealbabuntur ; & si fuerint rubra quasi vermiculum, velut lana alba erunt. Si volueritis & audieritis me, bona terrae comedetis. Quod si nolueritis & me ad iracundiam provocaveritis, gladius devorabit vos, quia os Domini locutum est. Isaïe, ch. j. v. 11, 12, 13, 14, &c.
Qui ne voit par-là que nos fêtes, dès-là qu'elles sont profanées par le grand nombre, nous éloignent véritablement du but qu'on s'est proposé dans leur institution ?
Mais du reste en les portant comme on a dit aux dimanches, les ames pieuses s'en occuperoient comme auparavant, & comme elles s'en occupent dès-à-présent toutes les fois qu'elles tombent ces jours-là. Rien ne convient mieux en effet pour sanctifier le jour du Seigneur, que d'y faire mémoire des Saints, de les invoquer, chanter leurs louanges ; leur gloire est celle de Dieu même : mirabilis Deus in Sanctis suis. Ps. 67. On peut donc remplir ces pieux devoirs au jour du dimanche, sans perdre civilement des jours que Dieu a destinés au travail. Sex diebus operaberis. Revenons à notre calcul.
Supposant comme on a dit, vingt-quatre fêtes pour tout le royaume, & les chommant desormais le dimanche, à l'exception des cinq des plus solemnelles, c'est dix-neuf fêtes épargnées en faveur de nos travaux ; cependant comme il en tombe toûjours quelques-unes au dimanche, ce qui les diminue d'autant, ne comptons que sur seize journées acquises par la transposition des fêtes.
Nous pouvons évaluer les journées pour hommes & pour femmes dans les campagnes éloignées à six sous prix commun pour toutes les saisons, & c'est mettre les choses fort au-dessous du vrai. Mais, la bonne moitié de nos travailleurs, je veux dire tous ceux qui sont employés dans les villes considérables & dans les campagnes qui en sont voisines, tous ceux-là, dis-je, gagnent au moins du fort au foible quatorze sous par jour. Mettons donc quatorze sous pour la plus forte journée, & six sous pour la plus foible, c'est-à-dire dix sous pour la journée commune.
Nous pouvons mettre au moins cinq sous de perte réelle pour un travailleur, en ce qu'il dépense de plus aux jours de fêtes, pour la parure, pour la bonne chere & la boisson ; article important, & qui pourroit être porté plus haut, puisqu'une fête outre la perte & les dépenses du jour, entraîne bien souvent son lendemain. Voilà donc du plus au moins à toute fête quinze sous de vraie perte pour chaque travailleur ; or quinze sous multipliés par seize fêtes qu'on suppose transportées au dimanche, font pour lui une perte actuelle de douze francs toutes les années.
Je conviens qu'il peut y avoir quelques ouvriers & autres petites gens, sur-tout dans les campagnes, qui en non-travail & surcroît de dépenses, ne perdent pas quinze sous par jour de fête ; mais combien en trouvera-t-on d'autres qui perdent infiniment davantage ? Un bon ouvrier dans les grandes villes, un homme qui travaille avec des compagnons, un chef, un maître de manufacture, un voiturier que le respect d'une fête arrête avec ses chevaux, un laboureur qui perd une belle journée, & qui, au milieu de l'ouvrage demeure à rien faire lui & tout son monde, un maître maçon, un maître charpentier, &c. tous ces gens-là, dis-je, comptant le non-travail & l'augmentation de dépense ne perdent-ils que quinze sous par jour de fête ? D'autre côté les négocians, les gens de plume & d'affaires, qui tous profitent moins pendant les fêtes ; & qui font eux & leur famille beaucoup plus de dépense, ne perdent-ils aussi que quinze sous chacun ? On en jugera sans peine, pour peu qu'on connoisse leur façon de vivre.
Maintenant sur dix-huit à vingt-millions d'ames que l'on compte dans le royaume, supposons huit millions de travailleurs, y compris les artisans, manufacturiers, laboureurs, vignerons, voituriers, marchands, praticiens, gens d'affaires, &c. y compris encore un grand nombre de femmes tant marchandes qu'ouvrieres, qui toutes perdent aux fêtes à-peu-près comme les hommes. Or s'il y a huit millions de travailleurs en France à qui l'on puisse procurer de plus tous les ans seize jours de travail & d'épargne, à quinze sous par jour, ou comme on a vû à douze francs par année, c'est tout d'un coup quatre-vingt-seize millions de livres que les fêtes nous enlevent, & que nous gagnerions annuellement si l'on exécutoit ce que je propose.
En effet, l'argent n'entrant dans le royaume, & sur-tout les biens physiques ne s'y multipliant qu'à proportion du travail & de l'épargne, nous les verrons croître sensiblement dès que nous travaillerons davantage, & que nous dépenserons moins. Conséquemment tous nos ouvrages, toutes nos marchandises & denrées deviendront plus abondantes & à meilleur compte, & nos manufactures ne seront pas moins fructueuses que celles des Anglois, des Allemands, & des Hollandois, à qui la suppression des fêtes est devenue extrèmement profitable.
Au reste, outre la perte du tems & les frais superflus qui s'ensuivent de nos fêtes, elles dérangent tellement les foires & les marchés, que les commerçans voituriers & autres ne savent bien souvent à quoi s'en tenir là-dessus ; ce qui cause immanquablement de l'inquiétude & du dommage ; au lieu que si nos fêtes étoient supprimées ou mises au dimanche ; les marchés ordinaires ne seroient plus dérangés. A l'égard des foires qui suivroient les fêtes transposées, on pourroit les fixer au lundi d'après chaque fête, elles y seroient beaucoup mieux qu'aux jours maigres qui ne sont jamais commodes pour la tenue des foires.
Quoi qu'il en soit ; il est certain que les fêtes nuisent plus qu'on ne sauroit dire à toutes sortes d'entreprises & de travaux, & qu'elles contribuent même à débaucher les ouvriers : elles leur fournissent de fréquentes occasions de s'enivrer ; & l'habitude de la crapule une fois contractée, se réveille malheureusement au milieu même de leur occupation ; on ne l'éprouve que trop tous les jours, pour peu qu'on fasse travailler. On voit avec chagrin que les ouvrages languissent, & que rien ne se finit qu'avec beaucoup de lenteur ; le tout au grand dommage du public, sur qui tombent ces retardemens & ces pertes. On peut dire encore que la décision des procès & l'expédition des autres affaires souffrent beaucoup des fêtes, & il n'est pas jusqu'aux études classiques qui n'en soient fort dérangées.
Les Arméniens, en partie catholiques, & tous négocians des plus habiles, sentant le préjudice que leur causoient les fêtes, les ont toutes mises au dimanche, à l'exception de quatre. Voyez état présent de l'Empire ottoman, page 406. Une disposition semblable fut proposée à Rome en 1741 ou 1742 ; & après une discussion de plusieurs années sur cette matiere importante, le pape Benoît XIV. à-présent regnant, a laissé toute liberté en Italie de retrancher ou de modifier le nombre des fêtes : c'est pourquoi, disent des journalistes non suspects en cette matiere, « plusieurs évêques de ce pays-là ont considéré que les dimanches & quatre ou cinq grandes solennités suffisoient au peuple, & qu'il ne falloit pas lui laisser dans une multitude d'autres fêtes, le prétexte ou l'occasion de perdre son tems, son argent, son innocence, & le fruit de l'instruction des pasteurs. En conséquence, nous dit-on, les retranchemens ont été faits ; & après quelques petites contradictions, qui étoient le cri de la coûtume plûtôt que de la piété, tout le monde a été content ». Journ. de Trév. I. vol. de Mai 1754.
Pareil retranchement s'est fait dans les états du roi de Prusse & dans les Pays-Bas catholiques (Gazette de France, 21 Août 1751) : un autre enfin tout récemment dans l'Autriche & pays héréditaires, où l'on a supprimé tout-d'un-coup vingt-quatre fêtes (Mercure d'Avril 1754) ; de sorte que dans tout le monde chrétien nous sommes aujourd'hui presque les seuls esclaves sur cela de l'ignorance & de la coûtume ; & qu'ainsi nos voisins, si glorieux autrefois de nous imiter, ne veulent plus nous laisser que l'honneur de marcher sur leurs traces.
Supposé donc l'abus des fêtes une fois bien reconnu, je crois, sauf meilleur avis, que la distribution suivante seroit tout ensemble commode & raisonnable ; & pour commencer par la Circoncision, elle sera fixée au premier dimanche de Janvier ; les Rois seront fêtés le second dimanche du même mois ; sainte Génevieve sera mise au dimanche suivant.
La Purification viendra toûjours le premier dimanche de Février, S. Matthias le dernier dimanche du même mois. L'Annonciation sera chommée le premier dimanche ou tel autre que l'on voudra du mois de Mars.
Au surplus on fêtera le lundi de Pâque, afin de procurer du loisir aux peuples pour satisfaire au devoir pascal : c'est ainsi qu'en ont usé quelques évêques. Mais pour ce qui est de la Pentecôte, il n'y aura pas plus de fêtes qu'à la Trinité ; & cela, comme on l'a dit, parce que ce tems, si propre pour toutes sortes de travaux, devient, au moyen des fêtes, un tems de plaisir, d'excès & de libertinage ; ce qui nuit également aux bonnes mœurs & à l'économie publique : Neomeniam & sabbatum, & festivitates alias non feram ; iniqui sunt coetus vestri. Isaïe j. 13.
La fête de S. Jacques & S. Philippe tombera au premier dimanche de Mai. On ne touchera point à l'Ascension ; mais la Fête-Dieu sera transportée au dimanche d'après la Trinité, & la petite Fête-Dieu au dimanche suivant.
La S. Jean viendra le dernier dimanche de Juin, & la S. Pierre le premier dimanche de Juillet, S. Jacques & S. Christophe le dernier dimanche du même mois.
La fête de S. Laurent se chommera le premier dimanche du mois d'Août ; l'Assomption sera mise au samedi suivant ; & le vendredi, veille de la fête, sera jeûne à l'ordinaire. S. Barthelemi & S. Louis seront fêtés les deux derniers dimanches du même mois.
La Nativité vient naturellement le premier dimanche de Septembre ; S. Matthieu & S. Michel, les deux derniers dimanches du même mois. S. Denis & S. Simon seront chommés en deux dimanches d'Octobre.
La fête de tous les Saints sera fixée au samedi qui précédera le premier dimanche de Novembre, & les Trépassés au lendemain, ou, si l'on veut, au lundi subséquent ; mais avec ordre de la police d'ouvrir de bonne-heure les atteliers & les boutiques. Saint Marcel, S. Martin & S. André se chommeront aussi le dimanche, & dans le mois de Novembre. La Conception, S. Thomas, S. Etienne & S. Jean occuperont les dimanches du mois de Décembre.
Les Innocens seront supprimés par-tout, comme ils le sont déjà dans plusieurs diocèses ; mais le jour de Noël sera fêté séparément le samedi, veille du dernier dimanche de l'année. Au reste la raison de convenance pour fixer les plus grandes fêtes au samedi, c'est pour en augmenter la solennité en les rapprochant du dimanche, & sur-tout pour faire tomber le jeûne au vendredi.
Les fêtes de patron peuvent aussi être chommées le dimanche ; & feu M. Languet, curé de S. Sulpice, en a donné l'exemple à tout Paris. Plût au ciel que les curés & autres supérieurs ecclésiastiques voulussent bien établir partout la même pratique ! Du reste plusieurs paroisses ont deux patrons, & conséquemment deux fêtes : mais, en bonne foi, c'en est trop, & rien n'est plus nuisible pour les gens laborieux : on pourroit en épargner une, indépendamment de toute autre nouveauté, en fêtant les deux patrons dans un seul jour.
Je ne dois pas oublier un abus qui mériteroit bien l'attention de la police : c'est que les communautés des arts & du négoce ne manquent point de fermer boutique le jour de leur prétendue fête, il y a même des communautés qui en ont deux par an ; & quoiqu'il n'y ait rien de plus arbitraire que de pareilles institutions, elles font payer une amende à ceux de leur corps qui vendent ou qui travaillent ces jours-là. Si ce n'est pas là de l'abus, j'avoue que je n'y connois rien. Je voudrois donc rejetter ces sortes de fêtes au dimanche, ou mieux encore les supprimer tout-à-fait, attendu qu'elles sont toûjours moins favorables à la piété qu'à la fainéantise & à l'ivrognerie : iniqui sunt coetus vestri, calendas vestras & solemnitates vestras odivit anima mea. Isaïe j. 13.
Page de titre du premier tome de l'Encyclopédie.
On me permettra bien de dire un mot des fêtes de palais, & sur-tout des fêtes de collége, du lundi, des processions du recteur, &c. Tout cela n'est appuyé, ce me semble, que sur le penchant que nous avons à la paresse ; mais tout cela n'entre point dans l'esprit des fondateurs, & ne s'accorde point avec le service du public. Il vaudroit mieux faire son devoir & son métier, veiller, instruire & former la jeunesse, que de s'amuser, comme des enfans, à faire des processions & des tournées qui embarrassent la voie publique, & qui ne sont d'aucune utilité. Encore seroit-ce demi-mal, si l'on y employoit des fêtes ou des congés ordinaires ; mais on s'en donne bien de garde : la tournée ne seroit pas complete , si l'on ne perdoit un jour entier à la faire, sans préjudice de tant d'autres congés qui emportent la meilleure partie de l'année, & qui nuisent infiniment au bien des études & à l'institution des mœurs.
Au reste, l'arrangement qu'on a vû ci-devant, est relatif aux fêtes chommées à Paris : mais s'il se fait là-dessus un réglement pour tout le royaume, il sera aisé d'arranger le tout pour le mieux & d'une maniere uniforme. En général, il est certain que moins il y aura de fêtes, plus on aura de respect pour les dimanches & pour les fêtes restantes, & sur-tout moins il y aura de misérables. Une grande commodité qui s'ensuivroit pour le public, c'est que les jeûnes qui précédent les fêtes, tomberoient toûjours le vendredi ou le samedi, & conséquemment s'observeroient avec moins de répugnance que lorsqu'ils viennent à la traverse au milieu des jours gras : outre que ce nouvel ordre fixant la suite du gras & du maigre, ce seroit, en considérant les choses civilement, un avantage sensible pour le ménage & pour le commerce, qui seroient en cela moins dérangés.
J'observerai à cette occasion, qu'au lieu d'entremêler, comme on fait, les jours gras & les jours maigres, il conviendroit, pour l'économie générale & particuliere, de restraindre aux vendredis & samedis tous les jours de jeûne & d'abstinence, non compris le carême.
On pourroit donc, dans cette vûe de commodité publique, supprimer l'abstinence des Rogations, aussi-bien que celle de S. Marc. Quant aux processions que l'on fait ces jours-là, on devroit, pour le bien des travailleurs, les rejetter sur autant de dimanches, dont le loisir, après tout, ne sauroit être mieux rempli que par ces exercices de piété.
A l'égard du maigre qu'on nous épargneroit, je trouve, si l'on veut, une compensation facile ; ce seroit de rétablir dans tout le royaume l'abstinence de cinq ou six samedis qu'il y a de Noël à la Purification.
Quant aux jeûnes, il me semble, vû le relâchement des Chrétiens, qu'il y en a trop aujourd'hui, & qu'il en faudroit supprimer quelques-uns ; par exemple, ceux de S. Laurent, S. Matthieu, S. Simon & S. André, aussi-bien que les trois mercredis des quatre-tems de la Trinité, de la S. Michel & de Noël : pour lors il n'y auroit plus, outre le carême, que douze jours de jeûne par année ; savoir six jours pour les quatre-tems, & six autres jours pour les vigiles de la Pentecôte, de la S. Jean, de la S. Pierre, de l'Assomption, de la Toussaint, & de Noël.
Ainsi, hors le carême qui demeure en son entier, on ne verroit que les vendredis & samedis sujets au jeûne & au maigre ; arrangement beaucoup plus supportable, & qui nous exposeroit moins à la transgression du précepte, ce qui est fort à considérer pour le bien de la religion & la tranquillité des consciences.
J'ajoûte enfin que pour procurer quelque douceur aux pauvres peuples, & pour les soulager, autant qu'il est possible, en ce qui est d'institution arbitraire, nos magistrats & nos évêques, loin d'appesantir le joug de Jesus-Christ, devroient concourir une bonne fois pour assûrer l'usage des œufs en tout tems : j'y voudrois même joindre l'usage de la graisse, lequel pourroit être permis en France, comme il l'est, à ce qu'on dit, en Espagne & ailleurs. Et, pour parler en chrétien rigide, il vaudroit mieux défendre dans le jeûne toutes les liqueurs vineuses, de même que le café, le thé, le chocolat ; interdire alors les cabarets aux peuples, hors les cas de nécessité, que de leur envier de la graisse & des œufs . Ils ont communément ces denrées pour un prix assez modique, au lieu qu'ils ne peuvent guere atteindre au beurre, encore moins au poisson, & que les moindres légumes sont souvent rares & fort chers ; ce qui feroit peut-être une raison pour fixer la fête de Pâque au premier dimanche de Mai, dans la vûe de rapprocher le carême des herbes & légumes du printems.
A l'égard des grands & des riches de toutes conditions & de toutes robes, ces sortes de lois ne sont pas proprement faites pour eux ; & si quelques-uns se privent de certains mets, ils savent bien d'ailleurs s'en procurer d'excellens : alligant onera gravia. Matth. xxiij. 4.
N'en disons pas davantage ; & concluons que pour diminuer le scandale des transgressions, pour tranquilliser les ames timorées, & sur-tout pour l'aisance & la douceur d'une vie d'ailleurs remplie d'amertume, le libre usage de la graisse & des œufs doit être établi par-tout, & pour tous les tems de l'année.
Je dois encore remarquer ici que la transposition des fêtes seroit un objet d'économie pour la fabrique des églises, puisqu'il y auroit moins de dépense à faire en cire, ornemens, service, &c. Il s'ensuivroit encore un autre avantage considérable, en ce que ce seroit un moyen de rendre simple & uniforme l'office divin. En effet, comme il n'y a pas d'apparence que pour une fête ainsi transposée on changeât sensiblement l'office ordinaire du dimanche, il est à croire qu'on y laisseroit les mêmes pseaumes & autres prieres qu'on y fait entrer, & qu'il n'y auroit de changement que pour les oraisons & les hymnes appropriées aux fêtes.
Ce seroit pareillement une occasion favorable pour réformer le bréviaire, le chant, & les cérémonies, tant des paroisses que des communautés & collégiales.
Tout cela auroit besoin de revision, & pourroit devenir plus simple & plus uniforme ; d'autant mieux que les arrangemens proposés se faisant de l'autorité du roi & des évêques, seroient en conséquence moins confus & moins variables. Il n'est pas douteux que ces changemens n'inspirassent plus de respect, & ne donnassent plus de goût pour le service divin ;au lieu que les variétés bisarres qu'on y voit aujourd'hui, formant une espece de science peu connue des fideles, je dis même des gens instruits, plusieurs se dégoûtent de l'office paroissial, & perdent les précieux fruits qu'ils en pourroient tirer. A quoi contribue bien encore le peu de commodité qu'il y a dans nos églises ; il y manque presque toûjours ce qui devroit s'y trouver gratis pour tout le monde, je veux dire le moyen d'y être à l'aise, & proprement assis ou à genoux.
En effet n'est-on pas un peu scandalisé de voir l'attention de nos pasteurs à se procurer leurs aises & leurs commodités dans les églises, & de voir en même tems leur quiétude & leur indifférence sur la position incommode & peu décente où s'y trouvent la plûpart des fideles, ordinairement pressés & coudoyés dans la foule, étourdis par le bruit des cloches & des orgues, importunés par des mendians, interpellés pour des chaises, enfin mis à contribution par des quêteuses jeunes & brillantes ? Qui pourroit compter avec cela sur quelques momens d'attention ?
J'ajoûterai à ces réflexions, que les messes en plusieurs églises ne sont point assez bien distribuées ; il arrive souvent qu'on en commence deux ou trois à-la-fois, & qu'ensuite il se passe un tems considérable sans qu'on en dise : de sorte qu'un voyageur, une femme occupée de son ménage, & autres gens semblables, ne trouvent que trop de difficulté pour satisfaire au précepte.
On diroit à voir certains célébrans, qu'ils regardent la messe comme une tâche rebutante & pénible dont il faut se libérer au plus vîte, & sans égard pour la commodité des fideles.
Quelqu'un s'étant plaint de ce peu d'attention dans une communauté près de Paris, on lui répondit honnêtement, que la communauté n'étoit pas faite pour le public. Il ne s'attendoit pas à cette réponse, & il en fut fort scandalisé : mais c'est tout ce qu'il en arriva, & les choses allerent leur train à l'ordinaire. Une conduite si peu religieuse & si peu chrétienne nuit infiniment à la piété.
Une derniere observation que je fais sur les arrangemens exposés ci-dessus, c'est qu'ils ôteroient tout prétexte, ce me semble, à la plûpart des railleries & des reproches que font les Déistes & les Protestans sur la religion. On sait que s'ils attaquent cette religion sainte, c'est moins dans ses fondemens inébranlables, que dans sa forme & dans ses usages indifférens : or toutes les propositions de ce mémoire tendent à leur ôter les occasions de plainte & de murmure. Aussi bien convaincu que les pratiques arbitraires, usitées dans l'église romaine, lui ont plus attiré d'ennemis que tous les articles de la créance catholique, je pense, à l'égard des Protestans, que si l'on se rapprochoit un peu d'eux sur la discipline, ils pourroient bien se rapprocher de nous sur le dogme.
Premiere objection. Le grand avantage que vous envisagez dans la suppression des fêtes, c'est l'épargne des dépenses superflues qui se font ces jours-là, & que l'on éviteroit, dites-vous, en rejettant les fêtes au dimanche : mais cette épargne prétendue est indifférente à la société, d'autant que l'argent déboursé par les uns, va nécessairement au profit des autres, je veux dire à tous ceux qui travaillent pour la bonne chere & la parure, pour les amusemens, les jeux, & les plaisirs. L'un gagne ce que l'autre est censé perdre, & par-là tout rentre dans la masse. Ainsi le dommage que vous imaginez dans certaines dépenses, & le gain que vous croyez apercevoir dans certaines épargnes, sont absolument chimériques.
RÉPONSE. La grande utilité que j'envisage dans l'exécution de mon projet, n'est point l'épargne qu'on gagne par la suppression des fêtes, puisque je ne la porte qu'au tiers du gain total que je démontre. En effet j'estime à dix sous par jour de fête la perte que fait chaque travailleur par la cessation des travaux, & je ne mets qu'à cinq sous l'augmentation de dépense : ainsi l'épargne dont il s'agit n'est que la moindre partie des avantages qu'on trouveroit dans la diminution des fêtes. La principale utilité d'un tel retranchement, consiste dans l'augmentation des travaux, & conséquemment des fruits qu'un travail continu ne peut manquer de produire. Mais indépendamment de ce défaut dans l'objection, je soûtiens quant au fond, que le raisonnement qu'on oppose là-dessus est frivole & mal fondé : car enfin la question dont il s'agit ne roule point sur l'argent qui se dépense durant les fêtes, & que je veuille épargner en faveur du public. Il est bien certain que l'argent circule & qu'il passe d'une main à l'autre dans le commerce des amusemens & des plaisirs ; mais tout cela ne produit rien de physique, & n'empêche point la perte générale & particuliere qu'entraîne toûjours le divertissement & l'oisiveté. Si chacun pouvoit se réjoüir & dépenser à son gré, sans que la masse des biens diminuât, ce seroit une pratique des plus commodes : malheureusement cela n'est pas possible ; on voit au contraire que des dépenses inutiles & mal-placées, loin de soûtenir le commerce & l'opulence générale, ne produisent au vrai que des anéantissemens & de la ruine : le tout indépendamment de l'espece, qui ne sert en tout cela que de véhicule.
Et qu'on ne dise point, comme c'est l'ordinaire, que les amusemens, les jeux, les festins, &c. occupent & font vivre bien du monde, & qu'ils produisent par conséquent une heureuse circulation : car c'est une raison pitoyable. Avec ce raisonnement, on va montrer que la plûpart des pertes & des calamités publiques & particulieres, sont de vrais biens politiques.
La guerre qu'on regarde comme un fléau, n'est plus un malheur pour l'état, puisqu'enfin elle occupe & fait vivre bien du monde. Une maladie contagieuse qui desole une ville ou une province, n'est point encore un grand mal, vû qu'elle occupe avec fruit tous les suppôts de la Medecine, &c. & suivant le même raisonnement, celui qui se ruine par les procès ou par la débauche, se rend par-là fort utile au public, d'autant qu'il fait le profit de ceux qui servent ses excès ou ses folies ; que dis-je, un incendiaire en brûlant nos maisons mérite des récompenses, attendu qu'il nous met dans l'heureuse nécessité d'employer bien du monde pour les rétablir, & un machiniste, au contraire, en produisant des facilités nouvelles pour diminuer le travail & la peine dans les gros ouvrages, ne peut mériter que du blâme pour une malheureuse découverte qui doit faire congédier plusieurs ouvriers.
Pour moi je pense que l'enrichissement d'une nation est de même nature que celui d'une famille. Comment devient-on riche pour l'ordinaire ? Par le travail & par l'économie ; travail qui enfante de nouveaux biens ; économie qui sait les conserver & les employer à-propos. Ce n'est pas assez pour enrichir un peuple, de lui procurer de l'occupation. La guerre, les procès, les maladies, les jeux, & les festins occupent aussi réellement que les travaux de l'agriculture, des fabriques, ou du commerce : mais de ces occupations les unes sont fructueuses & produisent de nouveaux biens, les autres sont stériles & destructives.
Je dis plus, quand même le goût du luxe & des superfluités feroit entrer de l'argent dans le royaume, cela ne prouveroit point du tout l'accroissement de nos richesses, & n'empêcheroit pas les dommages qui suivent toûjours la dissipation & la prodigalité. Voilà sur cela mon raisonnement.
L'Europe entiere possede au moins trois fois plus d'especes qu'elle n'en avoit il y a trois cent ans ; elle a même pour en faciliter la circulation bien des moyens qu'on n'avoit pas encore trouvés. L'Europe est-elle à proportion plus riche qu'elle n'étoit dans ces tems-là ? Il s'en faut certainement beaucoup. Les divers états, royaumes, ou républiques, ne connoissoient point alors les dettes nationales ; presque tous aujourd'hui sont obérés à ne pouvoir s'en relever de long-tems. On ne connoissoit point aussi pour lors ce grand nombre d'impositions dont les peuples d'Europe sont chargés de nos jours.
Les arts, les métiers, les négoces étoient pour tout le monde d'un abord libre & gratuit ; au lieu qu'on n'y entre à-présent qu'en déboursant des sommes considérables. Les offices & les charges de judicature, les emplois civils & militaires étoient le fruit de la faveur ou du mérite ; maintenant il faut les acheter, si l'on y veut parvenir : par conséquent il étoit plus facile de se donner un état, & de vivre à son aise en travaillant ; & dès-là il étoit plus facile de se marier & d'élever une famille. On sent qu'il ne falloit qu'être laborieux & rangé. Qu'il s'en faut aujourd'hui que cela suffise !
Je conclus de ces tristes différences, que nous sommes réellement plus agités, plus pauvres, plus exposés aux chagrins & aux miseres, en un mot moins heureux & moins opulens, malgré les riches buffets & les tas d'or & d'argent si communs de nos jours.
L'acquisition des métaux précieux, ni la circulation des especes ne sont donc pas la juste mesure de la richesse nationale ; & comme je l'ai dit, ce n'est point sur cela que doit rouler la question présente.
Il s'agit simplement de savoir si le surcroît de dépense qui se fait toûjours pendant les fêtes, n'occasionne pas quelque diminution des biens réels ; & si les excès, les festins, & autres superfluités communes en ces sortes de jours, bien que profitables à quelques particuliers, ne sont pas véritablement dommageables à la société : sur quoi l'on peut établir comme un axiome de gouvernement, que l'augmentation ou la diminution des biens physiques, est la mesure infaillible de l'enrichissement ou de l'appauvrissement des états ; & qu'ainsi un travail continu de la part des sujets augmentant à coup sûr la quantité de ces biens, doit être beaucoup plus avantageux à la nation, que les superfluités & les dépenses qui accompagnent les fêtes parmi nous.
Il est visible en effet, qu'une portion considérable des biens les plus solides se prodigant chez nous durant les fêtes, la masse entiere de ces vrais biens est nécessairement diminuée d'autant ; perte qui se répand ensuite sur le public & sur les particuliers : car il n'est pas vrai, comme on le dit, que l'un gagne tout ce que l'autre dépense. Le bûveur, l'homme de bonne-chere & de plaisir, qui dissipe un loüis mal-à-propos, perd à la vérité son loüis à pur & à plein ; mais le cabaretier, le traiteur qui le reçoit, ne le gagne pas également : à peine y fait-il un quart ou un cinquieme de profit, le reste est en pure perte pour la société. En un mot toute consommation de vivres ou d'autres biens dont on use à contretems & dont on prive souvent sa famille, devient une véritable perte que l'argent ne répare point en passant d'une main à l'autre : l'argent reste, il est vrai ; mais le bien s'anéantit. Il en résulte que si par la suppression des fêtes nous étions tout-à-coup délivrés des folles dépenses qui en sont la suite inévitable, ce seroit sans contredit une épargne fructueuse & une augmentation sensible de notre opulence ; outre que les travaux utiles, alors beaucoup mieux suivis qu'à présent, produiroient chez nous une abondance générale.
Pour mieux développer cette vérité, supposons que la nation françoise dépensât durant une année moitié moins de toute sorte de biens ; que néanmoins les choses fussent arrangées de façon que chacun travaillât moitié davantage ou moitié plus fructueusement, & qu'en conséquence toutes les productions de nos terres, fabriques, & manufactures, devinssent deux ou trois fois plus abondantes ; n'est-il pas visible qu'à la fin d'une telle année la nation se trouveroit infiniment plus à l'aise, ou pour mieux dire, dans l'affluence de tous biens, quand même il n'y auroit pas un sou de plus dans le royaume ?
Si cet accroissement de richesses est constant pour une année entiere, il l'est à proportion pour six mois, pour quatre, ou pour deux ; & il l'est enfin à proportion pour tant de fêtes qu'il s'agit de supprimer, & qui nous ôtent à Paris un douzieme des jours ouvrables. En un mot, il est également vrai dans la politique & dans l'économie, également vrai pour le public & pour les particuliers, que le grand moyen de s'élever & de s'enrichir est de travailler beaucoup, & d'éviter la dépense : c'est par ce loüable moyen que des nations entieres se sont aggrandies, & c'est par la même voie que tant de familles s'élevent encore tous les jours. Voyez ÉPARGNE.
Mais, poursuit-on, qu'on dise & qu'on fasse tout ce que l'on voudra, il est toûjours vrai que si le public gagnoit à la suppression des fêtes, certaines professions y perdroient infailliblement, comme les Cabaretiers, les Traiteurs, & les autres artisans du luxe & des plaisirs.
A cela je pourrois dire : soit, que quelques professions perdent, pourvû que la totalité gagne sensiblement. Plusieurs gagnent aux maladies populaires ; s'avise-t-on de les plaindre parce que leur gain diminue avec le mal épidémique ? Le bien & le plus grand bien national ne doit-il pas l'emporter sur ces considérations particulieres ?
Au reste, je veux répondre plus positivement, en montrant que les professions que l'on croit devoir être lésées dans la suppression des fêtes, n'y perdront ou rien ou presque rien. Qui ne voit en effet que si les moindres particuliers gagnent à cette suppression, tant par l'augmentation de leurs gains que par la cessation des folles dépenses, ils pourront faire alors & feront communément une dépense plus forte & plus raisonnable ? Tel, par exemple, qui dissipe 30 sous pour s'enivrer un jour de fête, & qui en conséquence fait maigre chere & boit de l'eau le reste du tems ; au lieu de faire cette dépense ruineuse pour le ménage & pour la santé, fera la même dépense dans le cours de la semaine, & boira du vin tous les jours de travail ; ce qui sera pour lui une nourriture journaliere, & une source de joie, d'union, & de paix dans sa famille.
Remarquez que les raisonnemens qui sont voir en ceci l'avantage des particuliers, prouvent en même tems une augmentation de gain pour les fermiers des aides : ainsi l'on se persuade qu'ils ne seront point allarmés des arrangemens que nous proposons.
Au surplus, ce que nous disons du vin se peut dire également de la viande & des autres denrées. Le surcroît d'aisance où sera chaque travailleur influera bien-tôt sur sa table ; il fera beaucoup moins d'excès à la vérité, mais fera meilleure chere tous les jours ; & les professions qui travaillent pour la bouche, loin de perdre à ce changement verront augmenter leur commerce.
J'en dis autant de la dépense des habits. Quand une fois les fêtes seront rejettées au dimanche, on aura moins de frais à faire pour l'élégance & la parure superflue ; & c'est pourquoi l'on s'accordera plus volontiers le nécessaire & le commode : & non-seulement chaque ménage, mais encore chaque branche de commerce y trouvera des utilités sensibles.
J'ajoûte enfin que si ces nouveaux arrangemens faisoient tort à quelques professions, c'est un si petit objet, comparé à l'économie publique & particuliere, qu'il ne mérite pas qu'on y fasse attention. D'ailleurs ces pretendus torts, s'il en est, ne se font pas sentir tout d'un coup. Les habitudes vicieuses ne sont que trop difficiles à déraciner, & les réformes dont il s'agit iront toûjours avec assez de lenteur : de sorte que la profession qui sera moins employée se tournera insensiblement d'un autre côté, & chacun trouvera sa place comme auparavant.
II. Objection. Vous ne prenez pas garde que vous donnez dans un relâchement dangereux ; & que dans un tems où les fideles ne sont déjà que trop portés à secoüer le joug de l'austérité chrétienne, vous faites des propositions qui ne respirent que l'aisance & la douceur de la vie.
RÉPONSE. Je ne vois pas sur quoi fondé l'on m'accuse de tendre au relâchement par les diverses propositions que je fais dans cet écrit : ce n'est point sans-doute sur ce que je propose de supprimer la plûpart de nos fêtes ; c'est là une proposition rebattue, qui n'est pas plus de moi que de mille autres. Plusieurs de nos évêques ont déjà commencé la réforme ; &, comme on l'a dit ci-devant, presque toutes les nations chrétiennes nous ont donné l'exemple, en Italie, en Allemagne, dans les Pays-Bas, & jusqu'en Arménie. En un mot, ce qu'il y a de moi proprement dans ce plan de la transposition des fêtes, c'est la simple exposition des avantages qui en résulteroient & pour la religion & pour l'économie publique ; avantages au reste que je n'ai point vûs démontrés ailleurs.
On vous passe bien cela, dira-t-on ; mais ne proposez-vous pas l'usage perpétuel de la graisse & des œufs  ? N'insinuez-vous pas encore la suppression de certains jours d'abstinence, & même de quelques jeûnes prescrits par l'église ?
A l'égard de la graisse & des œufs, c'est une espece de condescendance autorisée en plusieurs endroits, & qui se doit par justice & par humanité, à la triste situation du peuple & des pauvres : car, je l'ai dit & je le répete, cela ne fait rien aux riches de tous états & de tous ordres ; ils se mettent au-dessus de la regle pour la plûpart ; & au pis aller, la mer & les rivieres leur fournissent pour le maigre des mets délicats & succulens.
Il est vrai que les arrangemens indiqués ci-dessus emportent l'abolition de quatre jours d'abstinence, & de six ou sept jours de jeûne : mais premierement cela vaut-il la peine d'en parler ? d'ailleurs n'ai-je pas proposé le rétablissement du maigre pour les cinq ou six samedis que l'on compte de Noël à la Chandeleur, & dans lesquels on permet le gras en plusieurs endroits du royaume ? N'ai-je pas encore proposé un jeûne plus rigide & plus édifiant, lorsque j'ai suggeré l'interdiction du vin & de mille autres délicatesses peu conformes à l'esprit du jeûne ? Je ne vois donc pas que la saine Morale risque beaucoup avec moi : & si quelques-uns me trouvent trop relâché, combien d'autres me trouveront trop sévere ?
C'est en vain que Jesus-Christ nous apprend à négliger les traditions humaines, pour nous attacher à l'observation de la loi ; nous voulons toûjours tenir, comme les Juifs, à des observances & à des institutions arbitraires. Cependant les austérités, les mortifications, & les autres pratiques de notre choix, nous sont bien moins nécessaires que la patience & la résignation dans nos maux. En effet, la vie n'est-elle point assez traversée, assez malheureuse ? & n'est-il point en ce monde assez d'occasions de souffrir, sans nous assujettir sans-cesse à des embarras & des peines de création libre ? Notre fardeau est-il trop leger, pour que nous y ajoûtions de nous-mêmes ? & le chemin du ciel est-il trop large, pour que nous travaillions à le retrécir ?
On dira sans-doute que les abstinences multipliées & prescrites par l'église sont autant de moyens sagement établis pour modérer la fougue de nos passions, pour nous contenir dans la crainte du Seigneur, & pour nous faciliter l'observation de ses commandemens.
Toutes ces raisons pouvoient être bonnes dans ces siecles heureux où les peuples fervens & soûtenus par de grands exemples, étoient parfaitement dociles à la voix des pasteurs : mais aujourd'hui que l'indépendance & la tiédeur sont générales, aujourd'hui que l'irréligion & le scandale sont montés à leur comble, telle observance qui fut jadis un moyen de salut, n'est le plus souvent pour nous qu'une occasion de chûte : inventum est mihi mandatum quod erat ad vitam, hoc esse ad mortem. Rom. vij. chap. x.
Par conséquent, vû l'état languissant où le Christianisme se trouve de nos jours, on ne sauroit multiplier nos devoirs sans nous exposer à des transgressions presque inévitables, qui attirent de plus en plus la colere de Dieu sur nous. C'est donc plûtôt sagesse que relâchement d'adoucir la rigueur des préceptes humains, & de diminuer, autant qu'il est possible, le poids des abstinences qui paroît trop onéreux au commun des fideles, & qui ne fait plus que des prévaricateurs.
Du reste, obligés que nous sommes de conserver pour Dieu, dans tous les tems, cet amour de préférence que nous lui devons, & qui est si puissamment disputé par les créatures ; obligés d'aimer nos ennemis, de prier pour nos persécuteurs, & de souffrir sans murmure les afflictions & les chagrins de la vie ; obligés enfin de combattre sans relâche nos passions & nos penchans, pour mépriser le monde & ses plaisirs, pour ne ravir ni ne desirer le bien ou la femme du prochain, & pour détester constamment & de bonne foi tout ce qui n'est pas légitimé par le sacrement, n'avons-nous point en ce peu de préceptes dictés par Jesus-Christ lui-même, de quoi soûtenir notre vigilance & de quoi exercer notre vertu, sans être surchargés tous les jours par des traditions humaines ?
Enfin, de quoi s'agit-il dans tout ce que je propose ? de quelques adoucissemens fort simples, & qui, à le bien prendre, ne valent pas les frais de la contradiction ; adoucissemens néanmoins qui applaniroient bien des difficultés, & qui rendroient l'observation du reste beaucoup plus facile : au lieu que les institutions arbitraires, mais en même tems gênantes & répétées à tout moment, sont capables de contrister des gens d'ailleurs réglés & vertueux. Il semble qu'elles atiédissent le courage, & qu'elles énervent une piété qui se doit toute entiere à de plus grands objets. Aussi, que de chrétiens qui prennent le change, qui fideles à ces pratiques minutieuses, négligent l'observation des préceptes, & à qui l'on pourroit appliquer ce que le Seigneur disoit aux Pharisiens : relinquentes mandatum dei, tenetis traditiones hominum ! Marc. chap. vij. 8.
J'ajoûte enfin, comme je l'ai déjà dit, que ces pratiques peu nécessaires indisposent non-seulement les Protestans, mais encore tous ceux qui ont de la pente au libertinage du cœur & de l'esprit, & qu'elles les révoltent d'ordinaire sans espérance de retour.
Tout cela mûrement considéré, on ne peut, ce me semble, mieux faire que de transporter presque toutes nos fêtes au dimanche, réduire à quelque chose de plus simple & de plus uniforme nos offices, nos chants, nos cérémonies, &c. accorder pour tous les tems l'usage libre de la graisse & des œufs ; & sans toucher au carême pour le reste, déclarer les vendredis & samedis seuls sujets au maigre ; supprimer à cette fin l'abstinence des Rogations & celle de S. Marc ; à l'égard des jeûnes passagers annexés à telles saisons ou telles fêtes, les restraindre à deux jours pour les quatre-tems ; plus aux vigiles de la Pentecôte, de la S. Jean, de la S. Pierre, de l'Assomption de la Toussaint, & de Noël.
Pour lors ce petit nombre de jeûnes tombant aux jours maigres ordinaires s'observeroit plus facilement, & ne dérangeroit plus ni le ménage ni le commerce ; & je crois enfin que tous ces changemens sont fort à souhaiter, tant pour l'enrichissement de la nation & l'aisance générale des petits & des médiocres, que pour empêcher une infinité de prévarications & de murmures. Je me flate que les gens éclairés ne penseront pas autrement ; & que loin d'apercevoir dans ces propositions aucun risque pour la discipline ou pour les mœurs, ils y trouveront de grands avantages pour la religion & pour la politique : en un mot, on éviteroit par-là des scandales & des transgressions sans nombre qui nuisent infiniment à la piété ; & de plus, on augmenteroit les richesses du royaume de cent millions par an, comme je l'ai prouvé. Si cela n'est pas raisonnable, qu'on me dise ce que c'est que raison. Voyez DIMANCHE. Article de M. FAIGUET.

Application et extension du programme

Le Carnaval de Paris est interdit en 1790 pour des raisons économiques.

Le 5 octobre 1793, 14 vendémiaire an II, est adopté le calendrier républicain.

Le rythme semainier de 6 jours ouvrables suivi d'un jour chômé, est remplacé par le rythme décadaire de 9 jours ouvrables suivi d'un jour chômé.

La référence journalière à un ou plusieurs saints est supprimée[2]. Ce qui entraîne, ainsi, la suppression de toutes les fêtes chômées correspondantes, notamment par des corporations, qui, traditionnellement, fêtent leur saint patron.

Au nombre des saints dont la fête est supprimée : Saint Martin le 11 novembre, qui est également le jour marquant le début de la période du Carnaval[3].

Ces différentes modification de l'organisation calendaire font que le nombre annuel de jours chômés à Paris tombe à 41, contre 130 avant 1789.

Les 41 jours chômés sont les 36 décadi et cinq fêtes révolutionnaires.

Un texte anonyme publié en 1795 commente ce phénomène.

Observations sur le calendrier républicain[4]

La loi qui substitue l’ère de la république à l’ère vulgaire, est inhérente à la forme de gouvernement. Il ne saurait exister de meilleure division du temps que celle qui, comme les poids et mesures, est soumise au calcul décimal. Il faut donc bien se garder d’apporter des changemens dans la distribution des jours en décades.
Cette distribution qui, ne concordant avec les cultes d’aucune secte, déroute les gens superstitieux, écarte les préjugés, est la plus convenable à une nation qui veut tolérer toutes les religions, sans permettre pour aucune des pratiques extérieures.
Si, sous de spécieux prétextes, on adoptait une division du temps calculée sur six jours de travail et un jour de repos, quelque dénomination que l’on donnât aux jours, on remettrait sur la voie des anciens abus. Le septième serait toujours un Dimanche, et le mot entraînant la chose, à l’idée du repos serait substituée celle du fanatisme.
Sans doute, il faut que le corps se délasse après de longs travaux ; aussi les jours de repos sont-ils, par leur nature, une institution plutôt civile que religieuse, mais dont la superstition a tellement su tirer parti dans des siècles d’ignorance, que les préjugés, fortifiés par une longue habitude, ont une peine extrême à être dissipés par le flambeau de la raison et de la philosophie.
Les sectaires ne manquent pas d’argumenter contre le nouveau calendrier, des prétendues entraves qu’il apporte aux opérations du commerce tant intérieur qu’extérieur¹, et de l’insuffisance de trois jours de repos sur trente. Mais pour rendre la première objection nulle à l’égard des étrangers, et de faire concorder les deux ères, il suffit de les relater l’une et l’autre comme on le fait en tête des papiers publics ; et sous d’autres rapports, quelle facilité une division du temps qui simplifie tous les calculs, n’établira-t-elle pas dans le commerce intérieur ! On ne doute point des avantages qui devront résulter de la fixation des nouveaux poids et mesures, calquée sur la même base ; comment pourrait-on critiquer le mode uniforme adopté pour le calendrier ! L’un exige essentiellement l’autre ; et tous deux se prêteront des secours mutuels.
Quant à l’insuffisance des jours de repos, il y a un moyen fort simple d’y remédier. Suivant l’ancien calendrier, outre 52 dimanches et beaucoup de fêtes, les ouvrier avaient assez généralement, surtout dans les villes, l’habitude de ne point se rendre les lundis, c’est-à-dire, pendant 52 jours de l’année, à leurs ateliers. Sur 365 jours, environ 130 étaient ainsi perdus pour le travail. Les lundis, et quelquefois les fêtes avaient d’ailleurs l’inconvénient de ranger de suite deux ou plusieurs jours de repos qui dégénéraient souvent en débauches, et contribuaient plus à détruire les forces qu’à les réparer. Avec le nouveau calendrier rien de plus aisé que de procurer de manière légale un repos suffisant, plus d’accord avec les lois de l’économie animale, et moins nuisible aux manufactures et aux progrès de l’industrie chez un peuple actif et laborieux.
Que les décadis² soient forcément donnés au repos, et que les quintidis soient librement accordés aux ouvrier et à tous les hommes de peine, quelle que soit leur profession. Je dis forcément pour les décadis, et ceci est une conséquence du principe reconnu plus haut que l’institution des jours de repos est proprement civile. En effet, comme il serait physiquement impossible que l’homme se livrât au travail sans discontinuation, ce ne serait pas porter atteinte à la liberté que de prescrire par un règlement uniforme les jours où les citoyens, en se livrant simultanément au repos, trouveraient des moyens de réunion et des plaisir qu’ils ne pourraient se procurer s’il n’existait point d’identité dans les époques de cessation des travaux. D’ailleurs, si l’on était astreint à fermer les boutiques chaque décadi, et s’il était défendu de les tenir closes tout autre jour que les décadis et les quintidis, on ne verrait point ces disparates qui annoncent encore l’empire de la superstition ; et les hypocrites qui ne paraissent aujourd’hui faire tant de cas de la religion que parce qu’ils en connaissent l’influence sur le gouvernement, ne pourraient plus manifester un esprit de révolte contre le républicanisme, auquel il faut bien à la fin qu’ils se soumettent. La célébration des dimanches ne servirait plus de signe de reconnaissance aux contre-révolutionnaires, et en fixant des bornes à une tolérance abusive, on mettrait fin à la lutte scandaleuse du fanatisme renaissant contre un gouvernement qui l’a trop ménagé.
Par rapport aux quintidis, ils semblent ne devoir être que volontairement destinés au repos, en autorisant toutefois les ouvriers à s’y livrer ces jours-là, parce qu’il est en effet beaucoup de professions pour lesquelles ce repos ne serait pas nécessaire, et qu’il ne faut point apporter d’entraves inutiles ou préjudiciables à l’activité des pères de famille laborieux et peu fortunés.
La seule modification dont le nouveau calendrier, fruit de méditations et du génie des meilleurs astronomes, paraisse susceptible, consiste donc à sous-diviser les décades en deux parties égales, et en doublant les jours de repos, à les déterminer de manière régulière, qui soit tout à la fois la plus commode et la plus appropriée aux lois de la nature et à l’ordre social.
____________________________________________________________________________________________________________________________________
¹ : La Porte et la Russie ne suivant pas l’ère chrétienne : a-t-on jamais pensé que cela nuisît au commerce de ces Etats ! Et qu’on s’en rapporte à l’avidité mercantile du soin de faire concorder l’ère nouvelle avec l’ancienne pour ses opérations. Quoi ! des négociants si habiles à calculer le cours des changes, ne pourraient sans peine apprendre que le 1er germinal correspond au 31 mars vieux style !
² : Le jour de la décade est une expression impropre que l’usage semble accréditer, et qui est cependant aussi ridicule que si l’on eût dit auparavant le jour de la semaine. La décade comprend les 10 jours, dont le décadi ne forme qu’un seul, le dernier.

Notes

  1. Et – Fne : Le volume 6 de l'Encyclopédie est paru en octobre 1756.
  2. La place des saints est prise dans le calendrier républicain par des fruits, animaux, outils, métaux, etc., qui ne sont pas fériés, même pour les corporations qui ont un lien théorique avec ces noms. Par exemple : le 7 vendémiaire, Carotte, n'est pas un jour férié chômé pour les cultivateurs de carottes.
  3. Traditionnellement le Carnaval couvre une période allant de la Saint Martin le 11 novembre, jusqu'aux jours gras, temps fort de la fête, qui se termine le Mardi Gras. À Paris et dans d'autres villes de France a été ajouté à cette période la Mi-Carême, à mi-chemin entre Mardi Gras et le lundi de Pâques.
  4. « Observations sur le calendrier républicain, Le 15 Floréal, an 3 de la République. » Texte anonyme, du 4 mai 1795 (extrait).

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