Reynaldo Bignone

Reynaldo Bignone
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Mars 2004, le président Néstor Kirchner observe le retrait du portrait de Bignone à l'École de mécanique de l’armée

Reynaldo Benito Antonio Bignone (né en 1928), est un militaire argentin qui occupa de facto la présidence de la Nation entre le 1er juillet 1982 et le 10 décembre 1983, c’est-à-dire la dernière présidence de la junte militaire, autodénommée Proceso de Reorganización Nacional. Il céda le mandat au premier président élu démocratiquement après une terrible période de huit ans, Raúl Ricardo Alfonsín. Bignone reçut de ses pairs militaires la charge de mener la transition vers la démocratie après le retentissant échec de son prédécesseur, Leopoldo Galtieri, dans la guerre des Malouines. Jugé à partir d'octobre 2009 avec six autres anciens cadres du régime militaire, il est finalement condamné le 20 avril 2010 à 25 ans de prison pour crimes contre l'humanité (dont des disparitions forcées et tortures commises sur des prisonniers politiques)[1].

Sommaire

Formation

Bignone naît à Morón, province de Buenos Aires. Il entre dans l’infanterie à l’âge de 19 ans. Il étudie à l’École supérieure de guerre ainsi qu'en Espagne franquiste, avant d'être nommé chef du 1964, deux ans avant le coup d'Etat militaire. Lors de la promotion de 1975, qui élève Jorge Rafael Videla au poste de commandant en chef des Forces armées, il est nommé secrétaire de l’état-major de l'armée de terre.

Son rôle dans les crimes de la junte

Il participe activement à la destitution de la présidente Isabel Martínez de Perón, et aux opérations de la « guerre sale ». Peu après le coup d’État de mars 1976, il occupe l’hôpital Alejandro Posadas, utilisé par la dictature comme camp de concentration. Il est plus tard nommé chef de l’Área 480, une zone du centre de détention de Campo de Mayo. En 1980 il est nommé responsable des Instituts militaires, remplaçant le général Santiago Omar Riveros.

Après la chute de Jorge Rafael Videla en 1981, remplacé par le général Roberto Eduardo Viola, il demande sa mise à la retraite[2]. Sa distanciation face aux dirigeants militaires ultérieurs, durant les gouvernements de Viola et de Galtieri, en fait un candidat de choix pour assumer la présidence lorsque l’armée, ridiculisée lors de la guerre des Malouines, se résigne à envisager une restitution du pouvoir aux civils.

Président de facto en 1982

Malgré l'intention du commandant des forces terrestres, le général Cristino Nicolaides, de retarder le plus possible la passation du pouvoir aux civils, Bignone annonça déjà dans son premier discours public son intention d'organiser des élections au début de 1984.

La situation économique était catastrophique, de même d'ailleurs que la situation politique. José Dagnino Pastore, ministre de l'Économie, déclara l'« état d'urgence » face aux faillites conduisant à de multiples fermetures d'usines, ainsi qu'à l'hyper-inflation (celle-ci dépassait les 200% en chiffre annuel) et à la dévaluation incessante de la monnaie.

Les pressions politiques s'accrurent simultanément ; la junte multisectorielle fondée par le radical Ricardo Balbín, décédé, et dirigée par son successeur, Raúl Alfonsín, essayait d'obtenir une passation anticipée et inconditionnelle du pouvoir. Les organisations des droits de l'homme, dirigées par le futur Prix Nobel de la Paix Adolfo Pérez Esquivel, fondateur du SERPAJ, intensifiaient la campagne pour l'éclaircissement du lieu de détention des desaparecidos, tandis que des plaintes d'autres pays, concernant les « disparus » étrangers, arrivaient par voie diplomatique. Le 16 décembre 1982, une manifestation massive convoquée par la junte multisectoriellel, fut réprimée par la police, causant la mort d'un manifestant.

Le 28 avril 1983, après avoir fixé la date des élections pour octobre, Bignone promulgua le décret 2726/83, ordonnant la destruction des archives recensant les crimes de la dictature, ainsi que celle du « Document Final sur la Lutte contre la Subversion et le Terrorisme » qui planifiait explicitement l'assassinat de tous les « détenus-disparus » (ce document est l'une des raisons majeures ayant conduit la justice argentine, dans les années 2000, à parler de génocide)[2].

Le 23 septembre, il promulgua la loi 22.924 d'Amnistie ou de « Pacification Nationale » pour les membres des forces armées, pour tous les actes commis dans le cadre de la « guerre contre la subversion ». Le Congrès de la Nation déclarera plus tard la nullité de cette loi, mais la perte des archives fut irréparable. Cependant, les découvertes en 2006 dans la base navale Almirante Zar, dans le cadre d'enquêtes sur le massacre de Trelew (1972), de dossiers concernant l'espionnage de civils, montre que bien des archives considérées comme détruites existent toujours.

La transition démocratique

Article connexe : Poursuites judiciaires en Argentine contre les crimes commis lors de la dictature.

Le 30 octobre 1983 eurent lieu les élections, dont le gagnant fut Raúl Alfonsín, candidat de l'Union civique radicale (UCR), avec 52% des voix. Après la constitution du nouveau Congrès, le 29 novembre, et l'investiture d'Alfonsín, le 10 décembre, Bignone fut jugé en 1985, avec d'autres hauts responsables de la dictature, lors du Procès de la Junte. Inculpé de séquestrations, de tortures et d'assassinats commis durant sa direction du camp de concentration de Campo de Mayo, il fut reconnu coupable de crimes contre l'humanité. Toutefois, il fut amnistié et libéré, avec les autres militaires, en 1986 (lois du Punto final et de l'Obediencia Debida ; respectivement du « point final » et de « l'obéissance due »).

En 1999, suite à la réouverture de dossiers concernant la séquestration de mineurs, crime non amnistié par la loi du Point final, Bignone fut mis de nouveau à la disposition de la justice. Étant donné son âge avancé, il bénéficia d'un simple arrêt domiciliaire. Après l'abrogation des lois d'amnistie, jugées en 2007 inconstitutionnelles par la Cour suprême, un nouveau procès a été ouvert.

Bignone fut ainsi condamné à 25 ans de prison, dans un centre pénitentiaire ordinaire, en avril 2010 suite à un procès entamé en octobre 2009, aux côtés de plusieurs hauts militaires, dont le général Santiago Omar Riveros, déjà condamné en août 2009 pour crimes contre l'humanité. Ils furent inculpés de la disparition forcée et de torture sur 56 personnes au centre clandestin de détention de Campo de Mayo. Outre Omar Riveros, alors chef du Comando de Institutos Militares du camp de Mayo, et Bignone, furent condamnés Exequiel Verplaetsen, chef des renseignements de Campo de Mayo, ainsi que Carlos Alberto Tepedino (20 ans de prison), l'ex-chef du Bataillon d'intelligence 601 de l'État-major général de l'Armée de terre; Eugenio Guañabens Perelló (17 ans) et Jorge Osvaldo García (18 ans). L'ex-commissaire Germán Montenegro fut acquitté. Bignone continuait à revendiquer la « guerre sale » et persistait à nier le chiffre de 30 000 disparitions forcées, la qualification de « génocide » et le chiffre de 500 bébés volés[3]. Campo de Mayo abritait une maternité clandestine, El Campito, qui servit à la séquestration des bébés des détenues-disparues [2].

Notes et références

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Alfredo Oscar Saint-Jean (de facto)
Coat of arms of Argentina.svg
Président de la Nation argentine
Raúl Alfonsín

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