Rose Warfman

Rose Warfman

Rose Warfman, née Gluck (Zurich, 4 octobre 1916) est une rescapée française d'Auschwitz et une héroïne de la Résistance.

Sommaire

Biographie

Jeunes années

Rose Gluck-Warfman est la troisième fille de Paul (Pinhas) Gluck-Friedman (1886-1964) et de Henia Shipper (1887-1968), nés respectivement à Tarnow et à Przemysl, en Galicie. Son père est un descendant direct de Dov Baer de Mezeritch (1704-1772), l'un des principaux disciples et successeurs du Baal Shem Tov (1698-1760).
Elle a pour sœurs, Antoinette Feuerwerker, née en 1912 à Anvers (Belgique) et Hendel (Hedwig) Naftalis, née en 1913 à Zurich. Son frere, Salomon Gluck, naît dans la même ville en 1914.
Le périple de ses parents qui avaient émigré de Galicie en Belgique, puis en Suisse, se poursuit en Allemagne, avant de s'achever en 1921, à Strasbourg, en terre française. Elle fait ses études au Lycée des Pontonniers.

Après sa venue à Paris, avec sa famille, elle travaille au CASIP (Comité d'action sociale israélite de Paris), avec Lucie Hadamard-Dreyfus (1869-1945), veuve d'Alfred Dreyfus. Elle poursuit des études en 1941 et 1942 pour devenir infirmière, à l'École de Puériculture, sise au 26 boulevard Brune, dans le quatorzième arrondissement de Paris et participe à la création du COJASOR (Comité Juif d’Action Sociale et de Reconstruction) en 1945.

La Résistance

Durant la Seconde Guerre mondiale, Rose Warfman rejoint sa sœur Antoinette Feuerwerker et l'époux de celle-ci, le rabbin David Feuerwerker, à Brive-la-Gaillarde. Ils œuvrent avec Edmond Michelet, futur ministre de Charles de Gaulle, dans le mouvement principal de la Résistance, Combat. Dans ses mémoires, Edmond Michelet mentionne que Rose Warfman, dite Marie Rose Girardin, était l'un des agents les plus actifs du réseau.
Parallèlement à ces activités, elle travaille comme assistante-sociale représentante de l'UGIF (Union générale des israélites de France) au premier étage de la synagogue de Brive, 30 avenue Pasteur, Brive 19100. Elle répond aux diverses demandes des nombreux réfugiés : aide monétaire, informations, etc. Elle délivre de plus des soins médicaux en tant qu'infirmière, à titre bénévole.

C'est dans ces bureaux qu'elle est arrêtée, en mars 1944. Arrivée au camp de Drancy le 8 avril 1944, elle est déportée, par le convoi 72, en date du 29 avril 1944, au camp de concentration d'Auschwitz.
Selon Serge Klarsfeld,« Ce convoi emporte 1004 Juifs, dont 398 hommes et 606 femmes. Parmi eux 174 enfants de moins de 18 ans. Le poète Itzak Katznelson (auteur du Chant du Peuple Juif assassiné) figure parmi les déportés de ce convoi, ainsi que beaucoup de Polonais, internés comme lui à Vittel, après avoir été transférés de Pologne. Des familles: les enfants Dodelzak, Ita 12, Georges 3 et Arkadius 3 mois; les Rottenberg, Naftalie 7, Nathan 5, Esther 4, Frantz 2… À l'arrivée à Auschwitz, 48 hommes furent sélectionnés avec les matricules 186596 à 186643 et 52 femmes, dont les matricules se situent aux environs de 80600. En 1945, il y avait 37 survivants, dont 25 femmes. »

Sa sœur Antoinette ayant réussi à lui faire parvenir un uniforme d'infirmière au camp de Drancy, c'est vêtue de la sorte qu'elle arrive à Auschwitz. Cet uniforme, ainsi que son physique « aryen » (grande, blonde, aux yeux verts) et sa connaissance de l'allemand lui valent d'être sélectionnée par Josef Mengele dans la colonne des vivants. Elle est tatouée sur le bras du numéro 80598, avec un triangle jaune la marquant comme Juive. Lorsque le même Mengele réalisera ultérieurement sur elle des expériences, opérant ses jambes à vif, l'anesthésie lui sera expressément refusée par l'assistante de Mengele au vu de ce triangle jaune sur son bras. Rose Warfman en porte les séquelles à ce jour.
Elle parvient néanmoins à survivre à trois sélections, et est libérée par l'Armée rouge à Langenbiellau, près de Bielawa, en Basse-Silésie, le 8 mai 1945. Elle est rapatriée à Paris le 3 juin 1945.

Départ de Drancy et face à face avec Mengele

Un matin, un des responsables au camp de Drancy monte dans les pièces ou nous dormons, et demande si parmi nous il y a des médecins et des infirmières.

Je lui dis, je suis une infirmière.

Alors, mettez votre uniforme. Soyez prête dans une heure. Il y a un convoi qui quitte Drancy pour Auschwitz.

Aussitôt dit, aussitôt fait. J'endosse mon uniforme que ma sœur Antoinette Feuerwerker m'avait fait parvenir. À cette époque, il fallait porter une blouse blanche, sur un ensemble blanc, avec un voile sur la tête.

Je joins les autres détenus et on me donne la garde des malades dans le dernier wagon à bestiaux avec nombre de malades sur des brancards, kidnapés à l'hôpital Rothschild [qui s'appelle aujourd'hui l'hôpital Rothchild, Groupement hospitalier universitaire Est, 33, boulevard de Picpus, Paris 12].

À l'arrivée à Auschwitz, mon wagon est le dernier ouvert, et on me dirige vers un groupe situé sur la gauche.

À ce moment-là, le docteur Mengele (je ne savais pas qui il était) s'approche de moi et me demande si je parle l'allemand?

Je réponds par l'affirmative.

Il me demande s'il reste des vivants dans le wagon ?

À la suite de ma réponse négative, il continue la conversation avec moi.

Comment se fait-il que vous parlez l'allemand ?

Je lui réponds: je suis née à Zurich la région en Suisse ou l'on parle l'allemand.

Il me dit alors : si c'est ainsi, que faites-vous ici ?

Je réponds: je me le demande aussi !

Il me dit alors, allez vous placer dans la colonne de droite. Ne restez pas dans la colonne de gauche.

À cet instant, un responsable dit à Mengele: impossible, on a déjà 98.

Mengele réplique : alors, il y en aura 99.

Mengele avait plus de galons que l'autre responsable, et donc il eut le dernier mot, et je suis restée dans la colonne de droite.

À ce moment-là, je ne savais pas encore que mon destin avait été fixé, en me déplaçant de la gauche vers la droite.

C'est seulement à l'arrivée dans le camp que j'ai appris que la colonne de gauche était passée par les fourneaux (le crématorium).

Au matin, j'ai pu voir la fumée qui s'élevait des cinq cheminées.

Ce fut ma première sélection.

Je suis passée par trois sélections.

Gross-Rosen

Le camp de concentration de Gross-Rosen était situé près de la gare ferroviaire de Breslau (appelé aujourd'hui Wroclaw, en Pologne). Elle trouve ce camp de concentration pire que Auschwitz, bien qu'on n'y trouvait pas de crématorium. Elle devait travailler dans une usine de munitions, de six heures du soir à six heures du matin. Il n'y avait qu'une seule pause: une demi-heure entre minuit et minuit trente. C'était un travail à la chaîne. On ne pouvait pas s'arrêter ou ralentir, car la chaîne se ralentirait ou s'arrêterait. Les coups pleuvaient.

Résistance passive

Même en camp de concentration, elle fit de la résistance passive. À Birkenau, elle fut placée dans un groupe de 50 femmes qui tricotaient. Une kapo leur faisait tricoter des sous-vêtements pour des nouveau-nés allemands. Elle travailla durement et fut citée comme exemple. Puis l'hiver arriva, on leur demanda de tricoter des chaussettes pour hommes (les Allemands). Sa vengeance fut de fabriquer de gros nœuds à l'intérieur pour les rendre inutilisables.

Simone Veil

Dans son block à Auschwitz se trouvait une autre détenue, Simone Jacob, qu'elle voyait chaque jour, et qui deviendra plus tard une femme politique célèbre en France et en Europe sous le nom de Simone Veil.

Retour à Paris : le bateau Exodus 1947, El Al

Après la Seconde Guerre mondiale, elle retourne à Paris. Elle devient la seule employée de la nouvelle compagnie aérienne israélienne, El Al, lorsqu'elle ouvre son bureau à Paris, avec un directeur, monsieur Massis. Elle accueille et guide divers dirigeants israéliens durant leur séjour à Paris, en particulier Golda Meir, et David Ben Gourion.

Elle est impliquée directement dans l'aventure du bateau l’Exodus. Avec l'abbé Alexandre Glasberg, qui sera désigné à titre posthume comme un Juste parmi les nations par le Yad Vashem, Jérusalem, Israël, pour avoir sauvé des Juifs durant la guerre, elle crée des faux papiers d'identité pour les passagers de l'Exodus.

Jacques Attali (2009) écrit:

"A Sète, le 11 juillet 1947, il [Alexandre Glasberg] fabrique, avec une infirmière revenue d'Auschwitz, Rose Warfman, les faux passeports et visas de 4500 personnes venues de douze camps de transit qui montent sur un bâtiment battant pavillon panaméen, le Président-Warfierld, à destination de la Colombie. Après cinq jours de navigation, et hors des eaux territoriales françaises, le Président-Warfield devient le célèbre Exodus 47 et file vers la Palestine."[1]

Honneurs

Le 10 février 1959, elle reçoit le titre de Chevalier de la Légion d'honneur par le gouvernement français pour ses activités dans la Résistance. Elle reçoit également la médaille militaire 1939-1945, la Croix de guerre 1939-1945, et la Croix du Combattant Volontaire de la Résistance. Le 10 avril 2009, elle devient Officier de la Légion d'honneur[2].

Sa famille

Elle était l'épouse de Nachman Warfman, docteur en droit de l'université de Grenoble et expert-comptable. Elle a eu trois enfants : Bernard, Salomon David, et Anne. Elle s'établit à Manchester, en Angleterre, pour être plus près de ses enfants, petits-enfants, et arrières-petits-enfants.

Bibliographie

  • Nachman Warfman. Le Régime actuel de la lettre de change en Pologne. Thèse de Doctorat en Droit, Université de Grenoble. Imprimerie de L. Jean, 1934.
  • Edmond Michelet. Rue de La Liberté. Dachau, 1943-1945. Seuil: Paris, 1955, 1983. [Lettre-Préface de Charles de Gaulle; aussi avec Préface pour l'édition allemande de Konrad Adenauer. ISBN 2-02-003025-X
  • Serge Klarsfeld. Le Mémorial de la Déportation des Juifs de France. Beate et Serge Klarsfeld: Paris, 1978.
  • Elie Feuerwerker. The Bench. Lesson In Emunah. The Jewish Press, New York, June 14, 1996.
  • Elie Feuerwerker. A Supreme Act Of Love. Lesson In Emunah. The Jewish Press, New York, December 12, 1997.
  • Elie Feuerwerker. France and the Nazis. Letter to the Editor. The New York Times, June 20, 2001.
  • Hillel Feuerwerker. Salomon Gluck. In: Nous sommes 900 Français. IV., edited by Eve Line Blum-Cherchevsky, Paris, Besançon, 2003. ISBN 2-9513703-4-2
  • Elie Feuerwerker. The Blind Man And The Accordion. Lesson In Emunah. The Jewish Press, New York, 11 octobre 2006.
  • Jacques Attali. Dictionnaire amoureux du Judaïsme. Plon/Fayard, 2009. ISBN 978-2-259-20597-9
  • Simon Rocker. France honours wartime resistance fighter, 92. The Jewish Chronicle (London), April 14, 2009.

Liens externes

Notes et Références


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