Réalisme (littérature)

Réalisme (littérature)
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Le réalisme est un mouvement artistique moderne apparu en Europe dans la seconde moitié du XIXe siècle, notamment en Italie et en Allemagne. Celui-ci naquit du besoin de réagir contre le sentimentalisme romantique et contre « la sottise, le poncif et le bon sens »[1]. Il cherche à peindre la réalité telle qu'elle est, sans artifice et sans idéalisation, choisissant ses sujets dans les classes moyennes ou populaires, et abordant des thèmes comme le travail salarié, les relations conjugales, ou les affrontements sociaux. Il s'oppose ainsi au romantisme, qui a dominé la première moitié du siècle, et au classicisme. Il s'étendra ensuite à l'ensemble de l'Europe et à l'Amérique, où il survivra jusque dans les années 1950. Les mouvements qui ont supplanté le réalisme incluent le symbolisme, insuffisamment défini en face du naturalisme plus rigoureux[2], le parnasse et le surréalisme[3].


Sommaire

Le réalisme en France

Le mouvement réaliste est apparu en France vers 1850 : on l'attribue à tort à Jules Champfleury qui pourtant se défiait de ce terme ("Le nom me fait horreur par sa terminaison pédantesque ; je crains les écoles comme le choléra, et ma plus grande joie est de rencontrer des individualités nettement tranchées", Lettre à George Sand). Il rappelle d'ailleurs combien il réprouve ce terme, inventé par les journalistes critiques, dans un ouvrage de 1857 justement intitulé… Le Réalisme. Ce mouvement consisterait, en littérature, à « s'inspirer des méthodes de la science, de s'en tenir rigoureusement à l'étude et à la description des faits, s'effacer derrière le sujet[4] ». Il n'y a jamais eu d'"école" réaliste, au sens où il a existé des "écoles" naturaliste, symboliste, surréaliste : regroupements d'écrivains sous la bannière d'une communauté esthétique revendiquée.

Entre les deux concepts: réalisme versus romantisme, il convient, en littérature, de laisser le champ libre à une forme d'œuvres qui oscillent entre les deux.Citons notamment Stendhal, précurseur de la littérature-miroir, proche d'un romantisme violent avec le personnage de Julien Sorel, ou feutré avec La Chartreuse de Parme. Et aussi Balzac, proche d'un réalisme romantique avec le personnage de Lucien de Rubempré ou du roman poétique avec Le Lys dans la vallée. Mais ces nuances ont mis du temps à voir le jour. « Stendhal et Balzac avaient pu paraître des anti-Lamartine: on s'apercevait qu'ils étaient mieux pris. Dès lors, le réalisme va être la mise en cause du scientisme et du prométhéisme, du mérite et de la valeur des œuvres humaines qui avaient structuré l'effort antérieur[5] »

Texte par Lemonnier qui fut dédié au maître du mouvement naturaliste, Émile Zola.

Les mots réalisme et naturalisme sont, certes, proches, mais ne signifient pas tout à fait la même chose pour autant. En effet, quand Champfleury parlait de réalisme, il désignait simplement la littérature du vrai, la volonté de reproduire le réel. C’est Émile Zola qui en premier utilisa le terme naturalisme en 1880 dans son célèbre essai Le Roman expérimental. Émile Zola donne alors une nouvelle dimension au réalisme, il y ajoute une facette qui se prétend scientifique et qui est supposée permettre une analyse objective de problèmes ou de faits tels que l’hérédité et l’alcoolisme.

Auteurs et œuvres

Il est maintenant certain que c'est dans le roman que s'affirme le plus le courant réaliste. Mais celui-ci se manifeste aussi en poésie, dans les œuvres de Banville, de Leconte de Lisle et des parnassiens, au théâtre, on le rencontre chez Eugène Scribe, Augier, Dumas-fils, Pailleron, et enfin dans la critique et l'histoire chez Renan, Hippolyte Taine et Fustel de Coulanges. Tout le XIXe siècle sera marqué par ces hommes.

Le réalisme en Grande-Bretagne

Le réalisme anglais trouve ses racines au XVIIIe siècle, par exemple dans les romans d'Henry Fielding, qui décrivent la racaille de Londres, ou encore chez Tobias Smollett. Le mouvement prend de l'ampleur au milieu du XIXe siècle, et de grands auteurs comme Thomas Hardy, D.H. Lawrence, George Eliot ou l'Irlandais George Moore s'inscrivent pleinement dans le mouvement réaliste, en s'attardant aux milieux ouvriers, aux relations adultères et à la classe des domestiques, alors que leurs prédécesseurs posaient leurs intrigues parmi les familles aisées de la campagne ou les professionnels ou les gens d'Église. Le scandale sera aussi de la partie : le dernier roman de Hardy, Jude l'obscur, publié en 1895, est très mal reçu en raison de son traitement de la sexualité et de ses critiques acerbes du mariage, de l'université et de l'église. Déçu, Hardy abandonne alors la prose et consacre ses dernières années à la poésie.

Le réalisme à travers le monde

La traduction de Flaubert, Stendhal et Zola créera des émules à travers le monde. En Italie se développe un courant réaliste national appelé le vérisme et illustré par les écrivains siciliens Giovanni Verga et Luigi Capuana. Ces auteurs dépeignent les classes populaires de la société, dans les régions périphériques du pays, dans un style dépouillé et avec des dialogues reflétant la langue parlée. Le courant se poursuit dans les premières années du XXe siècle avec des romanciers régionalistes, comme Matilde Serao à Naples, Renato Fucini en Toscane, et Grazia Deledda en Sardaigne. En Espagne, Benito Pérez Galdós, à côté de ses très nombreux romans historiques, écrit plusieurs romans sociaux d'inspiration balzacienne, tout comme Camilo Castelo Branco et Eça de Queiroz au Portugal dans les mêmes années.

En Scandinavie et en Russie, le mouvement est repris par des auteurs dramatiques, qui s'inspirent de faits quotidiens pour leurs pièces et représentent des gestes et des paroles tirés de la vie de tous les jours. Le Norvégien Henrik Ibsen, le Suédois August Strindberg, et les Russes Anton Tchekhov et Maxime Gorki écrivent des pièces qui restent encore aujourd'hui parmi les plus jouées du répertoire en suivant les enseignements du réalisme.

Le réalisme traverse ensuite l'Atlantique avec quelques décennies de retard - le temps que les œuvres des auteurs français et anglais cités fassent leur chemin. Aux États-Unis, le courant réaliste est associé au mouvement progressiste, qui cherche à réformer les conditions de vie, d'hygiène et de travail des classes laborieuses en dénonçant les abus du « capitalisme sauvage » qui atteint son apogée dans les années 1890. Upton Sinclair expose les conditions infâmes des abattoirs de Chicago dans The Jungle, publié en 1906, tandis que Theodore Dreiser décrit la vie difficile d'une femme de la classe ouvrière dans Jennie Gerhardt (1911), et la chute d'une femme issue d'une petite ville et happée par les tentations et les dangers de New York dans Sister Carrie (publié en 1900, mais diffusé seulement après 1912). Sinclair se tourne rapidement vers la politique, mais Dreiser poursuit sa carrière d'écrivain, et est rejoint par Sinclair Lewis qui dans Main Street dépeint une Madame Bovary américaine. Le mouvement se poursuit au Canada anglais dans les années 1920 et 1930 avec Frederick Philip Grove et Morley Callaghan, et en Amérique latine avec entre autres l'Argentin Manuel Gálvez.

Le réalisme socialiste

Alors que le mouvement réaliste touche à sa fin apparaît un de ses avatars qui en prolongera la durée pendant quelques années. Le succès de la Révolution russe d'octobre 1917 amène le premier gouvernement communiste au pouvoir. Le gouvernement se veut prolétaire et exalte une littérature qui dépeint la classe ouvrière et sa lutte pour renverser les conditions qui l'oppriment. Bientôt, le réalisme socialiste soviétique devient le seul mouvement littéraire admis en URSS, tous les autres étant taxés de réactionnaires et bourgeois. Le mouvement s'étend après la Seconde Guerre mondiale alors que l'emprise de l'URSS s'étend aux pays d'Europe de l'Est et que son régime devient un pôle d'attraction à travers les pays qui cherchent à échapper à la colonisation. D'un point de vue littéraire, le réalisme socialiste n'a pas été un grand succès : Le Don paisible de Mikhaïl Cholokhov ne répond pas vraiment aux critères du mouvement, tandis que les romans qui obéissent strictement à ses canons, comme ceux de Fédor Gladkov sur l'industrialisation du pays, deviennent rapidement de simples curiosités historiques. En fait, le terme est surtout associé à la répression sévère des écrivains dissidents menée par Andreï Jdanov au lendemain de la guerre. Cependant, quelques écrivains d'Asie, d'Amérique latine et d'Afrique, parmi ceux décorés du Prix Lénine pour la paix pour leur obéissance au réalisme socialiste, ont une valeur indéniable, comme l'Égyptien Abd al-Rahman al-Charqawi, le Cubain Nicolas Guillen ou le Brésilien Jorge Amado (dans sa première période) par exemple. Ou encore le poète chilien Pablo Neruda, mais cet écrivain ne saurait facilement être confiné à un seul courant littéraire. Le mouvement disparaît dans les années 1960, alors que les écrivains dissidents dominent la vie littéraire de l'Europe socialiste malgré leur difficulté à accéder aux canaux de distribution officiels.

Tendances du réalisme socialiste en France

À l'époque du stalinisme, tous les écrivains devaient normalement se plier aux canons de l'esthétique communiste qui prônait la sacralisation du peuple et dénonçait bourgeoisie et capitalisme. La littérature réaliste aurait dû s'inscrire dans ce schéma. En URSS même, la situation est ambigüe et beaucoup d'écrivains russes, de Boris Pasternak à Alexandre Soljenitsyne échappent à ce courant.

En France, deux courants vont dominer progressivement la scène littéraire, que l'on pourrait ramener à une confrontation entre les orthodoxes, qui respectent la norme fixée par Andreï Jdanov comme Louis Aragon et ceux qui, comme Roger Vailland, sans être qualifiés de dissidents, gardent « une certaine marge de manœuvre ». Roger Vailland, pendant ce qu'il appelle sa « saison communiste » dans ses Écrits intimes, ne s'est jamais tenu à l'écart des polémiques sur ce sujet qui ont marqué le Parti communiste français, n'a pas pris parti sur le fond mais a toujours refusé sur ses écrits tout contrôle ou toute contrainte extérieure[6].

Pour plus de détails, voir Vailland : L'Homme nouveau (cycle de romans).

Notes et références

  1. Baudelaire
  2. Thema encyclopédie Larousse arts et culture,page 84
  3. cours
  4. dictionnaire encyclopédique Quillet
  5. Dictionnaire historique, thématique et technique des littératures. Larousse. Paris. 1986, vol II,p.  1340.(ISBN 2035083028)
  6. « S'il y eut plusieurs façons d'être communiste, Vailland et Aragon n'incarnèrent pas la même. » écrit Alain Georges Leduc dans son livre Roger Vailland, un homme encombrant


Annexes

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