Sacrifice humain

Sacrifice humain

Un sacrifice humain est un rite religieux pratiqué notamment par d'anciennes civilisations, généralement de cultivateurs sédentaires, pour s'attirer les faveurs des dieux, par exemple pour conjurer la sécheresse.

Attesté en particulier en Mésoamérique, où l'autosacrifice par extraction de sang et le sacrifice par cardiectomie étaient pratiqués de manière très courante et parfois à très grande échelle (lors de certaines occasions exceptionnelles, les Aztèques ont sacrifié jusqu'à des milliers de personnes en quelques jours), ce type de pratique se retrouve dans d'autres civilisations comme celles de la Grèce antique, de l'Égypte ancienne, des Dogons en Afrique[1] ou dans la Chine archaïque jusqu'à la dynastie Shang[2].

Sommaire

Fonction sociale du phénomène

Article connexe : Sacrifice.

Le courant de pensée fonctionnaliste s'est attaché à la question de la fonction sociale du sacrifice humain au sein du groupe humain. En effet, il aurait pour but de canaliser la violence vers un individu (sacrifié) et vers le domaine du sacré, institutionalisant ainsi la violence qui est encadrée et pratiquée selon des rites et règles bien précises. Ainsi, le sacrifice humain assurerait la cohésion et la pérennité du groupe protégé de toute « violence intérieure » qui est évacuée par des rites magico-religieux.

Le sacrifice humain a fait partie des rites pratiqués lors de la fondations de villes dans diverses civilisations[3]; on le retrouve dans le mythe fondateur de Rémus et Romulus.

Les sociétés pratiquant ces sacrifices ont parfois une attitude ambivalente entre la nécessité de mettre à mort la victime et le refus de prendre la responsabilité de cette mort[4].

En Mésoamérique

Article détaillé : Religions mésoaméricaines.

Dans l'Empire aztèque

Cérémonie sacrificielle aztèque

Le sacrifice humain était, dans la civilisation aztèque, comme dans toutes les autres civilisations précolombiennes de Mésoamérique, un rite extrêmement courant et essentiel[5]. Cette pratique, signalée dans de nombreuses chroniques indigènes et espagnoles, a servi de justification à la colonisation espagnole des Amériques[5].

Les méthodes de sacrifice et les types de victimes sacrifiées étaient très variés. Les plus documentés sont l'autosacrifice par extraction de sang et le sacrifice par cardiectomie (ablation du cœur) d'esclaves et de prisonniers de guerre, devant un temple au sommet d'une pyramide.

Les mythes cosmogoniques aztèques sont imprégnés de références aux sacrifices humains comme un élément nécessaire au fonctionnement et à l'équilibre du cosmos[1]. Dans la pensée aztèque, le sacrifice humain permet en effet de libérer une énergie appelée « tonalli », liée en particulier à la tête, au sang (que les Aztèques désignaient par la métaphore « chalchiuatl », « eau précieuse ») et au cœur.

Selon les croyances aztèques, c'est Tezcatlipoca, dieu de la nuit et de la mort, qui aurait donné aux Aztèques la coutume des sacrifices humains[6].

En Inde

Le Kali-Purâna décrit le rituel du sacrifice humain indien[réf. nécessaire].

Religions abrahamiques

Les sacrifices humains sont prohibés dans la Bible, mais ont une importance centrale sur le plan symbolique dans les trois religions abrahamiques[7].

Le récit de la substitution d'un bélier à Isaac, lors du "sacrifice" d'Abraham, symbolise l'abandon des sacrifices humains au profit des sacrifices d'animaux.

La ligature d'Isaac dans le judaïsme et l'Aïd al-Kebir(sacrifice d’Ismaël) dans l'islam commémorent cet abandon du sacrifice des enfants.

Pour les chrétiens, le sacrifice d'Isaac préfigure celui du Christ[8].

Judaïsme

Abraham prêt à sacrifier son fils Isaac, Jan Victors (1642), Musée de Tel Aviv.

Les Israélites de l'époque du premier Temple connaissaient probablement résiduellement le sacrifice du premier né[9], puisque la Tora prend soin à plusieurs reprises de le condamner de façon absolue[10] en menaçant de mort ceux qui s'y livrent[11]. Les prophètes dénonçaient les sacrifices humains comme une forme d'idolâtrie[12] ce qui en faisait des sacrilèges. La Sagesse de Salomon, apocryphe du Ier siècle av. J.‑C., s'appuyait sur eux pour justifier l'extermination des Cananéens[13].

La ligature d'Isaac montre Abraham disposé à sacrifier son propre fils unique, victime consentante. La substitution finale d'un bélier est considéré comme le symbole de fin des sacrifices humains[14]. Il est possible que dès le temps des patriarches, en 1200 avant Jésus-Christ et au plus tard en 800, la religion d'Israël (ancêtre de ce qui ne deviendra que bien plus tard la religion juive) ait remplacé la victime humaine par une victime animale. Mais même ce sacrifice est strictement règlementé et la Tora interdit entre autres choses aux juifs la consommation du sang, puisque c'est là que réside la vie et que le sang en conséquence appartient exclusivement au dieu créateur JHWH[15].

Islam

On retrouve dans le Coran le thème du sacrifice d'Abraham, là aussi le sacrifice humain désormais interdit est remplacé par celui d'un bélier. Selon certains soufis, à l'immolation du fils premier né se substitue sa consécration à Dieu[8].

Christianisme

Pour les chrétiens, le sacrifice d'Isaac préfigure celui du Christ[8].

Pour certains spécialistes, comme Hyam Maccoby, le sacrifice du Christ est une réapparition symbolique du sacrifice humain qui avait été banni du judaïsme depuis la ligature d'Isaac[16]. Freud va plus loin en identifiant l'eucharistie aux anciens repas totémiques[17].

Notes et références

Références

  1. a et b Paul Hosotte 2001, p. 150.
  2. Christian Delacampagne, Histoire de l'esclavage. De l'Antiquité à nos jours, Paris, Le livre de poche, 2002, 3e éd. (ISBN 978-2-253-90593-6) , p.43
  3. Jacques Poucet, Romulus et Rémus, les Jumeaux fondateurs de Rome.
  4. L'exécuteur sacré, Hyam Maccoby, page 164
  5. a et b González Torres 2003, p. 40
  6. Nigel Cawthorne 1999, p. 35
  7. Guy Rosolato « Mystères chrétiens et « Nuit obscure » », Topique 4/2003 (no 85), p. 13-34
  8. a, b et c Le sacrifice d'Abraham - Fiche pédagogique BNF
  9. 2. Chr 33,6; 2. Rois 23,10
  10. Ex 13,2.12 et suiv.; 22,28 et suiv.; 34,19 et suiv.; Nom 3,1 et suiv.; 18,15; Dtn 15,19
  11. Lev 20,2-5
  12. Is. 57,5; Jér 7,31; 32,35; Éz 16,20; 23,37
  13. 12,4 et suiv. entre autres
  14. Monique Alexandre, -lecture-de-ce-recit-dans-le-judaisme-et-le-christianisme-anciens.html Le sacrifice d'Abraham et la ligature d'Isaac : Lecture de ce récit dans le judaïsme et le christianisme anciens
  15. Gen 9,4; Lév 3,17; 7,26 et suiv.; 17,10-14
  16. L'impératif sacrificiel et ses masques, Lucien Scubla, article paru dans l'Homme n° 156
  17. Totem et tabou (1913) Voir recension

Sources

  • Jean-Pierre Albert, Béatrix Midant-Reynes (ed) : Le sacrifice humain, en Égypte ancienne et ailleurs, éd. Soleb, Paris, 2005, ISBN 2-9523726-0-8
  • Michel Graulich, Le sacrifice humain chez les Aztèques, Paris, Fayard, 2005, 415 p. (ISBN 978-2-213-62234-7) 
  • René Girard, Le sacrifice, éd. Bibliothèque nationale de France, Paris, 2003.
  • Hyam Maccoby, L’exécuteur sacré - Le sacrifice humain et le legs de la culpabilité, Cerf, 1983 
  • Paul Hosotte, L'Empire aztèque. Impérialisme militaire et terrorisme d'État., Paris, Economica, 2001, 332 p. (ISBN 978-2-7178-4194-7) 
    Voir en particulier le chapitre 4 sur le sacrifice humain, pp.149-185.

Voir aussi

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