Saint-Napoleon

Saint-Napoleon

Saint-Napoléon

Sous le Second Empire, la Saint-Napoléon est la fête nationale instituée le jour de la naissance de Napoléon Ier.

Sommaire

Une Fête crée de toutes pièces

Napoléon Bonaparte, devenu Empereur, voulut avoir comme chacun son giorno onomastico catholique et, par un décret impérial de 1806, il imposa donc la célébration d'un Saint-Napoléon (inexistant au "Martyrologe romain") le 15 août, date anniversaire de la signature du Concordat qui avait rétabli la religion catholique en France. Cette date coïncidait aussi avec l'anniversaire de sa naissance (15 août 1769).


Décret du 19 février 1806 :

Art. 1er. La fête de saint Napoléon et celle du rétablissement de la religion catholique en France seront célébrées, dans toute l'étendue de l'empire, le 15 août de chaque année, jour de l'Assomption, et époque de la conclusion du concordat.
Arl. 2. Il y aura, ledit jour, une procession hors l'église, dans toutes les communes où l'exercice extérieur du culte est autorisé ; dans les autres, la procession aura lieu dans l'intérieur de l'église.
Art. 3. Il sera prononcé, avant la procession, et par un ministre du culte, un discours analogue à la circonstance, et il sera chanté, immédiatement après la rentrée dela procession, un Te Deum solennel
Art. 4. etc...[1].


L'Église Romaine ayant émis des réserves à cette célébration peu conforme au droit canonique, c'est donc fort heureusement que le Cardinal Légat Giovanni Battista Caprara retrouva alors dans le Martirologio Romano un Santo Neopolis (ou Neapolis), martyr du début du IVeme siècle, expliqua que le nom s'était ensuite transformé en "Napoleo" puis en "Napoleone" et réussit en plus à convaincre l'Empereur de déplacer son jour anniversaire[réf. nécessaire] du 15 août au 16 août pour qu'il ne coïncide pas avec l'Assomption. Un vrai chef d'oeuvre de diplomatie lorsque l'on sait qu'à l'époque l'existence historique de "Saint Neopolis" était déjà des plus contestées par les hagiographes et que le Martyrologe situait sa fête au 2 mai.[2]

Le culte des célébrations au XIXe siècle

On assista à un regain de créativité dans la première moitié du XIXe siècle dans un fertile paysage festif. Les célébrations politiques pendant le premier Empire commencèrent à gagner en visibilité dans la vie collective de la nation. En province – à la campagne en particulier – les populations se rassemblent autour des fêtes catholiques ayant rythmé la vie urbaine et rurale au long des siècles, telles Pâques, la Toussaint, l'Assomption et Noël. S'y ajoutait quantité de joyeuses fêtes païennes, dont les plus connues étaient le carnaval et le charivari. Après les années troubles de la période révolutionnaire, les rites politiques avaient cherché à régénérer le tissu citoyen.[3]

Entre 1806 et 1813, le premier Empire fit du 15 août la fête nationale française. Cette commémoration coïncidait aussi avec la solennité de l'Assomption, l'un des jalons les plus importants de l'année catholique. Organisées dans tout l'Empire (notamment dans l'Italie napoléonienne)[4], les cérémonies de la Saint-­Napoléon furent assez modestes, fournissant surtout aux officiels locaux l'occasion de chanter les louanges de l'Empereur.

Après 1815, fidèles à l'esprit et au style du régime, les fêtes organisées par les Bourbons restaurés adoptèrent un profil relativement plus moderé.[5]

La monarchie de Juillet, qui arracha le pouvoir aux Bourbons en 1830, chercha d'abord à rendre ses fêtes plus proches du peuple. Celui-ci fut donc plus souvent convié et associé aux événements, notamment à travers l'organisation de divertissements vespéraux. Le régime célébra officiellement l'anniversaire de la révolution de 1830 (les 27, 28 et 29 juillet) ainsi que les fêtes de la Saint-Philippe (le Ier mai).

Cependant, un peu comme la monarchie orléaniste elle-même, ces anniversaires étaient toujours marqués par l'ambivalence. D'un côté, leur promotion des valeurs et institutions libérales (en particulier un roi dont la légitimité reposait sur la «nation» plutôt que sur le principe du droit divin) éveillait peu de sympathie dans la France rurale et conservatrice ; d'autre part, les groupes politiques soucieux de construire une société « démocratique» jugeaient trop timide cette concession libérale. En vérité, les maîtres orléanistes du pays prirent vite conscience des dangers de la subversion politique. Leurs fêtes se muèrent en célébrations solennelles et tempérées, où les autorités locales semblaient avant tout vouloir contenir la ferveur politique locale.[6]

Au cours des années 1840, après le retour des cendres de l'Empereur en France, la Saint-Napoléon fut commémorée comme un symbole du principe de « nationalité» et de la mémoire révolutionnaire.[7] En vérité, dans l'ensemble de la période 1815-1848, cet 'anniversaire avait été spontanément célébré par divers groupes et sympathisants bonapartistes dans toute la France - ils manifestaient leur attachement sentimental au souvenir de Bonaparte, mais exprimaient aussi, parfois, leur mécontentement à l'égard du pouvoir en place.

Le souvenir napoléonien, durant la première moitié du siècle, était donc un élément important de l'idiome politique et culturel de la nation. Il informait les identités collectives, offrait un cadre propice à la contestation sociale et aiguillonnait le bonapartisme en tant que force politique ; à bien des égards, les festivités du second Empire reflétaient et marquaient l'ancrage profond de ces traditions politiques napoléoniennes. Une fois les bonapartistes revenus au pouvoir après 1851, les célébrations prirent également une autre dimension : elles incarnaient un ordre civique qui cherchait à définir les principes de citoyenneté sous le second Empire et au début de la Troisième République.[8]

Napoléon III va instituer cette fête par le décret du 16 février 1852, la Saint-Napoléon entendait favoriser l'instauration d'un ordre civique radicalement différent, susceptible de «réunir tous les esprits dans le sentiment commun de la gloire nationale».[9]. Le choix de cette date fut la première d'une série de tentatives visant à « bonapartiser » consciemment le régime issu du coup d'État de décembre 1851, processus qui culminerait dans la restauration de l'Empire à la fin de cette même année.[10]

Dans chaque commune du pays, la fête commençait donc par la distribution d'aumônes aux pauvres, suivie par un Te Deum dans l'église locale auquel assistaient toutes les notabilités. Ensuite venait une revue militaire (autant que possible formée de soldats et d'officiers de l'armée régulière, voire de gardes nationaux ou de sapeurs-pompiers dans les communautés les plus modestes) et dans l'après-midi, des jeux et des divertissements publics. Les réjouissances connaissaient leur apogée dans la soirée avec des feux d'artifice (ou des feux de joie dans les communes pauvres) suivis de banquets pour les élites, de bals et de divertissements musicaux pour la population.

De 1852 à 1869, dans le droit fil de la tradition établie par le premier Empire, dix-huit célébrations officielles consécutives de cette fête eurent lieu dans toute la France. Il n'y eut aucune célébration en août 1870, la France étant en guerre avec la Prusse; chaque commune fut invitée à célébrer des prières publiques pour le monarque et l'armée.

Tout à la fois consensuelles et conflictuelles, ces célébrations posent des questions centrales sur l'interprétation sociale de la religiosité dans la France du XIXe siècle. La Saint-Napoléon fournit un point de vue idéal pour explorer le lien entre les identités religieuses et nationales puisqu'elle eut le double statut de festivité laïque aussi bien que catholique entre 1852 et 1870.

Le conflit entre les autorités religieuses et civiles, au niveau local, était donc à bien des égards un conflit opposant deux institutions rivales, l'église et la mairie, qui chacune chassait sur les mêmes terres.[11]

Notes et références

  1. Baptiste-Honoré-Raymond Capefigue, « L'Europe pendant le consulat et l'empire de Napoléon », Volume 4, p.47
  2. L'ONOMASTIQUE HISTORIQUE ET POLITIQUE
  3. Voir Mona Ozouf, La Fête révolutionnaire 1789-1799 (Paris, Gallimard, 1976).
  4. Michael Broers, The Politics of Religion in Napoleonic Italy: The War agains God 1801-1814 (Londres, Routledge, 2002.
  5. Françoise Waquet, Les fêtes royales sous la Restauration ou l'Ancien Régime retrouvé (Genève, Droz, 1981).
  6. Voir les rapports in AD Isère, 54 M 6 (fêtes et cérémonies publiques de la monarchie de Juillet, 1830-1848).
  7. Le 15 août 1844, Revue de l'Empire, vol. 2 (1844), pp. 307-310.
  8. Sudhir Hazareesingh, From Subject to Citizen. The Second Empire and the Emergence of Modem French Democracy (Princeton, New Jersey, Prin­ceton University Press, 1998).
  9. Recueil de programmes de la fête du 15 août (Paris, s.d.). Bib. nat., fol. LB56-531
  10. Louis Girard, Napoléon III (Paris, Fayard, 1986), pp. 164-165.
  11. Voir l'ouvrage collectif édité par Maurice Agulhon, Les Maires en France du Consulat à nos jours (Paris, Publications de la Sorbonne, 1986).

Bibliographie

  • Sudhir Hazareesingh, LA SAINT-NAPOLEON, Quand le 14 juillet se fêtait le 15 août. Paris, Editions Tallandier, 2007. ISBN:978-2-84734-404-2
  • Walter Bruyère-Ostells, Napoléon III et le second Empire; Paris, Librairie Vuibert, 2004. ISBN:2 7117 4428 0
  • Jean-Claude Yon, Le Second Empire. Armand Colin, Paris, 2004, ISBN:2-200-26482-8

Voir lien externe

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