Saul Kripke

Saul Kripke
Saul Kripke.

Saul Aaron Kripke (né en novembre 1940 à Omaha dans le Nebraska) est un philosophe et logicien américain, professeur émérite de Princeton, et professeur de philosophie à l’université de la Ville de New York (CUNY).

Il a eu une grande influence dans de nombreux domaines, depuis la logique jusqu’à la philosophie du langage. La sémantique de Kripke, utilisée en logique modale et pour la sémantique des mondes possibles, est nommée d'après lui. Une grande partie de ses travaux ne sont pas publiés, ou n'existent que sous la forme d'enregistrements et de manuscrits circulant de manière restreinte. Il est considéré, au début du XXIe siècle, comme l'un des philosophes vivants les plus importants.

Sommaire

Œuvre

Kripke est surtout connu pour quatre contributions en philosophie :

Logique modale

Deux des premiers articles de Kripke (A Completeness Theorem in Modal Logic, 1959, et Semantical Considerations on Modal Logic, 1963) furent des apports fondamentaux à la logique modale. Les systèmes de logiques les plus habituels sont ceux qui dépendent de l'axiome K, nommé d'après Kripke.

Kripke permit la démonstration de la complétude de la logique modale en donnant une sémantique. Son étudiant Henrik Sahlqvist montra la correspondance entre certains systèmes d'axiomes de la logique modale (ceux reposant sur les formules de Sahlqvist) et des propriétés de relation d'accessibilité entre les mondes possibles[1].

Naming and Necessity

Ces trois conférences sont une attaque contre la théorie descriptive de la référence concernant les noms propres (Russell, Frege). Selon cette théorie, un nom propre réfère à un objet dans la mesure où le nom propre présente un contenu descriptif qui correspond à l'objet. Kripke donne plusieurs exemples pour montrer la fausseté de cette thèse : Aristote aurait pu mourir à deux ans, et ainsi ne pas satisfaire aux descriptions que nous associons généralement à son nom, alors que, quoi qu'il en soit, il est toujours identique à lui-même. Autrement dit, l'objet associé à une description définie peut changer.

Kripke propose alors une théorie causale de la référence, d'après laquelle un nom réfère à un objet par une connexion causale avec l'objet. Les noms sont alors des désignateurs rigides : ils réfèrent à l'objet nommé dans tous les mondes possibles, c'est-à-dire dans toutes les situations contrefactuelles imaginables, où cet objet existe. Cette référence est donc nécessaire, dans la mesure où la relation d'identité l'est aussi.

Cette théorie distingue être nécessaire et être connu a priori. Une vérité peut donc être a posteriori et nécessaire ou a priori et contingente :

  • une convention peut être a priori et contingente, comme la décision de référence à un mètre étalon ;
  • les propositions des sciences de la nature sont connues a posteriori, mais si elles sont vraies, elles le sont nécessairement, i.e. elles énoncent comment les choses sont ce qu'elles sont.

Cette théorie a par la suite été développée ou critiquée par Hilary Putnam, Keith Donnellan, Gareth Evans, et d'autres.

Les noms propres

En ce qui concerne les noms propres, Kripke va démonter les thèses de Russell et de Searle. Pour Russell un même individu peut être désigné par une seule description singulière, définie. Searle améliore cette définition en ajoutant que le nom propre peut être aussi désigné par un réseau de descriptions qui forment un ensemble bien défini. Variation de point de vue, mais nous arrivons au même résultat. Kripke va mettre sa pensée au service de la philosophie pour proposer une toute autre vision du sens des noms propres.

Pour Kripke, donc, un nom propre désigne une même personne dans tous les mondes possibles et imaginables. Les descriptions faites sur un individu ne servent pas à définir et à identifier la personne en question. Napoléon reste Napoléon quelle que soit son histoire. Qu'il ait été battu à Austerlitz ou qu'il soit victorieux à Waterloo, il reste Napoléon. Il en va de même avec Jésus. Tous les miracles qu'il a effectués dans la Bible ne correspondent pas à sa vie "historique". Il est fort probable qu'il ait eu des enfants et qu'il ait été marié. Cette différence ne change pas l'homme. Jésus reste Jésus. Le nom propre permet de faire référence à un individu x qui aurait fait telle ou telle chose, qui soit bon mauvais pour telle ou telle personne, mais qui reste, au final cette personne x. Ce qui est le plus important finalement, pense Kripke, ce n'est pas ce que nous savons et pensons de la personne, mais c'est le nom propre en lui-même qui est important.

Wittgenstein

Dans Règles et langage privé[2], Kripke a proposé une interprétation novatrice de ce qu'on appelle l'« argument du langage privé » de Wittgenstein, à savoir les paragraphes 143-246 des Recherches philosophiques (1953). L'ouvrage de Kripke a été très controversé, à la fois en tant qu'interprétation de Wittgenstein, et pour la position qui y est défendue. Kripke lui-même reste réservé dans l'ouvrage sur la question de savoir si l'argument qu'il attribue à Wittgenstein est bien celui de Wittgenstein, et considère que l'argument est intéressant en lui-même. Le Wittgenstein de Kripke, réel ou fictif, est devenu par la suite l'objet de discussions indépendantes de la discussion de Wittgenstein lui-même[3]. Le surnom de "Kripkenstein" a été forgé pour le désigner.

La théorie de la vérité

Dans son article de 1975, « Outline of a Theory of Truth » (Journal of Philosophy 72, p. 690-716), Kripke a montré qu'un langage peut en fait contenir sans contradiction le prédicat de vérité dans ce langage, ce qui est impossible dans la sémantique classique d'Alfred Tarski.

La vérité est en effet ici une propriété définie sur l'ensemble des énoncés grammaticalement bien formés dans le langage. On peut partir de l'ensemble des expressions qui ne contiennent pas le prédicat de vérité et on le définit ensuite sur ce segment : cela ajoute de nouveaux énoncés au langage et la vérité est ensuite définie récursivement sur ce nouvel ensemble. Contrairement à la théorie de Tarski, celle de Kripke permet à la « vérité » d'être l'union de toutes les étapes de la définition. Après une infinité dénombrable d'étapes, le langage atteint un point fixe et la méthode de Kripke n'étend plus le langage. Un tel point fixe peut ensuite être pris comme la forme de base d'un langage naturel qui contient son propre prédicat de vérité.

Mais ce prédicat demeure non défini pour les énoncés qui ne peuvent pas se résoudre en des énoncés plus simples ne contenant pas le prédicat de vérité.

Ainsi « 'La neige est blanche' est vrai » est bien défini, de même que « '« La neige est blanche » est vrai' est vrai », et ainsi de suite, mais « Cet énoncé est vrai » ou « Cet énoncé n'est pas vrai » n'ont pas de conditions de vérité. Ils sont selon Kripke, « non-fondés » (ungrounded : dénués de fondement).

Notes et références

  1. Théorème de complétude forte de Sahlqvist, voir Patrick Blackburn, Maarten de Rijke et Yde Venema, Modal Logic, Cambridge University Press, 2001 [détail de l’édition] , chap. 4 Completeness, théorème 4.42, p. 210.
  2. Kripke, Wittgenstein on Rules and Private Language, Blackwell, Oxford, 1982, trad. fr. de Thierry Marchaisse, Règles et langage privé, Seuil, 1996.
  3. Stewart Cadish, "Private Language", Stanford Encyclopedia of Philosophy, 2003.

Œuvres

  • Naming and Necessity, Harvard University Press, 1980 - parution initiale 1972; trad. fr. de P. Jacob et F. Récanati, La logique des noms propres, Paris, Les éditions de Minuit, coll. « Propositions », 1982.
  • Wittgenstein on Rules and Private Language : an Elementary Exposition, Harvard University Press, Cambridge, Mass., 1982; trad. fr. de Thierry Marchaisse, Règles et langage privé. Introduction au paradoxe de Wittgenstein, Paris, Seuil, 1995.

Littérature secondaire

  • Filipe Drapeau-Contim et Pascal Ludwig, Kripke, référence et modalités, Paris, PUF, 2005.
  • Pascal Engel, Identité et référence. La théorie des noms propres chez Frege et Kripke, Paris, Presses de l’École normale supérieure, 1985 (ISBN 2-7288-0115-0).

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes


Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Saul Kripke de Wikipédia en français (auteurs)

Игры ⚽ Поможем написать курсовую

Regardez d'autres dictionnaires:

  • Saul Kripke — Kripke en 2005. Saul Aaron Kripke (1940, Omaha, Nebraska) es un filósofo y lógico estadounidense. Actualmente es profesor emérito de la Universidad de Princeton. Kripke ha realizado importantes y originales contribuciones en diversos campos… …   Wikipedia Español

  • Saul Kripke — Infobox Philosopher region = Western Philosophy era = 20th century philosophy color = #B0C4DE name = Saul Kripke birth = birth date and age|1940|11|13 death = school tradition = Analytic main interests = Logic (particularly modal) Philosophy of… …   Wikipedia

  • Saul Kripke — Saul Aaron Kripke (* 1940 in Bay Shore, New York) ist ein US amerikanischer Philosoph und Logiker. In den Fachgebieten der Logik und der Sprachphilosophie hatten seine Arbeit großen Einfluss. Er zählt zu den bekanntesten lebenden Philosophen und… …   Deutsch Wikipedia

  • Saul Aaron Kripke — (* 13. November 1940 in Bay Shore, Long Island, New York) ist ein US amerikanischer Philosoph und Logiker. Er schrieb wegweisende Beiträge zur Logik, insbesondere auf dem Feld der Modallogik, und Sprachphilosophie, insbesondere zur Namenstheorie …   Deutsch Wikipedia

  • Saul Aaron Kripke — Saul Kripke Saul Kripke. Saul Aaron Kripke (né en novembre 1940 à Omaha, Nebraska) est un philosophe et logicien américain, professeur émérite de Princeton, et professeur de philosophie à la cité universitaire de la ville de New York (City… …   Wikipédia en Français

  • Kripke semantics — (also known as relational semantics or frame semantics, and often confused with possible world semantics) is a formal semantics for non classical logic systems created in the late 1950s and early 1960s by Saul Kripke. It was first made for modal… …   Wikipedia

  • Saul (given name) — Saul is the given name. It is of Hebrew origin ( Shaul ), meaning ask/question .People with this given name include: * Saul Alinsky, American liberal political activist * Saul Bass, graphic designer whose works include credits to films like… …   Wikipedia

  • Kripke structure — A Kripke structure is a type of nondeterministic finite state machine used in model checking to represent the behaviour of a system. It is basically a graph whose nodes represent the reachable states of the system and whose edges represent state… …   Wikipedia

  • Kripke–Platek set theory — The Kripke–Platek axioms of set theory (KP) (IPAEng|ˈkrɪpki ˈplɑːtɛk) are a system of axioms of axiomatic set theory, developed by Saul Kripke and Richard Platek. The axiom system is written in first order logic; it has an infinite number of… …   Wikipedia

  • Saul A. Kripke — Saul Aaron Kripke (* 1940 in Bay Shore, New York) ist ein US amerikanischer Philosoph und Logiker. In den Fachgebieten der Logik und der Sprachphilosophie hatten seine Arbeit großen Einfluss. Er zählt zu den bekanntesten lebenden Philosophen und… …   Deutsch Wikipedia

Share the article and excerpts

Direct link
Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”