Scythes

Scythes
Tailles comparées de la Scythie et du territoire des Parthes en 100 avant JC.

Les Scythes (/sit/, en grec ancien Σκὐθαι, Skúthai) sont un ensemble de peuples nomades, d'origine indo-européenne, ayant vécu entre le VIIe siècle et le IIIe siècle av. J.‑C. dans les steppes eurasiennes, une vaste zone allant de l'Ukraine à l'Altaï, en passant par le Kazakhstan. Les Perses désignaient ces peuples par le nom de Saka, francisé en Saces. Les sources assyriennes mentionnent les Saces dès 640 avant l'ère chrétienne.

La culture scythe est principalement connue grâce aux récits d'Hérodote. Les écrits d'Hérodote constituent une source d'information très riche, mais ce « coup de projecteur » jeté sur les Scythes d'Ukraine pourrait faire penser que le phénomène scythe était essentiellement européen. Il n'en est rien. Les Scythes ont joué un rôle aussi important en Asie centrale qu'en Europe. Pour les étudier, on dispose aussi des vestiges archéologiques, les nomades scythes ont laissé leurs tombes, ainsi que des « pierres à cerfs », roches gravées de motifs animaliers.

Le consensus scientifique actuel est que les Scythes parlaient une langue indo-iranienne. De nombreux groupes ethniques continuent par ailleurs de se réclamer d'une ascendance scythe.

Sommaire

Archéologie

Feutre provenant d'une tombe de Pazyryk

Durant le IIe millénaire av. J.‑C., la Culture d'Andronovo, du nom d'une nécropole située sur l'Ienisseï, se développe au Kazakhstan et en Sibérie méridionale, allant de l'Oural à l'ouest, au lac Baïkal à l'est, et jusqu'au Syr-Daria au sud. La culture d'Andronovo dispose du char de guerre à deux roues, tiré par deux chevaux, ce qui a sûrement beaucoup contribué à l'expansion de ses porteurs. Ses membres vivaient dans des villages, cultivaient la terre et élevaient des animaux. Ils fabriquaient des armes et des outils en bronze. Au cours des XIIIe et XIIe siècles avant l'ère chrétienne, afin de faciliter la transhumance, les éleveurs construisirent des habitations démontables aux murs en claie, dont le toit comportait une ouverture centrale. Ce fut le prototype de la yourte, utilisée aujourd'hui par tous les nomades de l'Asie centrale.

Pour la plupart des spécialistes, la culture des Scythes est issue de celle d'Andronovo, avec quelques changements importants. Le plus marquant est l'abandon de l'agriculture au profit du nomadisme pastoral au cours du VIIIe siècle av. J.‑C.. Les hommes d'Andronovo étaient de type européen. Entre le VIIe et Ve siècle, les Saces vivant aux alentours de la mer d'Aral étaient aussi de type européen, pour la plupart semblable à celui d'Andronovo, mais on remarque déjà l'apparition d'éléments mongoloïdes. Le même métissage s'est produit au Kazakhstan oriental.

Il y a un stade intermédiaire entre la Culture d'Andronovo et celle des Scythes : la culture dite de Karassouk. Elle est datée du XIIIe au VIIIe siècle avant l'ère chrétienne et s'étendait sur la Sibérie méridionale, à l'ouest de l'Ienisseï, et sur une large partie du Kazakhstan et de la Mongolie. C'est dans le cadre de cette culture, durant sa phase finale, que les mutations se sont produites : le passage au nomadisme, mais aussi l'introduction de la métallurgie du fer. Les selles de chevaux, ainsi qu'un harnachement permettant le développement de la cavalerie montée, font leur apparition. Les hommes de Karassouk ont surtout laissé des tombes. Leurs techniques de construction des sépultures et leur poterie étaient issues de celles d'Andronovo, ainsi que certains de leurs bijoux, comme leurs pendentifs tubulaires ou en forme de palme.

Les tombeaux des Scythes sont des tumulus (appelés kourganes par les Russes) qui peuvent atteindre une taille monumentale. Les tumulus de la culture d'Andronovo vont de six à vingt mètres de diamètre. Les différences de taille réflètent des différences de statut social : les plus grands tumulus sont ceux des rois.

Le kourgane d'Arjan, en Sibérie méridionale, à 700 km à l'ouest de la pointe occidentale du lac Baïkal, est constitué d'un remblai en pierres de 120 mètres de diamètre et de 3 à 4 mètres de haut qui recouvre une structure constituée de 70 cages en rondins rayonnant autour d'un double noyau central. On y a retrouvé les restes de 300 chevaux qui devaient provenir d'un festin funéraire. L'archéologue M.P. Griaznov a estimé que 1500 hommes ont dû travailler durant une semaine pour édifier cette structure. Un homme et une femme vêtus de fourrures richement ornées sont enterrés au centre, dans des sarcophages. Ils sont accompagnés par quinze hommes et par 160 chevaux entièrement harnachés. On y a retrouvé des tapis, les plus anciens du monde, rehaussés d'or et d'argent, ainsi que des armes et des sculptures. Elles fournissent des exemples de l'art animalier caractéristique des Scythes. L'ancienneté du kourgane d'Arjan, daté du VIIIe siècle av. J.‑C., tend à prouver que les Scythes avaient une origine très orientale. Peut-être étaient-ils déjà assez puissants pour constituer un véritable empire : Dans cette région, la Touva, des noms de rivière d'origine iranienne ont été trouvés[réf. nécessaire].

De grands kourganes, de 100 à 200 mètres de diamètre et d'une hauteur atteignant les 17 mètres, parsèment également l'Altaï, ainsi que, plus à l'ouest, le Kazakhstan. Les kourganes de Pazyryk, en Sibérie méridionale, à environ 500 km au sud-ouest du site d'Arjan, sont d'un intérêt exceptionnel. Ils sont datés du VIe au IVe siècle avant l'ère chrétienne. Les plafonds de leurs chambres funéraires s'étant effondrés, elles se sont remplies d'une eau qui a ensuite gelé, permettant une excellente préservation de leur contenu. On y a trouvé des objets en cuir et en bois, des tentures de feutre, des tapis et des coussins rembourrés de poils d'animaux ou d'herbe, qui contribuaient au confort des nomades. Ils dormaient, semble-t-il, sur des tapis, la tête posée sur un oreiller en bois recouvert de cuir. Ils possèdaient des tables basses ou des plateaux. L'une de ces tables avait des pieds démontables. Le seul animal fantastique connu des gens de Pazyryk était le griffon. On le retrouve chez les Scythes d'Europe, ainsi que chez les Perses. Les hommes de Pazyryk étaient de type européen ou mongoloïde, mais l'un de ces derniers, à la pilosité moindre que celle des Européens, était pourvu d'une barbe postiche en crin de cheval, comme s'il valait mieux être barbu pour prétendre au titre de chef.

L'archéologie révèle certaines différences entre Scythes d'Europe et d'Asie. Ainsi, les premiers avaient un bestiaire fantastique beaucoup plus développé que les seconds. Les chaudrons avaient un pied en Europe et trois en Asie. Les Saces avaient de lourds plateaux surelevés en bronze qui servaient peut-être d'autels portatifs.

Collier-plastron découvert en Ukraine, IVe siècle av. J.-C.

Aspect

Les Scythes devaient parfois être blonds selon les témoignages d'Aristote : « Les cheveux blonds et blanchâtres comme ceux des Scythes, dénoncent la stupidité, la méchanceté et la sauvagerie ».

Hippocrate les décrit comme étant porteurs d'une « atonie » rendant difficile le combat au javelot et à l'arc, ce qui expliquerait leur défaite en Inde[1]. Certains auteurs relient cette particularité à l'existence d'un syndrome d'hypermobilité articulaire bénigne[2] responsable d'une hyperlaxité articulaire.

Mythologie

Selon les Yasht, la partie mythologique de l'Avesta, le texte sacré du zoroastrisme, un héros nommé Thraetaona (le Fereydoun du Shâh Nâmâ de Ferdowsi) partagea son royaume entre ses trois fils, Iradj, Salm et Tour. Iradj reçut la Perse, Salm la partie occidentale de son royaume et Tour la partie orientale. Le Yasht XVII (prière à la déesse Ashi, 55-56) parle des « Tours aux chevaux rapides ». Selon les écrivains de l'Antiquité et du Moyen Âge, le Touran s'étendait dans les steppes du nord de la Perse et du Turkestan occidental (domaine des Sogdiens). Ceci permet de les identifier aux Scythes. Le roi Fraransyan du Touran agressa les Perses mais fut vaincu. Cette lutte est relatée dans le Yasht XIX. Si Thraetaona est purement mythique, il n'y a pas de raison de douter de la confrontation entre les Perses et les nomades touraniens. Avec l'arrivée des tribus turques au Turkestan, les Touraniens (et par conséquent les Scythes) furent considérés comme Turcs.

Le nom de Tour vient d'un terme indo-iranien, tura, qui signifie « puissant ». D'après les travaux de François Cornillot, spécialiste du Rig-Veda et de l'Avesta, on le retrouve dans le nom de Targitaos, l'ancêtre des Scythes selon une légende racontée par Hérodote, avec une transformation du u et un a propre aux Scythes septentrionaux : ce nom était auparavant prononcé *Tar-γwitaw, titre provenant lui-même de *Tur-hwatawah « Souverain Puissant ». Hérodote (IV, 5-6) rapporte que Targitaos eut trois fils, Lipoxaïs, Arpoxaïs et Coloxaïs. Sous leur règne, trois objets en or tombèrent du ciel, une charrue et un joug, une hache-sagaris et une coupe. Les deux premiers frères voulurent prendre ces objets, mais ils s'enflammèrent. Ils revinrent à Coloxaïs, qui eut alors le titre de roi. Ces trois objets représentent les trois fonctions reconnues par Georges Dumézil chez tous les peuples indo-européens : la fonction cléricale (le bol), la fonction guerrière (la hache) et la fonction de production (la charrue et le joug). Étant rentré en possession de ces trois objets, Coloxaïs acquit un caractère trifonctionnel, comme tous les rois indo-européens. Par ailleurs, les linguistes considèrent unanimement que le suffixe -xaïs reproduit le nom iranien du roi, qui était xshaya- en avestique.

Les dieux scythes

Hérodote donne une liste de divinités scythes avec leurs équivalents grecs. Pour certaines d'entre elles, il précise leur nom scythe, mais prononcé à la manière grecque :

  • Tabiti, déesse équivalente à Hestia, la déesse grecque du feu et du foyer.
  • Papaios, dieu équivalent à Zeus.
  • Apia, la Terre, épouse de Papaios.
  • Thagimasadas, dieu équivalent à Poséidon.
  • Oitosuros, dieu équivalent à Apollon.
  • Argimpasa, déesse considérée comme « Aphrodite céleste ».
  • un dieu équivalent à Héraclès et un dieu équivalent à Arès, le dieu de la guerre des Grecs.

L'Héraclès scythique devait être très proche de son homologue grec, puisque les Grecs de la mer Noire ont mélangé leurs mythes : ils lui ont attribué le dixième travail de leur propre héros, celui où il vole les bœufs de Géryon (lesquels se transforment en juments dans la suite de leur récit).

L'identification de ces dieux est problématique, mais ce travail a bénéficié de l'avancée des études indoeuropéennes. Les Indoeuropéens mettaient le dieu du feu en tête de leur panthéon, ce qui est le cas ici. Tabiti correspond à une ancienne déesse indienne[réf. nécessaire] dont le nom est lié au sanskrit tapati « brûler ». Georges Dumézil a retrouvé ses traces dans les légendes des Ossètes, peuple iranien du Caucase. Il a également reconnu en l'Arès scythique un héros ossète, Batraz. Ces deux personnages s'identifient notamment tous les deux à une épée.

Dans le nom d'Apia, les spécialistes s'accordent à reconnaître l'iranien āp- « eau ». Selon Hérodote, c'est la Terre, mais l'analyse de la mythologie indo-européenne montre que la Terre était représentée sous la forme d'une montagne « secrétant » une rivière, c'est-à-dire d'une montagne-source. Les Indo-Iraniens ont accentué son aspect humide. Dans les textes grecs, le dieu iranien Mithra est identifié à Apollon, ce qui permet de considérer qu'Oitosuros est Mithra. Ce nom devait être un composé Oito-suros dont le deuxième membre provenait du vieil iranien sūra- « fort ». Dans l'Avesta, ce qualificatif est attribué à Mithra. Quant au terme oito, selon l'analyse de François Cornillot, il était la graphie grecque de *witāw, de *hwatāwah « souverain ». Ainsi, les Scythes surnommaient Mithra le « Souverain Fort ».

Ce même auteur a proposé une autre lecture du nom des Sakā haumavargā : il fait dériver son deuxième membre de hauma warāgan, où le terme warāgan signifie « vainqueur de *Wāra » et aboutit à l'ossète Wœrgon. De la sorte, les Sakā haumavargā sont les « Saces adeptes du culte du Haoma vainqueur de *Wāra ». Pour comprendre la signification de cet ethnonyme, il faut savoir que le Haoma est une plante divinisée et que son ennemi *Wāra, appelé Vritra dans les textes indiens, est un démon qui cherche à faire disparaître le soleil et à obstruer la rivière qui descend de la montagne-source. Comme *Wāra représente la mort, la victoire du Haoma (plante d'immortalité) est celle de la vie sur la mort.

Les Sogdiens, fondateurs de la cité de Samarcande, étaient peut-être d'anciens Sakā haumavargā, car le nom de cette cité pourrait s'expliquer[réf. nécessaire] comme Saka-Haumawarga-kantha « ville des Saces Haumawarga » → *Sai-Maragkanda → *Sā-maragkanda (la transformation de saka en sai est un phénomène attesté ailleurs).

Enfin, le hauma-wāragan est aussi connu sous le nom de xwarnah (ou khvarnah). C'est une entité multiforme, lumineuse, assimilée à un feu mais qui séjourne sous les eaux. Selon un texte iranien, le Bundahishn, il est gardé par la déesse Aredvi Sūrā Anāhitā. Celle-ci est donc la xwarnah-pāthrā, « [déesse] assurant la garde du hauma-wāragan » (ou th se prononce comme en anglais). En inversant les termes hauma et wāragan, puis par transformations successives, on obtient : wārag[an]-hauma-pāthrā → *wārgumpāsā → * argempāsā. On reconnaît le nom de la déesse Argimpasa.

Les peuples scythiques et l'histoire

En Europe

Guerriers scythes représentés sur un vase de Koul'-Oba (Ukraine, Crimée)

Selon Hérodote (IV, 11-12), les Scythes habitaient originellement de l'autre côté de l'Araxe. Ce fleuve serait la Volga. Ils délogèrent les Cimmériens, peuple qui a laissé son nom à la Crimée, du nord de la mer Noire, les forçant à se diriger vers l'Anatolie et l'Europe centrale. Les ayant poursuivis, les Scythes atteignirent l'Assyrie, où ils s'allièrent au roi Assurbanipal contre les Mèdes (-669 à -626). Les textes assyriens ont donné les noms de deux chefs scythes : Iskpakāy et Partatûa. Changeant ensuite d'alliance, les Scythes contribuèrent à la chute des Assyriens, puis ils pillèrent la Mésopotamie et la Palestine pendant 28 ans. Ils retournèrent ensuite chez eux, mais durent affronter (selon Hérodote) les enfants de leurs femmes et d'esclaves avec lesquels elles avaient couché. L'archéologie montre que les Scythes se sont établis en Ukraine au début du VIe siècle avant l'ère chrétienne.

Toujours selon Hérodote, les Scythes repoussèrent en 513 av. J.-C. les Perses de Darius. A cette époque, les Grecs fondaient des colonies au nord de la mer Noire, ce qui les mettait en contact direct avec les Scythes. Leurs relations commerciales et artistiques furent très intenses. Au IVe siècle, un roi des Scythes, Ateas, effectua une tentative d'expansion vers l'ouest qui fut peut-être liée à une pression exercée à l'est par les Sauromates, un autre peuple du Kazakhstan occidental. En 339 av. J.-C., à l'âge de 90 ans, il fut tué par les Macédoniens lors d'une bataille sur le Danube. Au IIIe siècle, les Sarmates repoussèrent les Scythes en Crimée. Sédentarisés, ils constituèrent une ethnie distincte jusqu'au IIIe siècle de l'ère chrétienne.

En Asie

Des inscriptions de Darius, à Naqsh-e Rostam, mentionnent trois confédérations tribales saces : les Sakā Haumavargā, dans la vallée du Ferghana, à l'est de l'Ouzbékistan, les Sakā Tigraxaudā, entre le Syr-Daria et le lac Balkash, au Kazakhstan oriental et les Sakā tayaiy paradraya, qui vivaient en Europe (identifiables aux Scythes des auteurs grecs).

Selon Jacques Duchesne-Guillemin, les premiers sont littéralement les « Saces adorateurs du haoma », le haoma étant la plante d'immortalité des Iraniens (cf. Zoroastrisme). Ils se sont sédentarisés tandis que les deux autres confédérations restaient nomades. Un peuple sace a fondé au IIe siècle av. J.‑C. le royaume de Khotan, au sud-ouest du bassin du Tarim. Il a laissé de nombreux documents écrits, les seuls qui permettent de bien connaître une langue sace. Ces documents ne remontent pas plus loin que le VIIe siècle de l'ère chrétienne, mais le vocabulaire des Tokhariens, leurs voisins orientaux, comprend des mots qui ont dû être empruntés aux Khotanais depuis le début de l'ère chrétienne. En vérité, tout l'ouest du bassin du Tarim était sace, en particulier l'oasis de Kashgar. L'archéologie indique que les Saces étaient présents dans cette région depuis le début du Ier millénaire av. J.‑C..

Au IIe siècle av. J.‑C., des Yuezhi, un peuple originaire de la province actuellement chinoise du Gansu, sont contraints d'émigrer vers l'ouest. Ils poussent devant eux des Saces, qui arrivent en Bactriane, au nord de l'Afghanistan. Les Yuezhi les y ayant rejoints, ils doivent de se déplacer plus au sud, au Cachemire puis au sud de l'Afghanistan, où ils donneront leur nom à la province du Séistan ou Sistan : ce nom était autrefois prononcé *Sakastan « Pays des Saces ». De là, ils se dirigent vers la vallée de l'Indus. Leur roi, appelé Maues dans les inscriptions en langue grecque et Moga ou Moa dans les inscriptions en prakrit, y fonde une dynastie au début du Ier siècle av. J.‑C.. Ses successeurs deviennent des rois indiens mais conservent leur culture iranienne. Ils ont laissé du vocabulaire qui s'interprète principalement grâce au khotanais. Par exemple, le terme maja « ravissant » correspond au khotanais māja « ravissant ». Le nom de Maues s'explique sans doute par le khotanais mauya ou muyi, qui signifie « tigre ».

Ces Saces étaient appelés Sakaraukai par les Grecs et Sai-wang par les Chinois. Il y a une étonnante correspondance, puisque wang signifie « roi » et que raukai s'interprète par le khotanais rūkya-, prononcé *raukya- à un stade antérieur, qui signifie « commandant, chef ». Le terme Sai, prononcé *Sek durant l'Antiquité, est la désignation chinoise des Saces. Ainsi, ces gens étaient les « Saces-Rois ». Ils évoquent les « Scythes royaux » dont parle Hérodote.

Les Yuezhi appartenaient-ils eux-mêmes au monde iranien ? Il y a de très sérieuses raisons[réf. nécessaire] de penser qu'ils étaient plutôt tokhariens. On a également vu en les Wusun, autre peuple nomade mentionné par les Chinois, qui vivaient dans les montagnes de l'actuel Kirghizistan, des Iraniens. Pourtant, on trouve chez eux le mythe d'un roi bébé nourri par une louve, qui est inconnu du monde iranien et qui serait plus probablement tokharien. Les Saces se heurtaient donc, à l'est de leur domaine, aux Tokhariens.

On peut encore mentionner les Massagètes, peuple nomadisant entre la mer d'Aral et la mer Caspienne. Ils devaient être apparentés aux Saces, puisque les anciens les ont parfois confondus. Le fondateur de l'empire perse, Cyrus II, s'est battu contre les Massagètes selon Hérodote et contre les Saces selon Strabon. Leur culte du Soleil, mentionné par Hérodote, semble tout à fait iranien. En vérité, sur ces immenses territoires, il devait y avoir une nébuleuse de peuples apparentés, mais qui se donnaient des noms divers et dont les cultures variaient localement.

Culture

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Les Scythes étaient des guerriers qui espéraient être tués au combat[réf. nécessaire], mais non sans avoir, auparavant, tué autant d'ennemis que possible. Mourir de vieillesse était pour eux une suprême honte[réf. nécessaire], ce qui explique qu'un roi comme Atéas ait guerroyé jusqu'à 90 ans. Ce comportement sera conservé par les nomades de l'Asie centrale, jusqu'aux Turcs et aux Mongols. L'arme principale des Scythes était l'arc. Il était composite, c'est-à-dire formé de plusieurs matériaux, ce qui lui donnait une souplesse et une résistance supérieures à celles des arcs en bois. Les Scythes utilisaient également la lance et l'épée, notamment du type akinakès (akināka- en sogdien).

Les Grecs ont donné le nom d'un philosophe scythe, Anacharsis. Les récents travaux montrent que les Scythes baignaient dans une atmosphère religieuse. Pourtant, ils n'avaient pas de classe de prêtres, contrairement à leurs cousins perses (les mages) ou indiens (les brahmanes). Hérodote (IV, 67) mentionne des devins qui manipulaient des faisceaux de baguettes de saule et d'autres, les Enarées « hommes-femmes » (d'un composé iranien *a-narya « non-mâle »), qui se servaient de morceaux d'écorce de tilleul. Ces personnages n'avaient rien de sacré. Quand un roi tombait malade, ils pensaient généralement que quelqu'un avait juré un faux serment sur le feu royal. Si l'on arrivait à prouver qu'ils avaient faussement accusé cette personne, on les brûlait vifs. Ceci montre par ailleurs que le roi était consubstantiel au feu. Ce que les Scythes avaient de plus sacré était sûrement leurs sépultures : ils les construisaient aussi loin que possible de leurs ennemis et étaient prêts à mourir pour les défendre[réf. nécessaire].

Les Scythes sont connus pour leur art animalier. Il s'agit d'un trait de culture original : les hommes d'Andronovo ne décoraient leurs céramiques qu'avec des motifs géométriques abstraits. Les Scythes couvraient leurs objets de représentations de cerfs, de félins ou de rapaces. Le loup était présent surtout en Sibérie méridionale. Les animaux domestiques brillaient par leur absence. Nous avons mentionné plus haut le griffon, commun à tous les Iraniens. Il y a des représentations très réalistes de combats d'animaux. On ignore ce qu'elles signifiaient.

Un peuple originaire de l'Asie centrale (sans doute de l'actuelle Chine de l'Ouest) a migré vers le Yunnan durant la haute Antiquité. Il s'agissait de bons métallurgistes, qui ignoraient cependant l'usage du fer. Ceci montre qu'ils ont quitté l'Asie centrale avant l'apparition du fer dans cette région, donc avant le VIIIe siècle av. J.‑C., or ils avaient un art animalier ressemblant étonnamment à celui des Scythes. Ils étaient cependant plus probablement tokhariens qu'Iraniens. Ainsi, l'art animalier n'aurait pas été purement scythe et aurait été antérieur aux premiers Scythes connus.

Galerie

Les pierres à cerfs

Une manifestation archaïque de cet art se trouve sur les « pierres à cerfs ». Elles ont une répartition très orientale : on les trouve à l'est du lac Baïkal et surtout en Mongolie. Plus à l'ouest, dans la Touva, elles sont placées près des sépultures. Le kourgane d'Arjan contient un fragment de pierre à cerfs. Il y en a aussi, mais en faible nombre, au Kazakhstan, jusqu'au sud de l'Oural. Il s'agit de stèles ou de pierres dressées représentant de manière très schématique un homme en armes. Leurs visages sont remplacés par deux ou trois traits obliques. On reconnaît un collier de perles et une ceinture où sont accrochés des objets (poignard, pic, arc, hache de combat, couteau et pierre à aiguiser) qui semblent provenir de la culture de Karassouk. De plus, mais seulement sur les pierres sibériennes ou mongoles, des animaux très stylisés sont gravés, surtout des cerfs. On trouve aussi des représentations de bouquetins, de sangliers, de chevaux ou de félins. La stylisation est comparable à celle de l'art animalier. En Mongolie orientale, dans l'Altaï et la Touva, ces pierres apparaissent dès le IXe ou le VIIIe siècle avant l'ère chrétienne.

Les Chinois connaissaient un peuple appelé les Rong-Chiens, qui vivait dans l'actuel Xinjiang. Au cours du IXe siècle av. J.‑C., le roi Mu de la dynastie Zhou les a attaqués et a capturé des hommes (des guerriers?) qui étaient assimilés à des loups et des cerfs blancs. Les pierres à cerfs établissent précisément une correspondance entre cerfs et guerriers. Cependant, tout ce que l'on sait des Rong-Chiens permet de les identifier, non pas comme des Iraniens, mais comme des Tokhariens.

Certains archéologues russes attribuent une signification funéraire aux pierres à cerfs. L'observation faite ci-dessus conforte cette hypothèse, les guerriers tokhariens ayant été assimilés à des fantômes. Les traits obliques figurant le visage étaient réellement dessinés sur des crânes. Ils pourraient être liés aux trois traits que les chamans mongols de la Touva dessinaient sur le sol à la fin des cérémonies funèbres et auraient donc une origine non indo-européenne. On voit toute la complexité du problème de l'origine des pierres à cerfs et de l'art animalier, ainsi que de toute la culture scythe. Nous sommes condamnés à ne presque rien savoir de l'histoire de ces peuples, qui s'est jouée « aux confins du monde connu ».

De nos jours

Le nationalisme romantique: Bataille entre Scythes et Slaves (Viktor Vasnetsov, 1881).

Plusieurs groupes ethniques se sont réclamés d'une ascendance scythe, moyen commode d'établir une connexion prestigieuse entre identité nationale et Antiquité classique.(Les traditions des peuples turcophones Kazakhs et Yakoutes (dont l'endonyme est Sakha), ainsi que celles des Pachtounes d'Afghanistan les connecte également au Scythes. Plusieurs légendes pictes, gaëliques, hongroises, serbes et croates (entre autres) mentionnent également des origines scythes. La déclaration d'Arbroath de 1320 revendique la Scythie comme ancienne patrie des Écossais.

Les Scythes sont également intégrés dans des récits post-médiévaux sur l'origine supposée des Celtes. L'historien britannique Sharon Turner les décrit, dans son Histoire des Anglo-Saxons, comme ayant investi l'Europe autour du VIe siècle av. J.-C. et, se basant sur plusieurs sources anciennes, ils les identifie aux ancêtres des Anglo-Saxons.

Aux XVIIe siècle et XVIIIe siècle, il est commun de considérer les Russes comme descendant des Scythes (mais nous savons désormais que les Russes descendent des Slaves et non pas des Scythes), appellation conventionnellement utilisée dans la poésie du XVIIIe siècle: Alexander Blok l'évoque de manière sarcastique dans son dernier grand poème Les Scythes (1920). Le révisionnisme romantique du XIXe siècle en Occident transforme les "barbares" Scythes de la littérature en ancêtres libres et démocratiques des Indo-Européens blonds, tandis que des écrivains nationalistes romantiques ont vu la présence de Scythes dans la formation de l'Empire mède et de l'Aghbanie, précurseur de l'Azerbaïdjan moderne. De nos jours, la revendication d'origines scythes joue encore un rôle important dans les théories panturque et sarmatiste.

Bibliographie

  • Frédéric Guillaume Bergmann, « Les Scythes, les ancêtres des peuples germaniques et slaves », 1860
  • Iaroslav Lebedynsky, Les Scythes. La civilisation nomade des steppes, VIIe-IIIe av. J.-C., Errance, Paris, 2003.
  • (en) History of Civilizations of Central Asia, Volume II, The development of sedentary and nomadic civilizations: 700 B.C. to A.D. 250, UNESCO Publishing, Paris, 1996.
  • François Cornillot, « L'aube scythique du monde slave», Slovo n° 14, 1994, pp. 77-259, « Le feu des Scythes et le prince des Slaves », Slovo n° 20/21, 1998, pp. 27-127, Paris, Centre d'Études Russes, Eurasiennes et Sibériennes.
  • Tamara Talbot Rice, Les Scythes, Coll. Mondes anciens, 1, Paris, Arthaud, 1958, 253p.
  • Véronique Schiltz, Les scythes et les nomades des steppes, Gallimard ("L'Univers des Formes"), 1994.

Les Scythe dans la littérature

Notes et références

Voir aussi

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Articles connexes

Liens externes


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